Projet de loi de finances pour 2000, TOME VII - DEPARTEMENTS D'OUTRE-MER

BALARELLO (José)

AVIS 94 - TOME VII (1999-2000) - commission des lois

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Table des matières




N° 94

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1999-2000

Annexe au procès-verbal de la séance du 25 novembre 1999.

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi de finances pour 2000 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

TOME VII

DÉPARTEMENTS D'OUTRE-MER

Par M. José BALARELLO,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Jacques Larché, président ; René-Georges Laurin, Mme Dinah Derycke, MM. Pierre Fauchon, Charles Jolibois, Georges Othily, Michel Duffour, vice-présidents ; Patrice Gélard, Jean-Pierre Schosteck, Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest, secrétaires ; Nicolas About, Guy Allouche, Jean-Paul Amoudry, Robert Badinter, José Balarello, Jean-Pierre Bel, Christian Bonnet, Robert Bret, Guy-Pierre Cabanel, Charles Ceccaldi-Raynaud, Marcel Charmant, Raymond Courrière, Jean-Patrick Courtois, Luc Dejoie, Jean-Paul Delevoye, Gérard Deriot, Gaston Flosse, Yves Fréville, René Garrec, Paul Girod, Daniel Hoeffel, Jean-François Humbert, Pierre Jarlier, Lucien Lanier, Simon Loueckhote, François Marc, Bernard Murat, Jacques Peyrat, Jean-Claude Peyronnet, Henri de Richemont, Simon Sutour, Alex Türk, Maurice Ulrich.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : 1805 , 1861 à 1866 et T.A. 370 .

Sénat : 88 et 89 (annexe n° 34 ) (1999-2000).

Lois de finances.

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

Après avoir procédé à l'audition de M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, le mercredi 17 novembre 1999, la commission des Lois, réunie le mercredi 1er décembre 1999 sous la présidence de M. Jacques Larché, président, a examiné, sur le rapport pour avis de M. José Balarello, les crédits du projet de loi de finances pour 2000 consacrés aux départements d'outre-mer, à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon.

Au-delà de l'analyse des crédits consacrés à ces départements et collectivités par les ministères de l'outre-mer, de l'intérieur et de la justice, elle a concentré ses observations sur les problèmes concernant la sécurité, la justice, la maîtrise de l'immigration et la fonction publique, ainsi que sur l'intégration à l'Union européenne et les perspectives d'évolutions institutionnelles ou statutaires.

La commission des Lois a émis un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés aux départements d'outre-mer, à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon dans le projet de budget du secrétariat d'Etat à l'outre-mer.

*

* *

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le présent avis est consacré aux crédits alloués par le projet de loi de finances pour 2000 aux départements d'outre-mer (Martinique, Guadeloupe, Guyane et la Réunion) et aux deux collectivités territoriales d'outre-mer à statut particulier de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon, les crédits alloués aux territoires d'outre-mer (Polynésie française, Wallis-et-Futuna, Terres australes et antarctiques françaises) et à la Nouvelle-Calédonie faisant pour leur part l'objet d'un autre avis de votre commission des Lois, présenté par notre collègue Jean-Jacques Hyest.

Votre commission des Lois a accordé, cette année, une attention toute particulière aux départements d'outre-mer.

Dans la perspective de la préparation de l'examen du projet de loi d'orientation annoncé par le Gouvernement, une délégation de la commission conduite par le président Jacques Larché et comprenant, outre votre rapporteur pour avis, M. Robert Bret, Mme Dinah Derycke, M. Pierre Jarlier, M. Lucien Lanier et M. Georges Othily a en effet effectué au mois de septembre dernier une mission d'information de douze jours en Guyane, en Martinique et en Guadeloupe, ainsi qu'à Saint-Martin et Saint-Barthélémy, au cours de laquelle elle a rencontré de très nombreux interlocuteurs : parlementaires, élus locaux, membres du corps préfectoral, représentants des chambres consulaires et des organismes socio-professionnels, magistrats... Afin de compléter les informations recueillies au cours de cette mission, la commission a en outre prévu d'organiser prochainement un déplacement à la Réunion et à Mayotte 1( * ) .

Après avoir présenté l'évolution des crédits consacrés aux départements d'outre-mer, à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon, en analysant, au-delà des dotations propres du secrétariat d'Etat à l'outre-mer, les incidences prévisibles des contributions des ministères de l'intérieur et de la justice, votre rapporteur pour avis concentrera ses observations sur les domaines relevant plus particulièrement de la compétence de votre commission des Lois : sécurité, justice, maîtrise de l'immigration, fonction publique. Le présent avis évoquera en outre les apports de l'intégration des départements d'outre-mer à l'Union européenne, ainsi que les perspectives d'évolutions institutionnelles ou statutaires qui devraient notamment être mises en oeuvre par la future loi d'orientation.

I. L'ÉVOLUTION DES CRÉDITS CONSACRÉS AUX DÉPARTEMENTS ET AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES D'OUTRE-MER

Seul l'" Etat récapitulatif de l'effort budgétaire et financier consacré aux départements et collectivités territoriales d'outre-mer " (" jaune " présenté en annexe du projet de loi de finances) permet d'appréhender dans leur globalité les moyens budgétaires consacrés d'une part, aux départements d'outre-mer et d'autre part, aux collectivités territoriales d'outre-mer à statut particulier de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon.

En effet, l'ensemble des ministères contribuent à l'effort financier en faveur de l'outre-mer et les crédits du secrétariat d'Etat à l'outre-mer ne représentent que 10,76 % des moyens budgétaires alloués aux départements et collectivités territoriales d'outre-mer pour 2000, qui atteignent un montant total de 46,34 milliards de francs (dépenses ordinaires et crédits de paiement).

Au total, l'évolution de l'effort budgétaire global en faveur de ces départements et collectivités se caractérise par une faible progression des moyens de paiement (dépenses ordinaires et crédits de paiement) (+ 2,42 %) et une légère régression des autorisations de programme (- 0,73 %) par rapport à 1999.

Au-delà des dotations propres du secrétariat d'Etat à l'outre-mer, le présent avis présenté par votre commission des Lois s'attachera également à analyser les incidences prévisibles des contributions des ministères de l'intérieur et de la justice.

Les deux tableaux suivants retracent l'évolution prévisionnelle des moyens de paiement et des autorisations de programme de ces différents ministères destinés aux départements d'outre-mer, à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon.

Moyens de paiement destinés aux DOM, à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon
(dépenses ordinaires et crédits de paiement)

 

1999

2000

 
 

Montant

Part du total

Montant

Part du total

Evolution en %

Ensemble des ministères dont :

45.243,839

(100 %)

46.340,535

(100 %)

+ 2,42 %

- Outre-mer

4.564,903

10,09 %

4.987,459

10,76 %

+ 9,26 %

- Intérieur et Décentralisation

9.238,751

20,42 %

9.449,768

20,39 %

+ 2,28 %

- Justice

533,676

1,18 %

613,955

1,32 %

+ 15,04 %

(tableau réalisé à partir des données du " jaune " budgétaire) (en millions de francs)

Autorisations de programme destinées aux DOM, à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon

 

1999

2000

 
 

Montant

Part du total

Montant

Part du total

Evolution en %

Ensemble des ministères dont :

4.928,519

(100 %)

4.892,619

(100 %)

- 0,73 %

- Outre-mer

1.345,120

27,29 %

1.353,500

27,66 %

+ 0,62 %

- Intérieur et Décentralisation

1.102,960

22,38 %

1.115,666

22,80 %

+ 1,15 %

- Justice

17,427

0,35 %

41,815

0,85 %

+ 139,94 %

(tableau réalisé à partir des données du " jaune " budgétaire) (en millions de francs)

On observera que la réduction globale des autorisations de programme destinées aux départements d'outre-mer ne s'explique pas par l'évolution des contributions des ministères de l'outre-mer, de l'intérieur et de la justice qui sont en progression, mais par celles d'autres ministères comme la recherche ou l'équipement qui marquent en revanche une régression.

1. Une progression marquée des dotations du secrétariat d'Etat à l'outre-mer

Les dotations du secrétariat d'Etat à l'outre-mer en faveur des départements et collectivités territoriales d'outre-mer connaissent une progression marquée (+ 9,26 %) en ce qui concerne les moyens de paiement qui atteignent près de 5 milliards de francs pour 2000 ; en revanche, les autorisations de programme stagnent (+ 0,62 %).

La part du budget de l'outre-mer dans l'ensemble des moyens de paiement affectés aux départements d'outre-mer, qui avait déjà été renforcée l'an dernier, continue de s'accroître, passant de 10,09 % à 10,76 % 2( * ) .

Cette progression du budget de l'outre-mer consacrée aux départements d'outre-mer est très largement destinée au renforcement des moyens de la politique en faveur de l'emploi et du soutien au logement social, qui constituent les deux grandes priorités du secrétariat d'Etat à l'outre-mer.

Ainsi, les dotations du Fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer ( FEDOM ), qui représentent plus du tiers du budget du secrétariat d'Etat, atteignent un montant total de 2,1 milliards de francs, en progression de 16,24 % par rapport à 1999.

Ces dotations devraient permettre de financer 58.000  " solutions nouvelles d'insertion " (contre 56.000 en 1999) dont 35.000 contrats emploi-solidarité, 15.000 contrats d'insertion par l'activité et 7.500 contrats d'accès à l'emploi. Elles sont également destinées à financer la poursuite de la mise en oeuvre des emplois jeunes , la création de 3.000 nouveaux emplois jeunes étant prévue pour l'année prochaine, ce qui portera le nombre d'emplois jeunes outre-mer à environ 11.000 à la fin de l'an 2000, auxquels s'ajoutent les emplois d'adjoints de sécurité et d'aides éducateurs créés respectivement par les ministères de l'intérieur et de l'éducation nationale.

Sur ce point, M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, a souligné devant votre commission des Lois que face à la forte expansion démographique de l'outre-mer, un effort important était fait en faveur de l'insertion professionnelle des jeunes, alors que les départements d'outre-mer sont confrontés -rappelons-le- à des taux de chômage très élevés (soit au 31 décembre 1998, 21,4 % en Guyane, 28,8 % en Guadeloupe, 30,3 % à la Martinique et 35,7 % à la Réunion).

Après avoir rappelé que même si le taux de natalité dans les départements d'outre-mer tendait à se rapprocher de celui de la métropole, les moins de vingt ans y représentaient 35 % de la population, le ministre a en effet précisé que 6,25 % des emplois jeunes étaient mis en oeuvre outre-mer alors que les tranches d'âge susceptibles d'être concernées par ce type de mesure d'insertion outre-mer ne représentaient que 3,5 % de la population cible au niveau national.

D'autre part, les crédits de paiement consacrés à l' aide au logement , après une forte augmentation en 1999, poursuivent leur progression en 2000 (+ 2,3 % par rapport à 1999), atteignant un montant total de 918 millions de francs. Ces crédits devraient permettre de financer la construction ou la réhabilitation de 13.400 logements (11.000 logements neufs et 2.400 logements améliorés), ainsi que d'aider 2.200 familles dans le cadre d'opérations de résorption de l'habitat insalubre. Ces chiffres sont à comparer au nombre de logements sociaux existant dans les départements d'outre-mer, évalué à 78.000 par une enquête récente du CREDOC (sur un total d'environ 500.000 logements).

Outre les dotations du FEDOM et de la ligne budgétaire unique (LBU) consacrée au logement, la créance de proratisation du RMI 3( * ) , fixée à 861,58 millions de francs pour 2000, en progression de 5,7 %, permettra d'abonder, au titre de l'insertion, les crédits du logement à hauteur des trois quarts et ceux de l'emploi à hauteur d'un quart.

Ces actions d'insertion seront enfin complétées par les moyens destinés au service militaire adapté , SMA qui, initialement créé dans le cadre de la loi du 10 juin 1971 relative au service national afin d'adapter celui-ci à la situation particulière de l'outre-mer, a été réformé par la loi du 28 octobre 1997 portant réforme du service national et fait désormais appel au volontariat. Ces moyens atteindront au total 440 millions de francs pour 2000, soit plus de 7 % du budget du secrétaire d'Etat. Le SMA poursuit ainsi sa professionnalisation avec 600 emplois créés par transformation de postes d'appelés en 2000, succédant à 500 autres déjà créés en 1999, cette transformation du SMA devant être achevée d'ici 2002.

Par ailleurs, les crédits consacrés à l' action culturelle dans les départements d'outre-mer connaissent une forte augmentation, passant de 3 à 7,2 millions de francs ; ces crédits serviront notamment à financer le fonds d'aide aux échanges artistiques et culturels récemment créé afin de favoriser les échanges des collectivités d'outre-mer avec la métropole et avec leur environnement régional. Votre rapporteur pour avis reviendra d'ailleurs sur ce sujet dans le cadre de la quatrième partie du présent avis.

Enfin, s'agissant des crédits d'investissement, les moyens de paiement du Fonds d'investissement des départements d'outre-mer (FIDOM) (section générale), d'un montant de 217,5 millions de francs pour 2000, en progression de 9,43 %, devraient permettre de financer une tranche de démarrage des nouveaux contrats de plan qui bénéficient aux départements d'outre-mer au cours de la période 2000-2006.

Ainsi que l'a souligné M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, au cours de son audition devant votre commission des Lois, les quatre régions d'outre-mer figurent parmi les régions les mieux dotées dans la première répartition des enveloppes financières relatives à ces nouveaux contrats de plan, avec une enveloppe de 4,527 milliards de francs (sur un total de 95 milliards de francs), la Guyane se situant au 1 er rang avec 5.607 F par habitant, la Guadeloupe au 3 ème rang avec 2.687 F par habitant, la Martinique au 4 ème rang avec 2.545 F par habitant et La Réunion au 6 ème rang avec 2.185 F par habitant.

Le ministre a précisé au cours de son audition qu'à l'issue de la répartition complémentaire devant intervenir prochainement, l' enveloppe financière consacrée aux contrats de plan bénéficiant aux départements d'outre-mer devrait atteindre 5 à 6 milliards de francs pour la période 2000-2006 , auxquels viendraient s'adjoindre 21 milliards de francs au titre des fonds structurels européens , ce qui représenterait au total, avec les concours locaux , une masse de 30 milliards de francs disponible pour le développement économique de ces départements. Rappelant que d'importants efforts de développement des infrastructures de transport avaient déjà été effectués au cours de la période récente, il a estimé que ces nouveaux crédits devraient être prioritairement destinés à des infrastructures consacrées à la protection de l'environnement, ainsi qu'à des actions de soutien à l'économie.

Regrettant le retard des investissements consacrés aux infrastructures touristiques 4( * ) eu égard aux potentialités considérables du développement touristique des départements d'outre-mer, votre rapporteur pour avis souhaite pour sa part que les investissements destinés au tourisme puissent y être renforcés et que cette action s'accompagne d'une incitation à l'implantation des grands groupes touristiques privés dans ces départements.

2. Une stabilité de la contribution du ministère de l'intérieur et une progression des crédits du ministère de la justice

•  Les crédits de paiement provenant des ministères de l'intérieur et de la décentralisation , qui représentent environ un cinquième de l'effort financier global de l'Etat en faveur des départements d'outre-mer, soit une masse globale de 9,45 milliards de francs pour 2000, sont en légère progression (+ 2,28 %).

Ces crédits correspondent à des dépenses de personnel, de fonctionnement et d'équipement des services déconcentrés, et surtout à des subventions de fonctionnement et d'investissement aux collectivités locales.

Ces dotations aux collectivités locales sont de deux natures.

D'une part, sont financés par prélèvements sur recettes, pour un montant total de plus de 4,5 milliards de francs, la dotation globale de fonctionnement (DGF), la dotation de développement rural (DDR), le fonds national de péréquation (FNP), le fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA), la dotation spéciale instituteurs (DSI).

Les autres dotations aux collectivités locales sont financées par des crédits figurant au budget du ministère de l'intérieur ; il s'agit des dotations suivantes : dotation générale de décentralisation (DGD), dotation régionale d'équipement scolaire (DRES), dotation départementale d'équipement des collèges (DDEC), dotation globale d'équipement (DGE), ainsi que de crédits de mise en sécurité des écoles.

• En ce qui concerne la contribution du ministère de la justice , on constate une progression sensible des moyens de paiement (+ 15 %), d'un montant de 614 millions de francs pour 1999 ; les autorisations de programme, qui avaient connu un important recul au cours des deux dernières années, sont pour leur part en forte augmentation (+ 140 %), s'élevant à 42 millions de francs, ce qui est cependant encore faible au regard de l'importance des besoins des juridictions des départements d'outre-mer que votre rapporteur pour avis a pu constater au cours de sa récente mission en Guyane et aux Antilles.

Les crédits consacrés à la justice dans les départements d'outre-mer devraient notamment permettre la poursuite du renforcement des effectifs des juridictions et des services de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ). Ainsi, deux créations d'emplois (un emploi de magistrat et un emploi de greffier) accompagneront la mise en place de la commission de révision des actes d'état civil à Mayotte, tandis que les directions départementales de la PJJ seront dotées de 10 emplois supplémentaires à l'issue du concours exceptionnel d'éducateurs.

S'agissant des investissements immobiliers , sont inscrits sur l'exercice 2000 le financement des études et le lancement du marché de maîtrise d'oeuvre du palais de justice de Basse-Terre ainsi que les travaux de modernisation du service de l'état civil à Mayotte. La construction du nouveau palais de justice de Fort-de-France sera par ailleurs poursuivie. En outre, il apparaît urgent à votre rapporteur pour avis que le palais de justice de Cayenne soit réhabilité.

II. DES EFFORTS ENCORE NÉCESSAIRES POUR EXERCER EFFICACEMENT LES MISSIONS RÉGALIENNES DE L'ÉTAT

Dans les départements d'outre-mer, peut-être plus encore qu'en métropole, une priorité doit être donnée au renforcement des moyens destinés à l'exercice des missions régaliennes de l'Etat.

En effet, les résultats constatés en matière de sécurité, de justice ou encore de contrôle de l'immigration sont loin d'être satisfaisants.

1. L'aggravation de la délinquance

Si on a pu enregistrer au cours des cinq dernières années (1994-1998 5( * ) ) une baisse de près de 19 % de l'ensemble des crimes et délits constatés par la police et la gendarmerie dans les quatre départements d'outre-mer, cette tendance correspond peu à la réalité car elle résulte essentiellement d'une diminution de 67 % des délits à la police des étrangers en Guyane et de la comptabilisation en 1994 de 8.554 faits concernant une seule affaire de guérisseur en Martinique. Hors ces postes, la hausse moyenne est de 7 % contre 9,91 % en métropole.

En particulier, la délinquance de voie publique (vols à main armée, vols avec violences, cambriolages, vols de véhicules, vols à la roulotte et destructions et dégradations) s'est globalement accrue de 15,17 % dans les départements d'outre-mer au cours de cette période. Les vols à main armée et vols avec violence ont pour leur part augmenté de 30 % alors que les crimes et délits contre les personnes s'accroissaient de 54 % (contre respectivement + 8 % et + 26 % en métropole).

L'évolution de la délinquance présente cependant des spécificités marquées dans chacun des départements d'outre-mer.

•  La Guadeloupe connaît un niveau élevé d'insécurité qui continue de s'accroître. Le nombre global des crimes et délits constatés y a augmenté de 1,38 % en 1998, le taux de criminalité pour 1.000 habitants s'établissant à 62,85 0 / 00 , soit un taux supérieur de 1,89 0 / 00 à celui de la métropole et de 10,73 0 / 00 au taux moyen des départements d'outre-mer.

A l'exception de l'année 1996, la délinquance a été en augmentation constante en Guadeloupe au cours des cinq dernières années, progressant de plus de 10 % sur cette période.

Les vols à main armée et avec violence sans arme à feu ont progressé de 23,5 % pour la seule année 1998. Les crimes et délits contre les personnes ont presque doublé depuis 1994. Après une hausse de 11,87 % en 1997, la délinquance de voie publique baisse de 6,50 % en 1998 du fait d'une diminution du nombre des cambriolages et des vols de véhicules ; elle a cependant progressé de 2,87 % au cours des cinq dernières années.

•  En Martinique , après un recul enregistré les trois années précédentes, le nombre de crimes et délits constatés a fortement progressé en 1998, avec une augmentation de 17 %.

Le taux de criminalité, plus faible qu'en Guadeloupe, s'est établi à 53,9 0 / 00 contre 60,96 0 / 00 en métropole et 52,12 0 / 00 en moyenne dans les départements d'outre-mer.

Les crimes et délits contre les personnes ont progressé de près de 29 % depuis 1994, en dépit de la baisse de 9,55 % enregistrée en 1998. La délinquance de voie publique, en augmentation de 31,12 % sur les cinq dernières années, s'est accrue de 22,97 % en 1998 du fait de la hausse notable des vols et des faits de destruction et de dégradation de biens.

•  En Guyane , le nombre total des crimes et délits constatés a en revanche baissé de 21,51 % en 1998, cette baisse prolongeant le mouvement décroissant déjà observé au cours des deux années précédentes.

Toutefois, l'évolution enregistrée en 1998 découle dans une large mesure d'une importante diminution des délits à la police des étrangers, qui se situaient auparavant à un niveau très élevé et représentent encore 35,69 % des faits constatés en 1998. Le taux de criminalité y reste très élevé, s'établissant à 88 0 / 00 contre 60,96 0 / 00 en métropole.

Si la délinquance de voie publique s'est au total stabilisée depuis 1994 (- 0, 36 %) et a baissé de 9,9 % en 1998, les crimes et délits contre les personnes sont en revanche en très forte augmentation, de près de 74 % au cours des cinq dernières années et de 29 % pour la seule année 1998.

•  Enfin, à la Réunion , le nombre total des faits et délits constatés s'est accru de 0,81 % en 1998 et de 2,29 % au cours des cinq dernières années.

Le taux de criminalité, de 36,7 0 / 00 contre 60,96 0 / 00 en métropole, y est le plus faible enregistré dans les départements d'outre-mer.

Les crimes et délits contre les personnes connaissent une progression sensible, de 12,37 % en 1998 et de 32,46 % sur les cinq dernières années. La délinquance de voie publique s'est stabilisée en 1998 (- 0,57 %) mais a progressé de plus de 22 % depuis 1994.

Malgré une progression limitée de la délinquance globale et un taux de criminalité inférieur de plus d'un tiers au taux moyen métropolitain, on constate à la Réunion un renforcement du sentiment d'insécurité résultant notamment du développement de la délinquance juvénile et des violences urbaines . Afin de lutter contre ces phénomènes, un contrat local de sécurité a été signé avec la commune de Saint-Denis, où a été mise en place une cellule de veille ; en outre, la gendarmerie a mis en place une brigade de prévention de la délinquance juvénile.

Au total, malgré des évolutions contrastées de la criminalité globale, ce bref tableau de la délinquance dans les départements d'outre-mer fait donc ressortir une progression sensible des crimes et des délits contre les personnes et de la délinquance de voie publique.

Au demeurant, il n'est pas inutile de rappeler que les statistiques doivent être interprétées avec prudence, compte tenu du découragement croissant des victimes dissuadées de porter plainte par le taux réduit d'élucidation et le nombre élevé des classements sans suite, même lorsque l'auteur de l'infraction est identifié, phénomène que l'on trouve d'ailleurs en métropole, comme l'a souligné une enquête récente de l'Institut des hautes études de sécurité intérieure.

2. Une activité soutenue des juridictions

Les juridictions des départements d'outre-mer doivent faire face à une importante augmentation des flux de contentieux, supérieure à la moyenne nationale , en particulier en matière civile.

En Guadeloupe , le nombre d'affaires civiles nouvelles a progressé entre 1994 et 1998 6( * ) de 12,2 % à la cour d'appel de Basse-Terre et de 19,9 % au tribunal de grande instance de Pointe à Pitre.

Sur la même période, ce nombre a légèrement diminué à la cour d'appel de Fort-de-France (- 5,6 %) mais s'est accru de 8,6 % au tribunal de grande instance de Fort-de-France. Il a en outre faiblement décru (- 2,0 %) au tribunal de grande instance de Cayenne qui dépend du ressort de la cour d'appel de Fort-de-France.

A la Réunion , l'augmentation du flux d'affaires civiles nouvelles sur cette même période a été particulièrement forte : + 17,9 % à la cour d'appel, + 13,9 % au tribunal de grande instance de Saint-Denis et + 41,7 % au tribunal de grande instance de Saint-Pierre.

Au cours de ces cinq années, le stock d'affaires civiles en cours s'est accru de 6 % à la cour d'appel de Basse-Terre, de 26,8 % à la cour d'appel de Fort de France et de 38,2 % à la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion.

Les délais moyens de traitement des affaires civiles restent néanmoins légèrement inférieurs à la moyenne nationale pour les cours d'appel qui s'établit à 17,4 mois en 1998 : 13,6 mois à la cour d'appel de Fort-de-France, 10,3 mois à la cour d'appel de Basse-Terre et 13,1 mois à la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion. En revanche, ces délais dépassent nettement la moyenne nationale dans certains tribunaux de grande instance : 10,7 mois au tribunal de grande instance de Fort-de-France et 14,6 mois au tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre, contre une moyenne nationale de 8,6 mois.

Certaines juridictions doivent également faire face à une augmentation importante de l' activité pénale ; ainsi le nombre d'affaires correctionnelles nouvelles s'est-il accru, entre 1994 et 1998, de 9,6 % au tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre, de 38,3 % au tribunal de grande instance de Saint-Denis de la Réunion et de 33 % au tribunal de grande instance de Saint-Pierre.

Au cours de la mission d'information de la commission des Lois effectuée en septembre dernier, sous la présidence de M. Jacques Larché, dans les départements français d'Amérique, votre rapporteur pour avis a pu constater les difficultés particulières auxquelles sont confrontées certaines juridictions de ces départements, du fait de l'insuffisance des effectifs et de l'exiguïté, voire de la vétusté de leurs locaux. A cet égard, la situation du tribunal de grande instance de Cayenne, nécessitant des investissements urgents, lui est apparue particulièrement préoccupante.

3. La persistance d'une surpopulation carcérale

En dépit de la mise en service récente de nouveaux établissements pénitentiaires, on constate encore la persistance d'une surpopulation carcérale dans les départements d'outre-mer : au 1 er janvier 1999, le nombre de détenus dans les établissements pénitentiaires s'élevait à 2.682 personnes pour une capacité de 2.144 places, soit un taux d'occupation de 125,1 %, supérieur au taux moyen constaté en métropole qui est d'environ 118 %.

• Aux Antilles , malgré la mise en service fin 1996 de deux nouveaux établissements (Ducos et Baie Mahault), les taux d'occupation sont encore de 115,1 % en Martinique et 117,9 % en Guadeloupe.

• En Guyane , l'ouverture du nouvel établissement de Remiré-Montjoly a permis de ramener le taux d'occupation à 85,7 % et a donc mis fin à une surpopulation carcérale qui atteignait le niveau record de 279 % en 1997.

Toutefois, ce nouveau centre pénitencier a fait l'objet, depuis son ouverture en avril 1998, de plusieurs tentatives d'évasion qui ont mis en évidence certaines imperfections des structures de sécurité ; un crédit de 3 millions de francs lui a donc été affecté fin 1998 afin d'améliorer la sécurisation des installations. En outre, les dégâts consécutifs à une mutinerie survenue en juin 1999 au quartier maison d'arrêt ont entraîné la fermeture de ce quartier et le ministère de la justice a dû demander l'inscription d'un crédit de 10 millions de francs en loi de finances rectificative pour 1999 pour effectuer les travaux de réparation nécessaires à sa réouverture.

• Enfin, à la Réunion , la situation reste très préoccupante dans les trois établissements pénitentiaires où les taux d'occupation atteignaient respectivement, au 1 er janvier 1999, 152,1 % (Le Port), 196,7 % (Saint-Denis) et 212,5 % (Saint-Pierre). Cette situation tend à s'aggraver, la population pénale y étant en constante augmentation ; ainsi, au 1 er juillet 1999, on dénombrait 1.128 détenus pour 610 places de détention seulement, soit un taux moyen d'occupation atteignant 185 % au lieu de 169 % un an plus tôt, le nombre de détenus s'étant accru de près de 10 %.

L'état de vétusté de la maison d'arrêt de Saint-Denis, construite en 1876, est fréquemment dénoncé par les parlementaires de la Réunion. La construction d'un nouvel établissement destiné à remplacer cette maison d'arrêt apparaît indispensable et est considérée comme prioritaire par l'administration pénitentiaire dans le cadre de la poursuite de la modernisation de son parc immobilier. Mme Elisabeth Guigou, garde des Sceaux, a récemment annoncé que les autorisations de programme nécessaires au lancement de cette opération devraient être inscrites dans le prochain projet de loi de finances rectificative, pour un montant de 200 millions de francs, le coût total du projet avoisinant les 450 millions de francs pour un établissement de 600 places. Cependant, aucune décision définitive n'a encore été prise quant à l'implantation géographique de ce nouvel établissement.

En attendant sa mise en service qui ne devrait pas intervenir avant quelques années, des travaux de rénovation sont actuellement en cours dans le centre de détention du Port. La réhabilitation d'un quartier de la maison d'arrêt de Saint-Pierre est en outre envisagée.

4. Le problème aigu du contrôle de l'immigration

Les départements d'outre-mer sont dans leur ensemble confrontés à une importante immigration irrégulière, qui s'explique largement par l'effet d'attraction suscité par des niveaux de vie et de protection sociale considérablement plus élevés que dans les Etats environnants.

A titre d'exemple, d'après le rapport établi par Mme Eliane Mossé, le PIB par habitant atteignait, en 1996 13.121 $ en Martinique et 10.531 $ en Guadeloupe, mais seulement 3.642 $ à Cuba, 3.908 $ à la Dominique, 4.540 $ en République dominicaine, 664 $ à Haïti, 4.322 $ à la Jamaïque et 5.164 $ à Sainte-Lucie. En Guyane française, il s'élevait à 15.882 $, mais n'était que de 6.571 $ au Brésil, 2.422 $ au Guyana et 4.809 $ au Surinam 7( * ) .

•  Les Antilles françaises subissent donc une forte immigration clandestine en provenance des îles voisines de l'arc caraïbe qui connaissent de graves difficultés économiques et parfois des tensions politiques (Haïti, Sainte-Lucie, La Dominique, Saint-Domingue...).

En Martinique , la population étrangère est évaluée à 6.500 personnes dont 500 seraient en situation irrégulière ; 192 mesures de reconduite à la frontière y ont été exécutées en 1998, ainsi que 24 mesures d'expulsion.

En Guadeloupe , la population étrangère est de 21.819 personnes en situation régulière, contre 10.596 en 1996 ; en effet, les mesures de régularisation intervenues récemment ont permis de réduire la population clandestine qui serait passée de 20.000 à 10.000 personnes ; 753 mesures de reconduite à la frontière et 102 expulsions y ont été exécutées en 1998, dont 365 reconduites à la frontière pour la seule commune de Saint-Martin .

Celle-ci compte, pour une population totale d'environ 35.000 habitants, un tiers d'étrangers en situation régulière, auxquels s'ajouteraient environ 5.000 étrangers en situation irrégulière.

Comme a pu le constater à nouveau la délégation de la commission des Lois qui s'est rendue sur place en septembre 1999, le contrôle de l'immigration irrégulière est particulièrement difficile à Saint-Martin, voire impossible, en raison de l'absence de frontière matérialisée entre la partie française et la partie néerlandaise, et de la localisation de l'aéroport international dans cette dernière zone.

L'accord franco-néerlandais du 17 mai 1994 relatif au contrôle des personnes dans les aéroports de Saint-Martin, ratifié par la France le 20 juillet 1995, aurait certes dû faciliter l'éloignement des étrangers en situation irrégulière. Cependant, faute de ratification par le Royaume des Pays-Bas, cet accord n'est toujours pas appliqué à ce jour.

Cette absence de maîtrise de l'immigration est à l'origine de sérieuses difficultés économiques et sociales pour la commune de Saint-Martin car les infrastructures de santé, de scolarité et de logement sont confrontées à une demande qui dépasse leur capacité.

Votre rapporteur pour avis souhaite donc qu'une concertation plus approfondie soit menée avec les Pays-Bas sur ce sujet, en liaison avec l'Union européenne, afin de parvenir à un contrôle réel de l'immigration à Saint-Martin.

•  La Guyane est également confrontée à une forte poussée migratoire en provenance des pays voisins beaucoup plus pauvres (Surinam, Brésil, Guyana, Haïti).

Pour une population estimée à 157.000 habitants, on dénombre environ 20.000 étrangers en situation régulière, auxquels s'ajouteraient environ 30.000 personnes en situation irrégulière.

Même si le poids de l'immigration doit être relativisé en Guyane, compte tenu de l'immensité du territoire et de la faible densité démographique (moins de 200.000 habitants sur environ 90.000 km 2 ), le phénomène de l'immigration clandestine pèse sur les dépenses publiques et contribue à la saturation des infrastructures scolaires, sanitaires et sociales, ainsi que l'a observé la délégation de la commission des Lois lors de sa mission d'information du mois de septembre dernier, notamment à l'occasion de son passage à Saint-Laurent-du-Maroni, à la frontière avec le Surinam. L'attention de la délégation de la commission a en particulier été attirée sur la situation préoccupante de l'hôpital de Saint-Laurent-du-Maroni qui doit notamment assurer un grand nombre d'accouchements de femmes venues du Surinam.

Or, dans la forêt amazonienne, les longues frontières fluviales avec le Surinam et le Brésil, sont à la fois facilement franchissables par les candidats à l'immigration et difficilement contrôlables par les forces de police ou de gendarmerie.

Des dispositions ont cependant été prises pour tenter de parvenir à un contrôle plus efficace des flux migratoires :

- l'effectif total de la DICCILEC a été porté à 119 agents dont 35 à Saint-Laurent-du-Maroni et un troisième escadron de gendarmerie a été déployé à Saint-Laurent-du-Maroni ;

- un centre de rétention a été construit en 1996 près de l'aéroport de Rochambeau ;

- un dispositif de surveillance et de contrôle spécifique (plans " Alizé bis " et " Galerne ") a été mis en place sur les fleuves Maroni et Oyapock, comportant des patrouilles fluviales et une surveillance des rives.

Ce dispositif de contrôle a permis une progression constante des mesures de refoulement à la frontière ; en revanche, le nombre de mesures de reconduites à la frontière tend à diminuer d'une année sur l'autre, passant de 10.057 en 1996 à 8.366 en 1997 et 6.582 en 1998.

Par ailleurs, il est à noter que le Gouvernement cherche à développer une politique de coopération régionale sur le problème de l'immigration clandestine, notamment avec l'Etat d'Amapa au Brésil ; mais celle-ci semble encore bien timide.

•  Enfin, si la Réunion reste aujourd'hui relativement à l'abri des grands flux migratoires, il n'en est pas de même de Mayotte , confrontée à une forte pression migratoire en provenance des îles composant la République fédérale islamique des Comores et plus particulièrement d'Anjouan. En effet, là encore, le niveau de vie est sensiblement plus élevé que dans les îles voisines. Les dirigeants de l'île d'Anjouan, qui a récemment fait sécession, ont d'ailleurs exprimé le souhait d'un rattachement à la France.

Sur une population totale d'environ 130.000 habitants, le nombre d'étrangers recensés à Mayotte est de 28.300 personnes dont 26.100 Comoriens, auxquels s'ajouteraient 15 à 20.000 étrangers en situation irrégulière d'origine comorienne séjournant à Mayotte. Au total, les Comoriens représentent plus du quart de la population de Mayotte.

L'immigration a représenté le tiers de la croissance démographique de Mayotte au cours de la période 1991-1997, croissance qui est la plus forte de France avec celle de la Guyane (+ 5,7 % par an) ; le solde migratoire recensé est de 2.000 personnes par an.

La maîtrise de l'immigration est donc un enjeu majeur à Mayotte pour le développement économique, mais aussi pour la préservation de l'ordre public et des équilibres sociaux.

Face à cette situation, une politique active de contrôle de l'immigration a été mise en place à Mayotte. L'obligation de visa préalable pour les ressortissants comoriens se rendant à Mayotte a été rétablie depuis 1995 et les moyens de surveillance des côtes ont été renforcés. Ces mesures ont permis de faire passer le nombre de reconduites à la frontière de 565 en 1995 à 6.619 en 1997 et 5.664 en 1998 ; en outre, on enregistre depuis deux ans environ 8.000 départs volontaires de Comoriens vers les trois îles de la République fédérale islamique des Comores.

5. La question récurrente des surrémunérations des fonctionnaires

Par ailleurs, un autre problème reste toujours pendant s'agissant du fonctionnement des services de l'Etat, à savoir celui du régime de surrémunérations des fonctionnaires, dont le coût est particulièrement élevé alors que sa justification n'apparaît plus aussi évidente aujourd'hui qu'à l'origine de sa mise en place.

Les fonctionnaires de l'Etat en service dans les départements d'outre-mer bénéficient en effet d'une rémunération majorée instituée par un ensemble de dispositions législatives et réglementaires anciennes, dont l'application a été étendue à la fonction publique territoriale ou hospitalière et même fréquemment aux personnels des organismes parapublics.

En application de la loi du 3 avril 1950, le traitement servi aux fonctionnaires en poste dans les départements d'outre-mer est ainsi affecté d'un coefficient multiplicateur qui, fixé à 40 % en Guadeloupe, en Martinique et en Guyane, atteint 53 % à la Réunion (et 65 % à Saint-Pierre-et-Miquelon). Vient en outre s'ajouter à cette majoration, le cas échéant, le versement d'une indemnité d'éloignement lorsqu'un déplacement réel du fonctionnaire a été occasionné.

Dans certaines collectivités d'outre-mer, les retraites publiques sont également bonifiées, à un taux fixé à 35 % à la Réunion et à Mayotte et à 40 % à Saint-Pierre-et-Miquelon.

Sur la base des travaux menés en 1996 par M. Bernard Pêcheur, le coût global des surrémunérations peut être évalué à près de 8 milliards de francs par an , dont plus de 4 milliards de francs pour les seuls fonctionnaires de l'Etat.

Votre commission des Lois souligne déjà depuis plusieurs années le coût exorbitant de ce régime de surrémunérations des fonctionnaires dans les départements d'outre-mer et tout particulièrement à La Réunion, ainsi que les effets pervers qu'il peut induire sur le développement économique de ces départements.

La question des surrémunérations a par ailleurs été fréquemment abordée par les nombreux interlocuteurs rencontrés par la délégation de la commission des Lois au cours de sa mission d'information dans les départements français d'Amérique au mois de septembre 1999. En particulier, nombreux ont été les représentants des collectivités locales à appeler l'attention de votre rapporteur pour avis sur le coût élevé des surrémunérations.

Les différents rapports élaborés à la demande du Gouvernement dans la perspective de la préparation du projet de loi d'orientation abordent tous cette importante question et formulent différentes propositions de réforme .

Considérant que le différentiel de prix effectivement constaté entre les départements d'outre-mer et la métropole, de l'ordre de 10 %, ne justifie pas le maintien des surrémunérations à leur niveau actuel, le rapport établi par Mme Eliane Mossé 8( * ) , propose plusieurs pistes de réforme envisageables : blocage de la partie des surrémunérations supérieure au différentiel de prix dans un compte d'épargne, non ou faiblement rémunéré, récupérable lors du retour en métropole ou du passage à la retraite ; limitation des surrémunérations au double du différentiel de prix ; suppression de la seule indemnité d'éloignement ; ou encore suppression ou réduction de l'avantage fiscal relatif à l'impôt sur le revenu 9( * ) .

Ce rapport insiste cependant sur la nécessité de procéder au préalable à une large concertation et de maintenir en tout état de cause le flux global de prestations publiques bénéficiant aux départements d'outre-mer.

Le rapport élaboré par M. Bertrand Fragonard 10( * ) propose pour sa part de retenir un scénario basé sur une réduction progressive du taux de majoration qui serait applicable à la fois aux agents actuellement en fonction et aux nouvelles embauches.

A l'issue de cette réduction progressive, le coefficient " cible " atteint en 2007 serait fixé à 1,35 pour la Réunion et à 1,33 pour les Antilles et la Guyane. L'effort de réduction ainsi demandé serait de 1,67 % par an à la Réunion et de 0,7 % aux Antilles et en Guyane mais serait partiellement compensé par trois mesures d'alignement concernant différentes prestations applicables en métropole : alignement des prestations familiales, extension des allocations de logement, extension de l'indemnité de résidence sur la base du taux applicable en région parisienne.

Les sommes dégagées par cette réduction des surrémunérations seraient affectées à des actions en faveur de l'emploi dans les départements d'outre-mer et seraient réparties par un comité départemental paritaire comprenant des représentants de l'Etat et des représentants des organisations syndicales.

Enfin, le rapport 11( * ) établi par M. Claude Lise, sénateur de la Martinique, que votre rapporteur pour avis a d'ailleurs rencontré au cours de la mission de septembre dernier, et M. Michel Tamaya, député de la Réunion, propose une réforme plus limitée. Considérant en effet que le règlement du problème des primes de vie chère " dépasse les seules questions d'organisation de la fonction publique et nécessite une réflexion macro-économique d'ensemble ", il se borne dans l'immédiat à proposer le plafonnement, pour les mutations à venir, de l'indemnité d'éloignement attribuée aux agents de catégorie A en service en métropole et recevant une affectation dans les départements d'outre-mer. Les sommes ainsi économisées pourraient être affectées à un fonds spécifique d'aide à la création et au fonctionnement des PME, notamment pour servir de " relais " dans l'attente des versements en provenance des fonds structurels communautaires.

Cependant, M. Lionel Jospin, Premier ministre, a déclaré au cours de son récent voyage aux Antilles que cette question ne constituait pas une priorité pour le Gouvernement. Lors de son audition devant votre commission des Lois, M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, a confirmé ces propos, tout en ajoutant que la question serait néanmoins évoquée dans le cadre des négociations générales concernant la fonction publique, par exemple celles portant sur la réduction du temps de travail.

III. LES APPORTS DE L'INTÉGRATION À L'UNION EUROPÉENNE

A la différence des territoires d'outre-mer et des collectivités territoriales à statut particulier de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon qui ont un statut d'association à l'Union européenne, les départements d'outre-mer sont intégrés à l'Union européenne dans un cadre juridique spécifique qui a été récemment précisé par l'article 299-2 du traité d'Amsterdam. Cette intégration leur permet de bénéficier largement des crédits des fonds structurels européens, dont le montant sera substantiellement accru pour la période 2000-2006.

1. Un cadre juridique spécifique précisé par l'article 299-2 du traité d'Amsterdam

L'intégration des départements d'outre-mer au sein de la Communauté européenne avait été consacrée par l'article 227-2 du traité de Rome, sur le fondement duquel ont été mis en place des programmes communautaires spécifiques à ces départements.

Cependant, dans le souci de mettre fin à certaines incertitudes résultant d'une interprétation restrictive des dispositions de cet article par la Cour de justice des communautés européennes, le Gouvernement français a cherché à consolider le " statut " communautaire des départements d'outre-mer à l'occasion des négociations préalables au traité d'Amsterdam. Celles-ci ont abouti à la rédaction de l'article 299-2 du traité d'Amsterdam qui se substitue à l'ancien article 227-2 du traité de Rome .

Ce nouveau texte reconnaît désormais les handicaps structurels des régions ultrapériphériques que constituent les départements d'outre-mer français, ainsi que les Açores, Madère et les Iles Canaries. Compte tenu de ces handicaps, il autorise expressément le Conseil des ministres européens à adopter, à la majorité qualifiée, des " mesures spécifiques " en faveur de ces régions.

Ces mesures spécifiques, le cas échéant dérogatoires au reste du traité, pourront intervenir dans l'ensemble des matières couvertes par celui-ci, ce qui donne un fondement juridique à la mise en oeuvre de politiques spécifiques en faveur des départements d'outre-mer dans tous les domaines.

Une limite à cette faculté d'adaptation aux particularités des régions ultrapériphériques a toutefois été posée par le dernier alinéa de l'article qui prévoit que les mesures spécifiques ne devront pas " nuire à l'intégrité et à la cohérence de l'ordre juridique communautaire, y compris le marché intérieur et les politiques communes " et dont l'interprétation devra être précisée par la jurisprudence.

Par ailleurs, le statut de région ultrapériphérique défini par l'article 299-2 du Traité d'Amsterdam ne s'étend pas aux collectivités territoriales à statut particulier de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon qui, de même que les territoires d'outre-mer, font partie des PTOM (pays et territoires d'outre-mer) associés à l'Union européenne, dont le statut fait actuellement l'objet d'une procédure de révision. Au cours de son audition devant votre commission des Lois, M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, a précisé à ce sujet que la Commission européenne mettait actuellement en forme un statut novateur pour ces territoires associés à l'Union européenne, l'objectif fixé étant d'aboutir à l'adoption d'un nouveau texte avant le mois de mars 2000.

2. Les crédits européens bénéficiant aux départements d'outre-mer

Les départements d'outre-mer français bénéficient largement de leur intégration au sein de l'Union européenne. En effet, des régimes d'aides spécifiques ont été mis en place en leur faveur, essentiellement dans le cadre du programme POSEIDOM (programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité des DOM). Ils reçoivent en outre d'importantes dotations au titre des fonds structurels européens.

Eligibles à l'" objectif 1 " qui s'adresse aux régions dans lesquelles le PIB par habitant est inférieur à 75 % de la moyenne communautaire, les départements d'outre-mer bénéficient dans ce cadre de financements communautaires regroupés dans le document unique de programmation (DOCUP) qui rassemble les crédits émanant des différents fonds (Fonds européen de développement régional - FEDER, Fonds social européen - FSE, Fonds européen d'orientation et de garantie agricole - FEOGA, Instrument financier d'orientation pour la pêche - IFOP), auxquels s'ajoute le programme d'initiative communautaire Régis II destiné aux régions isolées.

Le montant global des fonds ainsi alloués aux départements d'outre-mer s'est élevé à près de 12 milliards de francs pour la période 1994-1999 , dont 44 % pour la Réunion, 23 % pour la Guadeloupe, 22 % pour la Martinique et 11 % pour la Guyane.

Pour la période 2000-2006 , l'enveloppe accordée aux départements d'outre-mer sera considérablement accrue puisqu'elle atteindra plus de 21 milliards de francs .

Ces fonds européens représentent donc des sommes considérables disponibles pour l'investissement dans les départements d'outre-mer. Cependant, on constate des difficultés à programmer les opérations d'investissement et à mobiliser les crédits correspondants, ce qui aboutit à une sous-consommation des crédits communautaires. En effet, à l'heure actuelle, les crédits prévus pour la période 1994-1999 ne sont en moyenne engagés qu'à hauteur de 86 % et ne sont payés qu'à hauteur de 52 %, ces taux variant selon les départements concernés.

Il conviendra donc de veiller dans l'avenir à l'efficience des mécanismes d'engagement de ces crédits, comme d'ailleurs de ceux relatifs aux contrats de plan.

Interrogé par votre rapporteur pour avis sur ce problème, M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, a précisé que la mise en place d'un correspondant de la Commission européenne dans chaque département d'outre-mer était envisagée en vue de réduire les délais résultant des procédures communautaires.

Votre rapporteur pour avis s'étonne des carences constatées dans l'engagement des crédits communautaires et souhaite que les préfets établissent des rapports périodiques sur la consommation de ces crédits en expliquant les raisons des sous-consommations constatées.

Par ailleurs, il est à souligner que les collectivités territoriales de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon , qui n'ont pas le statut de département d'outre-mer, ne peuvent donc bénéficier des fonds structurels européens. Leur statut de PTOM associé à l'Union européenne leur permet toutefois de bénéficier des aides du Fonds européen de développement (FED), mais les montants de ces aides sont sans comparaison avec ceux des fonds structurels. Ainsi, au titre du VIIème FED (1991-1995), Mayotte a reçu 47 millions de francs et Saint-Pierre-et-Miquelon 22 millions de francs. Pour le VIIIème FED (1996-2000), ces enveloppes s'élèvent respectivement à 65 et 26 millions de francs.

IV. LES PERSPECTIVES D'ÉVOLUTIONS INSTITUTIONNELLES OU STATUTAIRES

La modernisation du droit applicable dans les départements et collectivités territoriales d'outre-mer s'est poursuivie en 1999, le Gouvernement ayant choisi de procéder à cette modernisation par ordonnances , suivant la procédure prévue à l'article 38 de la Constitution.

Ainsi les projets de loi de ratification d'une première série d'ordonnances, prises en application de la loi d'habilitation n° 98-145 du 6 mars 1998, viennent-ils d'être examinés en première lecture par le Sénat, le 24 novembre dernier.

En outre, une nouvelle loi d'habilitation, promulguée le 25 octobre dernier 12( * ) , a autorisé le Gouvernement à prendre une deuxième série d'ordonnances pour poursuivre l'actualisation et l'adaptation du droit applicable outre-mer. Ces ordonnances concerneront notamment, d'une part, s'agissant des départements d'outre-mer, le statut des agences d'insertion, le statut de l'Institut d'émission des départements d'outre-mer (IEDOM) et l'adaptation de la législation relative aux transports intérieurs, ainsi que d'autre part, s'agissant de Mayotte, le régime de l'état-civil et l'organisation du système de santé.

Cependant, au-delà de cette actualisation du droit applicable outre-mer, le Gouvernement envisage des réformes législatives de plus grande ampleur. En effet, un projet de loi d'orientation relatif aux départements d'outre-mer est en cours d'élaboration ; ce texte annoncé pour l'année 2000 devrait comprendre un volet institutionnel et un volet consacré au développement économique, social et culturel 13( * ) . Par ailleurs, une réforme du statut de la collectivité territoriale de Mayotte est actuellement à l'étude.

Le présent avis budgétaire n'évoquera que brièvement ces perspectives d'évolutions institutionnelles, car votre commission des Lois aura l'occasion d'y revenir de manière plus approfondie dans le cadre du rapport d'information qui sera établi à la suite de la mission effectuée au mois de septembre dernier en Guyane, Martinique et Guadeloupe, et de celle prévue pour le mois de janvier prochain à la Réunion et à Mayotte, ainsi que lors de l'examen du futur projet de loi d'orientation.

1. La préparation du volet institutionnel du projet de loi d'orientation relatif aux départements d'outre-mer : la nécessaire prise en compte de situations contrastées

Interrogé par votre rapporteur pour avis sur l'élaboration du projet de loi d'orientation, M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, a annoncé à votre commission des Lois que les grandes lignes du projet seraient prochainement communiquées aux élus locaux pour effectuer une concertation d'ici la fin décembre, puis que l'avant-projet de loi serait soumis aux assemblées territoriales en janvier dans la perspective d'un passage en Conseil des ministres au mois de février, ce qui laisserait quatre à cinq mois avant la fin de la session pour les débats parlementaires.

Il a en outre précisé qu'en matière institutionnelle le projet de loi d'orientation s'inspirerait des propositions du rapport élaboré par MM. Claude Lise, sénateur de la Martinique et Michel Tamaya, député de la Réunion.

Ces deux parlementaires avaient été chargés par M. Lionel Jospin, Premier ministre, en décembre 1998, d'une mission de réflexion en vue de formuler des propositions permettant un approfondissement de la décentralisation dans les départements d'outre-mer, tout en restant dans le cadre juridique défini en droit interne par l'article 73 de la Constitution et en droit communautaire par l'article 299-2 du traité d'Amsterdam. Ces deux textes -rappelons-le- retiennent le principe de l'application dans ces départements du droit métropolitain et du droit communautaire, sous réserve des adaptations nécessitées par leur situation particulière, pour le droit interne ou par leurs handicaps structurels, pour le droit communautaire.

Les propositions présentées par MM. Claude Lise et Michel Tamaya à l'issue de leur mission, dans un rapport intitulé : " Les départements d'outre-mer aujourd'hui : la voie de la responsabilité ", s'articulent autour des grandes orientations suivantes :

- le maintien de deux assemblées distinctes (conseil général et conseil régional), en instituant néanmoins la possibilité de les réunir sous forme de Congrès pour gérer certaines compétences partagées ou pour faire des propositions en vue d'une évolution statutaire ;

- l'accroissement des responsabilités locales grâce au transfert d'un certain nombre de compétences de l'Etat ;

- la clarification des compétences respectives de la région et du département ;

- et le développement de la coopération régionale pour permettre un dialogue plus facile avec les régions environnantes.

Pour sa part, au cours de la mission d'information qu'elle a effectuée au mois de septembre dernier en Guyane, Martinique et Guadeloupe , la délégation de votre commission des Lois conduite par le président Jacques Larché, dont faisait partie votre rapporteur pour avis, a interrogé les très nombreux interlocuteurs qu'elle a rencontrés, dont bien entendu M. Claude Lise, sur leurs souhaits en matière d'évolution institutionnelle.

Sans entrer dans le détail des propositions qui lui ont été faites et qui seront analysées dans le rapport d'information relatif à cette mission, votre rapporteur pour avis souhaite évoquer ici quelques préoccupations essentielles se dégageant de l'ensemble de ces entretiens.

Tout d'abord, la délégation a pu constater que, compte tenu de la situation économique particulièrement préoccupante de ces départements où le chômage frappe 20 à 30 % de la population active 14( * ) , les questions liées au développement économique et social prenaient le plus souvent le pas sur les demandes d'évolution institutionnelle.

En matière institutionnelle, la délégation a constaté le plus souvent le souhait du maintien de deux assemblées distinctes, notamment dans le souci d'éviter une concentration excessive des pouvoirs au sein d'un seul exécutif, une clarification des compétences respectives de la région et du département apparaissant toutefois opportune.

Elle a par ailleurs enregistré la demande unanime d'une amélioration de la coopération régionale avec les pays voisins -sans pour autant que celle-ci passe nécessairement par Paris- et d'un renforcement des responsabilités des élus locaux en la matière. Les collectivités territoriales (région ou département) souhaitent en effet légitimement pouvoir coopérer directement avec les Etats voisins.

Cependant, la délégation a surtout pris conscience que l'application d'un régime identique dans l'ensemble des départements d'outre-mer n'était pas forcément adapté à des situations locales très diverses.

La nécessité d'une meilleure prise en compte des spécificités locales est en effet apparue en permanence au cours de la mission. Au cours de l'audition de M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, devant votre commission des Lois, votre rapporteur pour avis a à cet égard estimé qu'il fallait faire du " cousu main " pour les départements d'outre-mer et qu'une approche globale ne pouvait être retenue sans risque d'erreur, recevant sur ce point l'approbation du ministre.

En effet, la situation de tel département d'outre-mer est souvent fort différente de celle de tel autre. En particulier, la Guyane, pourvue d'un immense territoire très peu peuplé, se caractérise par sa situation géographique au coeur du continent sud-américain, alors que la Martinique et la Guadeloupe, rassemblant des populations nombreuses sur de petits territoires, sont marquées par le contexte insulaire de la Caraïbe.

A l'intérieur même de chaque département, de nouvelles spécificités apparaissent.

Ainsi, en Guyane, la situation de la commune de Kourou, qui bénéficie des importantes retombées économiques de l'activité du centre spatial, est fort différente de celle des communes isolées de l'intérieur parfois seulement accessibles par le fleuve dont la population pratique une agriculture de subsistance.

La situation particulière des îles de Saint-Martin et de Saint-Barthélémy , qui ont le statut de communes rattachées au département de la Guadeloupe bien qu'elles en soient éloignées de 250 km, constitue un autre exemple de ces spécificités locales.

Les élus de ces îles souhaitent une adaptation des règles juridiques qui leur sont applicables et une plus grande autonomie de gestion.

Les élus de Saint-Martin ont notamment fait part à la mission des difficultés économiques liées aux distorsions de concurrence avec Sint-Marteen, la partie néerlandaise de l'île, en raison de législations fiscales et sociales différentes, ainsi que des problèmes posés par leur dépendance vis à vis de la Guadeloupe pour l'attribution des crédits disponibles au titre du contrat de plan Etat-région ou des fonds structurels européens.

La commune de Saint-Barthélémy, qui ne connaît pas les difficultés économiques et sociales de Saint-Martin, souhaite pour sa part évoluer vers un statut de collectivité territoriale " sui generis " ou de territoire d'outre mer.

M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, a néanmoins précisé, au cours de son audition devant votre commission des Lois, que le Gouvernement s'orientait vers la mise en place d'un système de relations conventionnelles bénéficiant à ces deux communes, plutôt que vers des statuts particuliers.

Le futur projet de loi d'orientation pourrait par ailleurs comprendre certaines dispositions relatives à la collectivité territoriale de Saint-Pierre et Miquelon . Selon les informations communiquées à votre rapporteur pour avis, ces dispositions pourraient notamment permettre de préciser sur certains points le texte de la loi statutaire du 11 juin 1985, sans toutefois en modifier l'équilibre, ainsi que d'étendre à Saint-Pierre-et-Miquelon les acquis de la loi du 2 février 1992 relative à l'administration territoriale de la République en matière de démocratie locale.

Afin de compléter la préparation de l'examen du projet de loi d'orientation, votre commission des Lois organisera prochainement un déplacement à la Réunion, où diverses propositions ont notamment été formulées en vue d'une division de l'île en deux départements, ainsi qu'à Mayotte où une réforme statutaire est actuellement à l'étude.

2. Les réflexions menées en vue de l'élaboration d'un nouveau statut pour Mayotte

A Mayotte, qui contrairement aux autres îles des Comores a souhaité en 1974 rester au sein de la République française, le statut actuel de la collectivité territoriale, issu de la loi du 24 décembre 1976, avait été conçu comme provisoire.

Dans la perspective de l'organisation d'une consultation de la population mahoraise sur son avenir statutaire avant la fin du siècle, conformément aux engagements qui avaient été pris par le Président de la République et le Premier ministre, deux groupes de travail complémentaires ont été mis en place en 1996, l'un à Paris sous la présidence de M. le Préfet Bonnelle et l'autre à Mayotte, coordonné par M. le Préfet Boisadam.

Le rapport de synthèse élaboré par ces deux groupes de travail a présenté plusieurs pistes de réflexion en vue d'une évolution progressive du statut tendant à le rapprocher de celui d'un département d'outre-mer, conformément aux souhaits des élus locaux, tout en prenant en compte les particularismes économiques, sociaux et culturels d'une île fortement marquée par l'Islam dont la grande majorité de la population ne relève pas du statut civil de droit commun, mais d'un statut civil de droit local.

A la suite de ce rapport, le Gouvernement a envoyé à Mayotte, en décembre 1998 et juillet 1999, une mission interministérielle qui a mené des discussions sur l'évolution du statut avec les principales formations politiques, les élus et les représentants de la société civile.

Ces discussions ont abouti à l'élaboration d'un " document d'orientation " qui a été signé au mois d'août dernier par les représentants de l'ensemble des formations politiques mahoraises, mais non par le député et le sénateur représentant la collectivité territoriale de Mayotte.

M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, a précisé au cours de son audition devant votre commission des Lois qu'un consensus était actuellement recherché afin de mieux assurer la présence de Mayotte au sein de la République française tout en tenant compte de ses spécificités.

La population mahoraise devrait ensuite être consultée sur les grandes orientations de la réforme statutaire, selon des modalités qui seront déterminées par le Parlement.

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Sous le bénéfice de l'ensemble de ces observations, votre commission des Lois a émis un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés aux départements d'outre-mer et aux collectivités territoriales de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon dans le projet de budget du secrétariat à l'outre-mer pour 2000.


1 Un rapport d'information commun aux deux missions sera établi après ce deuxième déplacement.

2 Notamment en raison du transfert de crédits relatifs aux contrats emplois consolidés (CEC) en provenance du ministère de l'emploi et de la solidarité, pour un montant de 291,70 millions de francs pour les DOM et Saint-Pierre-et-Miquelon et de 44,75 millions de francs pour Mayotte (cette dernière dotation concernant également les contrats emplois solidarité).

3 Il s'agit d'une enveloppe globale versée par l'Etat, correspondant à la compensation de la différence de 20 % du montant du RMI entre les DOM et la métropole et destinée à financer des actions d'insertion (on dénombre actuellement plus de 115.000 bénéficiaires du RMI dans les DOM, dont près de la moitié à la Réunion).

4 Par exemple, à Saint-Martin, il apparaît regrettable que le seul port en eau profonde susceptible d'accueillir les paquebots de croisière soit situé en zone néerlandaise.

5 1998 constituant la dernière année pour laquelle les statistiques sont connues.

6 Dernières statistiques connues.

7 Source : Quel développement économique pour les départements d'outre-mer ? E. Mossé, mars 1999, p. 24.

8 Quel développement économique pour les départements d'outre-mer ?

9 Les habitants des DOM bénéficient d'un abattement de 30 % de l'impôt sur le revenu, cet abattement étant porté à 40 % en Guyane.

10 Les départements d'outre-mer : un pacte pour l'emploi.

11 Les départements d'outre-mer aujourd'hui : la voie de la responsabilité.

12 Loi n° 99-899 du 25 octobre 1999.

13 Ce deuxième volet est appelé à se substituer à la " loi Perben " du 25 juillet 1994 ; en attendant, l'article 72 du projet de loi de finances pour 2000 tend à proroger le dispositif d'exonération de charges patronales prévu par cette loi jusqu'au 31 décembre 2000.

14 Au 31 décembre 1998, le taux de chômage atteignait 21,4 % en Guyane, 28,8 % en Guadeloupe, 30,3 % en Martinique (et 35,7 % à la Réunion).



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