TITRE II
STATUT DES REPRÉSENTANTS ÉLUS DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET DE LEURS GROUPEMENTS AU SEIN
DU CONSEIL D'ADMINISTRATION OU DE SURVEILLANCE
DES SOCIÉTÉS D'ÉCONOMIE MIXTE LOCALES

Article 3
(art. L. 1524-5 du code général des collectivités territoriales)
Statut des élus mandataires des collectivités territoriales

Cet article a pour objet de clarifier la situation des élus mandataires des collectivités locales au sein des conseils d'administration ou de surveillance des sociétés d'économie mixte locales.

Il modifie à cet effet le texte de l' article L. 1524-5 du code général des collectivités territoriales.

Il reprend ainsi les dispositions de l'article 7 de la proposition de loi initiale, assorties de simples modifications formelles et de coordination.

Cet article tend en premier lieu à lever toute ambiguïté concernant l'application à ces élus mandataires tant de la législation relative aux inéligibilités et incompatibilités touchant les entrepreneurs de services municipaux, départementaux et régionaux, que des dispositions pénales en matière de prise illégale d'intérêt .

Il tend en contrepartie à interdire à ces mandataires l'exercice de toute autre fonction dans la société et à limiter la participation des mandataires exerçant les fonctions de président de conseil d'administration ou de surveillance dans la prise des décisions des assemblées délibérantes mettant en jeu les rapports entre la société et les collectivités ou groupements actionnaires.

Inéligibilités et incompatibilités :

Le 1° de l'article donne une nouvelle rédaction du cinquième alinéa de l'article L. 1524-5 du code général des collectivités territoriales .

Il exonère expressément de l'inéligibilité et des incompatibilités, prévues par les articles L. 207, L. 231 et L. 343 du code électoral à l'égard des entrepreneurs de services municipaux, départementaux et régionaux, les élus locaux agissant en tant que mandataires de leur collectivité comme président ou membre du conseil d'administration ou de surveillance d'une société d'économie mixte, à condition qu'ils n'exercent pas d'autres fonctions dans la société.

L'article L. 231 du code électoral prévoit une inéligibilité comme conseiller municipal des " entrepreneurs de services municipaux " exerçant ou ayant exercé dans le ressort de la commune depuis moins de six mois. Les articles L. 207 et L. 343 du même code organisent respectivement une incompatibilité du mandat de conseiller général à l'égard des " entrepreneurs de services départementaux " et du mandat de conseiller régional à l'égard des " entrepreneurs de services régionaux ".

Le texte actuel du cinquième alinéa de l'article L. 1524-5 du code général des collectivités territoriale résulte de la loi du 6 février 1992. Il exonère de l'application des inéligibilités et des incompatibilités précitées les élus locaux " agissant en tant que mandataires des collectivités territoriales ou de leur groupement au sein du conseil d'administration ou de surveillance d'une société d'économie mixte locale " .

La nouvelle rédaction proposée apporte donc deux précisions :

- elle vise expressément les présidents de conseils d'administration ou de surveillance de sociétés d'économie mixte, mandataires d'une collectivité, comme bénéficiaires de l'exonération de l'inéligibilité et des incompatibilités touchant les entrepreneurs de services municipaux, départementaux ou régionaux ;

- elle exclut l'exercice d'autres fonctions par les élus mandataires que celles de membre ou de président du conseil d'administration ou de surveillance d'une société d'économie mixte. Seront donc notamment interdites les fonctions de membre ou de président du directoire, de directeur général et, de manière générale, l'exercice de toute fonction salariée dans la société .

Les présidents et membres du conseil d'administration et de surveillance mandataires de leur collectivité pourront cependant, à ce titre, percevoir, comme à l'heure actuelle, une rémunération ou des avantages particuliers en application du sixième alinéa de l'article L. 1524-5 , à condition d'y être autorisés par une délibération expresse de l'assemblée délibérante qui les a désignés, fixant le plafond de la rémunération ou des avantages et la nature des fonctions qui les justifient. Cette rémunération entre dans le plafond total prévu, respectivement pour les élus municipaux, départementaux et régionaux, par les articles L. 2123-20, L. 3123-18 et L. 4135-18 du code général des collectivités territoriales . Au cours de l'année 2000, 7% des présidents de sociétés d'économie mixte ont été rémunérés à ce titre.

L'application de l'exemption d'inéligibilité ou d'incompatibilité aux présidents et aux membres de conseils d'administration ou de surveillance mandataires de leur collectivité a pu faire naître un doute dans deux cas de figure : celui où le mandataire est rémunéré à ce titre et celui où il exerce d'autres fonctions dans la société.

Sur le premier point, la jurisprudence administrative actuelle reconnaît sans hésitation la possibilité pour un mandataire de la collectivité d'être rémunéré à ce titre par la société d'économie mixte, sous les conditions prescrites par l'article L. 1524-5 du code général des collectivités territoriales .

Les tribunaux administratifs avaient certes, dans un premier temps, annulé l'élection de conseillers municipaux présidents de conseil d'administration de sociétés d'économie mixte du fait qu'ils percevaient une rémunération et exerçaient un rôle prépondérant dans la société ( TA Grenoble, 11 septembre 1995, préfet de Haute-Savoie ). Le Conseil d'Etat a cependant rendu en 1996 plusieurs décisions desquelles il ressort sans ambiguïté qu'un président de conseil d'administration, même s'il est rémunéré à ce titre et exerce dans la société une fonction prépondérante, ne tombe pas sous le coup de l'inéligibilité prévue par l'article L. 231 du code électoral à l'égard des entrepreneurs de services municipaux ( 13 mai 1996, élections municipales de Saint-Christophe-sur-Guiers ; 26 juillet 1996, élections municipales de Lannemezan ; 16 octobre 1996, élections municipales d'Araches-la-Frasse ).

En revanche, les conditions d'exercice, par les mandataires des collectivités, d'autres fonctions dans la société ne semblent pas avoir été complètement éclaircies par la jurisprudence.

Appliquant le texte de l'article L. 1524-5 à la lettre, le Conseil d'État a certes déjà jugé que l'exemption ne s'appliquait pas aux membres du directoire . Estimant que ces derniers exerçaient un rôle prépondérant dans la société, il a décidé en conséquence qu'ils étaient inéligibles aux élections municipales ( 18 décembre 1996, élections municipales de Gérardmer ).

S'agissant de l'exercice d'autres fonctions au sein des sociétés d'économie mixte, le Conseil d'État considère de manière générale que des fonctions salariées justifient l'inéligibilité de leurs titulaires si elles confèrent à ces derniers un rôle prépondérant dans la société ( 31 juillet 1996, Ricou, élection municipales d'Orcière Merlette ). Il est cependant difficile de savoir dans quelle mesure l'exemption accordée au titre de mandataire de la collectivité pourrait être battue en brèche par l'exercice dans la société, par ledit mandataire, d'une fonction salariée, prépondérante ou non.

Le texte proposé a le mérite de lever tout doute à ce sujet en posant une interdiction générale d'exercice par les mandataires des collectivités de toute autre activité dans la société. Ces derniers se verront donc refuser l'exercice de fonctions qui, si leur titulaire n'était pas mandataire de la collectivité au conseil d'administration, n'auraient pas, en elles-mêmes, justifié de le faire tomber sous le coup d'une inéligibilité ou d'une incompatibilité.

Le 3° de l'article modifie par coordination le sixième alinéa actuel de l'article L. 1524-5 autorisant l'exercice, par les mandataires des collectivités, de fonctions rémunérées. Le texte actuel vise les " fonctions entraînant la perception d'une rémunération ou d'un avantage particulier " que les " représentants souhaitent exercer ". Par coordination avec l'interdiction d'exercice de toute autre fonction que celle de président ou de membre d'un conseil d'administration ou de surveillance, il convient de ne plus viser que ces dernières fonctions.

Prise illégale d'intérêt :

Le premier alinéa proposé par le 2° de l'article tend à éviter que, du seul fait de la détention d'un mandat de représentation d'une collectivité au sein du conseil d'administration ou de surveillance d'une société d'économie mixte, les élus locaux puissent être poursuivis pour le délit de prise illégale d'intérêt prévu à l'article 432-12 du code pénal .

Il insère à cet effet un nouvel alinéa après le sixième alinéa de l' article L. 1524-5 du code général des collectivités territoriales .

L'article 432-12 du code pénal incrimine notamment le fait, par une personne investie d'un mandat électif public, de prendre, recevoir ou conserver, directement ou indirectement, un intérêt quelconque dans une entreprise ou dans une opération dont elle a la charge d'assurer la surveillance ou l'administration.

Ce délit de prise illégale d'intérêt, à l'inverse du délit d'ingérence prévu par l'article 175 de l'ancien code pénal auquel il s'est substitué, ne nécessite aucun élément intentionnel .

Une interprétation littérale de l'article 432-12 du code pénal permettrait de poursuivre pour prise illégale d'intérêt un élu mandataire de sa collectivité au conseil d'administration ou de surveillance d'une société d'économie mixte, principalement dans le cas où il recevrait une rémunération à ce titre. Il revient en effet sans aucun doute à ces mandataires d'exercer au nom de leur collectivité un contrôle sur l'activité de la société ainsi qu'il ressort notamment du septième alinéa actuel de l'article L. 1524-5 du code général des collectivités territoriales leur faisant obligation de présenter un rapport annuel écrit à l'organe délibérant de la collectivité.

La Cour de cassation a certes admis que des élus locaux représentant une collectivité au conseil d'administration d'une société d'économie mixte puissent recevoir une rémunération à ce titre sans être passibles pour autant du délit de prise illégale d'intérêt, dans la mesure où cette rémunération était autorisée par l'article L. 1524-5 du code général des collectivités territoriales ( chambre criminelle, 8 juin 1999 ).

Il importe cependant de faire figurer explicitement dans la loi une disposition dont dépend la sécurité juridique des élus locaux.

Il convient de souligner que cette disposition n'exonère pas l'élu local mandataire de sa collectivité de toute possibilité de prise illégale d'intérêt. Une incrimination restera possible à ce titre pour toute action non exclusivement liée à la qualité de mandataire de la collectivité.

Sur la forme, votre commission a considéré qu'il convenait, comme le faisait la proposition initiale, de faire figurer ces dispositions à l' article 432-12 du code pénal , ce qu'elle vous propose de faire à l'article 4 du texte qu'elle vous soumet. Elle considère en effet que le code pénal doit être considéré en la matière comme " code pilote ", suivant la terminologie employée en matière de codification. Reconnaissant cependant l'intérêt de faire figurer également ces dispositions dans le code général des collectivités territoriales, mais ne souhaitant pas dupliquer des dispositions normatives dans deux codes différents, elle vous propose, selon une technique couramment utilisée en matière de codification, de procéder, à l'article L. 1524-5 du code général des collectivités territoriale , à la simple reproduction, non normative en elle-même, du texte inséré dans le code pénal.

Participation des mandataires aux décisions des organes délibérants :

Les deuxième et troisième alinéas proposés par le 2° de cet article interdisent aux présidents de conseil d'administration ou de surveillance de sociétés d'économie mixte, mandataires de leur collectivité, de participer à certains actes mettant en relation la collectivité et la société.

Ils insèrent à cet effet dans l' article L. 1524-5 du code général des collectivités territoriales , deux nouveaux alinéas aux termes desquels ces présidents ne pourront :

- participer aux commissions d'appel d'offres de la collectivité quand la société est candidate à un marché public ou à une délégation de service public ;

- prendre part au vote des délibérations de la collectivité portant sur les relations entre la collectivité et la société d'économie mixte.

Ces interdictions ne visent que les présidents et non les simples membres du conseil d'administration ou de surveillance et elles ne touchent que certains actes sensibles : participation à une commission d'appel d'offres et participation au vote d'une délibération mettant en jeu les relations entre la collectivité et la société.

Elles n'empêcheront pas ces présidents de participer au débat précédant le vote d'une délibération de manière à défendre devant l'assemblée délibérante les projets de la société d'économie mixte.

Elles sont en cela moins étendues que celles résultant de l'article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales pour l'ensemble des conseillers municipaux " intéressés ", soit à titre personnel, soit comme mandataires, à l'affaire qui fait l'objet d'une délibération du conseil municipal. Dans ce dernier cas, la simple présence d'un conseiller à la réunion au cours de laquelle la délibération a été prise, et non seulement sa participation au vote de la délibération, peut suffire à entraîner la nullité de la délibération ( Conseil d'État, 12 juin 1996, organisme de gestion de l'école catholique de l'île D'Elbe ).

Cette disposition permettra de diminuer les risques de mise en cause pour le délit de favoritisme prévu à l'article L. 432-14 du code pénal , sans toutefois limiter de manière excessive l'activité des mandataires des collectivités au sein de ces dernières.

Il convient d'observer que ces mandataires, qu'ils soient présidents ou membres de conseils d'administration ou de surveillance, peuvent voir leur participation aux décisions, tant de l'organe délibérant de la collectivité que du conseil d'administration de la société, interdites par l'application du droit commun applicable à tout élu ou administrateur, dès lors que son intérêt personnel est en jeu.

Le Conseil d'État a explicitement jugé que la présidence d'une société d'économie mixte en tant que mandataire de la commune n'était pas en elle-même constitutive d'" un intérêt à l'affaire " au sens des dispositions de l 'article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales ( 22 mars, 1978, groupement foncier agricole des Cinq Ponts ). Il peut en être tout autrement si l'intérêt personnel de l'élu est en jeu. La Cour de cassation a ainsi incriminé du délit de prise illégale d'intérêt un élu qui avait participé à la délibération l'autorisant à percevoir une rémunération au titre des fonctions de directeur général d'une société d'économie mixte dans laquelle il représentait la collectivité ( Chambre criminelle, 8 juin 1999 ).

Au sein d'une société d'économie mixte, pourront s'appliquer les articles L. 225-38 et L. 225-40 du code de commerce (précédemment, articles 101 et 103 de la loi du 24 juillet 1966 ) exigeant l'autorisation du conseil d'administration pour la conclusion de toute convention à laquelle un administrateur ou un directeur général serait " personnellement intéressé " et interdisant à ces derniers de prendre part au vote sur l'autorisation sollicitée. Ces dispositions ne s'appliquent cependant aux mandataires des collectivités locales que quand leur intérêt strictement personnel est en jeu (question écrite, Assemblée nationale, n° 10283 JOAN 1 er décembre 1986).

Votre commission vous propose d'adopter l'article 3 ainsi rédigé.

Article 4
(art. 432-12 du code pénal)
Prise illégale d'intérêt

Cet article complète l'article 432-12 du code pénal pour éviter que, du seul fait de la détention d'un mandat de représentation d'une collectivité au sein du conseil d'administration ou de surveillance d'une société d'économie mixte, les élus locaux puissent être poursuivis pour le délit de prise illégale d'intérêt prévu audit article.

Il reprend ainsi le texte de l'article 8 de la proposition initiale , complété par une modification formelle .

Il insère dans l'article 432-12 du code pénal un nouvel alinéa dont le texte est reproduit par l'article 3 de la présente proposition dans le texte de l' article L. 1524-5 du code général des collectivités territoriales .

Comme indiqué dans le commentaire de l'article 3, votre commission considère que cette consécration législative de la jurisprudence de la Cour de cassation est de nature à assurer utilement la sécurité juridique des élus locaux .

Sur la forme, le texte proposé modifie également le début du deuxième alinéa actuel de l'article 432-12 du code pénal, de manière à ce qu'il s'enchaîne de manière cohérente avec le nouvel alinéa proposé.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 4 ainsi rédigé.

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