B. L'ANNULATION D'UNE PARTIE DU PROTOCOLE NATIONAL DU 29 DÉCEMBRE 1999

Quelques mois plus tard, en décembre 1999, prenant acte de la décision du secrétaire d'Etat à la Santé et considérant que rien ne l'interdisait désormais, Mme Ségolène Royal, ministre déléguée chargée de l'Enseignement scolaire, prenait la décision d'autoriser les infirmières scolaires à délivrer elles-mêmes, en cas d'urgence, des comprimés de NorLevo aux collégiennes et aux lycéennes, même mineures.

Cette autorisation figurait dans une circulaire intitulée " protocole national sur l'organisation des soins et des urgences dans les écoles et les établissements publics locaux d'enseignement ", publié au Bulletin officiel du ministère de l'éducation nationale le 6 janvier 2000.

Dans la lettre adressée aux proviseurs des lycées et principaux des collèges, qui accompagne le protocole, la ministre précise : " Un dispositif spécial concerne la prévention des grossesses précoces non désirées, qui permet à l'infirmière ou au médecin au collège et au lycée, dans le cas d'extrême urgence et de détresse caractérisée, de délivrer la contraception d'urgence, en l'espèce le NorLevo, qui est un médicament en vente libre. Mais il doit être rappelé que ce moyen contraceptif ne saurait en aucun cas être un substitut à une contraception régulière et responsable.

" C'est pourquoi une campagne nationale sera lancée à partir de janvier comportant en particulier la distribution d'un dépliant, à partir de la classe de 3 ème , autour duquel la communauté éducative organisera des actions d'information ".

La circulaire est construite de la façon suivante : elle commence par rappeler à son chapitre I er un certain nombre de principes qui régissent la délivrance par l'infirmière scolaire de médicaments d'usage courant. Elle fixe à ses chapitres II et III les normes d'équipement des infirmeries et cabinets médicaux dans les établissements. Elle dresse aussi, à son chapitre IV, la liste des médicaments et produits pharmaceutiques que l'infirmière doit avoir en permanence à sa disposition ainsi que celle des médicaments qui peuvent être administrés en cas d'urgence sur prescription d'un médecin. Elle établit ensuite à son chapitre V un protocole pour les soins d'urgence, assorti d'un modèle de fiche à remplir chaque année par les parents pour autoriser l'hospitalisation éventuelle de leur enfant.

Elle comporte enfin un dernier chapitre, le chapitre VI, qui s'intitule " Contraception d'urgence, NorLevo ". Ce chapitre est composé de deux parties bien distinctes.

La première d'entre elles contient, sous la signature du Directeur général de la santé, quelques rappels généraux sur les contraceptifs hormonaux ainsi qu'une fiche de présentation du NorLevo, qui reprend les indications figurant sur la notice de ce produit (nature du principe actif, posologie, indications et précautions d'emploi).

La seconde, qui s'intitule " Fiche infirmière/Contraception d'urgence ", précise les modalités selon lesquelles l'infirmière doit " répondre aux situations d'urgence et de détresse " en distinguant selon que l'adolescente qui s'adresse à elle est mineure ou majeure.

Dans le premier cas, il est recommandé à l'infirmière, après avoir engagé " un dialogue avec l'élève ", de tenter d'entrer en contact avec les parents de celle-ci. Toutefois, si l'élève s'y oppose " catégoriquement ", l'infirmière doit alors l'envoyer au centre de planification familiale le plus proche. Si cette solution se révèle pratiquement impossible à mettre en oeuvre et " s'il existe une situation de détresse caractérisée ", l'infirmière peut " à titre exceptionnel et dans le cas où le rapport sexuel remonte à moins de 72 heures, délivrer le NorLevo à l'élève concernée ".

Dans le second cas, c'est-à-dire lorsqu'il s'agit d'une élève majeure, elle peut agir de même, sans s'efforcer de convaincre la jeune fille de se tourner d'abord vers sa famille.

Dans tous les cas, cet acte doit faire l'objet de la part de l'infirmière d'un compte rendu écrit, daté et signé, que l'élève soit mineure ou majeure.

La circulaire précise enfin que l'infirmière doit veiller à ce que l'élève fasse ensuite l'objet d'un suivi médical, de façon à " entamer le cas échéant une contraception relais ". L'infirmière doit également indiquer à l'élève que la contraception d'urgence ne constitue pas une méthode habituelle de contraception, qu'elle est réservée aux situations d'urgence et de détresse, qu'une prise répétée de NorLevo peut entraîner des complications et que, dans ces conditions, son usage ne saurait être banalisé.

Ce protocole national destiné aux infirmières et aux médecins scolaires constitue une nouveauté : il remplace les protocoles locaux qui existaient parfois dans certaines académies et reconnaît officiellement la mission des infirmières et leur rôle auprès des élèves.

Si la décision du Gouvernement a été en général bien accueillie par la plupart des professionnels de santé concernés, elle a toutefois suscité le dépôt au Conseil d'Etat d'un certain nombre de recours déposés par des associations de défense de la famille et de lutte contre l'avortement visant à annuler pour excès de pouvoir les dispositions de ce protocole relatives à la contraception d'urgence.

Dans sa décision du 30 juin 2000, le Conseil d'Etat a effectivement annulé les passages litigieux de la circulaire attaquée.

Ont ainsi été annulées les dispositions de la fiche infirmière du VI du protocole national sur l'organisation des soins et des urgences dans les écoles et les établissements publics locaux d'enseignement du 29 décembre 1999, celles des pages 22 et 23 de ce protocole précisant que le " NorLevo " est en vente libre, ainsi que les phrases de la lettre du 29 décembre 1999 du ministre délégué chargé de l'Enseignement scolaire commençant par " Un dispositif spécial " et se terminant par " ... régulière et responsable ".

Le Conseil d'Etat a estimé en effet qu'en confiant le rôle de prescription et de délivrance du " NorLevo ", contraceptif d'urgence, aux infirmières scolaires, le ministre délégué à l'Enseignement scolaire avait méconnu la loi Neuwirth qui impose que les contraceptifs hormonaux soient délivrés en pharmacie sur prescription médicale.

Amené à se prononcer sur la compatibilité de la loi Neuwirth avec les objectifs de la directive du 31 mars 1992 concernant la classification en matière de délivrance des médicaments à usage humain, le Conseil d'Etat a considéré que tous les contraceptifs hormonaux, même si certains sont faiblement dosés ou destinés à une utilisation ponctuelle, comme le NorLevo, pouvaient entrer, en raison de leurs effets et de leurs contre-indications, dans la catégorie des médicaments susceptibles de présenter un danger s'ils sont utilisés sans surveillance médicale au sens du paragraphe 1 de l'article 3 de la directive.

Le Conseil d'Etat a jugé que si la directive permettait d'apporter des exceptions à la règle posée par la loi Neuwirth, elle ne l'imposait pas.

La Haute juridiction a donc estimé que les dispositions législatives en cause n'étaient pas, eu égard au large pouvoir d'appréciation que laisse la directive aux Etats-membres, incompatibles avec les objectifs de cette dernière et en a déduit que la loi Neuwirth n'était pas devenue inapplicable.

Dans ces conditions, le NorLevo, qui constitue un contraceptif hormonal au sens de la loi de 1967, ne peut, en application de l'article 3 de cette loi, être prescrit que par un médecin et délivré qu'en pharmacie, ou dans les conditions posées par l'article 4 de la loi, par un centre de planification ou d'éducation familiale.

On notera à cet égard que le Conseil d'Etat ne s'est pas prononcé sur la légalité de l'arrêté du secrétaire d'Etat à la Santé autorisant la mise en vente libre du NorLevo, point sur lequel il n'était pas en effet sollicité.

Le soir même de l'annonce de l'arrêt du Conseil d'Etat, le Gouvernement, dans un communiqué de presse, prenait acte de cette décision dont il entendait " tirer toutes les conséquences ".

Le Gouvernement réaffirmait " sa volonté de garantir l'accès libre de toutes les femmes à la nouvelle contraception " et annonçait le prochain examen d'un texte par le Parlement : " L'obstacle juridique retenu par le Conseil d'Etat ne peut être surmonté que par la loi. C'est pourquoi un texte législatif permettant une réelle prise en compte de la spécificité thérapeutique de ce contraceptif inconnu en 1967 et son administration à des mineures dans les établissements scolaires sera prochainement discuté au Parlement ".

Ce texte a pris la forme de la présente proposition de loi sur la contraception d'urgence déposée le 13 septembre 2000 par Mme Danielle Bousquet et les membres du groupe socialiste et apparentés, adoptée par l'Assemblée nationale en première lecture le 5 octobre 2000.

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