B. LE POIDS CROISSANT DU PROBLEME DE L'AMIANTE

1. L'extension du dispositif de prise en charge des victimes de l'amiante (articles 26 et 26 A)

La loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 a mis en place un dispositif global de prise en charge des victimes de l'amiante, par l'aménagement des délais de déclaration, forclusion, prescription, et par la création d'un dispositif de cessation anticipée d'activité.

Celui-ci est ouvert aux salariés et anciens salariés des établissements de manufacture de l'amiante, et ceux atteints de certaines maladies professionnelles précisées dans la loi. Ils bénéficient d'une allocation calquée sur les préretraites FNE, prise en charge, ainsi que les cotisations sociales qui l'accompagnent, par un fonds de financement. Celui-ci est abondé par l'Etat et les organismes de protection sociale accidents du travail. Les dépenses sont liquidées par les caisses régionales d'assurance maladie. Le comité de surveillance du fonds a été installé le 8 juillet 1999 et les premières demandes ont été acceptées à ce moment-là, avec rappel jusqu'à début avril. En septembre 1999, le fonds avait reçu 2 500 demandes et admis le versement de l'allocation à 310 personnes.

L'article 26 du projet de loi de financement étend le bénéfice de cette allocation. En effet, plusieurs professions ont été exposées gravement à l'amiante. 8 000 personnes seraient concernées par cette extension selon la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale (10 000 selon celle des finances). Les nouveaux bénéficiaires devront avoir travaillé dans secteur des établissements de flocage et de calorifugeage à l'amiante, celui de la construction et de la réparation navales, à quoi s'ajouteront les dockers ayant manipulé des sacs d'amiante.

Par ailleurs, cet article modifie le mode de calcul de l'allocation en changeant la période de référence : sont pris en compte les douze derniers mois sans en déduire les périodes d'activité incomplète pour raison de santé.

Enfin, sur proposition de la commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale, les députés ont adopté un amendement étendant d'une année supplémentaire le délai de forclusion des dépôts de demandes de bénéfice de la cessation anticipée pour les victimes de l'amiante (article 26 A).

Cette extension, qui fait suite à celles prévues dans le projet de loi de financement initial quant aux professions bénéficiaires, a un coût non estimé lors de la discussion du projet de loi de financement mais paraît légitime pour faciliter les démarches des victimes.

2. La montée en charge prévisible des dépenses du fonds

Les ressources du fonds, aux termes de l'article 41 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, sont constituées " d'une contribution de l'Etat et d'un versement de la branche accidents du travail et maladies professionnelles du régime général de la sécurité sociale au titre des charges générales de la branche. Un arrêté des ministres chargés du travail, de la sécurité sociale et du budget fixe annuellement les montants de ces contributions. "

Au lieu de cela, le fonds n'a reçu que 100 millions de francs correspondant à la participation de l'Etat. Ces crédits ont été pris sur l'article 10 " Fonds spécial de retraite de la Caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines " ( !) du chapitre 47-23 du budget de la santé et de la solidarité. La loi de finances rectificative pour 1999 pourrait accroître cette somme. En revanche, aucun versement de la branche accidents du travail / maladies professionnelles n'est venu compléter cette dotation, contrairement à ce qui avait été prévu.

La loi de finances pour 2000 modifie la forme de la dotation de l'Etat, sans d'ailleurs que l'article 41 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 soit corrigé en conséquence, ce qui laisse songeur sur la cohérence de la production législative. Elle prendra la forme d'un transfert de 0,43 % du produit des droits sur les tabacs (article 29 du projet de loi de finances pour 2000), ce qui devrait représenter 200 millions de francs en 2000.

Les prévisions de dépenses du fonds font état de 2000 allocataires indemnisés à la fin de l'année 1999 pour un coût de 130 millions qui passerait à 400 millions de francs en année pleine.

L'extension prévue à l'article 26 aurait quant à elle un coût de 600 millions de francs en année pleine, soit un total de dépenses pour le fonds estimé à brève échéance à un milliard de francs par an .

Or si le projet de loi de finances fixe le montant de la participation de l'Etat, les annexes au projet de loi de financement de la sécurité sociale sont muettes sur la participation de la branche accidents du travail maladies professionnelles qui devrait pourtant assumer un coût de 800 millions de francs en année pleine, supérieur par exemple à ses excédents annoncés pour 2000. Cette absence paraît donc atteindre à la sincérité du projet de loi de financement de la sécurité sociale présenté au Parlement.

Par ailleurs, comment feront les caisses régionales d'assurance maladie pour contrôler les demandes émanant des dockers ayant été exposés à l'amiante ? De très strictes conditions devront être posées, faute de quoi ce fonds pourrait financer des préretraites de dockers dont le lien avec l'amiante serait assez ténu.

Votre rapporteur pour avis, s'il considère que la solidarité nationale doit jouer à l'égard des victimes de l'amiante, se montre donc très critique envers l'absence de prise en compte dans les prévisions de dépenses de la branche accidents du travail de la participation de celle-ci au fonds de prise en charge de la cessation d'activité des victimes de l'amiante, qui vient altérer la sincérité du projet de loi de financement.

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