Projet de loi de finances pour 1999

LAFFITTE (Pierre)

AVIS 67 (98-99), Tome VIII - COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES

Table des matières




N° 67

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999

Annexe au procès-verbal de la séance du 19 novembre 1998.

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Affaires culturelles (1) sur le projet de loi de finances pour 1999 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

TOME VIII

RECHERCHE SCIENTIFIQUE ET TECHNIQUE

Par M. Pierre LAFFITTE,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Adrien Gouteyron, président ; Jean Bernadaux, James Bordas, Jean-Louis Carrère, Jean-Paul Hugot, Pierre Laffitte, Ivan Renar, vice-présidents ; Alain Dufaut, Ambroise Dupont, André Maman, Mme Danièle Pourtaud, secrétaires ; MM. François Abadie, Jean Arthuis, Jean-Paul Bataille, Jean Bernard, André Bohl, Louis de Broissia, Jean-Claude Carle, Michel Charzat, Xavier Darcos, Fernand Demilly, André Diligent, Michel Dreyfus-Schmidt, Jean-Léonce Dupont, Daniel Eckenspieller, Jean-Pierre Fourcade, Bernard Fournier, Jean-Noël Guérini, Marcel Henry, Roger Hesling, Pierre Jeambrun, Serge Lagauche, Robert Laufoaulu, Jacques Legendre, Serge Lepeltier, Louis Le Pensec, Mme Hélène Luc, MM. Pierre Martin , Jean-Luc Miraux, Philippe Nachbar, Jean-François Picheral, Guy Poirieux,  Jack Ralite, Victor Reux, Philippe Richert, Michel Rufin, Claude Saunier, Franck Sérusclat, René-Pierre Signé, Jacques Valade, Albert Vecten, Marcel Vidal.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : 1078 , 1111 à 1116 et T.A. 193 .

Sénat : 65 et 66 (annexe n° 17 ) (1998-1999).

Lois de finances .

Mesdames, Messieurs,

Le budget civil de recherche et de développement (BRCD) qui retrace l'ensemble des crédits affectés par l'Etat à la recherche civile, s'établira en 1999 à 53 915 millions de francs en dépenses ordinaires et crédits de paiement, soit une progression de 1,6 % par rapport à la loi de finances initiale pour 1998.

Comme chaque année, votre rapporteur s'attachera à apprécier l'opportunité des choix gouvernementaux que traduit le projet de budget pour 1999.

Au cours de l'année 1998, le gouvernement a exprimé la volonté de redéfinir les orientations de la politique de la recherche, en tenant compte des nouveaux mécanismes de la croissance économique fortement liés à l'innovation, ce qui correspond à une nécessité que votre rapporteur n'a cessé de souligner au fil des ans.

En effet, le point essentiel dans la politique de recherche d'une nation moderne est certes de consacrer une part de son budget à la recherche de base et de soutenir l'effort sur les recherches qui ne sont pas encore financées par des demandes du marché mais qui ont un intérêt stratégique pour le futur. Mais c'est également de mettre en place les conditions d'une bonne interface entre, d'une part, les compétences et le savoir, et d'autre part, l'utilisation des compétences et du savoir par les acteurs économiques. Lier le savoir au savoir-faire, les compétences scientifiques à la création d'entreprises est aussi important que d'augmenter les crédits de la recherche.

Le projet de budget pour 1999 affiche des intentions en ce sens et votre rapporteur s'en réjouit. On s'oriente dans la bonne direction mais avec moins de vigueur que l'on aurait pu l'espérer en écoutant les pertinentes analyses du ministre en la matière. Sans doute, les forces de résistance des institutions et la bureaucratisation d'une partie du système de recherche sont-elles en partie cause de cette timidité dans l'évolution. Il est certes facile pour un observateur extérieur de critiquer mais il est bon de montrer quelque impatience.

Par ailleurs, votre rapporteur regrettera l'opacité de la présentation des crédits consacrés à la recherche militaire. On sait qu'aux États-Unis, elle profite largement au développement de la puissance militaire américaine mais aussi, par le canal de la recherche duale, à l'économie et notamment à la dynamique des nouvelles technologies de l'information et de la communication. Ainsi, la recherche en logiciels nécessaires à la mise en oeuvre des projets de constellation de satellites de télécommunications est largement financée par les crédits du pentagone. En France, le BCRD ne permet pas d'avoir une vision exacte des crédits affectés à la recherche par le ministère de la défense ; en effet, il ne prend en compte que la dotation versée par le ministère de la défense au Centre national d'études spatiales qui s'élève à 900 millions de francs. Les crédits du ministère de la défense consacrés aux " développements " et aux études dont la stagnation inquiète le rapporteur de la commission des finances s'établissent à 21 085 millions de francs en 1999. Cet écart laisse songeur, en particulier sur la part de la recherche qui pourrait être consacrée à la recherche duale. Votre rapporteur, sans revendiquer une transparence totale, compte tenu de la notion de secret militaire, souhaite qu'un effort d'information du Parlement puisse être accompli en ce domaine.

La priorité que le ministre souhaite, à juste titre, conférer à la politique en faveur de l'innovation n'exige pas seulement des moyens d'ordre budgétaires. L'innovation dans les PME, principale source d'emplois stables et de bon niveau, est handicapée par divers facteurs mais surtout par la lenteur de réaction des pouvoirs publics. Alors que la réussite des sociétés à croissance rapide, liée à la conquête de parts de marché, exige une très grande réactivité donc une vitesse de réaction se mesurant en jours, l'administration par inertie ou, plus grave encore, par des débats stériles entre des ministères qui défendent leur pré carré retarde de plusieurs semaines, mois voire années des décisions nécessaires. A titre d'exemple, on citera l'exemple de la RATP et des projets Icare et Calypso. Ces projets qui, lancés voilà cinq ans, reposaient sur un système de porte monnaie électronique et permettaient alors à la France de bénéficier d'une avance par rapport à ses concurrents ne sont pas encore mis en oeuvre par la RATP alors qu'ils le sont déjà dans d'autres pays. Dans ce contexte, votre rapporteur plaide pour un recours systématique aux nouvelles technologies de l'information et de la communication dans les administrations afin de leur imposer des délais de réponse bien inférieurs à ceux que l'on constate aujourd'hui. Sans doute faudra-t-il modifier les réglementations dans ce sens.

I. PRÉSENTATION DU BUDGET DE LA RECHERCHE POUR 1999

Votre rapporteur ne présentera que succintement les évolutions budgétaires qui sont excellemment analysées par son collègue de la commission des finances.

A. L'ÉVOLUTION GÉNÉRALE DES CRÉDITS : UNE PROGRESSION QUI DEMEURE MODESTE

Le budget civil de recherche et de développement (BCRD) connaît en 1999 une augmentation inférieure à la croissance de l'ensemble des budgets civils (+ 2,3 %). Il s'élève à 53 915 millions de francs en dépenses ordinaires et crédits de paiement, soit une progression de 1,6 % par rapport à la loi de finances initiale pour 1998.

Le budget du fascicule " recherche et technologie ", dont les dotations représentent 72,2 % du total du BCRD, connaît une évolution comparable. Il progresse de 1 % en dépenses ordinaires et crédits de paiement par rapport à 1998 (soit 40 008 millions de francs) et de 1,8 % en autorisations de programme (soit 14 033 millions de francs).

B. LES PRIORITÉS DU BUDGET POUR 1999 SE TRADUISENT DE MANIÈRE CONTRASTÉE DANS LES CHIFFRES

La recherche et le développement technologique constituent désormais un des éléments déterminants de la croissance économique. Votre rapporteur considère qu'outre le volume des crédits, les priorités affichées et réalisées sont déterminantes dans l'avis qu'il convient de donner sur le budget.

Le BCRD pour 1999 est ordonné autour de quatre thèmes: l'emploi scientifique, la restauration des moyens des laboratoires, le développement du soutien à l'innovation technologique et le renforcement de la cohérence de la politique nationale de la recherche.

1. La poursuite de l'effort en faveur de l'emploi scientifique

a) Un ralentissement du rythme des créations d'emplois

Le BCRD prévoit la création de 150 emplois qui se répartissent de la manière suivante :

- 100 emplois de chercheurs dont 98 dans les établissements publics à caractère scientifique et technologique (EPST) ;

- et 50 emplois d'ITA (ingénieurs, techniciens et administratifs) dont 34 dans les EPST.

Ces créations d'emplois ne bénéficient pas également à tous les établissements publics à caractère scientifique et technique. Les deux principaux bénéficiaires de cet effort de création d'emplois sont, comme en 1998, l'INSERM et le CNRS qui se voient attribuer, respectivement, 37 et 40 emplois de chercheurs et 7 et 8 emplois d'ITA.

Le tableau ci-dessus indique la répartition des créations d'emplois dans les établissements publics à caractère scientifique et technique en 1999 :

EPST

Effectifs totaux 1998

Créations d'emplois de chercheurs en 1999

Effectifs totaux 1999

Augmentation 1999/1998
(%)

INRA

1 788

1 (1)

1 789

0,05

CEMAGREF

76

-

76

-

INRETS

152

-

152

-

INRIA

341

5

346

1,4

CNRS

11 693

40

11 733

0,34

INSERM

2 165

37

2 202

1,7

ORSTOM

829

1

830

0,12

INED

57

-

57

-

LCPC (2)

98

-

98

-

(1) L'INRA a bénéficié de la création de trois emplois de chercheurs, dont deux sont transférés au CIRAD d'où un solde net d'une création d'emploi.

(2) Le laboratoire central des Ponts et Chaussées a été transformé à compter du 1er juin 1998 en EPST.


Cette politique de créations d'emplois appelle, de la part de votre rapporteur, plusieurs remarques :

- en premier lieu, l'effort de création d'emplois pour 1999 est très inférieur à celui consenti en 1998 . Rappelons, en effet, que la loi de finances pour 1998 prévoyait la création de 400 emplois de chercheurs et de 200 emplois d'ITA, soit un rythme de créations d'emplois près de quatre fois supérieur à celui prévu pour 1999.

Votre rapporteur ne regrette pas ce ralentissement.

- en second lieu, dans un contexte de rigueur budgétaire, la souplesse de gestion est essentielle pour les organismes de recherche . Or, les dépenses de personnel représentent déjà près de 80% du total des dotations que leur verse l'Etat. Le fonctionnement courant et les investissements sont donc réduits à la portion congrue. Dans ce contexte, une augmentation du personnel aggraverait encore la pénurie qui frappe les établissements publics de recherche.

Pour éviter le vieillissement des équipes de recherche et augmenter le nécessaire recrutement des jeunes, il faut donc que la mobilité s'accroisse. Cette mobilité a été officiellement souhaitée par tous les ministres successifs. Mais les données budgétaires ne la facilitent pas et, au contraire, l'entravent.

Un principe simple a été proposé à plusieurs reprises par votre rapporteur : il faut aider les équipes qui organisent effectivement la mobilité et pénaliser celles qui s'y refusent.

Qu'est-ce que signifie une forte mobilité du personnel pour un laboratoire ou un organisme dans le contexte bureaucratique où la recherche a été enfermée depuis la fonctionnarisation des chercheurs ?

C'est organiser de nombreux concours de recrutement avec tous les délais que cela implique, perdre des collaborateurs pendant près d'un an, ne pas être assuré qu'ils s'adapteront aux postes, forcer les responsables directs à les former, bref perdre une partie de l'énergie créatrice.

Selon l'expression triviale mais éclairante, une saine politique en faveur de la mobilité consiste à manier la carotte et le bâton. La carotte, c'est donner plus de postes et plus de crédits aux organismes, et au sein des organismes, aux laboratoires qui pratiquent et organisent la mobilité ; le bâton, c'est diminuer les moyens de ceux qui pouvant le faire, ne l'organisent pas. L'évaluation de la mobilité et sa notation sont faciles à déterminer. Ceux qui ont une mauvaise note, c'est-à-dire ceux qui organisent trop peu la mobilité doivent passer, comme les équipes sportives, dans une division inférieure moins bien pourvue en postes, voire disparaître avec répartition de leurs moyens dans d'autres équipes.

Or, le projet de budget pour 1999 crée 77 emplois de chercheurs pour le CNRS et l'INSERM et 5 pour l'INRIA. Bien que l'INRIA soit un organisme plus petit, il a un taux de mobilité élevé notamment par créations d'entreprise. De plus, il se trouve placé dans un secteur fortement dynamique et le taux de départ à la retraite y est très faible. Certes, c'est un organisme moins turbulent...

b) La reconduction des dispositions favorisant le recrutement des chercheurs par les entreprises

• Le dispositif d'accueil des post-doctorants en entreprise est reconduit pour l'année 1999. Mis en place en 1998, ce dispositif prévoit l'octroi d'aides financières aux PME-PMI qui s'engagent à recruter un jeune docteur appelé à participer à la réalisation d'un projet scientifique et technologique en liaison avec un laboratoire relevant d'un établissement public pour une durée maximale de 18 mois. Les crédits qui y étaient consacrés s'élevaient en 1998 à 50 millions de francs et sont reconduits en francs courants en 1999.

Votre rapporteur considère cette mesure comme opportune. Bon nombre de PME devraient, en effet, recruter de jeunes chercheurs, car l'innovation est indispensable à leur développement.

• 800 conventions industrielles de formation par la recherche (CIFRE) seront financées en 1999, soit le même nombre qu'en 1998. Les crédits correspondants s'élèvent à 218 millions de francs.

•  Les crédits consacrés au financement des conventions de formation par la recherche des techniciens supérieurs (CORTECHS) s'établissent en 1999 à 45 millions de francs, soit une augmentation de 28,5 %. Ils permettront l'attribution de 150 conventions supplémentaires.

Ces mesures apparaissent comme positives.

2. Le renforcement des moyens de la recherche publique

L'effort louable accompli en vue de renforcer les moyens de base de la recherche publique doit s'analyser au regard du ratio entre le montant total des crédits de paiement dont dispose un organisme et le nombre des chercheurs qu'il emploie.

Le tableau ci-dessous retrace l'évolution du montant des crédits de paiement alloués aux établissements publics à caractère scientifique et technologique rapporté au nombre de chercheurs qu'ils emploient.

ETABLISSEMENTS PUBLICS À CARACTÈRE SCIENTIFIQUE ET TECHNOLOGIQUE
Montant des crédits de paiement par chercheur
(à structure budgétaire constante)

 

Montant des crédits
de paiement
(en millions de francs)


Nombre de chercheurs

Montant des crédits de paiement par chercheur (en francs)

1996

4 188,5

16 726

250 418

1997

4 020,92

16 703

240 700

1998

4 072,03

17 080

238 400

1999

4 118,2

17 283

238 280

Après une diminution du montant des crédits de paiement par chercheur entre 1996 et 1998 de 4,79 %, le ralentissement du rythme des créations d'emplois conjugué à une progression des crédits de paiement permet au ratio de se stabiliser en 1999, ce dernier n'enregistrant qu'une faible diminution de 0,05 % par rapport à 1998.

Cette évolution mérite d'être relevée dans la mesure où elle rompt avec la tendance à la dégradation des conditions de travail des chercheurs constatée au cours des années précédentes.

Il convient, par ailleurs, d'indiquer que l'augmentation de 7,7 % des crédits de soutien de programmes prévue par le projet de budget pour 1999 permettra aux meilleures équipes d'améliorer leur situation.

Les mesures d'augmentation des crédits de paiement décidées en 1999 devront être toutefois reconduites et sensiblement accrues au cours des années à venir. On estime, en effet, à 3 % par an l'augmentation des investissements et des frais de fonctionnement hors salaires nécessaire pour répondre aux besoins nés de la sophistication croissante des équipements de recherche.

La dotation des établissements publics de recherche à caractère industriel et commercial , qui représente en moyenne 56 % des ressources de ces établissements, ne connaît pas une évolution comparable à celle des EPST. Elle diminue de 1,7 % en dépenses ordinaires et crédits de paiement, les seuls crédits de paiement reculant de 3,5 %.

3. Le soutien à l'innovation technologique

Bien qu'affichée, cette priorité ne trouve pas dans le projet de budget pour 1999 une traduction significative. Certes, le budget civil de recherche et de développement marque une rupture avec la dégradation enregistrée au cours des années antérieures, mais il ne constitue qu'une première étape vers une réelle impulsion donnée au développement technologique . En effet, les crédits incitatifs inscrits au budget de la recherche n'enregistrent pas une progression en rapport avec la priorité conférée par le gouvernement à la diffusion de la technologie et s'avèrent insuffisants pour garantir l'avenir scientifique et technologique des entreprises.

• En premier lieu, votre rapporteur note, pour le regretter, que les subventions d'investissements consacrées à la diffusion des technologies du secteur spatial, enjeu essentiel dans les années à venir, diminuent de 14,5 % en crédits de paiement et de 34,1 % en autorisations de programme.

• La dotation budgétaire du Fonds de la recherche et de la technologie prévue pour 1999 s'élève à 669,5 millions de francs en crédits de paiement (- 7,76 %) et à 630 millions de francs en autorisations de programme pour 1999 (+ 52,76 %).

Le plan de redressement du Fonds de la recherche et de la technologie (FRT), conduit depuis 1994 et poursuivi en 1999, permet de rétablir un équilibre satisfaisant des autorisations de programme et des crédits de paiement et de restaurer les capacités incitatives de cet instrument de la politique de recherche. L'écart entre les autorisations de programme et les crédits de paiement en compte qui était de plus de 3 000 millions de francs en 1998 est ramené à 860 millions de francs en 1999.

Mais l'effort consenti demeure encore insuffisant pour doter le ministère de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie d'un véritable instrument d'orientation de la politique de recherche industrielle.

L'augmentation significative des autorisations de programme inscrite dans le projet de loi de finances pour 1999, si elle mérite d'être saluée, s'accompagne d'un accroissement des missions du Fonds (participation au financement du réseau national de recherche en télécommunications, création et développement de réseaux technologiques).

Le changement d'échelle préconisé par votre rapporteur dans les crédits du FRT n'est pas encore intervenu. Par ailleurs, France Télécom consacrait par le biais, d'une part, du CNET et, d'autre part, de contrats industriels à ce qui est désormais dans les compétences du Réseau national de recherche en télécommunications des sommes évaluées à 4 milliards de francs, il y a trois ans. Les objectifs nationaux du CNET, devenu depuis centre de recherche de l'opérateur historique, ont disparu. Votre rapporteur estimait, il y a deux ans, qu'il manquait deux milliards pour la recherche fondamentale en télécommunications éventuellement affectés au RNRT. Cette année, on peut estimer avec l'explosion des activités de recherche liées aux nouvelles technologies de l'information et de la communication et compte tenu de leur importance stratégique, qu'il faudrait un sursaut national auquel le gouvernement et sans doute le Parlement et l'opinion ne sont manifestement pas prêts, alors qu'ils admettent que des sommes analogues soient dépensées pour d'autres sujets, importants certes, mais de bien moins grand intérêt pour la construction de l'avenir de notre pays.

4. Le renforcement de la cohérence de la politique nationale de recherche

La volonté affichée par le gouvernement de restaurer la capacité d'orientation de la politique nationale de la recherche se traduit par trois mesures.

•  En premier lieu, a été annoncée par le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie, la création d'un conseil national de la science . Cette nouvelle instance, composée d'une vingtaine de personnalités scientifiques françaises et européennes et de représentants du monde économique, aura la charge de conseiller le gouvernement sur les orientations de la politique de la recherche et de la technologie.

Votre rapporteur souhaite vivement que cette nouvelle structure contribue efficacement à la définition des orientations stratégiques de la politique de recherche. Cela implique que ses compétences soient précisées par rapport à celles d'autres organismes consultatifs comme le comité stratégique pour l'enseignement supérieur et la recherche ou encore le comité interministériel de la recherche scientifique et technique soit précisée.

• En second lieu, est créé un fonds national pour la science . Ce nouvel instrument financier -dont la finalité exacte reste encore à définir- doit contribuer au pilotage du dispositif français de recherche. Il permettra de mobiliser les universités et les organismes publics de recherche autour de thèmes prioritaires, grâce à des actions concertées, les crédits qui y seront affectés venant s'ajouter aux moyens des équipes de recherche.

Outre des crédits consacrés à des actions incitatives à hauteur de 188,42 millions de francs en crédits de paiement et 370 millions de francs en autorisations de programme, la dotation du fonds national de la science, inscrite sur un nouveau chapitre budgétaire, regroupe celles du centre national de séquençage et du centre national de génotypage. Elle s'élève au total à 318,42 millions de francs en crédits de paiement et à 500 millions de francs en autorisations de programme. Les crédits de ce fonds devraient permettre la mise en place d'actions incitatives dans des secteurs prioritaires (sciences de la vie, sciences pour l'ingénieur, chimie, sciences humaines et sociales). Conduites pendant une période maximum de quatre ans, ces actions auront vocation à être poursuivies au sein des organismes de recherche et des universités.

Sans vouloir se prononcer sur l'opportunité de la création d'un nouvel instrument de pilotage de la politique de recherche et sans préjuger de l'efficacité d'un tel fonds, votre rapporteur note que le montant des dotations affectées à ce fonds, ainsi qu'un certain risque de saupoudrage des crédits laissent craindre que l'objectif de réorientation du dispositif de recherche ainsi poursuivi -aussi légitime soit-il- ne puisse être atteint.

• Enfin, pour la deuxième année consécutive, une part des créations d'emplois inscrites au budget de la recherche n'est pas affectée par le projet de loi de finances initiale à des EPST, la réserve ainsi constituée devant être répartie au cours de l'exercice budgétaire entre les différents établissements. En 1999, ces créations d'emplois non affectées sont au nombre de 12, contre 21 en 1998.

Ce " volant " d'emplois sera destiné à soutenir les regroupements thématiques et accompagner les mesures de rationalisation des structures de la recherche. Votre rapporteur, favorable à la souplesse de gestion introduite par une telle mesure, considère qu'elle doit être le moyen de renforcer des centres d'excellence.

Le tableau ci-dessous indique l'affectation de la réserve de créations d'emplois en 1998 :


EPST

Affectation
réserve 1998

INRA

CEMAGREF

CNRS

ORSTOM

4

1

10

6

TOTAL

21

Il serait souhaitable à l'avenir de disposer d'un suivi de la gestion de ces personnels et notamment de pouvoir examiner s'ils sont affectés à des équipes qui démontrent leur volonté de contribuer à la nécessaire mobilité des chercheurs et à la création d'entreprises innovantes. L'absence de l'INRIA dans la liste des EPST ayant reçu des affectations au titre de cette réserve est à cet égard étonnante.

II. UN IMPÉRATIF : RENFORCER LE SOUTIEN À L'INNOVATION

Le décalage entre la position satisfaisante de la recherche fondamentale française et la faiblesse de notre position technologique est désormais une situation unanimement reconnue.

Ce déséquilibre a été à nouveau souligné par les études réalisées par l'Observatoire des sciences et des techniques à la fin de l'année 1997. En effet, si la production scientifique française connaît une évolution favorable, notamment dans des disciplines comme les mathématiques, la biologie fondamentale ou encore la physique et la chimie, la position technologique de la France continue à se dégrader. Ainsi, entre 1987 et 1996, en dépit d'une augmentation des dépenses de recherche et développement, la part de la France a fortement diminué dans le système du brevet européen passant de 8,5 % à 7 %, cette régression s'observant également dans le système du brevet américain où la part de la France passe, sur la même période, de 3,8 % à 3,1 %.

La France n'utilise pas son potentiel de recherche pour dynamiser le tissu économique et créer de nouvelles entreprises.

Si l'on veut citer des exemples français de ces " poules aux oeufs d'or " de l'économie que sont les entreprises à croissance rapide, on est vite limité à quelques sociétés, alors qu'aux Etats-Unis elles se comptent par centaines dans le seul état de Californie.

Or, l'innovation technologique constitue la condition déterminante de la croissance économique.

Dans un contexte de mondialisation croissante, une forte réactivité est désormais exigée des entreprises face à l'accélération de la mise sur le marché de produits nouveaux. L'appropriation rapide de l'innovation est la seule solution pour assurer la rentabilité des entreprises et la compétitivité de notre économie nationale .

Votre rapporteur ne peut donc qu'approuver les propos tenus par le Premier ministre lors des assises de l'innovation qui se sont tenues à la Villette le 12 mai dernier : " La croissance est aujourd'hui tirée par les secteurs des technologies modernes et des nouveaux services, elle le sera encore plus demain. Toute nation soucieuse de son avenir se doit d'être présente et ambitieuse sur ces secteurs. Faire en sorte que par l'innovation, l'investissement et la création de nouvelles entreprises, le retour à la croissance qui se fait sentir soit durable : tel est notre objectif. "

En effet, ces orientations ne font que confirmer celles préconisées sans relâche par votre rapporteur depuis treize ans. Le soutien à l'innovation constitue un impératif.

L'intérêt des investisseurs pour notre territoire et la qualité de notre recherche fondamentale montrent que notre économie dispose d'un fort potentiel en matière d'innovation. Pour en tirer partie, l'effort doit s'orienter dans trois directions :

- réorienter le financement public de la recherche vers les PME-PMI ;

- simplifier le dispositif de transfert et de diffusion de la technologie ;

- créer des conditions financières et fiscales favorables au développement des entreprises innovantes.

A. RÉORIENTER LE FINANCEMENT DE LA POLITIQUE DE RECHERCHE EN FAVEUR DE L'INNOVATION TECHNOLOGIQUE

1. Un financement public peu adapté

a) Un financement public trop concentré

L'effort global de recherche et développement français qui représente 2,32 % du PIB s'inscrit dans la moyenne des pays industrialisés.

Néanmoins, le système français se distingue par l'importance de son financement public, comme en témoigne le tableau ci-dessous.

ANALYSE DES DÉPENSES INTÉRIEURES DE RECHERCHE ET DE DÉVELOPPEMENT
EN 1996

en %

 

DIRD/PIB

Part de la DIRD financée par :
(en 1996)

Part de la DIRD exécutée par : (en 1996)

 

1991

1994

1995

1996

Entreprises

Adminis-trations

Étranger

Entreprises

Adminis-trations

États-Unis

2,81

2,52

2,61

2,62

62,5

37,5

 

73,2

26,8

Japon (1)

2,82

2,63

2,77

n.c.

72,3

27,6

0,1

70,3

29,7

Allemagne

2,61

2,32

2,3

2,28

60,8

37,3

1,9

66,3

33,7

France

2,41

2,38

2,34

2,32

48,2

43,4

8,4

61,5

38,5

Sources : OCDE/MENRT

(1) L'OCDE a ajusté les séries du Japon pour les rendre comparables à celles des autres pays ; dernière année disponible : 1995


Ces financements publics ne privilégient pas la diffusion de l'innovation technologique dans l'ensemble du tissu industriel.

Les études réalisées en 1998 par l'Observatoire des sciences et des techniques soulignent, en effet, qu'en 1994 les grands groupes liés à la Défense et leurs filiales bénéficiaient de 98 % des crédits militaires, de 86,3 % des contrats des grands programmes civils et du quart des crédits incitatifs. Ces chiffres témoignent donc de la permanence du modèle français de développement scientifique, technologique et industriel, caractérisé par l'importance des grands programmes militaires ou civil mis en oeuvre pour le compte de l'Etat et visant à satisfaire des besoins éloignés de ceux du marché.

b) L'absence d'approche duale

A la différence des États-Unis et de la Grande-Bretagne, les liens entre les recherches militaires et les avancées technologiques civiles ont été insuffisamment développés. Cela est d'autant plus regrettable que les secteurs susceptibles de bénéficier d'une approche duale sont ceux qui sont le plus susceptibles de connaître une croissance rapide au cours des années à venir, qu'il s'agisse de l'électronique, de l'informatique, des télécommunications ou des techniques spatiales.

2. Un financement de la recherche qui ne profite qu'insuffisamment aux petites et moyennes entreprises

Résultat de la concentration des financements sur de grands programmes civils et militaires stratégiques, les petites et moyennes entreprises sont écartées des procédures de soutien public à l'effort de recherche et de développement .

Cette situation dont votre rapporteur ne cesse depuis plusieurs années de souligner les inconvénients a été à nouveau mise en lumière par les études statistiques réalisées à l'occasion de la mission confiée à M. Henri Guillaume.

RÉPARTITION DU FINANCEMENT PUBLIC PAR TAILLE D'ENTREPRISE EN 1995

 

Dépenses de recherche (en MdsF)

Financement public (en MdsF)

Taux d'aide moyen estimé (en %)

Grandes entreprises

(> 2000)

64, 2

11,8

18,4

dont filiales groupes

61,6

11,8

19,1

Autres

2,6

0,02

0,6

Entreprises moyennes

(200 - 2000)

32,5

2,5

7,7

dont filiales groupes

24,3

2,0

8,4

Autres

8,2

0,5

5,5

Petites entreprises

(<200)

12,6

1,1

8,8

dont filiales groupes

4,5

0,5

10,1

Autres

8,1

0,7

8,1

Total

109,2

15,4

14,1

dont filiales groupes

90,4

14,3

15,8

Autres

18,8

1,1

6,0

Source : Enquête recherche MENRT, Financement communautaire, de l'ESA et du CIR exclus

Le tableau ci-dessus 1( * ) fait apparaître que les entreprises moyennes et les petites entreprises bénéficient de taux de financement public de leurs dépenses de recherche très inférieurs à la moyenne qui s'établit à 14,1 % (soit respectivement 7,7 % et 8,8 %). Par ailleurs, on observe que ces taux sont encore inférieurs pour les entreprises indépendantes des grands groupes industriels.

Les résultats des enquêtes réalisées à partir de l'examen des crédits incitatifs du ministère de l'économie et des finances, du ministère de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie et de l'ANVAR corroborent ce constat.

Cette spécificité française se trouve accentuée par les modalités d'attribution des crédits communautaires . En effet, votre rapporteur le soulignait déjà l'an dernier, les fonds communautaires profitent pour l'essentiel à des grandes entreprises. Cette situation résulte à l'évidence des procédures d'appel d'offre suivies par la Commission européenne, ces entreprises étant les seules à pouvoir constituer des dossiers susceptibles d'être retenus dans les délais souvent très courts qu'elles imposent. Par ailleurs, la définition de grands programmes au sein du PCRD 2( * ) privilégie la logique des grands groupes plus que celle des PME-PMI, qui trouvent mieux leur place dans des actions comme Eurêka, où la sélection des programmes se fait non pas par appels d'offre mais sur les dossiers proposés directement par les entreprises ou les centres de recherche.

C'est la raison pour laquelle votre rapporteur se félicite de la saisine par le Bureau du Sénat sur proposition du président du groupe du RDSE et par plusieurs commissions permanentes du Sénat de l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques d'une demande d'étude comparative des procédures Eurêka et des procédures de la Commission européenne.

Moins enclines à raisonner selon la logique de la commande publique, les petites et moyennes entreprises sont pourtant plus que les grands groupes susceptibles de s'adapter à l'évolution du marché . Rappelons que les entreprises moyennes (entre 200 et 2 000 salariés) représentent le quart des emplois industriels français. Enfin, elles jouent un rôle déterminant dans l'animation des économies régionales, contribuant ainsi à une politique dynamique d'aménagement du territoire.

3. Augmenter les moyens du Fonds de la recherche et de la technologie

Le Fonds de la recherche et de la technologie (FRT), dont les crédits sont inscrits au chapitre 66-04 du fascicule recherche et technologie, regroupe des crédits incitatifs destinés au soutien de la recherche technologique de base menée par les entreprises industrielles en liaison avec les laboratoires publics. Sa vocation est donc de servir de catalyseur entre la recherche fondamentale, la recherche en matière de technologies génériques et la recherche industrielle finalisée.

Le fonctionnement de ce Fonds n'a pas jusqu'à présent permis à cet instrument de remplir le rôle qui lui incombait.

En premier lieu, le FRT a subi les conséquences d'une gestion budgétaire qui s'est traduite par un déséquilibre des autorisations de programme et des crédits de paiement et par l'accumulation d'un endettement du FRT auprès des organismes de recherche et des entreprises qui a nui à son image.

Par ailleurs, les crédits du FRT semblent notoirement sous-évalués au regard de la mission de soutien à l'innovation technologique que le ministère de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie lui a assignée.

En effet, l'essentiel des crédits du FRT sont destinés à financer la participation du ministère de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie à des programmes interministériels. Le financement de ces programmes représentait, en 1998, 56 % des autorisations de programme. Il se répartissait en 1998 entre les principaux programmes suivants :

- REACTIF (programme de recherche en entreprise des applications de la chimie aux techniques industrielles futures, lancé en 1996 pour une durée de 5 ans) pour 43 millions de francs ;

- PREDIT (programme de recherche dans le domaine des transports terrestres), lancé en 1995 pour 70 millions de francs ;

- le projet relatif aux biotechnologies en faveur de l'environnement, de la santé et de l'agro-alimentaire, lancé en 1996 pour 10 millions de francs ;

- les projets du réseau national de recherche en télécommunications arrêtés par le conseil des ministres du 14 mai 1997 pour 60 millions de francs.

Compte tenu de l'importance de ces programmes, les autres actions du FRT sont réduites à la portion congrue. Cela a été le cas en particulier des financements destinés aux projets de la procédure Eurêka dont les crédits n'ont cessé au cours des dernières années de diminuer alors que son efficacité comme dispositif de soutien à l'innovation technologique est unanimement reconnue . A ce titre, votre rapporteur se félicite que la contribution du FRT à cette procédure soit significativement accrue en 1999 en étant portée à 80 millions de francs, contre 40 millions de francs en 1998 3( * ) .

Il est donc essentiel que l'effort consenti par le projet de budget pour 1999 en ce qui concerne le montant des autorisations de programme soit poursuivi et qu'il ne soit pas compromis par une gestion reproduisant les errements du passé.

Enfin, il s'avère que ces crédits incitatifs ne bénéficient pas suffisamment aux PME-PMI , ces dernières bénéficiant en 1996 de 28 % des crédits du FRT destinés aux entreprises. Si la volonté de recentrer les financements a été exprimée, elle ne se traduit pas encore dans l'attribution des crédits, ce que votre rapporteur ne peut que déplorer une nouvelle fois cette année.

B. SIMPLIFIER LE DISPOSITIF DE TRANSFERT ET DE DIFFUSION DE LA TECHNOLOGIE

1. Évaluer et rationaliser les structures d'aide au transfert

L'ANVAR: un rôle globalement positif mais une dérive dangereuse

L'Agence nationale de valorisation de la recherche (ANVAR) joue dans ce dispositif un rôle central. Elle constitue, en effet, l'instrument principal d'aide à l'innovation dont disposent le ministère de l'éducation national, de la recherche et de la technologie et le ministère de l'économie et des finances.

Son action demeure axée sur le soutien aux projets innovants, l'accompagnement des créations d'entreprises innovantes, l'accroissement du potentiel de ressources des PME-PMI par l'aide au recrutement de cadres de recherche et le soutien aux transferts de technologies.

Le bilan de son action s'avère très satisfaisant. Son rôle est bien connu des PME-PMI et en particulier des sociétés à croissance rapide et des start-up qui apprécient son efficacité. Les délégations larges accordées aux délégués régionaux lui permettent une rapidité d'action et une souplesse de gestion très rares pour un organisme dépendant de l'Etat. Par ailleurs, leur pratique du travail en réseau, qu'il soit régional (directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement, collectivités locales...) ou international (procédures Eurêka) confère souvent aux interventions de l'ANVAR un caractère fédérateur favorable aux entreprises.

En 1997, l'Agence est intervenue pour un montant total de 1 350 millions de francs et a accordé 4 664 aides à l'innovation, soit :

- 1 527 mises au point de produits ou procédés nouveaux (depuis la faisabilité jusqu'à la préparation du lancement industriel), pour un montant de 1 099 millions de francs ;

- 640 recrutements pour l'innovation, pour un montant de 97 millions de francs ;

- 1 643 prestations du Réseau interrégional de diffusion technologique, pour un montant de 49 millions de francs ;

- 47 soutiens à des sociétés de recherche sous contrat, pour un montant de 86 millions de francs ;

- 726 " projets jeunes " pour un montant de 15 millions de francs ;

- 81 soutiens à des inventeurs indépendants, pour un montant de 4 millions de francs.

Au total, 1 900 entreprises ont reçu le soutien direct de l'ANVAR (hors prestation du Réseau de diffusion technologique). Sur ce nombre, 51 % recouraient à ses services pour la première fois. Ce résultat témoigne de l'activité de terrain des chargés d'affaires, qui s'est traduite par plus de 11 000 contacts avec des entreprises, tant pour les informer sur l'action de l'Agence que pour accompagner les projets.

Au regard de ce bilan, votre rapporteur considère qu'il serait opportun de consolider les compétences de l'ANVAR afin de renforcer le rôle déterminant qu'elle joue dans les processus de diffusion de l'innovation et de valorisation des résultats de la recherche.

Cette opinion doit être nuancée par le constat d'une dérive. Les projets sélectionnés par l'ANVAR ne sont pas toujours ceux qui sont les plus porteurs d'innovations importantes donc les plus risqués. Pour ces derniers, compte tenu des procédures de remboursement appliquées, l'intérêt national n'est pas compatible avec l'intérêt financier de l'ANVAR.

Les procédures de remboursement des aides doivent être modifiées. En effet, les procédures en vigueur défavorisent les innovations à haut risque d'échec mais également à haut risque de gains c'est-à-dire les vraies innovations de rupture. Un calcul simple montre qu'une saine gestion par les délégués de l'ANVAR de l'intérêt de leur organisme les conduit à éviter d'aider les innovations de rupture. La solution à cette difficulté est simple: en cas de réussite, un pourcentage du chiffre d'affaires des sociétés aidées pourrait être reversé dans les caisses de l'ANVAR.


Les autres partenaires

Aux côtés de l'ANVAR existent un grand nombre de structures qui, sous les statuts les plus divers, proposent aux entreprises une offre de services très hétérogène. Etre exhaustif supposerait d'établir une très longue liste des centres techniques industriels, des diverses cellules d'information des assemblées consulaires, des centres régionaux d'innovation et de transfert de technologie (CRITT), des centres de ressources technologiques, des conseillers technologiques, des réseaux de développement économique, des réseaux de développement industriel et des réseaux de diffusion technologique etc.

Les essais de rationalisation entrepris dans le cadre des contrats de plan Etat-régions (1994-1998) comme les procédures de labélisation ont été largement évoqués dans le rapport Guillaume.

Votre rapporteur constate qu'en dépit de tentatives de clarification partielles, le dispositif d'aide au transfert de technologie demeure encore trop opaque. Il lui apparaît nécessaire, dans la perspective de la préparation des nouveaux contrats de plan Etat-régions, de procéder à une évaluation de toutes les structures en activité et d'adapter le soutien public à leurs performances réelles.

2. Simplifier les aides de l'Etat

A la complexité du dispositif d'aide au transfert technologique s'ajoute le foisonnement des aides attribuées au niveau régional par l'Etat que ce soit par l'intermédiaire des DRIRE, de l'ANVAR ou des DRRT (délégations régionales à la recherche et à la technologie).

M. Henri Guillaume, dans son rapport précité, a formulé des propositions destinées à simplifier ces dispositifs.

Distinguant dans le projet industriel deux phases, la première consacrée à la recherche et au développement et la seconde, au développement industriel et commercial, il propose de réorganiser les dispositifs régionaux de soutien aux PME en suggérant :

- d'une part, la mise en place d'un dispositif de soutien à l'innovation et au développement technologique géré par l'ANVAR qui comprendrait une aide aux projets, une aide aux transferts par les hommes et une aide aux prestations technologiques ; les procédures d'aide gérées par les DRRT vont dans le même sens et peuvent abonder;

- et, d'autre part, la mise en place d'un dispositif de soutien au développement industriel et à l'exportation géré par les DRIRE et les directions régionales du commerce extérieur qui comprendrait des aides à l'investissement, au renforcement de l'encadrement, au conseil et à l'exportation.

Ce schéma correspond à la logique des projets industriels.

C. CRÉER DES CONDITIONS FINANCIÈRES ET FISCALES FAVORABLES AU DÉVELOPPEMENT DES ENTREPRISES INNOVANTES

On connaît les exemples nombreux d'entreprises technologiques générant richesses, emplois, dynamisme économique et qui, en peu d'années, prennent une part importante du marché mondial.

Ce sont les poules aux oeufs d'or de l'économie moderne.


Beaucoup sont localisées en Californie et aussi dans bien d'autres lieux mais assez peu en France. Pourquoi ?

Répondre à cette question, c'est identifier les obstacles auxquels se heurtent les idées et les résultats innovants qui sont nombreux à se faire jour dans tous les organismes publics ou privés français.

Il y a des obstacles culturels imputables à la sociologie dominante, des obstacles financiers et des obstacles résultant de structures constitutionnelles trop figées.

1. Réhabiliter le risque entrepreneurial

a) La trop faible propension à entreprendre

La prise de risque n'est pas perçue comme essentielle pour la création d'emplois, de richesse et de satisfaction. Ce phénomène d'ordre culturel est-il inéluctable ? Certes l'assistanat généralisé ou la protection systématique du salariat -au détriment de ceux qui entreprennent- est inscrit dans les lois et les règlements, comme s'il n'y avait pas d'autres travailleurs que les travailleurs salariés. Commerçants, artisans, cultivateurs, entrepreneurs individuels, professions libérales sont souvent oubliés. Il suffit que telle ou telle catégorie de fonctionnaires ou d'employés d'entreprises nationales menacent de faire grève pour que les médias s'émeuvent. Les travailleurs indépendants savent bien qu'ils n'intéressent pas les médias et que leur journée de grève ne sera jamais payée par les contribuables !

Modifier cette donnée de la sociologie française est une tâche difficile, et néanmoins indispensable. Elle est réalisable à condition de le vouloir avec continuité et ténacité. Des micro-cultures locales ont pu ainsi se développer dans des lieux privilégiés : les technopoles en particulier, du moins celles qui ont une taille critique et une proportion suffisante d'installations industrielles en liaison avec le système de la recherche. Les créations d'entreprises par des chercheurs y sont plus nombreuses qu'ailleurs, ce qui souligne l'importance de la proposition de loi en cours de discussion sur la création d'entreprise par les chercheurs et du projet de loi sur l'innovation qui nous est annoncé par le ministre en charge de la recherche.

b) De nouvelles mesures destinées à favoriser la création de petites ou moyennes entreprises innovantes

Votre rapporteur souligne depuis de nombreuses années la nécessité d'encourager les vocations de créateurs d'entreprises. Les Français sont, en effet, traditionnellement peu enclins à cultiver le goût du risque et le désir d'entreprendre, ces réticences s'expliquant notamment par les difficultés administratives liées à la création d'entreprises mais également par la nature de la formation et de l'enseignement qu'ils reçoivent. En effet, près de deux jeunes sur trois estiment que le milieu scolaire ne permet pas de développer le goût pour l'innovation et la recherche et la majorité d'entre eux considère que le climat n'est pas en France favorable à l'esprit d'entreprise.

L'encouragement à la création d'entreprises passe notamment par la reconnaissance fiscale du risque pris par les investisseurs.

La loi de finances pour 1998 a prévu deux dispositifs destinés à valoriser les compétences : l'un permettant le report d'imposition des plus-values en cas de réinvestissement dans une société non côtée et l'autre concernant les bons de souscription de parts de créateur d'entreprises.

Votre rapporteur qui avait accueilli favorablement la mise en oeuvre de ces deux dispositifs l'an dernier ne peut que se féliciter que l'article 4 du projet de loi de finances pour 1999 en élargisse le bénéfice aux sociétés créées depuis moins de quinze ans, tout en regrettant qu'il ne s'accompagne pas d'une prorogation de leur application, le terme de cette dernière demeurant fixé au 31 décembre 1999.

Les mesures fiscales destinées à valoriser les compétences et les savoirs

- le report d'imposition de plus-values en cas de réinvestissement dans une société non cotée

La loi de finances pour 1998 avait fait un premier pas dans le sens d'une meilleure prise en compte du capital-compétence, en prévoyant la possibilité pour des dirigeants de sociétés de bénéficier d'un avantage fiscal lorsqu'ils vendent les parts de leurs sociétés et qu'ils en réinvestissent le produit dans une société non cotée créée depuis moins de sept ans.

Cette mesure, qui consistait en un report d'imposition des plus-values de cession de droits sociaux, devait permettre aux nouvelles entreprises de bénéficier de ressources financières tout en tirant profit des capacités de dirigeant de leurs investisseurs.

Votre rapporteur avait salué l'an dernier cette initiative susceptible de susciter des vocations de " business angels ", encore trop rares en France aujourd'hui.

Sous ce vocable dont il n'existe pas encore d'équivalent français -l'angélisme et les affaires ne vont pas dans notre culture facilement de pair- se cachent des personnalités qui, ayant créé ou dirigé des entreprises, ont été conduites à revendre leurs stock-options et disposent donc de capitaux. Leurs compétences et leur tempérament les amènent à investir dans de jeunes entreprises et parfois à participer à leur gestion. Elles apportent donc compétences et réseaux de relations.

Ce phénomène est absolument capital dans la dynamique californienne et commence à se développer en Europe. Ainsi, un réseau de business angels s'est mis en place à partir de 1995 en France et en Europe. Il regroupe des institutions financières et des FCPI spécialisés dans le financement de PME innovantes et d'entreprises à croissance rapide mais aussi quelques " business angels " personnes physiques. Sa vocation est en quelque sorte de créer un marché entre les investisseurs et les entrepreneurs à la recherche de fonds.

UN EXEMPLE DE L'INTERVENTION DES " BUSINESS ANGELS " :
la société " REALIZ "

REALIZ, société créée le 1er mars 1998 avec un capital de l'ordre d'un million de francs, est un essaimage de l'INRIA de Sophia Antipolis et des cadres de Medialab (CANAL +). Regroupant six associés (moyenne d'âge 30 ans), elle a bénéficié d'une étude de marché cofinancée par l'ANVAR, de procédures CORTECHS et CIFRE gérée par la DRRT, d'une licence de brevets déposée par l'INRIA, du savoir faire et de financements en capital et en avances de trésorerie de " business angels " tels que MM. Alain Gingaud (ex-PDG de Siemens Nixdorf France), Jean-Marie Hullot (ancien directeur technique de Next) et de Steve Jobs (Nikon Itec).

REALIZ, spécialiste de l'image de synthèse, emploiera 17 personnes avant la fin 1998. Elle a investi 3 millions de francs et augmente son capital d'un million de dollars. Elle a au début de l'année 1998 une filiale de commercialisation en Californie où elle trouvera comme clients les grands d'Hollywood. Il importe que le centre de décision de REALIZ demeure en France et, donc, que cette société puisse être capitalisée par des " business angels " français et des institutions financières françaises et non uniquement par l'entrée sur le légendaire NASDAQ.

- Les " stocks options " : une mesure indispensable

La loi de finances pour 1998 avait prévu que les sociétés non cotées créées depuis moins de sept ans pouvaient proposer à leur personnel des bons de souscription de parts de créateur d'entreprise à un prix définitivement fixé lors de leur attribution et donnant le droit de souscrire une part du capital de la société.

Cette mesure adaptait le système plus connu sous le nom de " stock-options " aux sociétés innovantes. En effet, elle permettait à celles dotées d'un fort potentiel de croissance d'attirer, en les intéressant à leur croissance, des dirigeants, des cadres ou des scientifiques de haut niveau auxquels elles n'ont pas en général les moyens d'offrir des salaires élevés. Ainsi, ces derniers disposent de la faculté de capitaliser leur investissement personnel et de compenser le risque financier élevé que représente la participation au capital de l'entreprise. Pour ces raisons, cette mesure présentait un caractère stratégique.

Néanmoins, ses modalités de mise en oeuvre n'étaient pas de nature à garantir sa pleine efficacité, dans la mesure où cette possibilité n'était ouverte que pendant les sept premières années d'existence de l'entreprise, période où l'équipe dirigeante est encore restreinte et le succès incertain. L'extension de ce dispositif aux sociétés créées depuis moins de quinze ans prévue par le projet de loi de finances est donc bienvenue. Il faut s'en féliciter.

Encourager fiscalement la prise de risque

Si les dispositifs fiscaux précédemment évoqués sont indiscutablement favorables aux PME-PMI innovantes, ils ne permettent pas de répondre à la difficulté première à laquelle se trouvent confrontés les entrepreneurs qui consiste à réunir les premiers capitaux
. Depuis longtemps déjà, votre rapporteur insiste sur la nécessité de drainer l'épargne de proximité vers les PME. En effet, ce sont souvent les proches du créateur d'entreprise qui constitueront son premier actionnariat. Cela implique que les dispositions fiscales reconnaissent le caractère risqué de ce type d'investissement.

L'article 67 du projet de loi de finances pour 1999 s'inscrit dans cette perspective en procédant à un aménagement du dispositif de déduction du revenu global des pertes au capital de sociétés en cessation de paiements .

Les particuliers qui ont souscrit en numéraire au capital d'une société nouvelle constituée à compter du 1er janvier 1994 ou à une augmentation de capital réalisée par une société dans le cadre d'un plan de redressement ordonnant la continuation de l'entreprise, peuvent déduire de leur revenu imposable les pertes en capital subies en cas de cessation de paiements de la société.

La déduction est égale au montant de la souscription, sous déduction éventuelle des sommes récupérées par le contribuable. Elle est plafonnée annuellement à 100 000 francs pour une personne seule ou à 200 000 francs pour un couple marié. Elle est notamment subordonnée à la condition que la cessation des paiements de la société intervienne dans les cinq ans de sa constitution ou du plan de redressement. De plus, s'il s'agit de pertes subies à raison de la souscription au capital d'une société nouvelle, celle-ci ne doit notamment ni avoir été créée dans le cadre de la reprise d'une activité préexistante, ni être détenue pour plus de 50 % de son capital par d'autres sociétés.

Les assouplissements apportés à ce dispositif par le projet de loi de finances pour 1999 sont destinés à encourager davantage la prise de risque que représente pour les particuliers la souscription au capital de petites et moyennes entreprises, notamment en cas de souscription au capital de PME innovantes et à fort potentiel de croissance.

Le champ d'application du dispositif est étendu. Le délai pouvant s'écouler entre la création ou le plan de redressement de la société et son état de cessation de paiement est porté de 5 à 8 ans. Par ailleurs, sont incluses dans ce dispositif les entreprises créées par voie d'essaimage, c'est-à-dire les entreprises créées par les salariés d'une société et financées par cette dernière.

Enfin, les règles de détention du capital de la société nouvelle sont modifiées dans le sens d'un assouplissement, les participations détenues par les divers organismes de capital risque (SCR, SDR, SFI, FCPI, FCPR) n'étant plus assimilées à des participations d'autres sociétés.

2. Améliorer le financement de l'innovation

En France, le financement de l'innovation se heurte traditionnellement à l'insuffisance relative de l'épargne longue, aggravée par son insuffisante orientation vers les placements à risque.

Grâce à la création d'instruments nouveaux comme le Nouveau marché ou de dispositifs fiscaux incitatifs tels les fonds communs de placement dans l'innovation ou les stocks-options, les mécanismes financiers de soutien à l'innovation ont pu être améliorés.

Si les progrès enregistrés jusqu'à présent ont permis aux entreprises déjà créées de trouver les moyens financiers nécessaires à leur développement, le financement de la phase d'amorçage reste encore insuffisant.

a) Orienter l'épargne vers les entreprises innovantes

L'article 102 de la loi de finances pour 1997, répondant à des demandes formulées par votre commission depuis de nombreuses années, a créé les fonds communs de placement dans l'innovation (FCPI).

Un FCPI est une variété de fonds communs de placements à risques (FCPR) qui a vocation à investir 60 % de ses fonds dans des entreprises innovantes non cotées, comptant moins de 500 salariés, dont le capital est détenu majoritairement par des personnes physiques ou par des personnes morales détenues par des personnes physiques. Ces sociétés doivent avoir réalisé, au cours des trois exercices précédents, des dépenses cumulées de recherche, d'un montant égal au tiers du chiffre d'affaires le plus élevé réalisé au cours de ces trois exercices ou justifier d'une activité dont le caractère innovant a été reconnu par l'ANVAR pour une durée de trois ans renouvelable.

A ce jour, on recense 6 FCPI.

Les personnes physiques qui souscrivent aux FCPI peuvent bénéficier d'une réduction d'impôt de 25 % du montant investi plafonné à 75 000 francs pour les personnes seules et à 150 000 francs pour les couples mariés.

Les FCPI devaient, d'une part, remédier à l'insuffisante participation des organismes de crédits au financement des entreprises innovantes et, d'autre part, permettre une mobilisation de l'épargne de proximité qui joue souvent un rôle déterminant dans la création de ces entreprises.

Le projet de loi de finances pour 1999 propose dans son article 66 de proroger la période d'application de la réduction d'impôts jusqu'au 31 décembre 2001. Notons que cette prorogation concerne également la réduction d'impôts attachée à la souscription au capital de sociétés non cotées prévue à l'article 199 terdecies 0A du code général des impôts.

Par ailleurs, le projet de loi de finances pour 1999 propose d'étendre le champ d'application de la réduction d'impôts accordée au titre de la souscription au capital de sociétés non cotées en relevant les seuils de chiffres d'affaires des entreprises pouvant bénéficier de ce régime et également d'assouplir les conditions d'éligibilité des sociétés dont les titres peuvent figurer dans le quota de 60 % des FCPI.

Votre rapporteur se félicite de la prorogation et de l'extension de ces dispositifs. Toutefois, il regrette que l'avantage fiscal consenti en faveur des souscripteurs de parts de FCPI ne soit pas plus incitatif compte tenu du caractère stratégique des investissements privés dans l'innovation et demeure bien modeste comparé à des dispositifs tels que les SOFICA. Votre rapporteur estime souhaitable de relever de 150 000 à 200 000 francs le plafonds de la réduction d'impôt pour les couples mariés et de porter la réduction d'impôt à 50 % des sommes investies... et risquées.

Rappelons, par ailleurs, que la loi de finances pour 1998, afin de mobiliser l'épargne mutualisée en faveur des PME et des entreprises innovantes, avait prévu que les produits des contrats d'assurance-vie investis principalement en titres de fonds communs de placement à risque (FCPR), de FCPI, de sociétés à capital risque (SCR), de sociétés financières d'innovation (SFI), de sociétés non cotées ou cotées sur le Nouveau marché bénéficient de l'exonération d'impôts sur le revenu. Il est pour l'heure trop tôt pour apprécier l'impact d'une telle mesure sur l'orientation de cette forme d'épargne vers le capital-risque et les entreprises innovantes.

b) Encourager les dépenses de recherche des PME-PMI

L'an dernier, votre rapporteur avait souligné la nécessité de reconduire le dispositif de crédit d'impôt recherche. Il se félicite donc que l'article 64 du projet de loi de finances pour 1999 propose de proroger ce dispositif pour une durée de cinq ans et d'aménager certaines de ses modalités.

En effet, le crédit d'impôt recherche constitue une composante essentielle de l'aide publique en faveur de la recherche. Du fait de ses modalités, il substitue à la logique des aides sectorielles celle du marché et corrige la logique traditionnelle du soutien public à la recherche. Par ailleurs, il permet la diffusion de la recherche sur l'ensemble du tissu industriel et non pas dans certains secteurs sélectionnés. Enfin, dans le cadre de la modulation territoriale introduite par la loi d'orientation sur l'aménagement du territoire, il constitue une incitation à la localisation hors de la région parisienne de la recherche industrielle. Sans doute conviendrait-il d'augmenter cette modulation afin d'en accroître l'impact.

En effet, ce dispositif, neutre du point de vue de la dépense engagée et de l'activité de recherche mise en oeuvre, permet d'orienter la recherche française vers les secteurs les plus profitables et les plus compétitifs.

Plus de 7 000 entreprises, dont 6 300 PME, ont souscrit une déclaration de crédit d'impôt recherche (CIR) au titre de 1997. Rappelons que le CIR est attribué sur option à toute entreprise exerçant une activité industrielle, commerciale ou agricole, quelle que soit sa forme juridique. Calculé sur l'accroissement des dépenses de recherche exposées par l'entreprise, il est égal à 50 % de l'excédent des dépenses de l'année par rapport à la moyenne de celles exposées au cours des deux années précédentes.

Comme l'indique le tableau ci-dessous, le CIR s'avère très favorable aux PME.

ENTREPRISES BÉNÉFICIAIRES DU C.I.R. EN 1997

 

NOMBRE D'ENTREPRISES (en %)

R & D EFFECTUÉE (en %)

C.I.R. PERÇU
(en %)

Petites entreprises (moins de 20 personnes)

32

4

12

Entreprises moyennes (20 à 500 personnes)

58

24

42

Grandes entreprises (plus de 500 personnes)

10

72

46

Parmi les aménagements apportés par le projet de loi de finances, il importe de noter qu'il est prévu de faire bénéficier les entreprises d'une restitution immédiate du CIR pendant les trois premières années d'activité, ce qui est de nature à renforcer la situation financière des entreprises nouvelles.

3. Développer les moyens de financement des entreprises innovantes

Handicapées par la faiblesse de l'épargne longue en France et l'absence de fonds de pension, les entreprises innovantes éprouvent de grandes difficultés à réunir les capitaux nécessaires à leur développement. Il faut donc créer des conditions favorables à un meilleur financement de ces entreprises à toutes les étapes de leur croissance.

A cet égard, nous rappellerons l'effet de levier essentiel que constituent les stock-options et l'importance du rôle des " business angels ", véritables anges gardiens de l'économie moderne.

Nous soulignerons également que les FCPI et les sociétés de capital-risque devraient mieux tenir compte de la nouvelle possibilité offerte par leurs équivalents européens, et par le Nouveau marché.

a) Ouvrir les marchés financiers aux entreprises innovantes : le Nouveau marché

Le " Nouveau marché ", constitué sous l'égide de la Société des bourses françaises, fonctionne à Paris depuis le 1er janvier 1996.

Ce marché, à la création duquel le groupe d'études " Innovation et entreprises " a contribué de manière déterminante, est destiné à favoriser l'essor des entreprises innovantes. Organisé à l'image du NASDAQ américain, il a pour vocation d'assurer aux investisseurs du capital-risque la liquidité de leurs placements.

Plus de deux ans après sa création, ce marché connaît un réel succès : les 50 entreprises qui y sont cotées y ont levé 4 milliards de francs pour financer leur développement. D'après une enquête réalisée par la société du Nouveau marché, les 20 premières entreprises introduites sur ce marché créaient toutes des emplois, avec une progression moyenne des effectifs de 35 % sur une période maximale de douze mois.

L'entrée des entreprises sur le Nouveau marché succède en général à une phase de développement dont le financement a été assuré par des sociétés de capital-risque.

Depuis mars 1997, trois autres marchés de ce type ont été créés en Belgique, en Allemagne et aux Pays-Bas. Ils sont organisés au sein d'un réseau dénommé " Euro NM ", constitué sous la forme d'un GIE. Cette organisation permet une intégration des marchés, les réglementations étant harmonisées. Elle représente déjà 10 milliards de francs de capitaux levés.

Appelés à se développer, ces marchés devraient donc devenir d'ici quelques années des acteurs majeurs du financement des entreprises innovantes. Il est à souhaiter que les avantages qu'ils présentent ne soient pas occultés par les difficultés conjoncturelles liées à la crise financière qu'ils traversent. Ils font, en effet, encore figure de nains comparés au NASDAQ dont la dynamique est telle que d'ici peu la bourse de New-York risque d'être dépassée. En outre, le NASDAQ est en train de mettre en place un système de bourse mondiale sur internet où les commissions bancaires sur les achats ou les ventes de titres seront nettement moins élevées que sur les marchés traditionnels.

b) La création d'un fonds public pour le capital-risque : une initiative encore incertaine

Traduisant la volonté du gouvernement de favoriser l'émergence de nouveaux capitaux pour financer les entreprises innovantes, un fonds public pour le capital-risque a été créé.

Ce fonds, présenté comme " un fonds pour les fonds ", n'investira pas directement dans les entreprises nouvelles mais fonctionnera par abondement sous forme d'avances aux fonds de capital-risque privés.

Il devrait permettre d'accroître, par effet de levier, les capacités d'intervention de ces derniers. En pratique, il apportera des financements à des sociétés de capital-risque privées qui, à leur tour, apporteront des fonds propres aux jeunes entreprises innovantes.

Ces modalités de financement permettent de mettre l'intervention de l'Etat au service des forces du marché puisque c'est aux opérateurs privés qu'il appartiendra d'analyser les perspectives industrielles, financières et commerciales de chaque projet, de décider l'investissement en fonds propres, et donc de prendre la plus grande part du risque d'investissement.

La Caisse des dépôts et consignations a été chargée de la gestion de ce fonds.

Son financement, qui devrait s'élever à 600 millions de francs, est assuré par l'affectation d'une partie des recettes provenant de l'ouverture du capital de France Télécom. Votre rapporteur préférerait des formules fondées sur l'assurance-vie ou les fonds de pension car les sommes prévues ne paraissent pas à la hauteur des besoins des entreprises innovantes qui, en période de croissance, se chiffrent très vite en centaines de millions.

c) Le nécessaire développement des fonds d'amorçage

Comme le soulignait plus haut votre rapporteur, ce sont les premiers capitaux qui sont les plus difficiles à réunir.

Aux États-Unis, cet obstacle est levé notamment grâce à l'intervention des " business angels ", qui sont le plus souvent des professionnels dont le métier est de soutenir les jeunes entreprises afin de récolter les fruits de leur placement au fur et à mesure du développement des sociétés dont ils ont soutenu le décollage.

En France, ce mécanisme est encore embryonnaire et n'est pas encouragé par la fiscalité. Il semble nécessaire de susciter le développement de fonds d'amorçage, à condition qu'ils soient techniquement bien gérés.

La participation des laboratoires publics à ces fonds apparaît légitime. C'est, en effet, en leur sein que l'on cherche à développer des projets de création d'entreprises innovantes et qu'existent les capacités d'expertise scientifique nécessaires pour apprécier la pertinence des investissements envisagés. Ces fonds correspondent à l'évidence à la volonté de mieux valoriser le résultat de la recherche publique.

L'INRIA, institut national de recherche en informatique et en automatique, a créé en novembre 1997 sous le nom d'INRIA-Transfert un fonds commun de placement à risque sur ce modèle. Cette initiative mérite d'être systématisée, notamment dans le secteur des nouvelles technologies de l'information et de la communication et dans celui des biotechnologies.

Il convient aussi d'encourager la création de fonds d'amorçage locaux, à l'image de celui lancé à la fin de l'année 1997 par l'Université de Compiègne.

Ces fonds ne sont en fait qu'un signal fort en direction des investisseurs privés dont l'intervention est essentielle tant en volume financier que pour les compétences en matière de gestion et de management qu'ils peuvent apporter.

4. Des structures institutionnelles trop figées

Votre rapporteur sait que les remarques qui vont suivre vont déplaire. Mais il est certain que les administrations ou les organismes consulaires, malgré certaines initiatives récentes, ne sont pas conçus pour répondre aux besoins des jeunes entrepreneurs aux prises avec des marchés mondialisés et très concurrentiels et dont l'énergie est tournée vers la conquête des niches de marché très pointues et innovantes.

Les entreprises traditionnelles trouvent auprès des institutions et des administrations des partenaires qui parlent le même langage. Lorsque ces entreprises sont des PME, elles trouvent facilement d'autres PME qui ont les mêmes problèmes et des interlocuteurs administratifs capables de les comprendre.

Une PME innovante qui a besoin de conseils juridiques très spécifiques pour des exportations aux États-Unis ou au Japon, ou pour des partenariats complexes de sous-traitance à l'étranger ou en matière de propriété industrielle, ne trouve pas toujours auprès de l'administration ou des assemblées consulaires des personnes à l'écoute et compétentes.

Le problème est difficile à résoudre mais correspond à un besoin réel.

Une forme de mutualisation des difficultés peut être trouvée grâce à la formule des clubs. Mais elle implique l'existence d'une structure pour en organiser les réunions et en fixer les ordres du jour. Les expériences qui ont été faites, notamment dans le cadre de l'association " Route des hautes technologies ", montrent que cette voie mérite d'être explorée. Bien des handicaps auxquels on ne songe pas a priori se révèlent et peuvent, par la mise en commun des problèmes, trouver des solutions.

Cette mutualisation est un des points clés de la nouvelle forme de l'économie mondiale. Elle peut porter sur la mutualisation des risques, par exemple grâce à des mécanismes d'assurances. Ainsi, les problèmes de lutte contre les contrefaçons et de protection de la propriété industrielle qui sont à cet égard stratégiques pour les PME pourraient être réglés de cette façon. Or, il n'existe pas en ce moment " d'assurance-contrefaçon " et votre rapporteur estime nécessaire que des actions puissent être engagées dans ce domaine.


De même, la coopération industrielle dans les projets de recherche devient un problème essentiel étudié par le remarquable rapport remis par M. Thierry Gaudin, ingénieur général des Mines, au ministre chargé de l'industrie : " coopération inter-entreprises et innovation " (1998), dont les conclusions sont les suivantes :

" Le paysage mondial de la coopération interentreprises a fondamentalement changé dans les années 80-90. (...) Une véritable toile d'araignée d'alliances technologiques s'est tissée entre les entreprises des pays développés, parfois incluant les entreprises françaises (matériel électrique), parfois les contournant (automobile).

" Il n'est pas exagéré de dire que les États-Unis, qui ont alimenté leur leadership technologique par des commandes militaires, nourrissent actuellement des visées impérialistes sur la technologie mondiale et sont prêts à consacrer des moyens d'un ordre de grandeur militaire pour maintenir et accroître leur domination.

" La " course à l'innovation " dans les technologies de l'information et de la communication a profondément marqué les comportements. Une bonne partie de l'innovation se fait sur commande, programmée, presque mercenaire, et l'on consent plus facilement à s'allier parce qu'il le faut pour rester dans la course.

" Les entreprises françaises ont une attitude de principe très favorable à la coopération, comme le montre l'enquête d'opinion effectuée auprès d'elles par la DGSI 4( * ) . Mais les petites entreprises disent peiner à trouver des partenaires auxquels s'allier. Leur proposer une aide ne changerait sans doute pas grand chose. Par contre, il y a beaucoup à faire dans le développement de formes nouvelles d'intermédiation et d'" échanges culturels " dans le registre de la technologie.

" Il s'agit là, pour l'essentiel, d'un volet régional de la politique d'innovation qui comprend lui-même plusieurs aspects : réseaux d'information, infrastructures et activités d'animation proprement dites. Pour mener à bien les actions nécessaires qui doivent être appréciées au cas par cas et région par région, les DRIRE devraient disposer d'un fonds d'aménagement de l'environnement de l'innovation dont les modalités d'utilisation seraient évolutives et définies régionalement.

" Par ailleurs, la coopération et le processus d'innovation, lorsqu'on les examine au niveau international, soulèvent des questions très délicates de droit de la concurrence et plus généralement d'identification et de lutte contre les obstacles à l'innovation. Les nouvelles technologies, notamment les logiciels, sont plus encore que les anciennes sujettes à des confiscations abusives. Il est indispensable que les obstacles à l'innovation soient l'objet d'un processus continu d'évaluation et d'élimination . Un groupe de travail DGSI-DGCCRF 5( * ) , associant l'INPI 6( * ) et l'AFNOR 7( * ) , devrait être constitué afin de proposer au gouvernement les textes nécessaires.

" Enfin, l'outil principal permettant à l'administration de renforcer les liens de coopération et d'améliorer la capitalisation du savoir-faire nécessaire aux innovations de niveau mondial n'est pas la gestion de procédures d'aide. C'est un maniement plus orienté vers l'innovation des marchés publics . Il est possible, en s'inspirant de la procédure des concours d'architecture, de trouver une approche qui, tout en ménageant l'orthodoxie de la réglementation, permette une orientation plus innovatrice. Un travail de définition des modalités pourrait être entrepris dans cette direction en collaboration avec la commission centrale des marchés.

" Compte tenu de la détermination et de l'ampleur des moyens mobilisés par les concurrents américains et asiatiques, il faut aussi se demander si l'ordre de grandeur des actions menées par la France et l'Europe est bien suffisant.

" En définitive, la coopération interentreprises est la conséquence de l'évolution de la situation objective dans laquelle se trouvent les entreprises. Elle a connu un accroissement spectaculaire international depuis 15 ans, aboutissant à la formation de " clusters " mondiaux (...).

" Mais, si l'administration peut accompagner ce mouvement général et venir à l'appui de cette nouvelle façon de faire des entreprises, il ne paraît ni possible, ni opportun qu'elle envisage de l'infléchir. "

III. UNE PRIORITÉ : AFFIRMER LA POSITION DE LA FRANCE DANS LA SOCIÉTÉ DE L'INFORMATION

Il ne s'agit pas, précisons-le, d'affirmer que ce domaine est le seul qui nécessite un effort de recherche. Bien entendu les recherches dans les domaines des biotechnologies, de la santé, de l'environnement, de l'énergie sont importantes. Mais le secteur de l'informatique et de la communication, par son caractère transversal, recouvre tous les autres et les progrès y sont à la fois fulgurants et déterminants pour l'avenir.

A. UN DÉFI À RELEVER

1. Une condition de la croissance économique pour les années à venir

Un potentiel de croissance

Depuis longtemps déjà, les travaux du Sénat et de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques soulignent que dans les années à venir la croissance économique de la France dépendra du succès de son entrée dans la société de l'information 8( * ) .

En effet, il importe que notre pays ne soit pas réduit au statut de consommateur de nouvelles technologies mais qu'il participe en tant qu'acteur à la croissance industrielle qui découlera du développement de la société de l'information.

La maîtrise de ces technologies constitue désormais un enjeu stratégique majeur . Elle déterminera, en effet, pour une large part la compétitivité des économies, la qualité des réseaux de communication, l'efficacité administrative et donc l'attractivité du territoire national pour les investisseurs étrangers. Il s'agit donc de déjouer un risque de sujétion non seulement économique mais également scientifique et culturelle .

Il n'est plus un secteur de l'ingénierie ou de la production, des plus traditionnels aux industries de pointe, où les technologies de l'information n'aient pas pénétré de manière massive, transformant les processus de conception et de fabrication et ouvrant de nouveaux marchés. On estime par exemple que 40 à 50 % de la valeur d'un avion moderne est faite d'électronique et de logiciel, et certaines voitures de série actuelles contiennent plus d'informatique que le module lunaire utilisé par Neil Amstrong en 1969. La pénétration des ordinateurs personnels, la combinaison de la micro-informatique et des télécommunications modifient l'organisation des rapports commerciaux comme les relations entre les individus ou les rapports entre les citoyens et les services publics.

Le rythme de l'innovation technologique qui dicte ces mutations est de plus en plus rapide et suscite une demande économique et sociale extrêmement forte. Le marché mondial des technologies de l'information et de la communication croit de 10 % par an et le nombre des ménages reliés aux réseaux électroniques triplera dans les cinq ans à venir. Plus largement, les technologies utilisant l'informatique, l'automatique et le calcul scientifique ouvrent des perspectives d'innovation considérables dans presque tous les secteurs qu'il s'agisse de l'ingénierie, de l'éducation, de la médecine, des transports ou encore du commerce ou de la finance.

Un colloque tenu au Sénat les 16 et 17 novembre dernier sous l'égide du groupe d'études " Innovation et entreprises ", auquel ont participé plus de 200 personnes, dont les plus grands spécialistes internationaux, sous le titre " Forum global : donner forme à l'avenir ", a confirmé que le mouvement mondial en la matière s'accélérait.

Les secteurs impliqués dans ces évolutions représentent un important potentiel de création d'emplois. Aux Etats-Unis, on estime que l'essor des technologies de l'information et de la communication a contribué à créer directement le tiers des nouveaux emplois. Un constat analogue peut être fait en Europe : une étude récente de la Commission européenne indique que le nombre d'emplois créés dans les services est directement lié au volume des investissements dans les nouvelles technologies.

La France et l'Europe ont des atouts non négligeables pour réussir leur entrée dans la société de l'information et s'affirmer dans la compétition économique et technologique qu'elle entraîne. Outre l'expérience du Minitel, qui a permis à un très large public d'avoir accès à une gamme étendue de téléservices, la France dispose d'atouts technologiques comme la carte à puce. Par ailleurs, elle compte plusieurs grands acteurs industriels très bien placés au niveau international qu'il s'agisse d'opérateurs de télécommunications, de constructeurs ou d'équipementiers. Enfin, elle bénéficie de la qualité de son dispositif de recherche.

2. Une prise de conscience salutaire

Un programme d'action gouvernemental

Annoncé en août 1997 à Hourtin par le Premier ministre, le programme d'action gouvernemental pour préparer l'entrée de la France dans la société de l'information a été rendu public le 16 janvier 1998 à l'issue du comité interministériel pour la société de l'information. Il détermine pour les années à venir les grandes orientations de l'action publique à conduire dans ce domaine.

L'affirmation du caractère prioritaire de cet enjeu, que votre rapporteur ne peut que soutenir, est nette. En effet, il y a deux ans déjà, il avait observé que " tant qu'il n'y aura pas des programmes d'une ampleur comparable au programme nucléaire et au programme spatial, programmes intégrant la sensibilisation des usagers et le financement massif des expérimentations, la France ne pourra prendre le leadership auquel la pratique du Minitel lui permet de prétendre ".

Force est de constater une nouvelle fois que s'il y a des infléchissements, ils ne semblent pas encore suffisants.

Le programme gouvernemental, qui comprend à la fois des orientations et des propositions, s'articule autour de six priorités :

1. renforcer le rôle des nouvelles technologies de l'information et de la communication dans l'enseignement ;

2. définir une politique culturelle pour les nouveaux réseaux ;

3. mettre les technologies de l'information au service de la modernisation des services publics ;

4. faire des technologies de l'information un outil primordial pour les entreprises ;

5. encourager l'innovation industrielle et technologique ;

6.  instituer une régulation efficace et un cadre protecteur pour l'information.

Un suivi budgétaire difficile

Le programme présenté par le gouvernement se veut plus incitatif que directif. Il tend à créer les conditions favorables au développement de la demande de nouvelles technologies, rompant ainsi avec la logique des politiques sectorielles et des commandes publiques massives. Il intéresse l'ensemble des ministères bien que certains soient plus particulièrement concernés, tels le ministère de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie ou le ministère de l'économie et des finances. Par ailleurs, il met en jeu des crédits incitatifs mais comporte également des mesures financées sur le budget des établissements de recherche.

Mais en l'absence de présentation synthétique, le contrôle du Parlement sur les modalités budgétaires de la mise en oeuvre de ce programme ne peut que dépendre des informations communiquées par le gouvernement.

D'après les indications fournies par le BCRD, 2,7 milliards de francs ont été engagés en 1998 pour les recherches conduites dans le domaine des technologies de l'information et de la communication, principalement par le biais de soutiens incitatifs du ministère chargé de l'industrie (1,5 milliard de francs), de l'ANVAR (400 millions de francs) et du ministère chargé de la recherche (200 millions de francs)

B. DES INCERTITUDES SUR LES PROGRAMMES DE RECHERCHE NÉCESSAIRES

Si votre rapporteur approuve les propositions destinées à créer un cadre favorable au développement des nouvelles technologies de l'information et de la communication, notamment en incitant les entreprises à tirer profit des opportunités qu'elles offrent, il considère comme encore trop incertaines les orientations données en la matière à la politique de la recherche.

1. Le nécessaire développement de l'effort de recherche

La plupart des succès technologiques de ces dernières années résultent d'une heureuse combinaison entre la recherche fondamentale, les compétences nécessaires à la mise au point de prototypes convaincants, l'esprit d'entreprise et le soutien massif des pouvoirs publics.

Ainsi, la commutation par paquets, qui est à l'origine d'Internet, a été initiée vers la fin des années 60 par des universitaires puis soutenue par les pouvoirs publics américains avant de connaître le succès. De même, le succès de SGS-Thomson a été fondé sur des acquis de la recherche publique, en particulier du laboratoire d'électronique et des technologies de l'instrumentation (LETI), qui ont ensuite fait l'objet de programmes européens et nationaux massifs.

Dans le secteur des technologies de l'information, le succès économique repose sur l'efficacité du transfert des connaissances entre la recherche et l'industrie . En effet, dans ce secteur plus que dans beaucoup d'autres, le cercle " vertueux " liant la recherche de base et ses applications trouve à s'appliquer. En effet, des entreprises comme Digital Equipment Corporation ou Hewlett-Packard ou encore Cisco n'existeraient pas sans le MIT 9( * ) , Berkeley ou Stanford.

Les recherches menées dans les laboratoires publics, et dans certains cas les plus fondamentales d'entre elles, sont utilisées pour développer de nouveaux produits tandis que les perspectives et les marchés ouverts par les nouvelles technologies renouvellent, très souvent, les problématiques de recherche.

Ce processus est d'autant plus nécessaire que les recherches fondamentales permettant la mise au point des nouvelles technologies ne peuvent être conduites par les seules entreprises, ces dernières ayant tendance à externaliser leurs activités de recherche et développement au profit des laboratoires publics, qui développent des travaux dont le champ est suffisamment large pour répondre à long terme aux demandes du marché.

Par ailleurs, il faut souligner que le développement des recherches dans d'autres domaines scientifiques (physique, chimie, mécanique, mais aussi biologie ou sciences sociales) implique des recherches nouvelles en informatique et en modélisation.

Il est donc certain que la recherche dans les domaines des technologies de l'information et de la communication revêtira dans les prochaines décennies un rôle stratégique.

Le succès de l'entrée de la France dans la société de l'information dépend donc de deux conditions :

- la première réside dans la capacité des entreprises à innover : une action a été engagée et doit être poursuivie en ce sens ;

- la seconde, qui apparaît largement comme un préalable à la première, tient dans la conduite d'une politique de la recherche appropriée, qui pour l'heure n'est pas encore mise en oeuvre.

2. Des orientations encore incertaines

La recherche en télécommunications

La dérégulation des télécommunications conduit France Télécom, malgré son rôle spécifique lié au service public à réorienter les activités de recherche du Centre national d'études en télécommunication(CNET). La recherche fondamentale dans le domaine des télécommunications et de leurs applications perd à la fois son financement et pour une grande part son maître d'ouvrage. Les recherches effectuées au sein de l'opérateur historique s'orienteront vers la seule satisfaction de ses besoins propres. Dans ce contexte, votre rappporteur se demande si les autres activités du CNET seront poursuivies et si c'est le cas par quel organisme.

La proposition formulée l'an dernier par votre rapporteur de créer une agence chargée d'orienter la recherche fondamentale en télécommunications, de coordonner les actions conduites en ce domaine et d'assurer le financement des activités de recherche correspondantes par des moyens budgétaires ou contractuels n'a pas été retenue.

La décision prise par le gouvernement de créer un Réseau National de recherche en télécommunication n'y répond que partiellement.

Préconisé par le rapport de MM. Lombard et Kahn sur " la recherche et développement, clé d'un nouvel essor des télécommunications en France ", le Réseau national de recherche en télécommunications (RNRT) a été mis en place le 1er janvier 1998 pour une durée de cinq ans. Il a pour vocation de coordonner les efforts des laboratoires publics existants (CNET, INRIA, CNRS, écoles et universités...) en associant à leurs travaux les industriels du secteur et les opérateurs de télécommunications.

L'organisation du RNRT comporte trois niveaux : le comité d'orientation, un bureau exécutif dont les membres sont nommés par le gouvernement et qui est chargé de préparer les travaux du comité d'orientation et, enfin, cinq commissions thématiques regroupant plus de 70 experts qui assistent le bureau exécutif dans la définition des priorités, l'évaluation des dossiers présentés et le suivi des projets financés. Pour 1998, les crédits affectés au RNRT s'élevaient à 260 millions de francs, 200 millions de francs provenant du budget du ministère de l'industrie et 60 millions du budget du ministère de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie (chapitre 66-04 - Fonds de la recherche et de la technologie).

Les grands thèmes du premier appel à candidatures, ouvert du 20 avril au 21 septembre 1998, devaient susciter deux types de projets coopératifs :

- d'une part, des projets exploratoires (à échéance de 3 à 5 ans avant pré-industrialisation), visant à remédier à des " verrous " technologiques et démontrant de nouvelles fonctionnalités pour les télécommunications ;

- et d'autre part, des projets précompétitifs (à échéance de 2 à 3 ans avant pré-industrialisation) intégrant des technologies pluridisciplinaires pour aboutir à des modèles de démonstration préparant l'émergence de nouveaux services de télécommunications.

Une enveloppe de 210 millions de francs a été affectée en 1998 au financement de ces projets.

Par ailleurs, devaient être également soutenus des projets compétitifs, issus de PME, dans le cadre des procédures d'instruction de l'ANVAR. Un appel à projets spécifiques a été ouvert le 21 septembre dernier ; 50 millions de francs devaient leur être consacrés en 1998.

L'efficacité de ce dispositif pour gérer une telle priorité reste incertaine. Un comité et un réseau aux contours et à la composition flous pour piloter de façon continue des actions décisives et fédératrices ne seraient crédibles que si cette structure disposait de crédits très importants. Or, les crédits mis à sa disposition, eu égard aux besoins exprimés par le marché, sont insuffisants.

Par ailleurs, il faut bien savoir que la culture interne d'une organisation est moins dynamisée par l'éventualité d'obtenir des subsides à la suite d'un appel à proposition que par la volonté d'aboutir à réaliser un projet pluriannuel clair et doté de moyens.

La recherche en informatique

Parmi les organismes qui concourent à la recherche dans ce secteur, il importe de souligner le rôle déterminant joué par l'Institut national de recherche en informatique et en automatique (INRIA).

Par ailleurs, au delà de sa mission de recherche, l'INRIA mène une politique active de valorisation en prenant part au transfert de technologies vers les entreprises, en particulier les petites et moyennes entreprises. Faisant figure d'exception parmi les EPST, il a mené une politique réussie d'essaimage. Au cours des dix dernières années, 30 entreprises ont été créées par des chercheurs issus de cet organisme, 25 d'entre elles sont toujours en activité, représentant 850 salariés et 600 millions de francs de chiffre d'affaires. Le rôle joué en ce domaine par l'INRIA a été reconnu par le gouvernement, qui en novembre 1997 a autorisé la création d'INRIA-Transfert, premier fonds d'amorçage à être constitué au sein d'un EPST.

Votre rapporteur s'est déjà, à diverses reprises, étonné que la qualité des recherches effectuées au sein de cet organisme comme le succès de sa politique de valorisation, désormais unanimement reconnus, ne conduisent pas à décider une augmentation massive, de l'ordre de 30 à 50 %, de ses moyens budgétaires.

Les moyens de fonctionnement de cet organisme s'établissent pour 1999 à 331,96 millions de francs, en progression de 3,23 %. Les subventions d'investissement s'élèvent en crédits de paiement à 161,83 millions de francs (soit + 1,9 %) et à 164,46 millions de francs en autorisations de programme (soit + 0,48 %). Au sein des subventions d'équipement, sont prévus au titre des soutiens de programme 81,16 millions de francs contre 80,36 millions de francs en 1998.

En ce qui concerne les créations d'emplois, l'INRIA bénéficiera de 5 créations d'emplois de chercheurs sur les 86 créés dans les EPST en 1999.

A l'évidence, la priorité affirmée par le gouvernement en faveur des recherches nécessaires au développement des technologies de la société de l'information ne se traduit pas dans les crédits qui leur sont affectés. Les redéploiements nécessaires au sein du budget de la recherche n'ont pas encore été effectués.

Les programmes conduits au sein de l'INRIA, notamment en ce qui concerne les domaines du développement logiciel, de la modélisation et du calcul haute performance s'avèrent, pour bon nombre d'entre eux déterminants pour le secteur des nouvelles technologies de l'information et de la communication. Il faut rappeler qu'aujourd'hui, le développement des télécommunications repose désormais à 80 % sur le logiciel.

Un seul des nouveaux programmes lancés par l'INRIA qui consiste dans l'utilisation d'une artère montante partagée en protocole IP pour la diffusion de téléservices à plusieurs mégabits sur un canal satellitaire nécessiterait 6 créations de postes et 5 millions de francs. Il s'agit là d'une technique de grand avenir où la France n'est pas en retard... Comment parler de priorité si elle n'est pas financée initialement par l'organisme qui dispose d'une avance mondiale ? Espérons qu'elle le sera dans le cadre d'une procédure d'appel d'offres du ministère de l'industrie ou du RNRT.

C. LES TÉLÉCOMMUNICATIONS SPATIALES : UN ENJEU STRATÉGIQUE NÉGLIGÉ

1. Le développement exponentiel des technologies spatiales : un enjeu géopolitique majeur.

Le secteur spatial a connu, au cours des dernières années, des mutations qui modifient profondément ses enjeux stratégiques.

Le développement des télécommunications

Perçu à l'origine comme un mode d'expression de la puissance stratégique et militaire, l'espace est devenu aujourd'hui un instrument de domination économique et culturelle.

L'élément déterminant ayant participé à cette évolution est sans conteste le recours de plus en plus fréquent à l'espace pour les télécommunications et l'audiovisuel grâce aux nouvelles possibilités techniques offertes par les satellites.

De nombreux progrès technologiques ont, en effet, amélioré les performances des satellites, leur permettant de prendre une place déterminante dans les télécommunications mondiales.

Ces évolutions technologiques ont concerné tant les satellites eux-mêmes, dont la masse a été allégée et la puissance augmentée, que les modes d'acheminement des données grâce à la numérisation de l'information.

En effet, en matière de diffusion directe de programmes de télévision, les satellites -en particulier les satellites géostationnaires- prennent une importance croissante à côté des moyens de diffusion terrestre, réseaux hertziens ou réseaux câblés. D'ores et déjà, 6 % des habitants munis d'un récepteur TV dans le monde reçoivent celle-ci au moyen d'antennes paraboliques, et 25 % des programmes câblés utilisent les programmes diffusés par satellites.

Dans le domaine de la téléphonie mobile, les satellites offrent de multiples services grâce au développement des systèmes personnels de communication. Ces systèmes, capables d'offrir des services de téléphonie, fax et transmissions de données à bas débit, sont proposés par les premières constellations de satellites à orbite basse ou moyenne, à l'image de celles mises en oeuvre par Motorola (système Iridium) et Loral (système Globalstar).

Enfin, les constellations de satellites de la seconde génération permettant d'acheminer des communications interactives multimédia (c'est-à-dire la transmission simultanée, sur un même canal et à grande vitesse, d'un nombre considérable de signaux transportant la voix, les données et les images) répondent aux importants besoins liés à l'entrée dans la société de l'information, avant que les câbles à fibre optique ne puissent remplacer les câbles téléphoniques classiques.

L'ouverture à la concurrence du marché mondial des télécommunications confère à ces progrès technologiques une importance économique déterminante, dans un contexte d'explosion des nouveaux services qui a conduit entre 1990 et 1995 à un doublement des opérations de télécommunications dans le monde, et d'émergence de nouveaux marchés, en particulier en Asie et en Amérique latine.

Le marché des télécommunications spatiales devrait en effet connaître, au cours des années à venir, un développement considérable.

Selon les estimations de la banque Meryll Lynch, le secteur qui connaîtra l'augmentation la plus forte sera celui de la diffusion audiovisuelle.

Les abonnés à des services de télévision devraient en effet être, dans dix ans, 62 millions contre 37 millions aujourd'hui et le chiffre d'affaires dégagé par ce secteur devrait passer de 60 milliards à 150 milliards.

Les services multimédia (infrastructure Internet et accès à Internet) qui n'en sont qu'à leur début devraient avoisiner un chiffre d'affaires de 7 milliards de francs d'ici 2002, contre 600 millions de francs aujourd'hui. La demande est en ce domaine exponentielle, les analyses de marché indiquant que 200 millions d'utilisateurs pourraient être concernés, en 2000, leur nombre pouvant atteindre 400 à 500 millions en 2005.

Les télécommunications mobiles, secteur encore assez modeste, représenteraient un chiffre d'affaires de 84 milliards de francs.

Il importe de souligner que, pour ces deux derniers secteurs, l'accroissement de l'activité résultera en partie de la mise en service des systèmes satellitaires en orbite basse.

Votre rapporteur estime que ces chiffres sont sous-évalués car les évolutions seront plus rapides pour les services multimédia interactifs (télé-enseignement, téléformation, télécommerce, télé-tourisme, télémédecine)

Une relative faiblesse des projets français et européens, à l'exception de Skybridge

Si les européens conservent une position relativement satisfaisante dans le domaine des satellites géostationnaires, celle-ci apparaît nettement plus fragile en ce qui concerne les systèmes satellitaires multimédia en orbite basse qui sont appelés à jouer un rôle déterminant dans le développement des télécommunications mondiales.

En effet, à côté du projet américain Teledesic, fortement appuyé par Motorola, Boeing et les programmes de recherche duale du Pentagone, il n'existe qu'un seul projet européen, le programme Skybridge, mis en oeuvre par une société composée de neuf actionnaires : Alcatel, qui en est principal actionnaire, Sharp, Mitsubishi, Toshiba, Loral, Spar, SRIW, le CNES et l'Aérospatiale. La mise en place de ce programme représente un investissement de l'ordre de 4,2 milliards de francs, pour un nombre estimé de 20 millions d'utilisateurs.

Ce projet a eu de très grandes difficultés à obtenir l'affectation des fréquences nécessaires lors des débats internationaux au sein de l'UIT, agence spécialisée chargée de gérer la répartition des fréquences, du fait de la pression exercée par les Etats-Unis qui s'est révélée à la limite de la courtoisie d'usage.

Par ailleurs, son financement, comme sa réalisation technique, comportent encore de nombreuses incertitudes.

Or, la concurrence est en ce domaine particulièrement vive et le projet américain Teledesic constitue une menace de monopole mondial.

En effet, ayant vocation à couvrir l'ensemble du globe, cette constellation composée de 196 satellites se caractérise par un système de routage entièrement intersatellite et adaptatif sur la constellation ainsi qu'un accès direct à Internet sans passer par une quelconque station terrestre. Ce programme, du fait de ses caractéristiques techniques, permettrait de construire un réseau mondial autonome totalement indépendant des opérateurs nationaux.

Rappelons ici qu'il s'agit d'un domaine qui concerne à terme 50 % du PIB mondial. Il est inconcevable que l'Europe ne prenne pas en ce domaine des initiatives alors qu'une stratégie efficace et déterminée est soutenue par la puissance publique américaine. En effet, l'essentiel des dépenses liées aux logiciels du projet Télédesic est financé par des contrats militaires et les retombées civiles des projets liés au programme désigné sous l'appellation " guerre des étoiles ".

Face à de tels projets, une politique d'expérimentation et de veille technologique ne peut suffire. Une initiative politique forte de la France au Conseil européen s'impose pour qu'un programme stratégique doté d'un budget de plusieurs milliards d'euros soit mis en place.

2. Un effort de recherche notoirement insuffisant

Il est heureux qu'une réorientation de la politique spatiale française permette de concentrer les moyens budgétaires sur les applications au sol. Néanmoins, l'effort de recherche français demeure encore notoirement insuffisant.

Une insuffisance du soutien public

La mise en oeuvre des nouveaux systèmes de télécommunications spatiales exige d'importants programmes de recherche, notamment dans le domaine des logiciels, dont le financement ne peut être assuré par les seuls opérateurs privés.

Aux Etats-Unis, la recherche est financée pour une large part par le gouvernement fédéral, le secteur spatial bénéficiant massivement des crédits militaires et de leurs retombées civiles. En Europe, les Etats n'ont pas relayé l'effort qui était auparavant consenti par les opérateurs publics désormais privatisés. Dans un domaine aussi évolutif et en forte croissance, il conviendrait de consacrer plus de 5 % du chiffre d'affaires de l'industrie des télécommunications au financement d'activités de recherche fondamentale et notamment dans le domaine du logiciel.

Pour l'heure, les crédits consacrés à la politique spatiale ne connaissent pas une évolution de nature à permettre à la France de relever ce nouveau défi technologique.

Les crédits du Centre national d'études spatiales, après la forte diminution enregistrée en 1998, ne connaissent en 1999 qu'une faible progression. Ils s'élèvent, en dépenses ordinaires et crédits de paiement à 9 135 millions de francs (soit + 0,8 %).

Les crédits d'intervention inscrits au budget du ministère de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie bénéficiant à l'industrie spatiale (chapitre 66-01) enregistrent en 1999 une diminution de 31,5 % en crédits de paiement et de 14,5 % en autorisations de programme.

Considérant par ailleurs la progression très modeste des crédits consacrés aux recherches dans le domaine des télécommunications et des logiciels, votre rapporteur ne peut que conclure à l'insuffisance de l'effort de recherche publique en ce domaine.

Il est clair qu'il s'agit là d'une critique qui est adressée moins aux ministères concernés qu'à l'ensemble du corps social. En effet ni les milieux politiques, ni les médias, ni les industriels concernés, ni les structures européennes ne semblent avoir pris conscience de l'importance des enjeux.

La nécessité d'une prise de conscience politique

Le groupe d'études " Innovation et entreprises ", présidé par votre rapporteur, a organisé, le 17 juin dernier, un colloque sur le thème " satellites et télécommunications ". Les interventions des industriels et des représentants des organismes publics de recherche ont appelé à une prise de conscience politique concernant la nécessité de dégager un financement significatif en faveur des recherches liées aux télécommunications spatiales.

Ces recherches revêtent un caractère stratégique. En effet, les projets industriels -compte tenu de leur complexité technique et des inconnues scientifiques qui subsistent encore- ne pourront voir le jour sans un soutien public substantiel. A cet égard, il importe de combattre le libéralisme dogmatique prôné en matière de politique industrielle par la Commission européenne, au mépris de la réalité des politiques industrielles conduites par les gouvernements américain et japonais.

Une présence dans les organismes internationaux de régulation

Votre rapporteur souhaite aussi insister sur la nécessité pour la France d'être présente dans les instances internationales de régulation des télécommunications.

En effet, seule une présence active des pays européens au sein de l'UIT leur permettra de bénéficier des fréquences nécessaires à la mise en oeuvre des projets européens de constellation de satellites.

Par ailleurs, la France se doit de participer aux travaux des instances de standardisation, en particulier celles gérant les processus Internet à l'image de l'IAB (Internet architecture Board) ou du W3C (World Wide Wels Consortium). Ces organismes ont un rôle considérable dans la mesure où l'existence de standards ouverts constitue une exigence essentielle du marché des nouvelles technologies et où il est nécessaire pour les entreprises de traduire le plus rapidement possible leurs innovations technologiques en standard. Or, malgré la mobilisation de certains acteurs comme l'INRIA, la contribution française aux travaux de ces instances demeure encore trop faible.

IV. PROMOUVOIR LE RAPPROCHEMENT DE LA SCIENCE ET DE LA SOCIÉTÉ

A. ENCOURAGER LA VALORISATION DE LA RECHERCHE PUBLIQUE GRÂCE À UNE PLUS GRANDE MOBILITÉ DES CHERCHEURS VERS L'INDUSTRIE

L'article 14 de la loi n° 82-610 du 15 juillet 1982 d'orientation et de programmation pour la recherche et le développement technologique de la France dispose que la valorisation des résultats de la recherche constitue un des objectifs de la recherche publique. Or, cette mission est encore souvent considérée par le monde de la recherche comme une activité secondaire, un cloisonnement étroit entre les organismes publics de recherche et les entreprises prévalant le plus souvent.

Si des structures de coopération existent, qu'il s'agisse des groupements d'intérêt public, des filiales, des prises de participation ou des contrats de recherche, elles demeurent largement sous-utilisées. Les indicateurs de cette absence de couplage entre recherche et économie sont nombreux, et le plus significatif d'entre eux est sans aucun doute le fait que les établissements scientifiques eux-mêmes n'ont pas une connaissance exhaustive des ressources résultant des activités de valorisation dont peuvent bénéficier leurs laboratoires.

L'insuffisante mobilité des hommes entre les organismes publics de recherche et les entreprises explique pour une large part cette situation.

1. Développer la mobilité des chercheurs vers les entreprises

Une situation préoccupante

La mobilité des hommes entre le système de formation et de recherche et les entreprises constitue à l'évidence le vecteur le plus efficace du transfert des connaissances.

Quelle que soit la forme qu'elle revêt, cette mobilité ne peut que générer des gains réciproques pour les entreprises et la recherche publique. En effet, l'entreprise bénéficiera d'un apport de compétences scientifiques de haut niveau qui lui permettront de préciser ses besoins de recherche et de faciliter ses relations avec les laboratoires publics, ces derniers ayant quant à eux l'opportunité de nouer des relations contractuelles et de définir des axes de recherche plus proches des besoins du marché.

Or, force est de constater la faiblesse des mouvements de mobilité, faiblesse qui s'est au demeurant accentuée au cours des dernières années.

Le tableau ci-dessous indique, pour l'année 1997, les flux de mobilité pour chacun des établissements publics à caractère scientifique et technologique vers le secteur privé.


 

Effectif
budgétaire

Mobilité des chercheurs

 

LFI

1997

vers le secteur privé

en  % de l'effectif budgétaire

INRA

1 771

3

0,16 %

CEMAGREF

73

1

1,3 %

INRETS

150

2

1,3 %

INRIA

327

7

2,1 %

CNRS et Instituts

11 386

4

0,03 %

INSERM

2 115

6

0,2 %

ORSTOM

824

-

-

INED

57

-

-

TOTAL

16 703

23

0,13 %

Le nombre de chercheurs en mobilité dans les entreprises ne représente donc que 1,3 pour mille de l'effectif budgétaire de l'ensemble des établissements publics à caractère scientifique et technologique.

Il faut souligner, en outre, que les mouvements de mobilité sont parfois temporaires, la réintégration dans l'établissement public succédant à la mise à disposition ou au détachement.

Par ailleurs, on relèvera que le secteur des sciences humaines, dont les effectifs représentent près de la moitié de la recherche publique demeure à l'écart des mouvements de mobilité. Cela semble particulièrement regrettable dans la mesure où la contribution des chercheurs de ce secteur à l'essor des nouvelles technologies de la communication peut s'avérer décisive.

La volonté d'encourager la mobilité des chercheurs, pourtant affirmée dans la loi, se heurte aux réticences des organismes publics de recherche qui y voient à juste titre une source de complications. Par ailleurs, les critères de notation appliqués aux responsables des équipes de recherche ne prennent pas en compte les activités de valorisation et ne les incitent guère à pousser leurs chercheurs vers de telles expériences.

Votre rapporteur considère qu'un changement radical de mentalités doit s'effectuer dans les organismes publics de recherche afin de faire entrer la mobilité des chercheurs dans les moeurs.

A cette fin, il semble nécessaire que le ministère de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie comme les directions des organismes en fassent une priorité et l'encouragent de manière systématique. De ce point de vue, rééditant une remarque faite l'an dernier, votre rapporteur observera à nouveau qu'il ne lui paraît pas totalement absurde que les organismes dont les taux de mobilité sont les plus faibles soient ceux qui bénéficient le moins des créations d'emplois.

Une modification des critères de notation serait, sans aucun doute, de nature à encourager une évolution en faveur d'un développement plus systématique de la mobilité. En même temps, une meilleure information des chercheurs sur les possibilités ouvertes par leurs statuts, en réalité très protecteurs, un effort de prospection des besoins des entreprises par les organismes de recherche, une clarification des règles concernant la création d'entreprises par des chercheurs y contribueraient également.

2. Favoriser l'essaimage

Des résultats encore insuffisants

L'essaimage est depuis longtemps considéré comme la voie la plus prometteuse de la valorisation des résultats de la recherche publique. A l'étranger, le dynamisme du secteur des nouvelles technologies de l'information et la communication est, pour une large part, imputable à l'activité des multiples petites et moyennes entreprises créées dans l'orbite ou à partir des grandes universités.

Cependant, en dépit d'un potentiel remarquable, la France ne s'est pas lancée dans cette voie. On peut estimer en l'absence de données chiffrées précises qu'il se crée chaque année environ une trentaine d'entreprises par essaimage de chercheurs issus de la recherche publique. D'après les résultats des enquêtes réalisées sur ce sujet, il apparaît que ces entreprises ont un taux d'échec remarquablement faible et affichent des performances supérieures à la moyenne en termes de chiffre d'affaires et de créations d'emplois.

Certains organismes de recherche -mais ils constituent des exceptions- encouragent leurs personnels à créer de telles entreprises. Nous avons cité l'exemple de l'INRIA dans le cadre duquel ont été créées, au cours des dix dernières années, 28 entreprises -dont 5 seulement ont désormais disparu- et qui représentent aujourd'hui un effectif de près de 850 salariés, soit bien plus important que celui de l'Institut lui-même. Il en est de même des équipes de recherche de certaines écoles d'ingénieurs notamment celles de l'école des mines de Paris.

Néanmoins, cette démarche n'est pas partagée par l'ensemble des établissements de recherche.

Adapter les règles statutaires

Les règles générales de la fonction publique comme celles applicables plus spécifiquement aux personnels de recherche reposent sur l'interdiction faite à un chercheur d'appartenir au service public et en même temps de participer à la création d'une entreprise. Or, le succès des entreprises créées par essaimage tient précisément dans l'imbrication de ces deux activités.

La création d'une entreprise de valorisation nécessite une phase d'adaptation d'une innovation potentielle à une innovation viable, c'est-à-dire un bien ou un service commercialisable. Durant cette période, il est nécessaire que le chercheur puisse bénéficier d'une aide qui peut prendre la forme d'une mise à disposition de locaux, de matériels ou de personnels. L'absence de position intermédiaire entre le départ vers l'entreprise, qui bien souvent n'est créée qu'au terme du processus de mise au point du procédé de fabrication, et la simple consultance ne permet pas de clarifier de manière appropriée la situation du chercheur et de l'organisme qui l'emploie.

Le Sénat a adopté le 22 octobre dernier une proposition de loi déposée par votre rapporteur dont l'objectif était de lever cette difficulté juridique. Ses dispositions répondent à une nécessité qui avait été soulignée par le rapport de M. Henri Guillaume et s'inspirent d'un projet de loi déposé par le précédent gouvernement.

Le dispositif retenu par la Haute Assemblée répond à la nécessité de clarifier la situation juridique du chercheur qui quitte son laboratoire pour créer une entreprise valorisant les résultats de ses travaux de recherche.

Par ailleurs, elle détermine les conditions dans lesquelles un fonctionnaire peut accorder son concours scientifique à une entreprise assurant, en vertu d'un contrat conclu avec la personne publique dont il relève, la valorisation des travaux qu'il a réalisés dans l'exercice de ses fonctions.

L'adoption définitive de telles dispositions par le Parlement serait à l'évidence de nature à encourager l'essaimage.

Créer les conditions favorables à la création d'entreprises au sein des organismes de recherche et des établissements d'enseignement supérieur ou en coopération entre divers organismes

Au-delà d'une évolution des mentalités des chercheurs et des responsables des organismes de recherche, le développement de l'essaimage dépend de la mise en place de structures susceptibles de soutenir le chercheur dans son projet en lui apportant les compétences financières, juridiques ou commerciales qui peuvent lui faire défaut. En effet, il n'existe pas en France, sauf dans certaines écoles d'ingénieurs et de très rares universités technologiques, d'" incubateurs " offrant aux chercheurs un espace de travail à proximité des laboratoires et un appui à l'élaboration de leur projet de création d'entreprises notamment par des compétences liées à la gestion, au marketing, au financement et à la conduite effective des projets d'entreprises. Un effort doit être accompli en ce sens par les organismes de recherche et les établissements d'enseignement supérieur.

B. AMÉLIORER LA DIFFUSION DES CONNAISSANCES SCIENTIFIQUES

La diffusion de la culture scientifique et technique doit être aujourd'hui au coeur des préoccupations d'un Etat moderne. En effet, elle s'avère être une condition nécessaire pour permettre au citoyen de trouver sa place dans une société qui se caractérise par une accélération croissante des évolutions technologiques. L'égal accès à la connaissance des progrès de la science apparaît comme un vecteur essentiel de lutte contre l'exclusion. Par ailleurs, elle permet de conforter la légitimité d'une politique ambitieuse de la recherche.

1. Favoriser la compréhension des avancées que le progrès peut apporter.

L'opinion publique reste fascinée par la science, mais elle doute souvent des progrès que ses avancées engendrent. Et les milieux décisionnels, qu'ils soient politiques, sociaux, économiques ou qu'ils aient pour métier d'informer, comme les journalistes, n'ont pas toujours compris que l'économie mondiale est désormais une économie tirée par l'innovation, la matière grise et l'interaction entre savoir, savoir-faire et financement de l'innovation.

Seule la santé échappe à cette méconnaissance et relative indifférence manifestées par ceux qui devraient être au courant. Il faut réagir.

En France, aujourd'hui, seuls les prix de la culture scientifique et technique remis par l'académie des sciences visent à récompenser les chercheurs qui s'attachent à sa diffusion.

Il conviendrait de créer un événement annuel à fort retentissement social et médiatique symbolisant la rencontre entre la société et la science et faisant le point de l'état des connaissances dans le monde et en France. Votre rapporteur, depuis des années, estime que l'exemple suédois est particulièrement digne d'intérêt et devrait être suivi.

Chaque année, l'académie suédoise des sciences de l'ingénieur, à laquelle votre rapporteur a le grand honneur d'appartenir, dresse un état des progrès de la science, des techniques et de l'économie dans le monde en général, et en Suède en particulier.

La rédaction du rapport, qui mobilise les acteurs principaux de la recherche, du développement, de l'industrie et des finances, constitue une première occasion de pratiquer le transfert de technologie au plus haut niveau décisionnel.

La remise du rapport s'effectue à l'occasion d'une cérémonie présidée par le couple royal. Tous les décideurs du Royaume (académiciens, présidents et directeurs d'entreprises, banquiers, scientifiques, hommes politiques influents, journalistes) se doivent d'être présents. Cet événement permet de mettre en lumière les évolutions scientifiques et techniques les plus récentes et leurs implications économiques.

Tous les acteurs économiques et scientifiques du pays sont associés à la préparation du rapport. L'événement permet de médiatiser l'utilisation des progrès de la science pour le bien-être de la population.

Il serait opportun qu'un tel événement soit également organisé en France.

Il devrait être organisé conjointement par le comité d'application de l'académie des sciences (CADAS), embryon de l'académie des sciences de l'ingénieur qui reste à créer, l'ensemble de l'Institut et de la communauté scientifique ainsi que les représentants du monde économique (MEDEF, Chambres de commerce, syndicats). Le Président de la République, le Gouvernement, le Parlement et les présidents des conseils régionaux et généraux y seraient également conviés, ainsi que les forces économiques, sociales et morales du pays.

2. Assurer la diffusion de la culture scientifique et technique sur l'ensemble du territoire

Quatre grands organismes contribuent à la diffusion de la culture scientifique et technique. Il s'agit :

- du Muséum national d'histoire naturelle, créé sous l'ancien régime ;

- du Conservatoire national des arts et métiers, créé par la Convention ;

- du Palais de la découverte, créé en 1936 ;

- et de la Cité des sciences et de l'industrie de la Villette, créée en 1985.

Ces organismes connaissent des sorts très divers. Si le Muséum national d'histoire naturelle et le Conservatoire des arts et métiers ont pu entamer des programmes de rénovation qui, pour certains, correspondent à une urgence que nul ne songerait à contester, l'avenir du Palais de la Découverte demeure incertain du fait des interrogations liées à la rénovation et à l'affectation des locaux du Grand-Palais.

On constate que tous ces moyens demeurent concentrés à Paris à l'exception de ceux du Muséum national d'histoire naturelle qui possède des implantations en province. Votre rapporteur a déjà insisté sur la nécessité de développer d'autres pôles et d'affecter une partie des moyens parisiens à des antennes placées dans ces pôles.

A cet égard, le projet de coopération entre la Villette, le Futuroscope et Sophia-Antipolis mériterait d'être finalisé de façon à montrer l'intérêt pour tous de ce type d'opérations et d'engager d'autres projets similaires. De même dans chaque zone technopolitaine, il serait, en effet, souhaitable que soit conduite une action significative en faveur de la diffusion de la culture industrielle moderne.

Les interventions en faveur de la diffusion des connaissances scientifiques ne peuvent prétendre à l'efficacité que si elles s'inscrivent sur l'ensemble du territoire. Le développement des nouvelles technologies, qui permet de toucher l'ensemble des points du territoire, doit être mis à profit pour accroître l'audience des actions que conduisent les institutions parisiennes. Pour ce faire, il importe qu'elles recourent massivement aux réseaux large bande, aux lignes spécialisées Telecom et aux canaux satellitaires numérisés. L'accès du plus grand nombre à l'information scientifique et technologique, et en particulier du public scolaire concerné dans les établissements d'enseignement, est une nécessité démocratique ; des pôles régionaux actifs et interconnectés permettraient de mettre en place une culture de la modernité.

Par ailleurs, il importe de souligner la part prise par les collectivités locales dans l'effort de diffusion de la culture scientifique notamment au travers des centres de culture scientifique et technique ou des technopôles ou des réseaux de technopôles.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission a examiné le rapport pour avis de M. Pierre Laffitte sur les crédits de la recherche scientifique et technique inscrits dans le projet de loi de finances pour 1999 , au cours d'une séance tenue le mercredi 18 novembre 1998, sous la présidence de M. Adrien Gouteyron.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur pour avis.

M. Ivan Renar a souhaité savoir si le projet de budget pour 1999 tenait compte de la contribution de la recherche à la politique d'aménagement du territoire. Il a rappelé que la présence d'activités de recherche qui, pour des raisons historiques, demeuraient encore trop concentrées, constituait une condition nécessaire du dynamisme des économies régionales et a plaidé pour que le Sénat veille à une meilleure prise en compte des exigences du développement local dans la politique de recherche. Par ailleurs, il s'est interrogé sur les incidences budgétaires de la réforme du centre national de la recherche scientifique (CNRS).

M. André Maman s'est interrogé sur les moyens dont disposait le Parlement pour contrôler les crédits consacrés à la recherche duale.

M. Albert Vecten , relevant à son tour l'importance des activités de recherche pour assurer la vitalité de l'économie locale, a souligné les difficultés rencontrées par les collectivités locales pour attirer les chercheurs et la nécessité de faire évoluer les mentalités de la communauté scientifique.

M. Ivan Renar, reprenant la parole, a souligné qu'en ce domaine, la création d'un environnement favorable ne constituait pas une condition suffisante et que des actions volontaristes devaient être entreprises pour délocaliser les activités de recherche.

En réponse aux intervenants, M. Pierre Laffitte, rapporteur pour avis, a apporté les réponses suivantes :

- un des objectifs de la réforme du CNRS, notamment grâce au rapprochement avec les universités qui sont implantées sur l'ensemble du territoire, est de contribuer à une meilleure répartition des activités de recherche sur le territoire ;

- la loi du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire a introduit une modulation territoriale du crédit d'impôt-recherche qui est encore peu connue des entreprises ; ce dispositif constitue une incitation à la localisation d'activités de recherche industrielle en province ;

- l'évolution des mentalités des chercheurs ne peut être que lente ; la création d'un environnement humain et universitaire favorable est susceptible d'y contribuer ;

- le Parlement sera en mesure d'exercer un contrôle de la recherche duale s'il dispose d'indications fiables et précises concernant le montant des crédits dont elle bénéficie.

A l'issue de ce débat, la commission, suivant les propositions de son rapporteur, a décidé de s'en remettre à la sagesse du Sénat pour l'adoption ou le rejet des crédits de la recherche scientifique et technique pour 1999 , les commissaires socialistes et communistes ne prenant pas part au vote.



1 Ce tableau ne prend pas en compte les dépenses liées au crédit d'impôt-recherche.

2 Programme cadre de recherche et développement

3 Il est vrai que les hésitations d'autres grands pays et en particulier de l'Allemagne sont encore plus importantes.

4 Direction générale des stratégies industrielles

5 Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes

6 Institut national de la propriété industrielle

7 Association française de normalisation

8 cf., par exemple, le rapport (n° 213, 1996-1997) de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques sur les réseaux grands débits et l'entrée dans la société de l'information et le rapport d'information (n° 436, 1996-1997) fait au nom de la mission commune d'information sur l'entrée dans la société de l'information.

9 Massachussetts Institute of Technology



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