2. Une affectation directe et exclusive au désendettement de l'Etat

Le produit des redevances UMTS qui sera versé au compte d'affectation spéciale n° 902-33 " Fonds de provisionnement des charges de retraites et de désendettement de l'Etat " s'élève à 130 milliards de francs sur 15 ans. Ces sommes seront affectées à hauteur de 28 milliards de francs, soit 21,5 % du total, à la Caisse d'amortissement de la dette publique (CADEP) et pour le reliquat, soit 102 milliards de francs (78,4 % du total), au Fonds de réserve pour les retraites (FRR), conformément à l'échéancier ci-dessous.

Année de paiement des

Montant des redevances versées (en millions de francs)

redevances

CADEP

FRR

Total

Cumul général

2001

14.000

18.496

32.496

32.496

2002

14.000

18.496

32.496

64.992

2003 à 2016

-

4.644

4.644

130.008

Total

28.000

102.008

130.008

130.008

La moitié des versements sera donc concentrée sur les deux premiers exercices et répartis sur la période 2001-2002 à hauteur de 56,9 % au profit du FRR et de 43,1 % à la CADEP. A compter de 2003 et jusqu'en 2016, les versements annuels représenteront 4,6 milliards de francs et bénéficieront intégralement au FRR.

Evolution du produit des versements UMTS
(en millions de francs)

Votre commission estime nécessaire que l'intégralité de ces sommes soit consacrée à la réduction du poids de la dette de l'Etat : le produit de la cession des licences UMTS doit être versé à la CADEP en totalité et cela d'autant plus que le mode de gestion et de fonctionnement du Fonds de réserve pour les retraites n'est toujours pas défini de façon claire 42 ( * ) .

A la recherche du fonds de réserve pour les retraites et de son financement

Un fonds toujours virtuel

Créé par l'article 2 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, le fonds de réserve pour les retraites (FRR) avait comme objectif de consolider l'avenir des régimes de répartition. Il prenait alors la forme d'une seconde section au sein du Fonds de solidarité vieillesse.

Le décret n° 99-898 du 22 octobre 1999, pris plus de dix mois après la création du fonds, lui a donné une première existence formelle en fixant quelques principes transitoires de gestion : le fonds de réserve fait l'objet d'une gestion budgétaire comparable à celle des autres opérations du FSV. La trésorerie se trouve dans un compte distinct ouvert auprès du Trésor public et placée en titres du marché monétaire et obligations de moins de deux ans. Le fonds de réserve possède ainsi un budget, sous la forme d'un budget annexe au FSV, d'un bilan et d'un compte de résultat. Le conseil de surveillance du FSV a été ouvert aux partenaires sociaux pour tenir compte de la création du fonds de réserve. Depuis lors, rien n'a changé.

Le premier débat à trancher est celui de l'objectif précis qui est assigné au fonds : s'agit-il d'aider simplement les caisses de retraite par répartition à passer le moment difficile de l'arrivée de l'âge de la retraite des classes d'âge correspondant au baby-boom par un complément de ressources ou bien d'apporter durablement un complément de ressources à ces régimes ? Les deux solutions ne sont pas incompatibles mais emportent des choix stratégiques différents. Il semble ainsi acquis que le fonds de réserve aura une fonction de lissage, c'est-à-dire qu'il lui reviendra de lisser sur une assez longue période les hausses de cotisations rendues nécessaires et, ainsi éviter de surtaxer les actifs au moment où des générations nombreuses arrivent à l'âge de la retraite. Dans ce cas, le fonds est destiné à être alimenté par une accumulation d'épargne, puis à être complètement dépensé. Ce lissage permet d'établir un calendrier prévisionnel des hausses de cotisations, d'en atténuer le niveau et de répartir de manière plus harmonieuse la charge supplémentaire : les actifs d'aujourd'hui comme ceux de demain se partagent ainsi le fardeau. La question suivante sera de savoir si le fonds doit survivre au passage des classes d'âge nombreuses. En ce cas, les produits du fonds servent de troisième cotisant comme le fait le Canada qui cherche à constituer un fonds à même de prendre en charge le quart des charges de pension. De ces choix découlent plusieurs données indispensables à connaître : quelle durée de période de lissage ? quels modes de financement ? quel niveau de réserve souhaité en fin de période ?

Différents scenarii techniques montrent l'importance financière des ces éléments 43 ( * ) : la période d'accumulation peut être inférieure à celle d'utilisation des ressources accumulées ; plus l'abondement est régulier, moins les cotisations futures auront besoin d'être relevées ; un point de rendement financier pour le fonds fait gagner un an sans hausse de cotisations pour les actifs ; plus la période de lissage est longue, plus celle d'accumulation augmente mais aussi plus l'amplitude des hausses de cotisations se réduit.

Ces études montrent aussi l'importance du schéma de gestion retenu. Il faudra mettre en place un cadre certes sécurisé et contrôlé mais surtout géré par de vrais professionnels du long terme. Cela ne souffre pas l'improvisation et l'architecture provisoire est loin du compte en cette matière. Il semble désormais urgent de sortir le fonds de réserve du FSV et de le doter d'une architecture de gestion adaptée à sa tâche particulière.

Ainsi, les tâches de contrôle et de gestion devront être strictement séparées, la gestion devant être déléguée à un ou plusieurs professionnels, avec des règles précises sur la nature des actifs, leur dispersion, leur maturité, mais aussi des contraintes fortes de reporting et de contrôle. Le fonds pourra s'adjoindre une structure d'étude et d'évaluation, chargée notamment d'actualiser des scenarii actuariels et d'établir des comparaisons, le tout dans la plus grande transparence. Le fonds devrait être doté d'une très grande indépendance et rendre compte au Parlement de sa gestion.

Des ressources largement insuffisantes

Les ressources du fonds de réserve pour les retraites sont énumérées par l'article L. 135-6 du code de la sécurité sociale. Elles comprendraient, selon les dispositions en cours de discussion (projets de loi de financement de la sécurité sociale, de loi de finances et de loi relatif à l'épargne salariale) : une fraction du solde du produit de la contribution sociale de solidarité à la charge des sociétés (C3S) ; tout ou partie du résultat excédentaire de la première section du FSV ; les excédents de la CNAVTS ; une partie du produit de la cession des licences UMTS ; le produit des fonds en déshérence de l'épargne salariale après la prescription trentenaire ; le produit de la cotisation de 8,2 % applicable aux abondements d'un plan partenarial d'épargne salariale volontaire supérieurs à 15.000 francs ; le produit de ses placements ; la moitié du produit du prélèvement social de 2 % sur les revenus du patrimoine ; et toute autre ressource affectée au fonds de réserve en vertu de dispositions législatives.

Au total, le fonds devrait détenir environ 55 milliards de francs à la fin de 2001.

Cependant, l'abondement du fonds se fait en contradiction avec ce que prévoit le code de la sécurité sociale et ce qu'avait annoncé le gouvernement. Ainsi, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 ponctionne le FSV pour financer les 35 heures ce qui fait perdre plus de 10 milliards de francs de recettes en 2001 au fonds de réserve. De même, le gouvernement préférera affecter le solde de la C3S au budget annexe des prestations sociales agricoles plutôt que de l'affecter au fonds de réserve comme prévu. Le Premier ministre avait quant à lui prévu un abondement à hauteur de 1.000 milliards de francs en 2020, dont 400 milliards de francs en provenance du FSV et de la C3S, au titre desquels il n'a eu jusqu'à présent que 2 milliards de francs.

Au total, alors que les exemples étrangers et les études montrent que la réussite d'un fonds de réserve dépend de sa clarté et de la parfaite lisibilité de chacun de ces critères (mode de financement pérenne et connu, horizon déterminé longtemps à l'avance, rythme de hausse des cotisations, réformes sur les régimes par répartition, modes de gestion, modes de contrôles, etc.), le fonds de réserve français en est complètement démuni.

Plus de deux ans après la création du fonds, et huit mois après les déclarations du gouvernement, le fonds de réserve, de toute évidence, piétine. On peut donc se demander si, à l'image de la politique du gouvernement en matière de vieillesse et de retraite, le fonds de réserve existe vraiment.

* 42 Sur l'ensemble de cette question on se reportera très utilement au commentaire de l'article 23 du présent projet de loi de finances.

* 43 Source : étude de la Caisse des dépôts et consignations.

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