B. L'ARMÉE DE TERRE DANS LA PROGRAMMATION 1997-2002

L'armée de terre occupe dans la programmation 1997-2002 une situation spécifique, du fait que c'est sur son titre III que reposent les plus fortes contraintes par rapport aux crédits de fonctionnement des autres armées .

Quant aux crédits d'équipement des forces terrestres, ils seront caractérisés par un ajustement quantitatif très lourd, parallèle à une réduction de format très importante, joint à des modifications qualitatives substantielles liées à la contrainte budgétaire.

1. Un équipement réduit

La loi de programmation 1997-2002 met l'accent sur les matériels destinés à améliorer les capacités de projection de l'Armée de terre, à augmenter sa puissance de feu, à développer les systèmes d'information et d'acquisition du renseignement.

Pendant la période 1997-2002, la dotation d'équipement des forces terrestres représentera 21,9 % du total des crédits d'équipement programmés (27,13 % pour les services communs ; 24,98 % pour la Marine ; 23,39 % pour l'armée de l'Air et 2,57 % pour la gendarmerie).

Entre 1997 et 2002, les crédits d'équipement de l'Armée de terre représenteront 114,9 milliards de francs 1995 d'autorisations de programme et 113,1 milliards de francs 1995 de crédits de paiement.

a) Modifications quantitatives et qualitatives des objectifs d'équipement liées à la contrainte budgétaire

La loi de programmation tire les conséquences à la fois de la contrainte budgétaire et du resserrement du format des forces terrestres (dont les effectifs seront réduits de 36 % entre 1997 et 2002) en réduisant substantiellement le nombre de matériels en ligne , stabilisé ensuite aux niveaux atteints en 2002, comme le montre le tableau ci-après :

Evolution de l'équipement de l'Armée de terre

1996

2002 (matériels en ligne)

Modèle 2015

927 chars lourds

420 chars lourds

420 chars lourds

350 chars légers

350 chars légers (dont 120 reconstruits)

350 chars légers

800 VTT (véhicules de transport de troupes)

500 VTT

500 VBCI

2 000 VAB

1 235 VAB

1 235 VAB reconstruits

302 canons

208 canons

208 canons

48 LRM

48 LRM

48 LRM

340 hélicoptères

168 hélicoptères

168 hélicoptères

480 systèmes sol-air

380 systèmes sol-air

380 systèmes sol-air

Les ajustements quantitatifs concernent donc les chars lourds (927 en 1996, 420 en 2002), les véhicules de transport de troupes (800 en 1996, 500 en 2002), les véhicules de l'avant blindé (2 000 en 1996, 1 235 en 2002), les hélicoptères (340 en 1996, 168 en 2002), et les missiles sol-air (480 en 1996, 380 en 2002). La contrainte budgétaire s'est également traduite par l'annulation de l'aérodyne léger télépiloté (Brevel).

. C'est ainsi que la cadence de livraisons annuelles du char Leclerc passera de 44 à 33 livraisons par an pendant la programmation, la cible à l'échéance de 2002 étant de 307 Leclerc (406 en 2015), à comparer à la cible antérieure de 650 chars.

. La cible relative au missile antichar à courte portée Eryx (ACCP ERYX) est réduite quant à elle de 40 % par rapport aux objectifs envisagés lors du lancement de la production : 200 postes de tir et 6 400 missiles seront ainsi livrés pendant la programmation.

. Les modifications qualitatives concernent le LRM phase 3 , remplacé par une roquette de nouvelle génération au coût moins élevé, d'une portée de 60 km, ainsi que le programme de véhicule blindé modulaire (VBM) , qui devient véhicule blindé de combat d'infanterie (VBCI).

. Programme conduit en coopération avec l'Allemagne, le VBCI reprend les caractéristiques du VBM en version transport de troupes : véhicule blindé à roues, armé d'une tourelle monoplace à canon de moyen calibre, il pourra transporter un groupe de combat équipé. La cible pour la France serait de 600 unités, la première commande de série étant prévue pour 2002.

Le lancement du programme VBCI traduit donc également d'importantes réductions de cibles par rapport au véhicule blindé modulaire, puisque les 600 VBCI se substitueront aux 2 000 VBM (dont 1 700 en version transport de troupes) prévus avant la loi de programmation 1997-2002.

. Quant à l'hélicoptère Tigre , la livraison de la version antichar est reportée à 2011 , tandis que la contrainte budgétaire a conduit à l' abandon de certaines spécifications de la version appui-protection (détecteur d'alerte et de veille, détecteur d'obstacles, système de pilotage de nuit, conduite de tir air-air de deuxième génération). Notons que ces modifications qualitatives s'ajoutent aux quelque deux années de report de cible par rapport aux objectifs envisagés dans le cadre de la programmation 1995-2000, les premières livraisons françaises étant désormais prévues pour 2002.

. La même remarque vaut pour l' hélicoptère de transport NH 90 , qui accuse un retard de deux ans , et dont la révision de capacités a permis de réduire le coût de quelque 30 %.

. Votre rapporteur regrette que la contrainte budgétaire, par ailleurs imparable, puisse éventuellement se traduire par des sacrifices en termes d'aéromobilité, domaine dans lequel la France a acquis un savoir-faire exceptionnel, qui trouve tout son intérêt dans le contexte de la projection.

b) Conséquences sur les industries d'armement terrestre

Les diverses dérives d'échéanciers précédemment évoquées par votre rapporteur ne sont pas sans conséquences sur la situation des industries d'armement terrestre. La réduction de commandes de l'Etat, conjuguée à la contraction du marché mondial de l'armement depuis le début des années 1990, s'est traduite par une profonde restructuration de ce secteur, dont les effectifs sont passés de 45 000 à 30 000 entre 1990 et 1994. La loi de programmation amplifiera cette tendance, en procédant notamment au recentrage et à la réorganisation de Giat-industries autour de ses métiers principaux (blindés, armes et munitions), tout en favorisant le retour à la viabilité de l'entreprise.

Par ailleurs, face à une concurrence américaine désormais exacerbée, les industries d'armement terrestre n'échapperont pas à une adaptation qui passe aujourd'hui par l'Europe. Parmi les perspectives envisageable est le plus souvent évoquée la pratique des accords capitalistiques inspirés des méthodes des industriels américains, et encore trop peu développés entre sociétés européennes. Cette évolution indispensable est toutefois entravée par de nombreux handicaps 7 ( * ) :

- surcapacité industrielle (on compte en Europe trois maîtres d'oeuvre dans le domaine des hélicoptères, huit dans celui des missiles, quatre dans celui des chars ...),

- dispersion des sites de production : on compte trois fois plus de sites industriels en Europe qu'aux Etats-Unis, pour un effort de défense deux fois inférieur,

- fragmentation de l'industrie européenne : le chiffre d'affaires de dix plus grandes entreprises européennes d'armement terrestre est de deux fois inférieur environ à celui des dix plus grandes entreprises américaines,

- cloisonnement des marchés : les marchés de matériels d'armement terrestre restent nationaux, en l'absence d'un grand marché intérieur européen.

* 7 Voir Pierre Poquin, L'adaptation de l'industrie française de défense à la situation mondiale, Défense Nationale, juin 1996.

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