IV. LA RÉFORME IMPOSSIBLE DES PRÉLÈVEMENTS FISCAUX

Aujourd'hui, le gouvernement annonce triomphalement un plan de réductions d'impôts de 120 milliards de francs sur la période 2001-2003, en prédisant " des gains de revenu de grande ampleur pour les ménages comme pour les entreprises ". Or, malgré cette annonce, l'opinion publique n'y croit pas.

Elle n'y croit pas, parce que depuis son arrivée au pouvoir en juin 1997, le gouvernement n'a cessé de créer de nouveaux prélèvements (contributions sur les bénéfices des sociétés, taxe générale sur les activités polluantes...) et n'en a réduit significativement aucun. De fait, lorsque le gouvernement indique que " ces allégements fiscaux permettent de contrecarrer l'augmentation spontanée de la part des prélèvements obligatoires dans la richesse nationale ", il feint d'oublier qu'il lui appartient déjà depuis trois ans de déterminer la politique fiscale de notre pays, et de diminuer les prélèvements pesant trop lourdement sur les Français.

Elle n'y croit pas, parce que la France a bénéficié, ces trois dernières années, d'une croissance exceptionnelle, et que le gouvernement n'en a tiré aucun profit pour engager une réforme structurelle de notre système fiscal . Alors que les incertitudes de la conjoncture internationale, les risques inflationnistes et la montée des taux d'intérêt suscitent maintenant quelques inquiétudes, alors que la croissance économique devrait être un peu moins forte l'an prochain, le gouvernement annonce qu'il va engager une importante réduction des impôts dans ce contexte plus incertain.

Enfin, elle n'y croit pas, parce que le gouvernement n'a pris aucune mesure pour contenir la dépense publique et réduire l'endettement . La hausse des prélèvements obligatoires ces trois dernières années a servi à financer les dépenses courantes et non à réduire le déficit. La montée en charge de dispositifs coûteux (les trente-cinq heures, les emplois-jeunes), l'augmentation de l'emploi public, vont créer de nouvelles charges que les contribuables seront bien contraints d'assumer pour l'année à venir et les années suivantes.

En conséquence de cette appréciation, votre rapporteur général ne pourra qu'afficher son scepticisme sur les engagements contenus dans le présent projet de loi de finances.

A. DES RECETTES TOUJOURS DYNAMIQUES EN 2000 MAIS DES INCERTITUDES POUR L'AVENIR

1. La contribution des recettes aux exercices budgétaires 1999 et 2000

a) D'importants surplus fiscaux en 1999

En 1999, la hausse des recettes a fortement contribué à l'exécution budgétaire. Les recettes du budget général ont augmenté de 6,4 % en 1999 contre 2,6 % en 1998. Les recettes nettes hors fonds de concours ont été supérieures de 110,8 milliards de francs à celles de l'année précédente, soit 8,2 %. L'augmentation du produit fiscal net a été beaucoup plus soutenue en 1999 (7,8 %) qu'en 1998 (2,5 %).

Sous le titre " une loi de finances manifestement insincère ", votre rapporteur général avait rappelé, lors de l'examen du collectif budgétaire pour 2000, que la commission des finances du Sénat avait estimé que les évaluations de recettes fiscales associées au projet de loi de finances pour 2000 n'étaient pas sincères, car elles reposaient sur une révision des recettes de 1999 très inférieure à la réalité.

Le caractère volontaire de cette sous-évaluation a été confirmé par les conclusions des travaux de notre commission des finances, qui s'était constituée, pour l'occasion, en commission d'enquête .

La dissimulation de l'excédent de recettes en 1999 ou le " mensonge budgétaire "

Soumis aux aléas de la conjoncture, les encaissements de recettes font l'objet d'un suivi attentif et constant.

Des réunions de suivi des encaissements sont organisées mensuellement par la direction du budget avec les autres directions du ministère et deux réunions d'arbitrage politique ont lieu chaque année aux mois de février et juillet. Par ailleurs, le ministre est destinataire, chaque semaine, chaque mois et chaque trimestre, des notes et analyses de la direction du budget qui lui permettent, presque en temps réel, de connaître la situation d'exécution du budget. Le suivi de l'année 1999 montre que, dès les arbitrages de juillet, le gouvernement avait connaissance des très bonnes rentrées fiscales, mais qu'il a choisi, fin août, de ne pas les révéler.

Le suivi des recettes fiscales s'est déroulé conformément à la procédure habituelle pendant toute l'année 1999.

En début d'année, les services du ministère des finances font l'hypothèse d'une très légère moins-value des recettes fiscales, de 4 milliards de francs. Cependant, les réalisations du premier semestre ne traduisent pas de moins-values. Dès le 6 juillet 1999, lors de la réunion d'arbitrage des recettes fiscales, le surplus de recettes fiscales nettes en fin d'année est chiffré à 20,2 milliards de francs. Mi-juillet, le ministre est donc informé par ses services des plus-values substantielles portant sur l'impôt sur les sociétés, comme sur l'impôt sur le revenu.

Le gouvernement a choisi délibérément en 1999 de ne pas révéler les plus-values.

L'évaluation retenue par le gouvernement le 2 septembre, soit + 11 milliards de francs, est revue à la baisse, à 6 milliards de francs, dans la révision associée au projet de loi de finances pour 2000. Dans le même temps, les tableaux de suivi budgétaire comme les notes de la direction du budget montrent, au cours du dernier trimestre 1999, que les plus-values de recettes s'amplifient. Dans la note pour le ministre du directeur du budget du 26 octobre 1999, le surplus de recettes fiscales nettes est une nouvelle fois revu à la hausse pour s'établir à 23,5 milliards de francs, soit " 17,5 milliards de francs par rapport à l'estimation affichée dans les " voies et moyens " du PLF 2000 ". La dernière note trimestrielle de la direction du budget, du 14 décembre 1999, estime le surplus total à 29,9 milliards de francs.

Au total, l'écart aura été constant entre les informations détenues par le ministre et ses déclarations officielles.

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