CHAPITRE PREMIER -
LE NUCLÉAIRE, L'ESPACE ET LES SERVICES COMMUNS DANS LE BUDGET DE LA DÉFENSE POUR 2000

Représentant plus du quart du budget de la Défense, hors pensions, les crédits de l'ancienne section commune reflètent largement l'évolution d'ensemble des crédits des armées qui connaîtront en 2000 une très légère augmentation :

- avec près de 105 milliards de francs, les crédits du titre III enregistreront une progression de 1 % ;

- alors que les crédits du titre V, qui se monteront à 82,9 milliards de francs, régressent de 3,5 %, en contradiction avec l'engagement pris l'an passé de stabiliser les crédits d'équipement durant les quatre dernières années de la professionnalisation.

I. L'ÉVOLUTION D'ENSEMBLE DES CRÉDITS DE LA DÉFENSE : UN BUDGET DÉCEVANT EN RUPTURE AVEC LES ENGAGEMENTS PASSÉS

Contrairement aux engagements pris l'an passé par le gouvernement, le budget de la défense enregistrera l'an prochain une régression de plus de 1 %. Les crédits de rémunérations et de charges sociales, qui représentent à eux seuls près de 45 % de ce budget (hors pensions) progressant de 1,5 %, ce recul est lié à la diminution des moyens de fonctionement (- 0,9 %) et surtout des crédits d'équipement (- 3,5 %).

Evolution du budget de la défense (hors pensions)
en milliards de francs

 

1999

2000

%

Rémunérations et charges sociales

82,822

84,049

+ 1,5

Fonctionnement

21,139

20,942

- 0,9

Total titre III

103,961

104,991

+ 1,0

Titres V et VI

86,000

82,952

- 3,5

Total

189,961

187,944

- 1,1

Cette évolution globale doit être appréciée assortie de deux correctifs :

- le transfert au ministère de la défense de l'administration des anciens combattants se traduit par un transfert de crédits de l'ordre de 475 millions de francs au titre III , dont 335 millions de francs en rémunérations et charges sociales et 140 millions en crédits de fonctionnement,

- les crédits du titre VI comportent une participation de la défense à la recherche duale à hauteur de 1,5 milliard de francs , contre 900 millions de francs en 1999.

Hors transfert des crédits de l'administration des anciens combattants , les crédits du titre III ne progressent que de 0,5 %, avec une augmentation de 1,1 % des rémunérations et charges sociales mais un recul de 1,6 % des moyens de fonctionnement.

Hors contribution au budget civil de recherche et de développement
, c'est-à-dire si l'on ne tient compte que des dotations effectivement destinées au ministère de la défense, les crédits de paiement des titre V et VI régresseront de 4,3 % :

S'agissant des autorisations de programme des titre V et VI, leur montant passe de 86 à 87,5 milliards de francs (+ 1,7 %).

A. UN BUDGET CARACTÉRISÉ PAR LE NON-RESPECT DES ENGAGEMENTS, DES INSUFFISANCES PERSISTANTES ET DES INTERROGATIONS SUR NIVEAU DES AUTORISATIONS DE PROGRAMME

1. Le non-respect des engagements

Le 3 avril 1998 , à Saint-Mandrier, le Premier ministre déclarait :

" Afin de donner une visibilité sur le moyen terme, le gouvernement retient une double orientation, caractérisée par la stabilisation des ressources de la Défense, et l'obtention d'économies compatibles avec la programmation en vigueur ".

Les crédits d'équipement de la Défense s'élèveront ainsi à 85 milliards de francs constants pour les quatre prochaines annuités, à mi-chemin entre le niveau nominal de la programmation et le montant inscrit au budget 1998.

La stabilisation à ce niveau des crédits d'équipement militaire impliquera et permettra un approfondissement des réformes en cours et la poursuite, dans de bonnes conditions, de l'adaptation de notre outil de défense.
"

Cet engagement était solennellement confirmé devant les deux assemblées (6 novembre et 2 décembre 1998), lors de la discussion budgétaire, par le ministre de la défense qui affirmait " la volonté politique de poursuivre la programmation de nos équipements de défense sur la base de 85 milliards de francs annuels, en francs constants 1998 " afin de rétablir " une continuité et une visibilité de la politique d'équipement militaire, qui est indispensable à tous les partenaires et qui garantit la crédibilité de notre effort de défense ".

Ces engagements, qui auraient exigé un montant de crédits d'équipements supérieur de 3,2 milliards de francs à celui inscrit au projet de budget 2000 , ne seront donc pas respectés, alors qu'ils constituaient la contrepartie de la révision à la baisse de la loi de programmation décidée à l'issue de la " revue de programmes ".

Votre rapporteur observe tout d'abord que cette entorse aux engagements passés ne se justifie nullement par une quelconque détérioration du contexte économique et financier. Bien au contraire, ce dernier s'est amélioré au point d'autoriser certaines marges de manoeuvres budgétaires, ce qui permettait, au minimum, le maintien des crédits d'équipement des armées.

Il relève également que, selon les termes du ministre de la défense (dossier de présentation du budget), " si cette enveloppe, complétée par les reports de la fin 1999, se révèlent insuffisante, des crédits supplémentaires seraient mobilisés dans la loi de finances rectificative 2000 ". On peut toutefois s'interroger sur le montant des reports de la gestion 1999 après l'annulation de 9,3 milliards de francs opérés sur les crédits d'équipement en 1999.

Enfin, il s'interroge sur la justification avancée par le gouvernement à l'appui de la diminution des crédits d'équipements, fondée sur la volonté de ne pas mobiliser inutilement en loi de finances initiale des crédits de paiement qui ne pourraient être consommés du fait de trop faibles engagements de dépenses sur les exercices antérieurs. On peut en effet se demander si les abattements opérés en loi de finances initiale ou par annulation de crédits tantôt sur les autorisations de programme, tantôt sur les crédits de paiement ne finissent pas par entretenir une logique de réduction continue des moyens alloués à la défense.

2. Des insuffisances persistantes

Après " l'encoche " de 1998 et la très forte compression des crédits de fonctionnement en 1999 , sous l'effet d'une augmentation beaucoup plus rapide que prévu des dépenses de rémunérations et de charges sociales, le budget 2000 n'amorce qu'un très timide rattrapage, qui s'analyse surtout comme un arrêt de la dégradation enregistrée ces deux dernières années.

S'agissant des moyens de fonctionnement , ce budget se traduit par un certain nombre de mesures nouvelles.

Les dotations de fonctionnement sont majorées d'un crédit de 215,7 milliards de francs pour le renforcement du recours à la sous-traitance , mais cette mesure est gagée par la suppression de 1 600 emplois, dont 1 100 emplois de personnels civils, et s'analyse donc comme un palliatif au sous-effectif, particulièrement en appelés et en personnels civils, qui handicape la bonne marche de la professionnalisation.

Un crédit supplémentaire de 70 millions de francs est ouvert à titre d'ajustement de la dotation pour les produits pétroliers, mais les hypothèses retenues sont très inférieures aux actuels cours du baril et du dollar, laissant présager une insuffisance de cette dotation.

Le projet de budget témoigne du souci de relever certaines dotations de fonctionnement (120 millions de francs pour les dépenses liées aux reconversions et aux restructurations, 50 millions de francs pour la gendarmerie en zone rurale ou encore 186 millions de francs correspondant à des ajustements recensés lors de la " revue du titre III "), mais cet effort n'est pas à la mesure du retard à combler après les abattements considérables opérés en 1998 et 1999 . On observe par ailleurs que parallèlement à ces mesures nouvelles, une nouvelle et forte diminution sera opérée sur les crédits de fonctionnement du service de santé (- 135 millions de francs), sensée être compensée par les recettes provenant de l'activité hospitalière alors que celles-ci diminueront en 2000.

Il convient de signaler que cette " revue du titre III " a été opérée en début d'année par le ministère de la défense. Cet exercice a mis en évidence une diminution des crédits de fonctionnement beaucoup plus rapide que celle qui était programmée , pesant sur la vie courante des forces armées et contribuant à des diminutions des niveaux d'activité et d'entraînement.

Ces tensions n'ont été que partiellement amorties par les conditions tarifaires favorables sur les produits pétroliers, dont les effets sont aujourd'hui dissipés, et par le transfert progressif de 1,4 milliard de francs de crédits d'entretien programmé des matériels du titre III au titre V, qui s'est effectué au détriment des programmes.

Force est de constater que le projet de budget pour 2000 n'a pris en compte que très partiellement les besoins identifiés par la " revue du titre III " ne permettant par exemple qu'une légère amélioration du taux d'activité, très inférieure au relèvement qui avait été souhaité.

S'agissant des dépenses en capital , des crédits d'entretien programmé des matériels, d'études et développement ou d'infrastructure, sur lesquels des abattements forfaitaires avaient été opérés dans le cadre de la " revue de programmes ", demeurent extrêmement contraints alors que sur le plan des programmes d'équipement, le niveau des dotations ne semble aucunement prendre en compte un certain nombre de besoins relevés à l'issue du conflit du Kosovo , ne serait ce que le remplacement des drones détruits au cours des opérations.

Alors même que le renforcement de l'effort européen de défense constitue le coeur des déclarations relatives à l'Europe de la défense, ce projet de budget illustre le décalage entre les intentions et les actes et traduit un nouveau recul de la défense dans l'ordre des priorités gouvernementales.

3. Des interrogations sur le niveau des autorisations de programme

Si elles évoluent conformément aux conclusions de la " revue de programmes ", les dotations en autorisations de programme ne semblent pas pour autant prendre pleinement en compte les besoins générés par le recours aux commandes globales pluriannuelles.

En effet, faute de dotation suffisante en loi de finances initiale, celles-ci doivent en partie se financer sur un stock d'autorisations de programme disponibles et non engagées qui tend d'année en année à se réduire.

Les difficultés rencontrées cette année pour passer la commande globale de 80 hélicoptères Tigre en a apporté l'illustration.

Pour 2000, le niveau d'autorisations de programme ne permettra pas de passer toutes les commandes globales envisagées, certaines devant donc être décalées aux années suivantes.

Tel semble être le cas pour l'hélicoptère NH90, dont la fabrication et l'industrialisation ne pourront être lancées en 2000.

Par ailleurs, la dotation d'autorisations de programmes prévue pour le missile M51 ne s'élèvent qu'à 5 milliards de francs, alors que la commande globale s'élèvera à 7 milliards de francs, la différence devant être mobilisée sur des autorisations de programmes antérieures.

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