EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 22 novembre 2000, sous la présidence de M. Alain Lambert, président, la commission a procédé à l'examen des crédits des affaires étrangères , sur le rapport de M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial.

Résumant les principales observations issues de l'analyse détaillée des crédits proposés pour 2001, M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial, a d'abord rappelé que le budget géré par le quai d'Orsay représentait un peu moins de la moitié du montant total des crédits affectés à l'action extérieure de la France, qui s'élèvent à 54 milliards de francs pour l'année 2000.

Il a ainsi précisé que la part gérée par le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie avait atteint près de 17 milliards de francs en 2000, essentiellement consacrés au financement de la contribution au fonds européen de développement et à divers fonds et banques de développement tandis que la part prélevée par le budget civil de recherche et de développement (BCRD) s'élevait à près de 7 milliards de francs.

De fait, M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial, a regretté que le budget des affaires étrangères ne reflète pas mieux la globalité de l'effort de la France en matière d'action extérieure. Il a estimé que cette logique de " département ministériel " privilégiait plutôt les " personnels " que les " fonctions ", et ne rendait compte que très imparfaitement de l'action publique de la France à l'extérieur. C'est précisément ce type d'analyse qui conduisait les commissions des finances des deux assemblées à préconiser la définition de budgets par fonctions.

Abordant ensuite l'analyse des crédits proposés pour 2001 au titre du budget des affaires étrangères, soit 22 milliards de francs, ce qui représente 1,3 % du total du budget général, 0,2 % du PIB, et moins de 10 % de la charge de la dette publique, M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial, a souligné que la progression ainsi affichée de plus de 5,3 % par rapport à l'exercice 2000 (soit plus de 1.111 millions de francs) était essentiellement optique.

Apparemment très favorable, cette évolution recouvre en réalité des mouvements de nature diverse, dont l'analyse amène à nuancer l'appréciation portée sur ce budget. Elle correspond en effet notamment à l'incontournable prise en compte des effets mécaniques de la hausse du dollar -encore celle-ci n'est-elle que partielle- et à l'effet de divers mouvements de transferts pour près de 240 millions de francs, dont 115 millions de francs au titre des cotisations sociales de l'Etat, jusqu'alors inscrites sur le budget des charges communes.

De fait, M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial, a estimé qu'il apparaissait que le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie avait seulement consenti à inscrire en loi de finances initiale ce qu'il finissait généralement par accorder en cours de gestion. Tout en soulignant que cette démarche était certes plus conforme à la sincérité des montants présentés à l'approbation du Parlement, il a souligné qu'elle ne correspondait en aucune façon à une amélioration des moyens dont disposera en définitive le ministère.

M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial, a tenu à cet égard à souligner le poids particulier, pour le budget des affaires étrangères, de l'évolution du cours du dollar, tant sur les dépenses de rémunération et de fonctionnement que sur les contributions aux organisations internationales. Il a estimé que cette " contrainte " forte, propre à ce budget, était insuffisamment prise en compte par le ministère de l'économie et des finances qui en faisait, à chaque exercice budgétaire, un élément d' " arbitrage " injustifié, qui nuisait à la qualité et à la rationalité du débat.

Il a en outre souligné que, même avec l'effet d' " affichage " évoqué plus haut, le projet de budget pour 2001 ne tenait que partiellement compte de l'effet de la hausse du dollar : d'une part, parce que le cours retenu (6,57 francsfrançais/dollar) était d'ores et déjà largement dépassé, d'autre part, parce que toutes les dépenses concernées n'étaient pas prises en compte : manquent en particulier les rémunérations des recrutés locaux, les moyens de fonctionnement des postes à l'étranger, et surtout les contributions autres que celles des organismes internationaux de recherche.

A cet égard, M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial, a estimé que, dans ce cadre, et compte tenu de la spécificité internationale " par nature et par destination " du budget des affaires étrangères, la pusillanimité dont faisait preuve le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie n'était guère acceptable. Il a en outre relevé que les combats constants menés par les chefs de poste concernés pour la réévaluation des indemnités de résidence ou de mission finissaient par occuper au-delà du raisonnable leur temps, leur énergie et leurs capacités de réflexion.

Le rapporteur spécial a ensuite souligné la nécessité de procéder à une analyse globale de l'ensemble des contributions obligatoires et volontaires de la France à des organismes internationaux, que celles-ci soient inscrites au budget des affaires étrangères ou aux crédits dépendant du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.

Il a en effet rappelé que, si de 1999 à 2001, l'aide bilatérale avait diminué de plus de 1,2 milliard de francs, l'aide multilatérale avait progressé dans le même temps de près de 4 milliards de francs, confirmant la priorité donnée en principe au multilatéral. Il a souligné que cette progression s'était toutefois faite uniquement au profit des divers fonds et banques de développement gérés par Bercy, dont les contributions progressent de près de 1,2 milliard de francs, ainsi qu'à celui d'une aide européenne pour laquelle le " prélèvement " est passé en deux ans de 9,3 à 13,3 milliards de francs .

A cet égard, M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial, a estimé qu'une telle progression méritait un minimum d'explications, non fournies à la représentation nationale, voire peut-être une remise en cause, fondée sur la faiblesse constante du taux d'engagement de ces crédits.

Parallèlement, malgré des besoins avérés, les contributions aux institutions de l'Organisation des nations unies ( ONU), hors opérations de maintien de la paix, n'ont cessé de diminuer, pour revenir aujourd'hui à un montant inférieur à celui consacré à la facilité d'ajustement structurel (FAS) mise en oeuvre par le fonds monétaire international (FMI).

M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial, a souligné combien l'insuffisance des contributions volontaires de la France aux organismes spécialisés commençait à être montrée du doigt, ainsi qu'il avait pu le constater personnellement, à l'occasion de divers entretiens dans le cadre de sa participation à la 55e Assemblée générale des Nations unies. Ainsi, le Haut commissariat pour les réfugiés (HCR) souligne que la contribution française ne suffit même plus à couvrir les salaires des Français qui y travaillent. De même, le Fonds des Nations unies pour l'enfance (UNICEF) s'étonne de ce que le montant les dons collectés auprès du public français soit près de cinq fois supérieur au montant de la contribution du Gouvernement français.

Abordant ensuite les interventions mises en oeuvre par la nouvelle direction générale de la coopération internationale et du développement (DGCID), M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial, a estimé que son " calibrage " se faisait lentement et, qu'en l'état actuel, la seule analyse de la répartition de l'enveloppe considérable allouée à la DGCID en 2000, amenait à formuler certaines interrogations.

Ainsi, la priorité accordée à la coopération culturelle et linguistique, qui dispose désormais de près de la moitié de l'enveloppe, est clairement confirmée, tandis que l'aide au développement fait désormais un peu figure de " parent pauvre ", avec moins du quart de l'enveloppe, et paraît en réalité de plus en plus " concédée " à l'Agence française de développement.

M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial, a estimé que la coopération culturelle ne prenait sans doute pas suffisamment la mesure des évolutions de la demande. Une claire prééminence continue en effet d'être accordée aux secteurs culturels classiques, alors que l'audiovisuel, qui constitue pourtant désormais un des vecteurs prioritaires de la culture contemporaine, ne draine encore que 15 % des moyens. M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial, a notamment relevé le montant dérisoire accordé à l'exportation des programmes, soit 24 millions de francs. Il s'est également inquiété de l'avenir de TV5, estimant que le moment était peut-être venu que la France se donne les moyens de son autonomie financière à l'égard du Canada.

Le rapporteur spécial a ensuite estimé que la logique propre de la DGCID lui paraissait demeurer clairement une logique de subventions, au détriment d'une logique de projets. A cet égard, M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial, a précisé que cette politique ne pouvait être efficace que si elle s'accompagnait d'une politique tout aussi importante d'évaluations régulièrement faites et systématiquement prises en compte.

Enfin, M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial, a estimé souhaitable de porter une attention particulière à la situation de l'Agence française pour l'enseignement à l'étranger, qui représente plus du quart de l'enveloppe des crédits de coopération mis en oeuvre par la DGCID. Sur près de 160.000 élèves, l'AEFE scolarise pour près de moitié les enfants français de familles résidant à l'étranger ; elle emploie aujourd'hui 6.100 enseignants (dont 2.000 expatriés) et près de 8.800 recrutés locaux. La subvention globale versée par le seul ministère des affaires étrangères, soit environ 2 milliards de francs, représente un montant à peu près équivalent à celui des droits de scolarité versés par les familles.

Or, la majeure part du réseau AEFE connaît aujourd'hui une agitation profonde et généralisée, d'une ampleur jamais atteinte à ce jour, qui réunit unanimement enseignants et parents d'élèves autour de revendications liées à la contestation du plan de réforme du 14 juin 2000, qui prévoit la suppression de 600 postes en six ans, à l'insuffisance des rémunérations, à la hausse des droits d'écolage et à la diminution du nombre de bourses. De fait, la DGCID estime ne pas pouvoir être en mesure de prélever sur sa " ressource propre " les 80 millions de francs nécessaires au seul financement du plan du 14 juin 2000.

En réalité, M. Jacques Chaumont, rapporteur spécial, a souligné qu'il apparaissait de plus en plus clairement que la double mission confiée à l'AEFE -scolarisation des enfants français à l'étranger, scolarisation des enfants étrangers-, ne pouvait être convenablement assurée par le seul ministère des affaires étrangères, et que l'intérêt général gagnerait, à l'évidence, à ce que cette charge soit partagée avec le ministère de l'éducation nationale, certainement mieux armé en tout cas pour gérer les questions relatives aux enseignants.

M. Joël Bourdin a souhaité souligner à son tour la spécificité et l'ampleur de la contrainte liée à l'évolution du cours du dollar, et le caractère peu constructif de son traitement par le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.

Considérant le renforcement de la prééminence donnée à l'action multilatérale, au détriment de l'action bilatérale, M. Jacques Pelletier a relevé, pour le regretter, que celle-ci semblait consacrer une forme d'abandon de la volonté politique nationale, au profit d'un rôle croissant de la " technocratie financière internationale ". Les résultats obtenus ne lui paraissaient pas de nature à confirmer la justesse d'un tel choix, ni d'ailleurs l'importance de délais désormais considérables pour la mise en oeuvre des crédits communautaires.

Plus particulièrement, M. Jacques Pelletier a déploré la " dérive un peu inquiétante " que le présent projet de budget lui paraissait consacrer, qui tendait à faire de l'Agence française de développement le principal opérateur de l'aide au développement, au détriment du ministère.

M. Michel Charasse s'est inquiété de ce qui lui apparaissait comme une forme de négligence de l'autorité exécutive à l'égard, non pas certes du principe, mais des moyens concrets de la présence française dans le monde, estimant qu'il existait désormais un décalage croissant entre le discours officiel et les moyens mis en oeuvre.

Il a ensuite indiqué qu'il présenterait, à titre personnel, un amendement visant à supprimer les crédits, désormais clairement identifiés dans le budget, à hauteur de 5,65 millions de francs, au bénéfice du Haut conseil de la coopération internationale, estimant que ni l'activité, ni les travaux de cet organisme, généralement enclin à contester la position prise par le Gouvernement français, ne justifiaient des moyens aussi importants.

Rappelant qu'il avait été à l'origine de la création de cet organisme, M. Jacques Pelletier a en effet déploré qu'il se soit quelque peu écarté de ses objectifs initiaux, qui consistaient en principe à assurer une " aide à la décision " du Gouvernement.

Sur proposition de M. Michel Charasse, rapporteur spécial des crédits d'aide publique au développement, la commission a ensuite adopté un amendement visant à exclure que les crédits affectés au financement de projets de développement mis en oeuvre à partir du Fonds de solidarité prioritaire ou par l'Agence française de développement puissent bénéficier à d'autres pays que ceux inscrits dans la zone de solidarité prioritaire. Il a en effet estimé que l'autorisation de dépenser donnée par le Parlement l'était pour un objet donné, et ne saurait être contournée par le pouvoir exécutif, au terme d'une modification d'affectation non soumise à l'approbation parlementaire, comme cela avait été le cas en 2000 pour les crédits affectés aux Balkans à partir d'une enveloppe en principe réservée aux pays de la zone de solidarité prioritaire.

En conclusion, après avoir déploré à son tour la baisse des contributions volontaires, M. Alain Lambert, président, a estimé qu'il convenait d'être particulièrement vigilant sur l'adéquation du discours tenu avec les moyens effectivement mis en oeuvre, et de veiller à ce que ceux-ci soit à la fois convenablement calibrés, et effectivement utilisés.

A l'issue de ce débat, la commission a alors décidé de proposer au Sénat l'adoption des crédits des affaires étrangères.

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