B. DES PROGRÈS RESTENT À ACCOMPLIR

Si l'on est désormais loin de la situation intolérable où le ministère-gardien de l'orthodoxie budgétaire cumulait toutes les irrégularités budgétaires, le budget du ministère reste à améliorer du point de vue de sa régularité et de sa lisibilité.

1. Des progrès restent à entreprendre sous l'angle de la régularité

a) Des ressources extrabudgétaires subsistent

Plusieurs ressources extrabudgétaires doivent encore être réintégrées au budget.

Il en va ainsi du maintien d'un nombre désormais relativement modeste de ressources extrabudgétaires . Elles concernent d'abord plusieurs comptes (notamment les comptes n° s 451-26, 451-27 et 466-176) ouverts à la DGCP.

Le maintien hors budget de certaines opérations concerne également la DGI puisque les " salaires " des conservateurs des hypothèques (plus de 2 milliards de francs en 1999) restent non budgétés, et la DGDDI.

(1) Les ressources extrabudgétaires de la DGCP

En ce qui concerne le compte 466-176 " Frais de services des comptables du Trésor en Polynésie ", les ressources proviennent des frais de perception de divers produits perçus au profit du Territoire.

Compte 466-176

En millions de francs

1994

1995

1996

1997

Ressources

1,8

1,6

3,1

2,3

Dépenses

1,8

1,6

3,1

2,3

Pour 2001, les sommes concernées s'élèvent à environ 2,6 millions de francs.

La situation des sous-comptes du compte 451 " Fonds particuliers " est plus complexe.

Le compte 451 " Fonds particuliers " retrace l'ensemble des mouvements enregistrés sur les comptes de dépôts de fonds de particuliers, à vue à et à terme, qui sont tenus par les trésoriers payeurs généraux.

En particulier, deux sous-comptes du compte 451, les comptes 451-26 " Bénéfices et frais " et 451-27 " Services extérieurs du Trésor " sont dédiés à la collecte et à la répartition entre les agents du réseau du Trésor des remises et commissions sur les opérations d'épargne. Ils seraient maintenus en 2001, ce qui, compte tenu des flux qu'ils entretiennent avec le compte 466-171, est de nature à conditionner la clôture de ce dernier compte, dont, pourtant le budget 2001 porte la marque.

L'analyse détaillée de ces sous-comptes, qui a été effectuée par la Cour des comptes au plan local dans certaines trésoreries générales, n'est pas possible directement au plan national car ceux-ci sont tenus dans chaque poste comptable centralisateur dans une comptabilité auxiliaire. Il n'existe donc pas de données comptables nationales permettant d'analyser les débits et les crédits de ces sous-comptes.

La direction de la comptabilité publique a communiqué à la Cour d'une part la somme des masses globales créditrices et débitrices de ces comptes, corrigées de mouvements d'ordre pour le compte 451-27, et d'autre part des informations extracomptables, issues de l'analyse des comptes d'émolument des trésoriers payeurs généraux, et données non, par exercice comptable, mais par année d'origine de la ressource. Ces deux séries de données ne sont donc pas immédiatement comparables.

S'agissant du sous-compte 451-26 " Bénéfices et frais ", il retrace en recettes :

- le traitement budgétaire du Trésorier-payeur-général (TPG), retracé également en dépense (30,4 MF en 1996) ;

- les remises et commissions versées par le budget général de l'Etat pour la collecte des fonds particuliers et le placement des bons du Trésor (181,3 MF en 1996) ;

- les remises et commissions versées pour le placement de produits d'épargne et d'assurance par les correspondants du réseau du groupe de la Caisse des dépôts et consignations.

En dépenses, il enregistre les mouvements suivants :

- le traitement budgétaire des TPG ;

- des dépenses de fonctionnement pour un montant limité, pour le financement des imprimés et carnets de chèques des fonds particuliers ainsi que des objets publicitaires pour le service de l'épargne (11,5 MF en 1996) ;

- des versements au compte 466-17 " Frais de service " pour le financement des frais de fonctionnement du réseau (217,9 MF en 1996) ;

- des versements au budget général (12,4 MF sur les recettes de l'année 1996) ;

- des versements indemnitaires aux agents du réseau, soit directement, soit après transfert au compte 451-27 " Services extérieurs sur Trésor " (v. infra).

En données comptables, l'agrégation des masses débitrices et créditrices des comptes départementaux par exercice comptable, telle qu'elle est effectuée par la direction de la comptabilité publique, fournit les résultats suivants.

En millions de francs

1996

1997

Recettes

1.636,3 (1)

1.718,7

Dépenses

1.615,2

1.731,6

Solde au 31/12

308,6

295,6

(1) dont 211,7 millions de francs provenant du budget général

Le solde du compte au 31 décembre de chaque année représente le montant des remises perçues au cours de l'année qui n'ont pas été attribuées avant la fin de l'exercice et le seront au cours de l'exercice suivant.

Le compte 451-26 retrace la totalité des remises et commissions sur opérations d'épargne destinées aux trésoreries générales. En revanche, ne transitent pas par ce compte les remises et commissions destinées aux recettes des finances et aux postes non centralisateurs.

On relèvera qu'une partie seulement des recettes et dépenses transitant par ce compte serait régularisée dans le budget 2001, celles de ses opérations transitant par le compte n° 466-17.

Le sous-compte 451-27 " Services extérieurs du Trésor "

Le compte 451-27 est alimenté par des reversements sur le plafonnement des rémunérations des comptables au titre de l'écrêtement d'une part, et de la réglementation du cumul d'autre part.

Une partie de ces recettes provient du compte 451-26. Il s'agit du produit de l'écrêtement de la rémunération des TPG, ainsi que des reversements au titre du cumul sur les comptes d'émolument des TPG et des chefs des services des trésoreries générales. Ce compte reçoit également d'autres recettes, provenant de l'application des règles de l'écrêtement aux comptables des postes non centralisateurs et aux receveurs des finances, et des règles du cumul pour les receveurs des finances.

Les débits du compte sont constitués de dépenses indemnitaires et de mouvements d'ordre . Les mouvements d'ordre sont dus au fait que la direction de la comptabilité publique organise des transferts entre les comptes départementaux des trésoreries générales et le compte du payeur général du Trésor afin d'assurer que chaque comptable dispose de la trésorerie nécessaire pour assurer le paiement des indemnités.

Les indemnités versées sur ce compte sont pour l'essentiel des indemnités aux personnels du réseau qui ne participent pas directement à la collecte de l'épargne et ne bénéficient pas de ce fait de la répartition des remises effectuée " au premier niveau " sur le compte 451-26.

L'agrégation des comptes départementaux tenus dans les trésoreries générales est effectuée par la direction de la comptabilité publique et fournit les chiffres suivants.

Compte 451-27

En millions de francs

1994

1995

1996

1997

Recettes externes

177,2

204,6

941,3

194,4

Mouvements d'ordre

0

246,5

0

493,9

Total des recettes

177,2

451,1

941,3

688,3

Dépenses externes

96,7

102,4

108,8

973,3

Mouvements d'ordre

0

246,5

0

493,9

Total dépenses

96,7

348,9

108,8

1.467,2

Solde cumulé

770,7

873,0

941,3

162,4

Le montant élevé des dépenses en 1997 s'explique par un prélèvement exceptionnel de 862 MF effectué sur le solde du compte 451-27 à la fin de l'année 1997. Ce prélèvement a fait l'objet d'un versement au budget général au début de 1998.

Ce prélèvement mis à part, les dépenses du compte hors mouvements d'ordre ont été en 1998 de 111,3 MF. Ce dernier montant est constitué en principe en totalité de versements indemnitaires aux agents du réseau. Plusieurs autres ressources de la DGCP continueraient d'être gérées hors budget .

Il s'agit d'abord des indemnités versées aux agents huissiers du Trésor. Comme l'a indiqué la monographie sur les services financiers contenues dans le rapport sur l'exécution de la loi de finances pour 1995, des indemnités sont versées aux agents-huissiers du Trésor au prorata des actes exécutés. Les montants correspondants sont retracés en partie dans le budget général.

En millions de francs

1994

1995

1996

Indemnités pour notification d'actes

28,5

28,9

29,7

Indemnités en remboursement de frais réels

11,7

10,3

8,5

Total

40,2

39,2

38,2

Il s'agit aussi de la rémunération des conseils aux collectivités locales.

Des rémunérations sont versées par les collectivités locales aux agents du Trésor public au titre de conseil. Elles s'élevaient en 1995 et à 177,5 millions de francs en 1998 soit une augmentation conséquente de plus de 20 % en trois ans.

Ce chiffre recouvre plusieurs catégories d'indemnités :

(en millions de francs)

Indemnités de conseil

154,2

Indemnité de confection du budget

6,8

Indemnités de gestion

5,3

Indemnités d'agents comptables

11,2

La faculté offerte aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics d'attribuer une indemnité de conseil aux comptables du Trésor chargés de leur gestion financière et comptable est prévue par deux arrêtés du 16 décembre 1983 (communes et établissements publics locaux) et du 12 juillet 1993 (départements et régions) pris en application de l'article 97 de la loi de décentralisation du 2 mars 1982 et du décret n°82-979 du 19 novembre 1982 relatifs aux conditions d'octroi d'indemnités par les collectivités locales au profit des agents des services extérieurs de l'Etat.

Cette indemnité constitue la contrepartie des prestations de conseil et d'assistance juridique, budgétaire, économique et financière et comptable assurées par les receveurs municipaux, en dehors des prestations de caractère obligatoire résultant de leur fonction de comptable principal des collectivités concernées, notamment dans les domaines relatifs à l'analyse budgétaire, financière et de trésorerie. Les textes ayant institué cette faculté lui confèrent ainsi un caractère personnel.

Les articles 1 er et 2 de l'arrêté du 16 décembre 1983 précisent, quant à eux, que ces prestations revêtent un " caractère facultatif " et sont subordonnées à un accord préalable du comptable concerné.

Par ailleurs, le versement et la fixation du montant de cette indemnité sont en pratique laissés à la libre appréciation des assemblées délibérantes, sous réserve que soient respectées les limites prévues par les textes institutifs.

Son montant est ainsi fixé par une délibération de la collectivité concernée dans la double limite :

- d'un barème dégressif appliqué à la moyenne des dépenses budgétaires de ses sections de financement et d'un investissement ;

- d'un plafond égal au traitement brut annuel correspondant à un indice de référence.

Un même chef de poste gérant plusieurs collectivités ou établissements publics locaux peut, en outre, se voir attribuer autant d'indemnités de conseil que de gestions assurées, la seule limite existant en la matière étant constituée par le plafond de cumul des rémunérations publiques applicable à tout agent de l'Etat.

Il n'existe pas de montant minimal, compte tenu du caractère facultatif lié au versement de cette indemnité. Le montant maximal est fixé à 53.626 francs pour 1999.

(2) Les ressources extrabudgétaires des autres réseaux

Si, depuis 1999, le compte de rémunérations accessoires des hypothèques (n°466-226) a été inscrit à la ligne 505 pour 77 millions de francs, cette régularisation n'épuise pas le sujet.

Selon les dispositions de l'article 879 du code général des impôts (loi du 21 ventôse an II), les " salaires " des conservateurs des hypothèques sont versés par les usagers de la publicité foncière selon les tarifs fixés par les articles 285 à 299 de l'annexe III du code général des impôts et constituent leur rémunération sous déduction d'un prélèvement opéré par le Trésor (article 884) destiné à couvrir les frais de fonctionnement du service de la publicité foncière.

Sur les sommes leur restant acquises, les conservateurs sont tenus de rembourser à l'administration, sous forme de contribution pour frais de régie, les dépenses afférentes aux locaux dans lesquels sont installées les conservations. Ils doivent, également, régler divers frais de fonctionnement de leur service dont les dépenses de reliures de documents dont ils assurent la conservation, conformément à l'obligation fixée par l'article 2150 du code civil. Enfin, répondant personnellement et pécuniairement de tout préjudice causé à un usager en raison d'une faute ou d'une négligence, les conservateurs doivent, à ce titre, constituer une caution en immeubles ou en titres ou couvrir cette responsabilité par une assurance collective souscrite pour un montant minimum par sinistre.

Pour 1999, la rémunération moyenne annuelle d'un conservateur des hypothèques avant déduction des retenues pour pension civile s'est élevée à 511.722 francs, la rémunération la plus forte à 1.013.546 francs et la plus faible à 298.373 francs.

La perennité de la loi du 21 ventôse au VII apparaît très contestable compte tenu de ses fragilités juridiques. Quoi qu'il en soit, le traitement budgétaire de ces ressources publiques et des charges qu'elles financent est incompatible avec les exigences de notre droit budgétaire.

Après avoir évoqué les problèmes posés par le traitement budgétaire des " remises " accordées aux débitants de tabac dans l'exercice des missions déléguées à eux dans le domaine fiscal, et le reliquat des ressources extrabudgétaires de la DGDDI, 19 millions de francs l'on aura fait le tour des régularisations encore pendantes.

Votre rapporteur spécial les appelle de ses voeux mais il veut souligner l'importance des régularisations entreprises au cours de ces dernières années.

Cette importance n'est pas seulement quantitative même si les régularisations ont concerné plus de 15 milliards de francs. Elle est aussi " qualitative " puisque ces rebudgétisations ont fait progresser la démocratie et la transparence financière.

b) Régulariser la situation d'emploi du ministère

Les progrès réalisés sous ce dernier angle doivent favoriser la régularisation encore insuffisante de la situation d'emploi du ministère. Deux problèmes doivent être distingués

(1) La refondation des régimes indemnitaires

Le premier concerne la refondation des régimes indemnitaires du ministère.

Cette exigence est évidemment fondamentale dans un ministère dont près des 2/3 du budget sont consacrés à des charges salariales. Or, la situation n'est pas satisfaisante ainsi qu'en a témoigné l'enquête de la Cour des comptes sur la fonction publique 4 ( * ) :

" davantage encore que dans les autres ministères, la règle selon laquelle une indemnité ne peut être instituée que par une loi ou un décret n'est pas respectée au ministère des finances.

En ce qui concerne les agents de la direction générale des impôt, la situation est encore plus claire puisqu'aucune indemnité spécifique, à l'exception de celles versées aux agents des hypothèques et du cadastre, n'a un fondement convenable ".

" L'administration invoque d'ailleurs l'absence de référence réglementaire pour faire débouter par les tribunaux les agents qui se plaignent de leurs primes. Le Conseil d'Etat a jugé en effet que la prime de rendement de la DGI n'ayant pas été créée par décret n'ouvrait aucun droit.

Le défaut de fondement juridique se double du défaut de publication des dispositions en vigueur ; celles-ci sont prises sans contreseing du ministre de la fonction publique, qui en sa qualité de ministre chargé de leur application, doit signer tous les textes indemnitaires, y compris ceux qui fixent les taux. "

La Cour des comptes poursuit en évoquant le cas de la DGI : " Le système de rémunérations accessoires des agents de la DGI se caractèrise par sa diversité et sa complexité. Celle-ci résulte du foisonnement et de l'empilement d'avantages institués par les décisions de formes juridiques diverses qui se sont accumulées au cours des cinquante dernières années. C'est aussi le produit de l'histoire : certaines modalités de rémunération ont une origine ancienne qui leur donne, dans une administration moderne, un caractère quelque peu anachronique.

En ce qui concerne les agents de la DGI, une soixantaine d'indemnités différentes ont été dénombrées. "

Votre rapporteur spécial a eu souvent l'occasion de s'interroger sur la régularité juridique des régimes indemnitaires appliqués au sein du ministère.

Il observe que ses interrogations n'étaient pas sans fondement.

Il prend acte de la déclaration du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie effectuée au Sénat le mardi 7 décembre 1999 à l'occasion de l'examen du budget dont il est le rapporteur spécial pour la commission des finances du Sénat.

" Au nom de ce même principe de transparence, et ceci est à mes yeux une réforme essentielle, je fixe aussi pour 2001 l'objectif de doter les services du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie des textes permettant d'assurer la clarification juridique des régimes indemnitaires des agents. Je l'ai annoncé aux organisations syndicales lors d'un comité technique paritaire ministériel le 17 septembre dernier et j'entends que l'année 2000 soit aussi consacrée à cette action essentielle.

A ce titre, j'ai demandé que les régimes indemnitaires, tout en tenant compte des spécificités et métiers divers du Ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, soient revus en respectant deux objectifs et en s'appuyant sur trois principes et une méthode.

Deux objectifs généraux, tout d'abord.

1 er objectif : refonder juridiquement ces régimes dans l'esprit de la circulaire signée par les directeurs du budget et de la Fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation le 1 er octobre dernier et parue au journal officiel.

En effet, les indemnités actuelles sont fondées en règle générale sur des principes énoncés dans des textes des années 50 et parfois juridiquement fragiles, ce qui peut aller à l'encontre des intérêts de tous et en premier lieu des agents.

2 ème objectif : ces textes doivent contribuer à assurer au Ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, une gestion dynamique et équitable de ses personnels, en mettant en place des dispositifs simples, transparents et justes.

Trois principes ensuite que je me contenterai d'énumérer devant vous :

- les agents du Ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie doivent être assurés du maintien du niveau actuel moyen de leurs rémunérations par corps et par grade ;

- en cas de besoin, des dispositifs de garantie individuelle devront être envisagés pour les agents qui seraient susceptibles de subir une perte de revenus ;

- la fiscalisation des indemnités doit bien entendu être la règle générale dans le cadre des dispositions de droit commun. Comme tout salarié, et comme dans d'autres ministères, en application de l'article 81 du code général des impôts, les agents du Ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie peuvent percevoir certaines indemnités destinées à couvrir des frais inhérents à leur fonction ou leur emploi et à ce titre exonérées de l'impôt sur le revenu. Je demande néanmoins que toutes les indemnités de ce type fassent l'objet d'un examen rigoureux au regard des critères définis par le CGI, et ceci dès les revenus 2000.

La méthode enfin. Après une analyse exhaustive de la situation actuelle, les textes seront définis en liaison avec les organisations syndicales dont j'ai rappelé tout à l'heure qu'elles avaient été informées du lancement de ce projet. "

Votre rapporteur spécial appelle de ses voeux une pleine et entière information de la commission des finances du Sénat sur le processus de définition des régimes indemnitaires d'autant que la tâche est complexe compte tenu du foisonnement de ces régimes rappelé plus haut.

(2) Réduire les écarts entre emplois effectifs et emplois budgétaires

Une seconde difficulté est relative aux écarts entre les emplois budgétaires et les effectifs réels.

Si, globalement ( v.supra ) la situation d'emploi du ministère se caractérise par des vacances, il n'en va pas de même dans le détail.

Ainsi, les autorisations budgétaires en matière d'emplois ne sont pas respectées.

La Cour des comptes a, dans le même rapport, noté que " l'ensemble des directions et services du ministère des finances s'affranchit largement des dotations en emplois budgétaires votées annuellement par le Parlement, par un recours généralisé à la pratique des " surnombres " par grades " .

Elle concède que globalement, à quelques exceptions près, le nombre d'agents réellement rémunérés dans chaque corps n'excède pas le nombre total des emplois budgétaires ouverts pour le corps considéré, soulignant que les surnombres se situent, en effet, essentiellement au niveau des grades . Mais, cette situation n'en a pas moins pour conséquence, outre de violer l'autorisation par grade donnée par le Parlement, d'induire des dépenses de rémunérations supérieures aux crédits indiciaires budgétés. Il s'agit, pratiquement toujours, d'utiliser un emploi budgétaire d'un grade inférieur pour payer une rémunération afférente à un grade supérieur.

Ainsi, environ 20 % des emplois budgétaires " gagent " des surnombres, autrement dit servent à rémunérer des agents, généralement du même corps, mais d'un grade supérieur à celui de l'emploi budgétaire considéré.

Au 31 décembre 1997, pour les personnels du réseau de la DGI, on comptait, par exemple, près de 9.000 agents rémunérés dans le grade d'agent principal de constatations ou d'assiette de deuxième classe de plus que la dotation de 6.882 emplois budgétaires autorisés, pour ce grade, par la loi de finances.

Ces écarts résultent d'une série de " plans sociaux " destinés à améliorer la situation des personnels.

La Cour rappelle que " depuis la fin des années 1970, le ministère des finances a fait bénéficier ses personnels de mesures de promotion, annuelles ou pluriannuelles, dérogatoires par rapport, à la fois, au droit commun des statuts de la fonction publique et aux mesures générales applicables à l'ensemble des personnels de l'Etat. Ces plans successifs, strictement internes au ministère, n'ont jamais fait l'objet d'une information à l'extérieur du ministère ".

Ces plans se sont traduits principalement par un pyramidage des corps configuré en marge des dispositions statutaires. Son effet direct est la pratique des surnombres.

La situation est la suivante :

" - en 1992, le pyramidage du grade de contrôleur principal de la DGI a été fixé à 26,6 % de l'effectif du corps, alors que le statut prévoyait un pourcentage de 15 % ;

- en 1997, le pyramidage du corps des agents de recouvrement a été de 20,3 % pour le grade d'agent de recouvrement principal de première classe et de 48,5 % pour celui d'agent de recouvrement principal de deuxième classe, alors que les pourcentages statutaires étaient de 10 et 25 % ;

- à la fin de l'année 1997, le pyramidage du grade de contrôleur des impôts de première classe a été de 38 %, alors que le décret statutaire, pourtant récent, prévoyait 25 %. "

Les conséquences de ces irrégularités sont les suivantes :

- L'accélération de la progression des agents vers les grades supérieurs de leurs corps a sans doute facilité la gestion des carrières dans l'immédiat, mais en provoquant de nouvelles difficultés à moyen terme.

Aussi, des générations nombreuses d'agents de catégorie C déjà classées à l'échelle 5 plafonnent au sommet du grade intermédiaire.

- " Les plans engendrent des surcoûts non négligeables, que le ministère ne parvient à absorber qu'en recourant à des facilités difficilement envisageables dans tout autre ministère, du moins sans l'autorisation expresse du contrôleur financier, notamment le gonflement des crédits de " lignes souples ".

Pour le seul réseau de la direction des impôts, et pour la seule année 1999, le surcoût direct annuel des décisions ministérielles peut être évalué à environ 247 millions de francs. S'y ajoute l'incidence sur les dépenses de pensions, qui n'a pas été chiffrée par la direction du budget. "

La " ligne souple " intitulée " ajustement pour tenir compte de la situation réelle des personnels ", est, théoriquement, destinée à permettre de pallier les imprécisions tenant aux modes traditionnels d'évaluation des crédits nécessaires au paiement des rémunérations principales.

Les crédits de rémunérations principales sont en effet évalués sur la base d'un indice moyen affecté à chaque emploi autorisé en loi de finances. La dépense réelle peut être différente pour plusieurs raisons : influence des temps partiels, écart des agents avec l'indice moyen, changements de situation statutaire, départs en retraite, etc.

Les surnombres ont provoqué une hausse importante de cette ligne souple -qui a aussi partiellement été causée par le développement du temps partiel.

Le montant du total des lignes souples a atteint 1.460 millions de francs en 1998. Exprimé par rapport aux crédits indiciaires, il a évolué comme suit :

1983

1990

1993

1994

1995

1996

1997

1998

0,1 %

2,7 %

2,4 %

4 %

4,3 %

5,6 %

6,4 %

6,6 %

Pour 1999 et 2000, les montants des " lignes souples " (1.606 millions de francs) sont les suivants :

Agrégat DGI :

Le montant de la ligne souple inscrite au budget de la DGI s'élève à 699 millions de francs pour 1999 et 674 millions de francs pour 2000.

Les composantes de la ligne souple en 1999 et 2000 sont détaillées sur le tableau figurant ci-après.

Composantes de la ligne souple

(en millions de francs)

Années

1999

2000

Mesures ministérielles de création de 300 surnombres

37,01

37,33

Ecart entre indice moyen et indice réel

542,88

517,56

Surcoût de temps partiel

119,11

119,11

Ligne souple inscrite au vert budgétaire

699

674

Agrégat " DGCP " :

Le montant de la ligne souple inscrite au budget de la DGCP s'élève à 432,39 millions de francs en 1999 et 445,17 millions de francs en 2000.

(en millions de francs)

Ligne souple inscrite dans les documents budgétaires

Ecart entre indice moyen et indice réel

Surcoût du temps partiel

Mesures ministèrielles de création de 100 surnombres

1999

432,39

348,56

74,09

9,74

2000

445,17

360,38

75,05

9,74

Agrégat " DGDDI " :

Le montant de la ligne souple inscrite au budget de la Douane s'élève à 189,5 millions de francs en 1999 et à 192,30 millions de francs en 2000.

Surcoût du temps partiel

Ecart entre indice moyen et indice réel

Total

1999

9,3

180,2

189,5

2000

9,5

182,8

192,3

Agrégat " INSEE " :

Le montant de la ligne souple inscrite au budget de l'INSEE s'élève à 85,27 millions de francs pour 1999 et 73,85 millions de francs pour 2000.

Agrégat " DGCCRF " :

La ligne souple de la DGCCRF était de 58,13 millions de francs en 1999 et de 54,55 millions de francs en 2000. La part correspondant au surcoût lié au temps partiel peut être estimée à environ 8 % du total.

Agrégat " juridictions financières " :

La ligne souple inscrite sur le budget des juridictions financières s'élève à 22,62 millions francs en 1999 et à 27,67 millions de francs en 2000. La justification de cette ligne souple résulte du besoin de financement.

- de la rémunération des magistrats maintenus en surnombre (loi n° 86-1304 du 23 décembre 1986),

- des surnombres de grade des magistrats de chambres régionales des comptes,

- des ajustements liés à la situation réelle des personnels de la Cour des comptes.

Agrégat " Administration générale " :

La ligne souple inscrite sur l'agrégat " Administration générale " s'élève à 131,87 millions de francs en 1999 et à 138,55 millions de francs en 2000 dont 8 % environ au titre du surcoût du temps partiel.

L'on ne peut dès lors que s'associer à l'observation de la Cour des comptes selon laquelle :

" le montant des lignes souples des services financiers a atteint un niveau tout à fait excessif qui met en cause la transparence de l'autorisation parlementaire et déplorer la persistance d'importants écarts entre la présentation budgétaire et la réalité des coûts qui constitue une anomalie budgétaire qu'il convient de corriger au plus vite ".

Il faut dans ces conditions saluer les régularisations intervenues dans le budget 2001.

Elles concernent :

- pour l'Administration Générale, la création de 7 emplois de contrôleurs d'Etat, supports des commissaires du Gouvernement placés auprès des organismes bancaires, emplois jusqu'ici non inscrits au budget et financés jusqu'en 1999 par fonds de concours ;

- pour la DGCP, la consolidation du plan de qualification ministériel de 1994 (95 emplois d'inspecteurs transformés en receveurs-percepteurs, trésoriers principaux, inspecteurs principaux de 2 ème classe et receveurs des finances) - transformation de 91 emplois au profit du 3 ème niveau de la catégorie A ;

- pour l'INSEE, la résorption des surnombres d'inspecteurs généraux à hauteur de 14 emplois par transformation d'autant d'emplois d'administrateurs INSEE ;

- pour les juridictions fiancières, la régularisation de surnombres de grade (44 conseillers de 1 ère classe des CRC) et 13 conseillers maîtres ;

Il reste une interrogation sur l'opportunité de pereniser la structure des grades effective telle qu'elle résulte des pratiques des surnombres.

Une consolidation de cette pyramide, juridiquement fondée, pourrait avoir des effets financiers et administratifs indésirables.

2. Des progrès de lisibilité doivent intervenir

Le contexte de réforme de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 invite à quelques brèves observations sur la qualité du budget du ministère qui, du côté de l'exécutif, sera vraisemblablement en charge de piloter cette indispensable rénovation de notre Constitution financière.

Votre rapporteur spécial rappelle d'abord que, malgré les rebudgétisations intervenues, il resterait près de 800 millions de francs de fonds de concours rattachés en exécution au budget du ministère en 2001. Il souhaite que ces fonds de concours soient évalués dès le projet de loi de finances initiale.

Etat récapitulatif des crédits de fonds de concours
du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie

(montant en crédits de paiement)

1999

2001

Dépenses ordinaires

Titre III - Moyens des services

Prévisions

Personnel

31-90

133.473.891

-

31-94

618.800.722

18.468.770

31-97

136.333.575

2.204.800

32-97

8.715.768

-

33-90

58.111.511

737.400

33-91

5.469.505.

-

33-92

304.538

-

Sous-total personnel

961.209.510

21.412.970

Fonctionnement

34-92

30.812.675

-

34-95

138.563.269

-

34-98

244.788.421

221.472.441

36-10

15.586.113

15.385.848

37-02

19.697.686

-

37-06

-

200.000

37-07

-

10.000

37-50

15.987.000

37-53

350.007

525.000

37-61

-

265.000.000

37-70

225.602.399

-

37-75

22.273.073

50.740.000

37-90

13.399.933

10.600.000

37-95

26.510.542

-

37-98

488.400.000

-

Sous-total fonctionnement

1.225.984.118

579.920.289

Sous-total Titre III

2.187.193.628

601.331.259

Titre IV - Interventions

44-03

-

0

44-42

1.427.799

-

44-95

-

52.000.000

44-97

-

10.000.000

Sous-Total Titre IV

1.427.799

62.000.000

Total Dépenses ordinaires

2.188.621.427

663.331.259

Dépenses en capital

Titre V - Investissements

57-90

316.923.752

95.250.000

Sous-total Titre V

316.923.752

97.250.000

Titre VI - Subventions d'investissement

64-00

-

3.000.000

64-92

-

25.000.000

Sous-total Titre VI

28.000.000

Total Dépenses en capital

316.923.752

125.250.000

Total budget

2.505.545.179

788.581.259

Il faut également souligner que les documents budgétaires ne permettent pas d'apprécier le coût budgétaire des différentes missions assurées par le ministère. A l'heure où la réforme de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 s'oriente vers le regroupement des crédits par objectif, cette constatation est inquiétante.

En effet, alors même que les agrégats récapitulés dans le " bleu " restent des agrégats " organiques " et sont donc très éloignés des " programmes " par mission que l'on souhaite promouvoir, la répartition des crédits proposée dans le projet de budget pour 2001 ne parvient même pas à affecter à chaque direction générale ses propres moyens.

A fortiori , les coûts complets des missions sont hors d'atteinte.

Enfin, la présentation des moyens reste lacunaire. Plusieurs éléments l'illustrent. Les informations relatives aux effectifs ne permettent pas, on l'a vu, d'évaluer l'impact budgétaire des repyramidages en cours et aucune donnée physique satisfaisante ne vient éclairer sur le positionnement géographique ou fonctionnel des effectifs réels. Les crédits d'informatique et de formation ne sont pas identifiables alors qu'il s'agit de deux axes essentiels de la " réforme-modernisation " du ministère. Des évolutions considérables portent sur certains crédits sans nulle explication. Il en va ainsi des crédits prévus pour rémunérer les prestations de la Banque de France qui, passant de 809 à 932 millions de francs, progressent de plus de 15 % sans qu'aucune justification ne soit apportée.

Enfin, les indicateurs de performances sont le plus souvent insuffisants.

* 4 Rapport particulier consacré à la fonction publique de l'Etat. Décembre 1999.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page