Avis n° 91 (1996-1997) de M. François BLAIZOT , fait au nom de la commission des lois, déposé le 29 novembre 1996

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N° 91

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1996-1997

Annexe au procès-verbal de la séance du 21 novembre 1996.

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi de finances pour 1997, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

TOME VII

DÉPARTEMENTS D'OUTRE-MER

Par M. François BLAIZOT,

Sénateur.

1 Cette commission est composée de : MM. Jacques Larché, président ; René-Georges Laurin, Germain Authié, Pierre Fauchon, François Giacobbi, Charles Jolibois, Robert Pages, vice-présidents ; Michel Rufin, Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest, Paul Masson, secrétaires ; Guy Allouche, Jean-Paul Amoudry, Robert Badinter, José Balarello, François Blaizot, André Bohl, Christian Bonnet, Mme Nicole Borvo, MM. Philippe de Bourgoing, Charles Ceccaldi-Raynaud, Raymond Courrière, Jean-Patrick Courtois, Charles de Cuttoli, Luc Dejoie, Jean-Paul Delevoye, Christian Demuynck, Michel Dreyfus-Schmidt, Patrice Gélard, Jean-Marie Girault, Paul Girod, Daniel Hoeffel, Lucien Lanier, Guy Lèguevaques, Daniel Millaud, Georges Othily, Jean-Claude Peyronnet, Bernard Piras, Claude Pradille, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Jean-Pierre Schosteck, Alex Türk, Maurice Ulrich.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (l0ème législ.) : 2993, 3030 à 3035 et TA. 590 .

Sénat : 85 et 86 (annexe n° 32 ) (1996-1997).

Lois de finances.

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION

Réunie le mercredi 27 novembre 1996 sous la présidence de M. Pierre Fauchon, vice-président, la commission des Lois a examiné, sur le rapport de M. François Blaizot, les crédits du projet de loi de finances pour 1997 consacrés aux départements d'outre-mer, à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon.

Outre la synthèse des crédits consacrés à ces six collectivités territoriales par les ministères de l'outre-mer, de l'intérieur, de la décentralisation et de la justice, la commission des Lois a concentré ses observations sur le bilan du cinquantenaire de la départementalisation, la nécessité de poursuivre les efforts en matière de sécurité et de justice et l'actualité de la situation de l'immigration, particulièrement en Guyane.

La commission des Lois a émis un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés par ces trois ministères aux départements d'outre-mer, à Mayotte et à Saint-Pierre et Miquelon.

Mesdames, Messieurs,

L'examen, par la commission des Lois du Sénat, des crédits consacrés par le projet de loi de finances pour 1997 aux départements d'outremer, à Mayotte et à Saint-Pierre et Miquelon est, comme chaque année, l'occasion de transcender les catégories budgétaires habituelles.

Au-delà du ministère de l'outre-mer dont la dotation représentera, en 1997, 10,6 % des crédits consacrés par l'ensemble des ministères à ces six collectivités locales, le présent avis analyse également les effets prévisibles des contributions des ministères de l'intérieur, de la décentralisation (22,9 % de l'ensemble) et de la justice (1,7 % de l'ensemble).

Ces parts, stables pour le premier, en légère baisse pour les autres, traduisent notamment la poursuite de l'effort de modernisation et d'adaptation des administrations de l'État outre-mer, tant par la construction de bâtiments (sous-préfecture à Saint-Pierre-et-Miquelon, établissements pénitentiaires dans les DOM, centres de rétention à Mayotte et en Guyane, siège des juridictions en Martinique) que par le redéploiement ou le renforcement des effectifs (personnel pénitentiaire, magistrats, expériences de réorganisation des services de préfecture).

Ces moyens seront examinés par le présent avis au travers de trois thèmes principaux : le cinquantenaire de la départementalisation, la poursuite du rattrapage en matière de sécurité et de justice, la situation toujours tendue en matière d'immigration.

Il en ressort, à la lumière des événements récents, une inquiétude sur le niveau des moyens affectés à la Guyane où la présence juridictionnelle est peu développée et les effectifs de police sont stables en dépit d'un taux de criminalité qui reste le plus élevé en France (231,41 %o dont 58 % d'infractions à la police des étrangers).

I. UN BUDGET CARACTÉRISÉ PAR LA STABILITÉ DES CRÉDITS DE PAIEMENT ET LA BAISSE DES AUTORISATIONS DE PROGRAMME

La continuité de l'analyse avec les années précédentes n'est pas facilitée par la nouvelle présentation des documents budgétaires « bleus » et « jaunes » même si ceux-ci paraissent au premier abord plus lisibles. Les tableaux suivants retracent néanmoins l'évolution 1996-1997.

Crédits destinés aux départements d'outre-mer,
à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon

Crédits 1996

Part 1996

Crédits 1997

Part 1997

Variation 96/97

Ensemble des ministères

35 576 891

100 %

35 582 541

100 %

+ 0,02 %

Ministère de l'outre-mer

3 753 909

10,6 %

3 775 585

10,6 %

+ 0,58 %

Intérieur et décentralisation

8 305 311

23,3 %

8 146 153

22,9 %

-1,92 %

Justice

741 190

2,1 %

600 578

1,7 %

-18,97 %

Tableau réalisé à partir des données du « jaune budgétaire » ; en milliers de francs

Autorisations de programme destinées aux départements d'outre-mer,
à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon

Crédits 1996

Part 1996

Crédits 1997

Part 1997

Variation 96/97

Ensemble des ministères

3 750 652

100,0 %

3 468 744

100,0 %

- 7,52 %

Ministère de l'outre-mer

1 570 680

41,9 %

1 409 820

40,6 %

- 10,24 %

Intérieur et décentralisation

873 184

23,3

850 287

24,5 %

- 2,62 %

Justice

59 695

1,6 %

188 700

5,4 %

+216,11 %

Tableau réalisé partir des donnés du « jaune budgétaire » ; en milliers de francs

1. La part de la dotation du ministère de l'outre-mer est confirmée

Après la hausse très spectaculaire des crédits du ministère de l'outre-mer affectés aux DOM, à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon en 1996 dont le triplement résultait des transferts en matière de logement (création de la ligne budgétaire unique, L.B.U.) et d'emploi (créance de la proratisation du RMI), l'année 1997 tranche par :

- la stabilité des crédits de paiement (+ 0,02 % pour l'ensemble des ministères ; + 0,58 % pour le ministère de l'outre-mer) ;

- la baisse des autorisations de programme (- 7,52 % pour l'ensemble des ministères ; - 10,24 % pour le ministère de l'outre-mer).

Ces évolutions parallèles se traduisent par la stabilité en 1997 de la part gérée par le ministère de l'outre-mer (10,6 % ) après son triplement en 1996.

Toutefois, cette stabilité recouvre une baisse significative des subventions aux collectivités locales d'outre-mer (- 16,2 % en crédits de paiements et - 85 % en autorisations de programme) due à la suppression à partir de 1997 de la section décentralisée du FIDOM. 33,3 millions de francs seulement sont prévus en crédits de paiement pour couvrir les opérations déjà engagées, dont le retard de paiement est pourtant estimé à 800 millions de francs par les ministères de l'outre-mer et de l'économie et des finances. Cette disparition du FIDOM sections régionales et départementales achève l'évolution engagée depuis plusieurs années vers une intervention plus grande de l'État dans la gestion de ces fonds. Les crédits ainsi dégagés permettent notamment d'abonder la montée en puissance du FEDOM (Fonds pour l'emploi des DOM). À l'avenir, ils pourraient financer la politique d'aménagement du territoire issue de l'adoption d'un projet de loi à venir sur l'extension adaptée de la loi « Pasqua » lequel pourrait inclure une reconnaissance législative de l'ultrapériphéricité, des zones de développement prioritaire et un volet relatif à l'exportation.

2. Les contributions des ministères de l'intérieur et de la justice sont en revanche contrastées.

La baisse des crédits et des autorisations de programme consacrés par les ministères de l'intérieur et de la décentralisation (- 1,92 %) à ces collectivités locales se traduit par une baisse corrélative de leur part dans l'ensemble, laquelle passe de 23,3 % à 22,9 %.

Seul Saint-Pierre-et-Miquelon bénéficie d'une amélioration substantielle avec une croissance de 10 % des crédits de paiement et de 91,8 % des autorisations de programme due à la construction d'une nouvelle sous-préfecture.

Le budget consacré par le ministère de la justice aux DOM, à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon est contrasté : baisse importante des crédits de paiement (-18,97 %) et triplement des autorisations de programme (+ 216 % ). Toutefois, la contribution de ce ministère dont bénéficient les DOM et les deux collectivités territoriales à statut particulier représente 1,7 % de l'ensemble de l'effort budgétaire de l'État en leur faveur alors que l'ensemble du budget de la justice ne pèse que 1,54 % du budget total de l'État.

En outre, la répartition entre les différentes collectivités évolue notablement puisqu'aucune autorisation de programme n'est prévue pour la Guadeloupe, Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon alors que celles de la Martinique croissent de 540 % et celles de la Guyane de 17,9 %.

Ceci traduit l'achèvement de la construction de trois nouveaux établissements pénitentiaires en Martinique (Ducos entré en service en août 1996) Guadeloupe (Baie-Mahault entré en service en septembre 1996) et en Guyane (Rémiré-Montjoli prévu en septembre 1997). L'ensemble de ces mises en service fait passer la capacité pénitentiaire de ces trois départements de 548 à 1 311 places.

La Martinique doit bénéficier de la construction d'un nouveau Palais de justice à Fort-de-France (coût estimé à 200 millions de francs) et de la reconstruction d'ici à 1999 du tribunal d'instance du Lamentin (coût estimé à 15 millions de francs).

On peut en revanche s'étonner de la baisse des crédits et autorisations de programme affectés à la Réunion alors qu'est prévue la restructuration en centre de détention pour les condamnés de la Réunion et de Mayotte de l'ancien centre agricole de la Plaine des Galets.

3. Les effectifs présents sur place

Le tableau suivant retrace l'évolution des effectifs affectés à ces collectivités d'outre-mer.

Évolution des effectifs

1996

1997

Variation 96/97

Ensemble des ministères

64 356

64 663

+ 0,48 %

Ministère de l'outre-mer

4818

4 820

+ 0,04 %

Intérieur et décentralisation

2 243

2 243

0 %

Justice

1 748

1 876

+ 7,32 %

Tableau réalisé à partir des données du « jaune budgétaire »

On constate la stabilité globale de ces effectifs sauf pour le Ministère de la justice pour lequel l'augmentation correspond à la mise en service de l'établissement pénitentiaire de Rémiré-Montjoli (Guyane) en septembre 1997.

Pour le ministère de l'Intérieur, la stabilité globale reflète une stabilité collectivité par collectivité.

En revanche pour le ministère de l'outre-mer, ses services sont renforcés en Guyane (comme ceux du ministère de la Défense) et presque étals dans les autres collectivités sauf en Martinique.

II. LE CINQUANTENAIRE DE LA DÉPARTEMENTALISATION

À l'occasion du cinquantième anniversaire de la loi du 19 mars 1946 qui érigea en département les « quatre vieilles » colonies (Guadeloupe, Martinique, Guyane, La Réunion), la commission des Lois dresse un bilan globalement positif de cette évolution historique.

A. UNE LENTE RECONQUÊTE

Dès la période révolutionnaire, marquée par de nombreuses hésitations sur le statut des colonies qui voulaient conserver un régime dérogatoire favorable au commerce et permettant d'éluder la question de l'esclavage, un décret fut intégré à la Constitution de l'an III (22 août 1795) faisant accéder ces territoires au statut de département.

Le Consulat y mettra fin et Napoléon rétablira en 1802 l'esclavage aboli une première fois par la convention le 4 février 1794.

Sous l'Empire, le « grand juge », qui administre chaque colonie avec le capitaine général et le préfet colonial, édicté les règlements qui établissent le régime juridique applicable. Ses instructions sont de préférer « les lois qu'il croira les plus propres à former à l'avenir le code civil et le code criminel de la colonie ».

Ainsi le code civil adapté entre-t-il en vigueur si bien qu'il demeure pratiquement inchangé aujourd'hui encore à Saint-Domingue qui, à la même époque, accède à l'indépendance.

La Restauration met en place en 1825 à la Réunion et en 1827 aux Antilles et en Guyane, les gouverneurs qui perdureront jusqu'à la départementalisation de 1946. Leur pouvoir militaire et civil inclut le législatif et l'exécutif. Pour leurs fonctions civiles, ils sont assistés d'un conseil privé proche des conseils de préfecture de la métropole et d'un conseil général (brièvement dénommé « conseil colonial » de 1833 à 1848, supprimé à cette date, puis rétabli en conseil général en 1854). Il se réunit au moins une fois par an pour voter le budget et nomme les délégués auprès du Gouvernement jusqu'en 1848. À cette date, l'abolition de l'esclavage à l'initiative de Schoelcher s'accompagne de l'instauration du suffrage universel et de la participation immédiate à l'élection de députés.

Le Second Empire fait disparaître le suffrage universel et rétablit les délégués à un comité consultatif des colonies placé auprès du Gouverneur.

D'autre part, l'organisation institutionnelle des colonies devient une compétence du Sénat. Deux sénatus-consulte (1854 et 1866) confirment les communes dont les conseils municipaux sont toutefois nommés par le Gouverneur et participent, pour moitié avec lui, à la désignation des conseils généraux. Ceux-ci ont des attributions fiscales et douanières mais le Gouverneur exerce une forte tutelle.

Le suffrage universel revient dès 1870 ; les colonies élisent leurs représentants à l'Assemblée nationale puis dans les deux assemblées à la naissance de la IIIème République.

Les lois de 1882 et 1884 appliquent le régime municipal et départemental mais le conseil général conserve les pouvoirs du sénatus consulte de 1866, supérieurs à ceux de la métropole (surtout faculté de voter un tarif douanier sur les produits en provenance de l'étranger ; en 1892, la loi d'assimilation douanière met fin à cette autonomie).

Jusqu'en 1946, dans ce cadre administratif, les « quatre vieilles » sont soumises au régime des règlements administratifs qui seuls peuvent leur étendre les lois votées par le Parlement où elles ont cependant des représentants remarqués. Ceux-ci, dès le début du XXème siècle, déposent des propositions de loi pour obtenir la départementalisation afin de contrecarrer les retards pris dans l'extension : les lois Ferry sur l'éducation attendent en effet vingt ans pour être adaptées par les Gouverneurs, de même que la loi de 1898 sur les accidents du travail.

Trois de ces propositions, déposées par Léopold Bissol (Guadeloupe et Martinique), Gaston Monnerville (Guyane) et Raymond Vergès (La Réunion) sont adoptées par l'Assemblée constituante à l'unanimité le 14 mars 1946 et deviennent la loi du 19 mars 1946 que son rapporteur, Aimé Césaire, qualifiera d' » étape aussi importante que la suppression de l'esclavage » intervenue un siècle plus tôt.

B. LES ÉTAPES DE LA DÉPARTEMENTALISATION

Si la loi du 19 mars 1946 fut votée dans l'enthousiasme de l'après-guerre, elle se rattache de manière ambiguë à l'esprit émancipateur de la conférence de Brazzaville car les premiers effets de l'assimilation sont, faute de décentralisation et avec le maintien du principe de spécialité, de diminuer l'autonomie dont jouissaient paradoxalement les colonies sous la férule des Gouverneurs.

L'article 3 de la proposition de loi prévoyait en effet que les lois nouvelles seraient d'application immédiate, sauf disposition contraire expresse. Mais devant le scepticisme, notamment du ministre de la France d'outre-mer, Marius Moutet, qui ne croit pas possible « dans un délai aussi bref de transformer purement et simplement le régime politique, administratif, financier et douanier de toutes ces vieilles colonies » non seulement l'entrée en vigueur des lois et décrets existants en métropole est fixée au 1er janvier 1947 (puis par trois lois ultérieures reportée au 31 mars 1948) mais l'article 3 de la loi prévoit que « les lois nouvelles applicables à la métropole le seront dans ces départements sur mention expresse ».

L'effet immédiat de la loi du 19 mars sera donc le remplacement du gouverneur par le préfet et la transformation des colonies en départements, non encore qualifiés « d'outre-mer » malgré la spécialité législative.

La Constitution du 27 octobre 1946 inscrit dans son article 73 la dénomination « départements d'outre-mer » et met fin à la spécialité en prévoyant que les DOM ont le même « régime législatif » que les départements métropolitains, « sauf les exceptions déterminées par la loi ».

L'article 73 de la Constitution du 4 octobre 1958 est plus complet : « le régime législatif et l'organisation administrative des DOM peuvent faire l'objet de mesures d'adaptation nécessitées par leur situation particulière ».

Cette rédaction fonde notamment deux décisions du Conseil constitutionnel (2 décembre 1982 et 25 juillet 1984) qui encadrent les possibilités d'adaptation en matière d'organisation en distinguant clairement l'article 73 (DOM) et l'article 74 (organisation particulière des TOM). Il écarte à cette occasion un projet d'assemblée unique dans lequel les composantes territoriales des départements ne sont pas représentées, puis certaines dispositions d'adaptation des régions.

Si bien que les lois de décentralisation ont été appliquées presque telles quelles. Le département a été ainsi préservé par le Conseil constitutionnel qui reprenait les objections préalablement soulevées par le Sénat en 1982 et limitait en 1984 les transferts exorbitants du département vers la région.

La régionalisation fera néanmoins perdre aux départements d'outremer, au bénéfice des régions, certaines compétences. Ils conservent le pouvoir de consultation et de proposition que leur accordait le décret de 1960 ; ils perdent les aides aux travaux d'aménagement aux cultures marines ; la région acquiert le plan énergétique et les compétences en matière de tourisme et de transport.

Des deux collectivités superposées sur le même territoire, le département apparaît ainsi comme le principal gestionnaire local par son budget et ses attributions tandis que la région aurait une prééminence pour la représentation politique, notamment dans la coopération régionale (Caraïbes, Océan indien).

Le débat sur une éventuelle réforme des institutions pour éviter cette superposition a paru clos par les décisions du Conseil constitutionnel. Pourtant le professeur Luchaire estimait encore tout récemment que la région, dont le statut découle de la loi et non de la Constitution, ne bénéficierait pas systématiquement de la même protection du Conseil constitutionnel que le département en 1982-1984. Ainsi la décision du Conseil eut-elle pu être différente s'il s'était agi d'étendre les attributions du conseil général à celles du conseil régional et non l'inverse 1 ( * ) .

Plus récemment la volonté d'assurer la régularité de la gestion publique et sa pleine efficacité s'est traduite parfois par des adaptations mal acceptées localement comme la création des agences d'insertion dispositif spécifique aux DOM en matière de RMI. Le ministre chargé de l'outre-mer a néanmoins indiqué qu'un bilan en serait dressé et que le dispositif pourrait inspirer une évolution en métropole 2 ( * ) .

C. LES EFFETS DE LA DÉPARTEMENTALISATION

La « départementalisation » a fourni le cadre de l'assimilation législative, sous réserve des adaptations : les avancées en matière sociale, dans le domaine du logement et de l'enseignement sont indéniables même si elles ne découlent pas directement du statut départemental mais plutôt de l'alignement progressif sur la législation métropolitaine facilité par le rapprochement des structures. Elles restent à poursuivre en matière de logement ; celui-ci fait l'objet d'une priorité budgétaire.

L'adaptation a toujours complété l'extension notamment en matière fiscale et douanière où, malgré l'intégration à l'Europe, la spécificité a été maintenue et se traduit par une part de la fiscalité locale supérieure à ce qu'elle est en métropole.

Globalement, l'intégration à l'Europe aura contribué très largement au soutien de l'économie grâce aux fonds structurels.

Mais la consolidation de ce régime, compte tenu des jurisprudences Legros et Lancry de la Cour de Luxembourg sur l'octroi de mer, ainsi que l'a rappelé le Président de la République, « suppose la pleine reconnaissance de la notion de région ultrapériphérique par l'Union européenne 3 ( * ) ».

La forme première de l'adaptation aura été le report de l'entrée en vigueur pour étudier l'adaptation... On peut dire aujourd'hui que, pour l'essentiel, au-delà de l'égalité sociale, l'égalité des droits est acquise mais, comme l'indiquait notre collègue député de la Réunion, Jean-Paul Virapoullé, le temps de la conquête des droits aura peut-être été, d'une certaine manière, la période la plus facile 4 ( * ) .

Au-delà de la consolidation de la démocratie locale dont le succès se reflète dans l'apaisement des revendications autonomistes et dont la fragilité est montrée par les difficultés financières de certaines collectivités, la « nouvelle frontière » est désormais caractérisée par la recherche de l'essor économique dont les « Assises du développement et de l'égalité sociale active » peuvent constituer la première pierre.

L'organisation administrative peut accompagner cet objectif au travers de la simplification des procédures, de la gestion budgétaire et de la déconcentration -tous objectifs de la réforme des administrations de l'État qui trouveront à s'appliquer outre-mer. Ainsi, la Martinique sera-t-elle un département expérimental en matière de réforme des services déconcentrés : le nombre des services qui entourent le préfet sera réduit de 32 à l0 5 ( * ) .

En outre, M. le Président de la République a annoncé « le développement de nouveaux pôles administratifs dans le sud de la Réunion, à l'ouest de la Guyane et la mise en place de la nouvelle sous-préfecture de Saint-Pierre en Martinique ».

Il a également envisagé la création de nouvelles communes ou de nouveaux cantons voire d'un nouveau département à la Réunion. En outre, il est prévu de renforcer les services de l'État à Saint Martin et de rééquilibrer les pôles administratifs de Mayotte, notamment par la création d'une « maison des services publics » à Sada, à l'ouest de l'île.

L'île de Mayotte aura suivi très attentivement ce bilan de la départementalisation. Sa population aspire à être consultée depuis 1976, date de l'indépendance des Comores, sur l'évolution de son statut et s'y prépare activement au travers de l'adaptation accélérée de la législation métropolitaine. Celle-ci s'est traduite en 1996 par l'entrée en vigueur par ordonnances du nouveau code pénal et l'adaptation du code de procédure pénal ainsi que par l'adoption d'un statut général des fonctionnaires de Mayotte.

D. UN EXEMPLE D'EFFET « PERVERS » DE LA DÉPARTEMENTALISATION : LA GÉNÉRALISATION DES SURRÉMUNÉRATIONS DES FONCTIONNAIRES À LA RÉUNION

Appliqués à l'origine aux fonctionnaires du cadre général de l'État affectés dans les colonies, les mécanismes de majoration des revenus ont été étendus progressivement, après la départementalisation, à l'ensemble des fonctionnaires de l'État en service à la Réunion, puis à la fonction publique territoriale, hospitalière et aux organismes publics et parapublics.

Lors de l'examen du précédent budget 6 ( * ) , cette question avait déjà été évoquée par la commission des Lois, qui rappelait les pourcentages élevés de ces majorations.

Mis en place en mars 1996, l'Observatoire des prix et des revenus de la Réunion créé à l'initiative de M. Jean-Jacques de Peretti, ministre délégué chargé de l'outre-mer, est la traduction concrète de la démarche d'étude et de concertation pour laquelle celui-ci avait opté en réponse aux demandes locales d'examen des effets induits par les surrémunérations des fonctionnaires.

Rédigé en juillet 1996 par son président, M. Bernard Pêcheur, le rapport d'étape de l'Observatoire, pour ce qui concerne la compétence de la commission des Lois, dresse le constat des rémunérations des agents de l'État 7 ( * ) .

Il en résulte que pour les 23 500 agents rémunérés par l'État et travaillant à mi-temps ou plus (hors défense) à la Réunion « le salaire moyen est supérieur de 51 % à celui de la métropole. Si l'on retire les primes d'éloignement qui ne concernent qu'une petite fraction des fonctionnaires en place (2 295), et les primes de résidence versées en métropole non perçues par les Réunionnais, le rapport est de 49 %. » Le salaire moyen net annuel s'établit en effet à 203 585 francs à la Réunion contre 134 750 francs en métropole.

Cette différence est due essentiellement du niveau des primes et rémunérations annexes car le traitement indiciaire brut moyen est au contraire légèrement supérieur en métropole à celui de la Réunion.

Le tableau suivant retrace, à partir des chiffres figurant dans le rapport Pêcheur le coût des majorations diverses, index de correction, indemnités d'éloignement et compléments de retraite attribués aux différentes catégories en 1995, selon des modalités variées, que précise ce rapport.

Coût des majorations des traitements publics à la Réunion en 1995

Catégories

Majorations et compléments

Fonctionnaires de l'État

1 876

Collectivités territoriales

316

Personnels hospitaliers

445

Organismes publics et parapublics

128,5

Sécurité sociale et allocations familiales

116

TOTAL

2 881

(en millions de francs)

L'observatoire poursuit son étude et M. le ministre délégué chargé de l'outre-mer a indiqué à la commission des Lois que, sur la base de ces compléments d'étude, une réflexion pourrait être engagée pour l'avenir.

III. LA NÉCESSITÉ DE POURSUIVRE LES EFFORTS EN MATIÈRE DE SÉCURITÉ ET DE JUSTICE

A. L'ACCALMIE DES STATISTIQUES DE LA DÉLINQUANCE SE CONFIRME A VEC DES NUANCES

Les graphiques suivants retracent l'évolution des statistiques de la délinquance et du taux de criminalité pour 1 000 habitants dans les DOM et en métropole.

Variation du pourcentage d'évolution des crimes et délits constatés entre 1990 et 1995

Source : Graphique commission des lois du Sénat - Données Chancellerie/Intérieur

Comme toujours, ces statistiques doivent être observées avec prudence, compte tenu du découragement croissant des victimes pour porter plainte en raison du taux réduit d'élucidation et du taux élevé des classements sans suite, même lorsque l'auteur de l'infraction est identifié.

En supposant ces statistiques homogènes, les conclusions que l'on peut tirer de l'ensemble de ces données sont les suivantes :

Le tableau suivant compare ces taux dans les différents DOM et en métropole (dernières statistiques connues).


• Au cours des cinq dernières années, le taux de criminalité dans les DOM a augmenté en moyenne de 16,46 % et le nombre des crimes et délits constatés de 33,9 % alors qu'en métropole ils baissaient respectivement de -2,62 % et-2,1 %.

Ainsi a-t-on vu en 1993 le taux de criminalité moyen des DOM dépasser pour la première fois celui de la métropole -comme la commission des Lois l'avait constaté dans un précédent avis budgétaire.

Toutefois, en 1995, on constate une stabilisation (-0,52 %) de la délinquance globale dans les quatre départements - qui va donc au-delà du ralentissement de la croissance déjà constaté en 1994 - sans pourtant rejoindre la moyenne nationale (- 6,5 % ).

Des nuances géographiques et catégorielles doivent être apportées à ces observations globales.


Dans les quatre départements, les infractions baissent en zone gendarmerie et augmentent en zone police d'État.


• En analysant la nature des infractions, on voit progresser surtout la délinquance de voie publique, la criminalité organisée et la délinquance spécialisée.


• En distinguant chaque département, on constate que :

- en Guadeloupe le taux de croissance de la criminalité augmente à nouveau globalement (+ 4,31 % contre + 1,85 % en 1994 et + 16,41 % en 1993) et particulièrement en matière de délinquance sur la voie publique (+ 9,5 %) et de crimes et délits contre les personnes (+ 28,3 %) ;

- en Martinique, la hausse globale est de 3,43 % (6,06 % en 1994 en excluant une « série » due à la poursuite d'un guérisseur pour exercice illégal de la médecine) et porte surtout sur la délinquance de voie publique (+34,3 %), la criminalité organisée et délinquance spécialisée (+ 31,3 %) ainsi que sur les délits à la police des étrangers qui triplent ; en revanche les infractions économiques et financières recensées baissent de 30 % ;

- la Guyane, malgré une baisse des crimes et délits constatés (- 5,73 % pour la première fois), conserve toujours le triste record du taux de criminalité le plus élevé du pays (231 %o contre 246 %o en 1994), en raison des infractions à la police des étrangers (58 % des faits constatés) ; la délinquance sur la voie publique y baisse globalement (- 0,5 %) mais la criminalité organisée et la délinquance spécialisée ont progressé de 60,9 % à Cayenne (+ 8,2 % dans le département) et les infractions à la législation sur les stupéfiants ont crû de 34,3 % . Le taux d'élucidation qui constitue également un record (81,9 %) est aussi dû à la prépondérance des délits à la police des étrangers ;

- à La Réunion, la stabilisation de 1994 est confirmée par une baisse globale en 1995 de 2,6 % ; les vols sont stables et les infractions à la législation sur les stupéfiants baissent de 14,2 % malgré une hausse des délits d'usage (+ 5,9 %).

B. LA SITUATION DES JURIDICTIONS

1. L'achèvement de l'extension du casier judiciaire

L'extension du casier judiciaire automatisé aux DOM a été achevée en 1996 au terme de l'enregistrement de 66 500 fiches, facilité par l'entrée en service de la nouvelle version informatique du casier en avril 1995 (changement d'ordinateur et réécriture des programmes).

Cette intégration était tributaire de la prise en compte des DOM par le fichier INSEE pour l'état civil, laquelle n'est intervenue qu'en 1993.

En contrepartie des quatre « équivalents temps plein » que représente désormais cette charge nouvelle pour le casier judiciaire situé à Nantes, ce transfert a libéré pour d'autres activités quinze personnes et 300 m 2 dans les tribunaux de Basse-Terre, Pointe à Pitre, Saint-Denis et Saint-Pierre de La Réunion, Fort de France et Cayenne.

Il permet une gestion unique de tous les justiciables en matière d'enregistrement des fiches et de délivrance des bulletins ainsi que des peines accessoires, réhabilitation, amnistie ; un meilleur contrôle de l'état civil pourra également être fait.

2. L'activité des juridictions

a) Le rattrapage des effectifs se poursuit

- S'agissant des magistrats, les départements d'outre-mer ont bénéficié de 1990 à 1995 d'une augmentation des effectifs de 5,6 % (contre 2,92 % en métropole).

Le projet de décret de localisation qui devrait être publié dans les semaines à venir poursuit cet effort qui tend à combler le retard pris dans les années antérieures.

Les 151 emplois des départements d'outre-mer sont actuellement répartis à raison de 47 pour la Guadeloupe, 38 pour la Martinique, 11 pour la Guyane (auxquels il faudrait ajouter l'effectif de la chambre détachée à Cayenne de la cour d'appel de Fort-de-France) et 55 à la Réunion.

Le décret, qui se substituera au décret du 6 mai 1995 envisage d'y créer 7 postes de magistrats ce qui représente un accroissement de 4,6 %.

Outre un poste de substitut placé dans chacun des trois ressorts de cour d'appel (qui compléteront les 3 juges placés créés en 1995), sont ainsi prévus 2 juges d'application des peines pour accompagner l'ouverture des établissements pénitentiaires de Baie-Mahault (Guadeloupe) et Remiré-Mont-Joli (Guyane), un juge d'instruction à La Réunion, un juge pour enfants à Fort-de-France (en 1995 un juge pour enfant avait été créé à Pointe-à-Pitre).

Enfin, un substitut chargé de remettre en ordre l'état civil est envoyé à Mayotte.

Ces huit postes représentent donc 13,5 % des créations prévues par ce projet de décret pour l'ensemble des juridictions françaises fin 1996.

- Pour les fonctionnaires, après les importantes créations de postes de personnels administratifs de 1996 (42 à la Réunion et 11 dans les Antilles-Guyane), les prévisions pour 1997 sont d'ajouter 2 greffiers en chef aux 2 déjà créés en 1996 dans les Antilles-Guyane, de créer un autre greffier en chef à la Réunion et de renforcer respectivement de 1 et de 3 unités les personnels administratifs à la Réunion et des Antilles-Guyane. En 2 ans et sous réserve que ces postes soient pourvus les effectifs des greffes auront donc globalement augmenté de 16,6 %

b) Les flux et les délais de traitement du contentieux

Si l'on se réfère aux dernières statistiques locales publiées par la Chancellerie 8 ( * ) , on peut espérer que ces moyens permettront aux juridictions d'outre-mer de conserver des délais de traitement qui semblent les placer dans une bonne moyenne (cf. tableau ci-dessous).

Délais moyens de traitement des affaires civiles (exprimés en mois)

Cour d'appel

TGI

TI

Prud'hommes

France entière

15

9

5,3

9,6

Guadeloupe

11,2

17,8

5,9

13,2

Martinique

12,7

10

non disponible

14,8

Guyane

chambre détachée FdF

6,5

non disponible

11,9

Réunion

13

6,2

4,2

10,2

Année 1994 (dernières données locales publiées)

Toutefois, comme l'a fait notre excellent collègue Pierre Fauchon dans le rapport de la mission d'information de la commission des Lois chargée d'évaluer les moyens de la justice 9 ( * ) pour les données générales, il ne faut pas s'arrêter à ces moyennes mais bien s'interroger sur la signification de certains délais locaux plus inquiétants.

Ainsi, les très longs délais moyens observés au TGI de la Guadeloupe (17,8 mois au lieu de 9 mois en général) résultent-ils de la combinaison d'une durée « normale » à Basse-Terre (8,9 mois) et d'un engorgement manifeste à Pointe-à-Pitre (21,2 mois).

Ainsi, les délais moyens de la Martinique n'empêchent-ils pas l'accroissement des stocks au TGI de Fort-de-France qui connaît aussi des retards pour les délibérés et la rédaction des jugements.

Ainsi les délais déjà supérieurs à la moyenne des Prud'hommes masquent-ils un délai moyen de 18,1 mois au conseil de Basse-Terre. Or l'augmentation des affaires nouvelles dans les 4 conseils des départements d'outre-mer est supérieure aux chiffres nationaux (+ 14,3 %).

Quant à la progression des flux civils, que l'on ne peut pas réguler comme au pénal par le classement sans suite, elle reste forte même si elle est inégale.

Entre 1990 et 1993, le nombre des affaires civiles nouvelles a crû en appel dans des proportions supérieures à celles de la moyenne nationale.

Dans les tribunaux de grande instance, l'augmentation sur trois ans aura été de 120 % à Saint-Denis et de 8 % dans les autres TGI à l'exception de Basse-Terre qui a connu une baisse de 72 %.

Les tribunaux d'instance connaissent une augmentation proche de la moyenne (+ 3,6 % pour ces trois dernières années). En Martinique et en Guyane les affaires nouvelles diminuent.

Dans les départements d'outre-mer, comme ailleurs, des progrès de productivité considérables ont été faits : par exemple, à la Cour d'appel de Basse-Terre où les affaires civiles, sociales et commerciales nouvelles ont crû de 100 % au cours des dix dernières années, à effectif égal, le nombre des affaires jugées a augmenté de 181 %.

Là, comme ailleurs, les barreaux se sont beaucoup développés.

Là, comme ailleurs, des vacances de postes incompréhensibles sur place sont constatées : par exemple au TGI de Pointe-à-Pitre où deux postes de vice-présidents ont été vacants pendant presque un an.

En revanche, en dehors de quelques exceptions (vacance de poste de greffier en chef délégué à la gestion budgétaire de la Cour d'appel de Basse-Terre par exemple), les postes de fonctionnaires peuvent être pourvus grâce au trop-plein des fonctionnaires domiens en poste en métropole qui souhaitent trouver une affectation dans leur département d'origine.

Autre particularité signalée en Guadeloupe, la quasi-inexistance des temps partiels, désignés ailleurs en France comme une source de vacances en raison des mécanismes très imparfaits de compensation.

La justice dans les départements d'outre-mer n'est donc pas épargnée par les difficultés de gestion des flux même si sa situation n'est peut-être pas actuellement la pire que l'on puisse rencontrer. II faut néanmoins rester vigilant sur la répartition des moyens et l'on peut peut-être s'interroger sur la légèreté des structures judiciaires en Guyane au regard de la poussée démographique due notamment à l'immigration. Il n'est pas certain que l'implantation d'une maison de justice à Saint-Laurent-du-Maroni suffise à compléter cette présence.

c) L'administration pénitentiaire

La mise en oeuvre des nouveaux établissements (Martinique, Guadeloupe, Guyane) et les crédits prévus à l'avenir (Martinique, La Réunion) devraient permettre d'atténuer la surpopulation carcérale dont s'était inquiétée l'an passé la commission des Lois.

Les taux d'occupation restent aujourd'hui préoccupants et en moyenne supérieurs à la moyenne nationale (111 %) : à La Réunion 132 % ; à la Martinique 102 % (la pleine occupation a été atteinte dès l'ouverture du centre de Ducos et la fermeture concomitante de Fort-de-France) ; en Guyane on attendra septembre 1997 pour répondre à la surpopulation (279 % !).

IV. L'ACTUALITÉ DE LA SITUATION DE L'IMMIGRATION À SAINT-MARTIN (GUADELOUPE), À MAYOTTE ET EN GUYANE

A. A SAINT-MARTIN (GUADELOUPE)

La lutte contre l'immigration clandestine à Saint-Martin (estimée à 8.100 personnes, les Haïtiens représentant environ 60 % de la population étrangère) reste très difficile en raison du partage de l'île entre la France (54 km 2 , 30.000 habitants) et les Pays-Bas (34 km 2 , 28.000 habitants).

En effet, l'aéroport est situé en zone néerlandaise où s'appliquent des règles en matière d'immigration et de trafic de stupéfiants différentes des règles françaises. Il n'existe pas réellement de frontière entre les deux zones. L'accord de Schengen n'y est en tout état de cause pas applicable (article 138 de la Convention).

Or, l'entrée en vigueur de l'accord franco-néerlandais concernant le contrôle des personnes sur l'aéroport de Saint-Martin, signé le 17 mai 1994 et ratifié par le Parlement français le 20 juillet 1995, est subordonné à sa ratification par les Pays-Bas et le Parlement des Antilles néerlandaises tarde à donner son accord. Ce retard empêche notamment les agents locaux de la DICCILEC d'intervenir en territoire néerlandais.

B. A MAYOTTE

L'accroissement de l'immigration en provenance des Comores s'est poursuivi en 1995 à un rythme nettement moins soutenu comme le montre le graphique ci-dessous.

Evolution de l'immigration régulière en provenance des Comores

En effet, après un quasi-doublement entre 1993 et 1994, cette immigration n'a crû que de 16 % en 1995 en raison du rétablissement des visas préalables obligatoires pour les Comoriens à compter du 20 janvier 1995, suivi de l'arrêt des liaisons maritimes et aériennes régulières entre Mayotte et les Comores, décidé par les autorités comoriennes. Parallèlement, le représentant de l'État avait relevé au 1er janvier 1995 le droit de port pour les boutres et exigé des passagers débarquant le dépôt d'une caution égale au prix du billet de retour aux Comores.

En outre, un service de contrôle de l'immigration et de lutte contre l'emploi des clandestins (SCILEC), composé de trois brigades de police, a été créé en septembre 1995 et l'article 23 de la loi n° 96-609 du 5 juillet 1996 portant dispositions diverses relatives à l'outre-mer encadre désormais à Mayotte une rétention administrative adaptée.

Le ralentissement de la croissance de l'immigration s'accompagne d'une baisse des mesures de reconduite à la frontière et de refoulement (respectivement 602 et 27 en 1995, contre 1.059 et 85 en 1994). La suspension des liaisons a rendu très difficile la mise en oeuvre de ces mesures.

Un assouplissement de la procédure des visas pour les ressortissants comoriens est envisagé.

C. EN GUYANE

Pour faire face aux difficultés liées à la perméabilité de la frontière amazonienne (50 % de la population vivant en Guyane serait étrangère, soit environ 65.000 personnes), les forces de l'ordre (gendarmes et policiers) sont présentes dans ce département à raison d'un ratio de 6,6 pour 1.000 habitants, soit près du double de la moyenne nationale (3,3 pour 1.000).

Le service local de la DICCILEC, renforcé de 35 unités en 1993, compte 115 agents.

Un centre de rétention près de l'aéroport de Rochambeau est en cours d'achèvement.

En 1995, 11.900 étrangers ont été reconduits à la frontière soit davantage que pour l'ensemble de la métropole (18.987 expulsions-reconduites prononcées ; 11.417 exécutées). Au premier semestre 1996, 5.262 étrangers ont été reconduits.

Des chartes de « bonne conduite » en matière de travail clandestin sont toujours en cours de signature avec les professionnels.

*

* *

La commission des Lois émet un avis favorable à l'adoption des crédits du projet de loi de finances pour 1997 consacrés aux départements d'outre-mer, à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon.

* 1 Colloque de l'Association France-Outre-mer - 27 septembre 1996 - Sénat.

* 2 JO Débats A.N. 25 octobre 1996 - p. 6037

* 3 Allocution du 50ème anniversaire de la loi de départementalisation - 19 mars 996 - Saint-Denis de la Réunion

* 4 Colloque de l'Association France-Outre-mer - 27 septembre 1996 - Sénat

* 5 M. Jean-Jacques de Peretti, ministre délégué à l'outre-mer, JO Débals A.N. 25 octobre 1996, p. 6036

* 6 Cf. Avis budgétaire n° 82-VII - Départements d'outre-mer - M. François Blaizot, rapporteur au nom de la commission des Lois, p. 16.

* 7 Celles des agents des fonctions publiques territoriales et hospitalières seront approfondies dans la suite de l'étude menée par l'Observatoire.

* 8 Données locales 1994 - Ministère de la Justice.

* 9 Rapport n° 49 Sénat 1996-1997 - « Quels moyens pour quelle justice ? »

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