D. UNE AMBITION ÉTEINTE : LA RÉFORME DE L'ADMINISTRATION DU MINISTÈRE DE L'EDUCATION NATIONALE

1. La lutte contre la mal-administration de l'Education nationale n'est plus un objectif du gouvernement

Votre rapporteur s'inquiète de la faible participation du ministère de l'Education nationale aux réflexions interministérielles en cours sur la simplification du fonctionnement de l'administration.

Par exemple, il semble que le ministère de l'Education nationale n'ait pas été associé, ou n'ait pas vraiment pris la mesure des conséquences du remplacement des justificatifs de domicile par une déclaration sur l'honneur annoncée le 12 octobre 2000 par le ministre de la Fonction publique, M. Michel Sapin.

Cette idée risque en effet de conduire à des fraudes massives à la carte scolaire, notamment lorsque les établissements sont aussi géographiquement proches qu'hétérogènes en niveau, ce qui est le cas en Ile-de-France.

Plus généralement, votre rapporteur s'étonne que l'objectif d'une amélioration du fonctionnement de l'administration de l'Education nationale ait soudainement disparu des discours ministériels.

La quasi totalité des rapports relatifs à l'Education nationale, tant externes, qu'internes, soulignent pourtant la mal-administration de l'Education nationale : processus de décision inadapté conduisant à une " carte des formations " (l'offre d'options, de classes préparatoires et de sections de BTS) aussi surdimensionnée qu'inéquitable ; réforme de la carte scolaire de manière aussi marginale que peu transparente ; calendrier et organisation des examens et concours peu coordonnées et peu rationnels, etc.

D'ailleurs, comme le reconnaît le ministère de l'Education nationale en réponse aux questions de votre rapporteur, " les rapports de l'inspection générale de l'administration de l'éducation nationale (IGAEN) font en général l'objet d'analyses qui restent cependant insuffisamment exploitées ".

L'IGAEN conclut d'ailleurs ainsi l'enquête destinée à mesurer l'impact de ces préconisations : " le bilan qu'il est possible de tirer est dans l'ensemble peu favorable. Un sur cinq des rapports de contrôle, d'évaluation ou de conseil a été suivi d'effets correspondant globalement aux préconisations de l'inspection générale, un sur trois a été utilisé partiellement ".

Certains exemples montrent pourtant qu'une réelle volonté politique permet rapidement des progrès substantiels.

Par exemple, le pourcentage total d'heures d'enseignement non assurées par insuffisance de remplacement d'enseignants absents aurait diminué, selon les estimations du ministère, de 7,4% lors de l'année scolaire 1996-1997, à 5,9% lors de l'année scolaire 1998-1999. De même, le problème des absences non remplacées d'examinateurs aux épreuves orales du baccalauréat en Ile-de-France, qui avait déclenché un émoi médiatique en juin-juillet 1999, semble avoir été largement résolu.

2. Un exemple de mal-administration non traitée : les carences du dispositif médico-social en faveur des élèves

L'inspection générale des affaires sociales (IGAS) et l'inspection générale de l'administration de l'éducation nationale (IGAEN) ont rendu en février 1999 un rapport conjoint particulièrement alarmant relatif à l'organisation et au pilotage du dispositif médico-social en faveur des élèves.

Ce rapport soulignait notamment le " flou " des orientations ministérielles et " l'absence de vision d'ensemble de l'action médico-sociale " : le ministère " répond à l'urgence en traitant chaque problème au coup par coup ", et en publiant " une profusion de textes " formant un ensemble " peu lisible ", si bien que nombre de chefs d'établissement " confient qu'ils ont à peine le temps de lire ces textes jusqu'au bout, et rarement celui de s'interroger sur la suite qu'il convient de donner ". De même, le système produit une profusion de statistiques, mais " faute d'être exploitables, elles ne sont pas exploitées ".

Ce défaut de pilotage n'empêche par les personnels médico-sociaux (médecins, infirmiers, assistantes sociales, secrétaires médico-sociales) de se dévouer à leur tâche et de faire preuve preuve " d'initiatives foisonnantes ", mais, du coup, ces initiatives sont " fugaces ", peu évaluées, et les meilleures pratiques ne sont pas diffusées.

La mal-administration du dispositif conduit également à une " parcellisation des responsabilités " et à un défaut de coordination entre la sphère scolaire et le monde extra-scolaire, évidemment préjudiciable au suivi médico-social des élèves les plus en difficulté, ce phénomène étant d'ailleurs aggravé par la " désorganisation " des fonds sociaux.

Cette mal-administration se caractérise aussi par une gestion des ressources humaines chaotique - le rapport relève ainsi le cas de la nomination d'un infirmier dans un internat de jeunes filles, alors même que les hommes sont extrêmement minoritaires dans ce corps -, et par de fortes inégalités - le nombre d'élèves par infirmier pouvant varier de 1 à 15 -.

Enfin, le rapport concluait que " la répartition des moyens n'est pas toujours conforme à la réalité des besoins ".

En particulier, " l'affectation centralisée de moyens aux sites du plan contre la violence, qui bénéficiaient déjà d'effectifs renforcés, aboutit à priver les responsables locaux de la possibilité de rechercher une véritable adéquation des moyens aux besoins, et plus généralement, de leurs responsabilités. Certains établissements bénéficient ainsi de personnels dont la présence n'est pas indispensable alors que des zones sont entièrement dégarnies, ce qui confirme le caractère aléatoire de la couverture du territoire ".

Plus généralement, le système se caractérise par des chevauchements :

- " l'intervention croisée auprès des jeunes enfants scolarisés en maternelle de deux services de prévention (la Protection maternelle et infantile - PMI - et le Service de promotion de la santé en faveur des élèves) pose des problèmes de continuité et de collaboration " ;

- de même, " au collège et au lycée, les interventions des professionnels du service de promotion de la santé ne sont pas suffisamment coordonnées et peuvent se chevaucher ".

Inversement, le suivi des enfants est insuffisant à l'école primaire.

Cela provient d'une sous-allocation des moyens vers les écoles primaires, pour partie imputable à la réticence des personnels titulaires de se partager entre plusieurs établissements, notamment parce que l'administration rembourse médiocrement les frais de déplacement.

Il en résulte que les enfants sont médicalement peu pris en charge à l'école primaire, ou sont pris en charge par des personnels vacataires à temps partiel, dont le turn over est relativement élevé, ce qui ne facilite aucunement un suivi continu.

En outre, l'absence d'assistantes sociales constitue une entrave à une prise en charge globale. Enfin, le suivi des dépistages effectués à l'école maternelle " est entravé par la faiblesse du dispositif de retour sur information ".

Selon l'IGAS et l'IGAEN, ce suivi médical et social défaillant des enfants en difficulté nourrit les risques d'exclusion ultérieure du système scolaire.

Il est notamment regrettable que nombre de troubles ne puissent être dépistés et traités au moment où les enfants sont en pleine phase d'acquisition de la lecture et de l'écriture au cours préparatoire.

De ce diagnostic, le ministère de l'Education nationale n'a tiré, à ce jour, aucune conséquence réelle.

Les circulaires ou documents d'information relatives à des actions ponctuelles se sont multipliées, mais les circulaires relatives aux missions respectives des médecins et des infirmiers de l'Education nationale sont toujours attendues.

Surtout, les nouveaux emplois de médecins et d'infirmiers créés en l'an 2000 ont continué d'être alloués systématiquement aux établissements du second degré concernés par le plan contre la violence, contrairement aux préconisations précédentes.

En revanche, aucun renforcement du suivi médico-social à l'école n'a été mis en oeuvre à ce jour, et le ministère n'indique en réponse à votre rapporteur aucun projet de réforme en la matière.

Cet exemple démontre, s'il en était besoin, que le ministère conduit trop souvent une politique consistant à afficher des créations de postes sans se préoccuper le moins du monde de leur allocation optimale, ni de renforcer l'efficacité de l'action des personnels en place .

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