Rapport n° 34 (2000-2001) de M. Hubert DURAND-CHASTEL , fait au nom de la commission des affaires étrangères, déposé le 18 octobre 2000

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N° 34

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2000-2001

Annexe au procès-verbal de la séance du 18 octobre 2000

RAPPORT

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi autorisant la ratification de la convention de sécurité sociale entre la République française et la République du Chili ,

Par M. Hubert DURAND-CHASTEL,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Xavier de Villepin, président ; Serge Vinçon, Guy Penne, André Dulait, Charles-Henri de Cossé-Brissac, André Boyer, Mme Danielle Bidard-Reydet, vice-présidents ; MM. Michel Caldaguès, Daniel Goulet, Bertrand Delanoë, Pierre Biarnès, secrétaires ; Bertrand Auban, Jean-Michel Baylet, Jean-Luc Bécart, Jean Bernard, Daniel Bernardet, Didier Borotra, Jean-Guy Branger, Mme Paulette Brisepierre, M. Robert Calmejane, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Marcel Debarge, Robert Del Picchia, Xavier Dugoin, Hubert Durand-Chastel, Mme Josette Durrieu, MM. Claude Estier, Hubert Falco, Jean Faure,
Jean-Claude Gaudin, Philippe de Gaulle, Emmanuel Hamel, Christian de La Malène, Louis Le Pensec, Simon Loueckhote, Philippe Madrelle, René Marquès, Paul Masson, Serge Mathieu, Pierre Mauroy, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. René Monory, Aymeri de Montesquiou, Paul d'Ornano, Michel Pelchat, Xavier Pintat, Bernard Plasait, Jean-Marie Poirier, Jean Puech, Yves Rispat, Gérard Roujas, André Rouvière.

Voir le numéro :

Sénat : 400 (1999-2000)

Traités et conventions .

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

La convention de sécurité sociale, signée à Santiago, le 25 juin 1999, entre la République française et la République du Chili, s'inscrit dans la continuité des nombreuses conventions bilatérales passées par notre pays et qui permettent de coordonner la couverture des risques vieillesse, invalidité et survie.

Première convention de ce type négociée par la France avec un Etat d'Amérique latine, elle répond à un double objectif. D'une part, offrir aux ressortissants non-réfugiés des garanties de prise en compte de leur cotisation dans le calcul des différentes pensions. D'autre part, assurer une coordination de régimes nationaux aux fonctionnements hétérogènes -le régime français fondé sur la répartition et le régime chilien fonctionnant presque exclusivement par capitalisation.

L'élaboration d'un tel dispositif témoigne de la remarquable ouverture de la démocratie chilienne, confrontée à l'héritage politique et social de la dictature du général Pinochet. Modèle économique régional, l'Etat chilien doit poursuivre sa modernisation et l'ouverture de son économie au reste du monde. En ce sens, l'accord-cadre de coopération du 21 juin 1996 entre l'Union européenne et le Chili, présenté devant notre commission par notre collègue, M. Daniel Goulet 1 ( * ) , précise les modalités à terme d'une association à caractère politique et économique.

Cette convention rappelle également l'existence d'une tradition de protection sociale propre à l'Amérique latine, dont le système chilien demeure emblématique. Ce dernier, initialement fondé sur la répartition, a connu une évolution maîtrisée vers la capitalisation, tout en assurant une couverture des risques sociaux étendue à l'ensemble de la population chilienne. Cette mutation est suivie avec attention par de nombreux pays de la région dont les systèmes sociaux sont bien souvent en proie à de sérieuses difficultés.

I. LE RENOUVEAU DE LA DÉMOCRATIE CHILIENNE

1. Evolution institutionnelle depuis 1973

La mort du président Allende, lors du coup d'Etat fomenté par une junte militaire dirigée par le général Pinochet, le 11 septembre 1973, marque le début de la dictature militaire et, sur le plan économique, d'une politique de libéralisme intégral.

L'anéantissement des libertés publiques dura près de quinze ans : en 1987, le général Pinochet décréta la levée de l'état de siège et autorisa les partis non communistes. La progressive ouverture du régime militaire se poursuivit, l'année suivante, avec l'arrivée de civils aux postes ministériels et l'organisation d'un référendum, le 5 octobre 1988, sur le devenir des institutions. La victoire du " non ", rassemblant près de 55 % des suffrages, obligea le pouvoir en place à organiser des élections libres.

L'arrivée de M. Patricio Aylwin au Palais de la Moneida permit de restituer au pouvoir législatif son rôle et de concourir au rétablissement de la liberté d'expression. Cependant, l'absence de jugement des crimes commis pendant la dictature (plus de 3000 victimes recensées) laissa subsister un profond sentiment d'impunité. En outre, la démocratisation des institutions n'a pu être conduite à son terme, en raison du dispositif législatif hérité du général Pinochet : les lois d'amarrage (inamovibilité des commandants en chefs nommés pour quatre ans et habilités à proposer leur successeur au chef de l'Etat, maintien d'un Conseil de sécurité nationale dominé par les militaires, quantum des sénateurs désignés et à vie, privilèges budgétaires de l'armée). Ces dernières n'ont pu être abolies du fait de la majorité des sénateurs, majoritairement nommés ou cooptés par le général Pinochet.

Succédant en 1993 au Président Aylwin, M. Eduardo Frei, candidat de la " Concertation ", a donné la priorité au développement et à la lutte contre la pauvreté. Si une profonde réforme de la justice -refonte du code pénal et du code de procédure pénale, création d'un ministère public et modernisation du système de nomination des juges à la Cour suprême- doit être mise à l'actif du gouvernement Frei, d'inspiration démocrate-chrétienne, les lois prévues pour achever la transition démocratique (suppression des sénateurs désignés à vie, financement public des campagnes électorales, réforme du mode de scrutin) ont été bloquées par le Sénat chilien, fidèle à l'héritage institutionnel du général Pinochet.

En outre, les élections législatives de 1997 ont été l'occasion d'une progression de l'opposition de droite qui demeure à ce jour majoritaire au Sénat.

Enfin, l'élection, en décembre 1999, de M. Ricardo Lagos, opposant de longue date à la dictature, consacre le retour au Palais de la Moneida d'un socialiste, près de 30 années après Salvador Allende. Les principaux points de son programme concernent la réduction des inégalités sociales, la réforme des institutions léonines héritées de la dictature et la préservation d'une alliance gouvernementale qui présente de sérieux signes d'essoufflement face à une droite en plein essor.

2. Les conséquences de l'arrestation du général Pinochet le 16 octobre 1998

Devenu sénateur à vie, en 1998, conformément aux dispositions de la Constitution de 1980 adoptée sous le régime militaire, le général Pinochet a été remplacé au poste de commandant en chef de l'armée de terre par un officier non compromis dans les atteintes aux droits de l'Homme commises auparavant. En outre, la suppression du jour férié du 11 septembre semblait s'inscrire dans le processus de réconciliation nationale engagé lors du rétablissement de la démocratie.

Cependant, l'arrestation du général Pinochet à Londres, le 16 octobre 1998, a fait resurgir les tensions entre les alliages gauche et droite, suscitant les protestations rigoureuses des forces armées et du gouvernement chilien, au nom de la défense de la souveraineté. Si cette affaire divise la classe politique, entre partisans de l'extradition, de l'immunité présidentielle ou encore d'un jugement au Chili, elle semble avoir laissé l'opinion publique assez largement indifférente et ne pas avoir trouvé d'écho lors de la campagne présidentielle de décembre dernier.

En revanche, un vaste débat sur les exactions commises par la junte militaire s'est instauré à l'occasion de cette affaire. Si une loi d'amnistie couvre les agissements des militaires depuis novembre 1990, la création d'une structure de dialogue, constituée de représentants des différentes églises, d'avocats des droits de l'Homme, d'intellectuels et de militaires, a abouti en juin 2000 à un protocole d'accord sur la recherche des disparus, que renforce une loi ultérieure garantissant l'anonymat des informateurs.

En outre, la justice chilienne a engagé plus de cent cinquante procédures judiciaires à l'encontre de l'ancien dictateur. Si des obstacles juridiques, comme la loi d'amnistie couvrant les crimes commis par le régime militaire de 1973 à 1978, risquent d'entraver de telles poursuites, la levée de l'immunité parlementaire du général Pinochet, décidée par la Cour d'appel de Santiago en juin 2000 et confirmée par la Cour suprême en août dernier, marque un tournant dans le rapport des Chiliens avec cette période sombre de leur histoire et souligne leur volonté de refonder l'Etat sur le respect des droits de l'Homme et des libertés fondamentales.

3. Un partenariat renouvelé avec la France

Les contacts ministériels entre la France et le Chili ont été repris dès la fin du régime militaire, avec la visite à Paris du Président Aylwin en septembre 1989. Des mesures conjointes, décidées en 1994, ont concouru au rapprochement entre nos deux pays : levée de l'obligation de visas, mise en place de consultations politiques périodiques, ainsi que d'une commission économique, financière et industrielle bilatérale.

Si les essais nucléaires français ont quelque peu perturbé le climat d'amitié et d'entente qui prévalait depuis 1989, les relations bilatérales ont repris dès la fin de la campagne, comme l'attestent les deux visites en France du Président Frei, en 1997 et 1999, et le déplacement au Chili du ministre délégué à la coopération et à la francophonie, M. Charles Josselin (juin 1999). A cette occasion, ont été signés la présente convention de sécurité sociale ainsi qu'un accord destiné à faciliter la validation mutuelle des études, conclu par la conférence des recteurs du Chili et notre conférence des présidents d'université.

En outre, divers programmes de coopération ont été définis, notamment dans les domaines des droits de l'Homme et de la coopération spatiale.

La bonne tenue de nos relations bilatérales s'inscrit également dans la durée : deux accords, signés en 1955 et 1962, définissent les domaines de notre coopération culturelle, scientifique et technique, dont l'enveloppe s'élève pour 2000 à 14,6 millions de francs. Notre coopération scientifique et technique vise à encourager la recherche en sciences fondamentales et appliquées, assurer la formation des futurs cadres supérieurs chiliens (obtention de bourses), participer à la modernisation de l'Etat chilien (contribution à la formation du service public) et représente, cette année, 13,1 MF de crédits d'intervention.

Il est à noter que notre coopération se développe également par le biais de l'Union européenne (participation annuelle de 30 MF).

II. UN MODÈLE ÉCONOMIQUE EN TRANSITION

1. Un modèle économique régional

Les performances continues de l'économie chilienne, de 1982 à la crise de 1998, ont été attribuées aux réformes structurelles mises en oeuvre dès la décennie 1970. La part du secteur public dans le produit national est passée en vingt ans de 70 à 30 %. Si les richesses naturelles du Chili (minerais au nord, agriculture au centre et sylviculture au sud) sont considérables, le cuivre ne représente plus que le tiers des exportations chiliennes ; le reste étant constitué par les produits agricoles ou dérivés de la mer (cellulose, farine de poisson).

Au programme de privatisation et de dérégulation s'est ajoutée une rénovation du système bancaire et financier chilien. Tandis que Santiago privilégiait une politique monétaire rigoureuse avec l'arrimage de la devise nationale à un panier de référence dollar-mark-yen, des mesures dissuasives ont été prises à l'encontre des capitaux de court terme, afin de conjurer la volatilité si néfaste aux autres économies de la région.

Engagé dans un cercle vertueux de croissance, le Chili a ainsi connu une élévation annuelle moyenne de 7 % de son produit intérieur brut, tout en réduisant l'inflation à près de 8 %. Avec un budget excédentaire de 1990 à 1997, un chômage de moins de 6 % et une dette extérieure représentant un tiers du PIB -et reposant davantage sur la sphère privée de l'économie-, le Chili demeure le pays le mieux géré de la région et une destination privilégiée des différents opérateurs financiers internationaux.

2. Le modèle chilien face à la crise : incertitudes et adaptations

Si l'Asie a absorbé, en 1996, un tiers des exportations chiliennes, la crise économique et financière de l'année suivante a eu de nombreuses répercussions au Chili, au risque de remettre en cause son statut de " modèle économique ".

La nécessité de défendre le taux de change du Peso chilien a contraint les autorités de Santiago à augmenter les taux d'intérêt, pesant ainsi lourdement sur les entreprises et les ménages, tandis que le chômage atteignait, en décembre 1998, près de 10 % de la population active et la dette extérieure près de la moitié du PIB.

En outre, alors que se sont creusées les inégalités sociales, les infrastructures et les services publics, dont la modernisation avait jusqu'alors été freinée par l'Etat, soucieux des grands équilibres budgétaires, ne peuvent répondre aux fortes tensions du pays. De telles difficultés ont d'ailleurs fait l'objet de nombreux débats, lors de la campagne présidentielle de décembre 1999.

Néanmoins, la récession n'a pas affecté la solidité du système financier qui repose sur un contrôle très strict de la superintendance des banques, alors que le ratio de solvabilité des principaux établissements bancaires chiliens se trouve largement au-dessus des normes de Bâle. En outre, avec une dette publique externe faible et le poids des fonds de pension dans son financement, l'économie chilienne devrait renouer, dès cette année, avec un taux de croissance de 6 %, s'affirmant ainsi comme l'un des marchés les plus porteurs d'Amérique du Sud.

En ce sens, les entreprises françaises renforcent leur position au Chili et représentent près de 3 % de parts de marché ; performance remarquable en raison de " l'agressivité " des concurrents latino-américains. Depuis l'exposition " Francia 2000 ", tenue à Santiago en 1997, nos entreprises ont remporté des marchés conséquents, tel le métro de Santiago, la moitié du réseau national des télécommunications (groupe Alcatel) tandis que Renault et PSA détiennent 10 % du marché automobile local.

L'évolution du nombre d'implantations françaises au Chili connaît actuellement une hausse de 10 % et témoigne des attraits de ce pays, auquel le FMI vient d'accorder, en août 2000, un satisfecit, estimant favorables ses perspectives économiques à moyen terme.

3. La mutation du système social chilien

Le Chili a entrepris ces vingt dernières années une profonde rénovation de son système de pensions, ainsi que de l'organisation et du financement de la prévoyance vieillesse.

L'ancien système chilien, élaboré dans les années 20, demeurait très stratifié, comprenant plusieurs dizaines d'institutions pour chaque branche. Tributaire des subventions publiques et menacé par la grave crise économique que connaissait le Chili jusqu'à la décennie 70, les tentatives d'unification des régimes ainsi que des mécanismes d'indexation échouèrent, obligeant les autorités à la refonte totale du système à partir de 1981.

La capitalisation est ainsi le principe du nouveau système auquel tous les salariés des secteurs public et privé (à l'exception des militaires) sont obligatoirement assujettis, cotisant à la caisse de leur choix, sans participation financière des employeurs.

La réforme du système de pensions s'inscrit ainsi dans la continuité des mesures de modernisation structurelle conduites par les " Chicago Boys " dont l'objectif était d'accorder une place prépondérante aux mécanismes du marché et au secteur privé dans le domaine économique et social.

L'âge de la retraite est fixé à 65 ans pour les hommes et 60 ans pour les femmes. A cette échéance, les cotisants peuvent se constituer une rente viagère ou encore négocier, auprès de leur société de gestion, un retrait échelonné sous certaines conditions.

Dans le nouveau système, qui a mobilisé l'épargne retraite et favorisé le développement du système financier, l'Etat demeure le garant de la cohésion financière et sociale. D'une part, les sociétés de gestion demeurent sous la surveillance d'un organisme public, la surintendance des sociétés d'administration des caisses de pensions qui peut contrôler leur réserve et dispose d'un réel pouvoir de sanctions allant jusqu'à la suppression de l'agrément. D'autre part, l'Etat garantit le paiement des prestations, en cas de défaillance, et encore le paiement au cotisant d'une pension minimale malgré une insuffisance du capital.

S'il est vrai que le nouveau système a permis des économies d'échelles et une intensification de la concurrence, le cotisant chilien a ainsi tiré profit d'une baisse générale des frais, tout en bénéficiant d'un taux de rendement réel des placements de 14 % par an en moyenne. Cependant, l'efficacité de la prévoyance vieillesse demeure compromise par l'augmentation régulière de la fraction des adhérents ne versant aucune cotisation. En outre, les artisans ne sont pas soumis au régime d'affiliation obligatoire ; seuls 4 % d'entre eux versent des cotisations, au risque d'accentuer les disparités de revenus à moyen et long terme.

III. LE DISPOSITIF DE LA CONVENTION DU 25 JUIN 1999

L'absence d'une convention de sécurité sociale entre la France et le Chili était préjudiciable au calcul des prestations relatives aux risques de long terme : l'invalidité et surtout la vieillesse. Jusqu'à cette convention, le ressortissant, qui avait auparavant exercé une activité en France et au Chili, ne recevait, le risque réalisé, qu'une prestation ne prenant en compte que les périodes accomplies dans un seul Etat.

Il convenait donc de remédier à cette situation qui risquait de constituer un obstacle au rapprochement entre la France et le Chili. C'est pourquoi la présente convention entend assurer la coordination des régimes nationaux, principalement pour les risques vieillesse et invalidité.

1. Un cadre classique de protection sociale

Le présent dispositif s'inscrit dans la continuité des trente-quatre autres conventions de sécurité sociale passées par la France sur une base bilatérale avec des Etats non membres de l'Union européenne. Il respecte ainsi les grands principes en vigueur dans ce type de conventions, tout en s'adaptant à la spécificité des relations franco-chiliennes.

L'article 1 er du Titre I rappelle classiquement l'ensemble des termes contenus par le dispositif et présente le champ d'application géographique de la convention qui comprend l'ensemble des départements français, y compris les eaux territoriales et la zone économique exclusive définie par le droit maritime international.

L'article 2, en présentant le champ d'application matériel de la présente convention, détaille les différentes législations sociales françaises et chiliennes concernées.

L'article 3, en déterminant le champ d'application personnel de la convention, constitue une innovation selon laquelle la catégorie de bénéficiaire n'est plus plus limitée à celle des ressortissants de chacun des deux Etats, mais concerne désormais tout assuré social aux régimes concernés. L'égalité de traitement est également rappelée entre les personnes entrant dans le champ de chaque partie contractante.

Le principe de l'exportation des pensions (article 5) ne comporte pas de clause restrictive qui en limiterait l'effet sur le territoire des deux parties.

Dans le titre II, sont apportées des précisions sur l'application de la règle générale de l'affiliation à la législation de l'Etat où est exercée l'activité professionnelle (article 6). Ces dernières concernent notamment la situation de certains personnels non directement affiliés aux régimes de leur lieu de travail (articles 8 à 9). En outre, sont mentionnées la situation des ayants droit du travailleur à la même législation que celle dont il relève (article 10) ainsi que les possibles dérogations prises conjointement par les autorités compétentes du Chili et de la France aux articles 6, 7 et 9.

2. Une coordination différenciée selon les branches

Le titre III présente les diverses coordinations entre les branches santé, vieillesse et invalidité des régimes chiliens et français.

S'agissant des soins de santé, l'article 12 prévoit que les personnes titulaires de pensions servies dans un Etat bénéficient des soins de santé prodigués dans l'autre Etat, lorsqu'ils y résident. Ce point demeure spécifique, eu égard à la majorité des conventions de sécurité sociale déjà passées par la France. Toutefois, l'application de la couverture maladie universelle (CMU), depuis le 1 er janvier 2000, rend caduc l'alinéa 2 de cet article.

Les articles 13 à 18 présentent le dispositif proposé par les pensions vieillesse qui constitue l'enjeu essentiel de la convention. Outre la prise en compte classique des périodes d'assurances accomplies sous la législation d'un Etat pour l'acquisition, le recouvrement ou le maintien du droit à pension dans l'autre Etat (article 13), l'assimilation des périodes d'assurances est également prévue (article 14). En outre, sauf volonté contraire de l'ayant droit, toute demande de pension adressée à l'institution compétente d'un des Etats parties vaut demande de prestation dans l'autre Etat (article 15).

L'article 16 présente les règles françaises habituelles de liquidation des prestations, soit accomplie séparément ou à l'issue de la procédure de totalisation -proratisation. Il convient également de noter que le montant de pension le plus élevé de prestations est en toute hypothèse accordé.

L'article 17 permet notamment de retenir les périodes accomplies en France pour l'octroi d'une pension de vieillesse d'un fond de pension chilien. En outre, le principe de la cotisation volontaire à un régime de capitalisation chilien est retenu pour des travailleurs affiliés mais cotisant par ailleurs au régime général français.

En outre, si les pensions d'invalidité et de survivant sont liquidées selon les modalités précédemment décrites, l'appréciation du droit aux prestations d'invalidité est déterminée selon la législation à laquelle celle-ci obéit (article 18). S'agissant de la qualification d'invalidité, on notera toutefois les différences de remboursement -total pour l'institution française et à hauteur de 50 % pour l'institution chilienne- dans le cas d'examens médicaux complémentaires requis par les organismes concernés.

Enfin si les dispositions mentionnées aux articles 21 à 27 du titre V demeurent habituelles, le caractère rétroactif du droit aux prestations avant l'entrée en vigueur de la convention (article 28) est évoqué dans les dispositions transitoires. Deux situations sont également précisées : d'une part, celle des personnes dont la liquidation a été opérée avant l'entrée en vigueur de la convention et qui, présentant leur demande dans un délai de deux ans à compter de cette date, peuvent bénéficier d'une révision de leur prestation. D'autre part, la situation des personnes dont les droits relèveront ultérieurement pleinement de la présente convention (article 29).

Les articles 30 et 31 concluent le texte et précisent le caractère indéterminé de la durée de validité de la présente convention dont l'entrée en vigueur demeure soumise aux procédures requises en France et au Chili.

CONCLUSION

Cette convention marque une étape. Premier accord bilatéral de cette nature avec un pays d'Amérique latine, ce dispositif est également spécifique en raison de la coordination qu'il assure entre le régime par capitalisation chilien et notre régime par répartition. L'enjeu est double : remédier à la situation, souvent difficile, des quinze mille ressortissants chiliens qui séjournèrent et travaillèrent en France depuis 1973 et qui, retournés au Chili lors du rétablissement de la démocratie, se voient indûment privés du fruit de leurs cotisations passées. Mais aussi, assurer à nos compatriotes -dont la communauté s'élève à six mille cinq cents et augmente annuellement de plusieurs centaines de ressortissants- la juste prise en compte de leurs cotisations et la compensation de l'écart de leurs prestations vieillesse avec les cotisants de la métropole. Un tel dispositif se fonde ainsi sur la réciprocité entre le Chili et la France, à l'heure où les échanges entre les deux pays s'intensifient, mais également sur l'équité.

Au bénéfice de ces observations votre rapporteur ne peut qu'inviter la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées à adopter le projet de loi qui lui est soumis.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a examiné le présent rapport au cours de sa réunion du mercredi 18 octobre 2000.

A l'issue de l'exposé de M. Hubert Durand-Chastel, la commission, suivant l'avis de son rapporteur, a approuvé le projet de loi qui lui était soumis.

PROJET DE LOI

(Texte proposé par le Gouvernement)

Article unique

Est autorisée la ratification de la convention de sécurité sociale entre la République française et la République du Chili, signée à Santiago le 25 juin 1999, et dont le texte est annexé à la présente loi. 2 ( * )

ANNEXE -
ETUDE D'IMPACT3 ( * )

I. Etat de droit et situation de faits existants et leurs insuffisances

En l'absence de convention de sécurité sociale, les Chiliens ayant travaillé en France et retournés au Chili ne pouvaient pas y bénéficier de leurs pensions de vieillesse française :

- la condition de résidence régulière en France leur était opposée lors de la demande de liquidation de la pension ;

- les règles de coordination -totalisation des périodes pour l'ouverture des droits, proratisation du montant des pensions- ne pouvaient s'appliquer.

Une circulaire du 29 juillet 1996 du ministre des affaires sociales a réglé le problème des anciens " réfugiés " chiliens en levant la condition de résidence en France au moment de la demande de liquidation de pension : cette condition a ensuite été supprimée à l'égard de tous les étrangers par la loi dite RESEDA du 11 mai 1998.

Mais ces dispositions ne permettaient pas l'application des règles de coordination de la liquidation des pensions par l'ensemble des régimes de sécurité sociale des deux Etats, que seul un accord international autorise. La convention franco-chilienne du 25 juin 1999 est ainsi destinée à pallier ce manque.

II. Bénéfices escomptés en matière :

* d'emploi : sans objet.

* d'intérêt général : à l'instar de toutes les conventions internationales de sécurité sociale, celle-ci facilitera les échanges de travailleurs entre les deux pays, en évitant les pertes de droit : d'une part, les entreprises auront la possibilité d'envoyer momentanément des salariés exercer leur activité dans l'autre Etat tout en les maintenant au système de sécurité sociale d'origine ; d'autre part, les travailleurs qui ont cotisé aux régimes d'assurance-vieillesse des deux Etats bénéficieront, en contrepartie, de retraites liquidées et calculées en coordination.

* financière : impossible à quantifier, dans la mesure où ce chiffrage dépend du nombre de personnes concernées (travailleurs salariés et non salariés pour les pensions d'invalidité ou de vieillesse : leurs ayants droit pour les pensions de survivant), du montant de leurs cotisations et de la durée de leur versement.

* de simplification des formalités administratives : l'arrangement administratif ainsi que les formulaires d'application de la convention seront destinés à en expliciter les modalités pour une utilisation efficace et dans l'intérêt du travailleur.

* de complexité de l'ordonnancement juridique : la convention franco-chilienne s'ajoute aux trente conventions déjà conclues par la France en matière de sécurité sociale.

* 1 Rapport n° 354 (1997-1998) de M. Daniel Goulet sur l'accord-cadre de coopération entre la Communauté européenne et la République du Chili.

* 2 Voir le texte annexé au document Sénat n° 400.

* 3 Texte transmis par le Gouvernement pour l'information des parlementaires.

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