C. LES RÉFORMES ANNONCÉES APRÈS LE DÉPÔT DU PROJET DE LOI DE FINANCES

1. Le plan pluriannuel de recrutement et de créations d'emplois

Accédant au souhait des organisations syndicales, le nouveau ministre de l'Education nationale, M. Jack LANG, a annoncé le 15 novembre 2000 " un plan pluriannuel pour l'Education nationale ".

Il s'agit en fait de deux plans distincts :

• D'un côté, un plan de programmation des recrutements sur cinq ans (2001-2005), qui vise à répondre à la vague de départs à la retraite prévue pour la prochaine décennie, notamment pour les personnels enseignants (près de 40% des enseignants devraient partir à la retraite). Le ministère annonce ainsi que le nombre des postes mis aux concours d'enseignants devrait augmenter en cinq ans d'environ 30%  pour le premier degré, et d'environ 50% pour le second degré. En outre les postes mis aux concours pourraient augmenter de 46% pour les IATOSS et de 126% pour la filière sanitaire et sociale ;

• De l'autre côté, un plan pluriannuel de créations d'emplois , sur trois ans (2001-2003), dont les créations d'emplois annoncées dans le projet de loi de finances pour 2001 constituent de facto le premier volet.

Créations d'emplois annoncées
(hors stagiaires et résorption de surnombres)

ENSEIGNEMENT SCOLAIRE

Nature des mesures

Total emplois

2001

2002

2003

2001/2003

1 er degré

800

800

800

2.400

Créations nettes

800

800

800

2.400

2 nd degré

4.900

5.000

5.000

14.900

Créations nettes

900

1.000

1.000

2.900

Précarité

3.000

3.000

3.000

9.000

Transformation HSA

1.000

1.000

1.000

3.000

ATOS et MEDICO-SOCIAUX

1.675

1.500

1.500

1.500

Créations nettes

1.675

1.500

1.500

4.675

TOTAL POUR LE SCOLAIRE

7.375

7.300

7.300

21.975

Source : ministère de l'Education nationale

Le Gouvernement a ainsi annoncé la création de 33 200 emplois budgétaires sur la période 2001-2003, dont 27 600 pour l'enseignement scolaire et 5600 pour l'enseignement supérieur.

Rappelons, s'agissant de l'enseignement scolaire que près de la moitié de ces emplois - soit 12 838 - seront créés dès 2001. Ces emplois budgétaires se décomposent comme suit :

- 8 025 emplois pour le premier degré , dont 2 400 emplois nouveaux de professeurs des écoles et 5 625 emplois de stagiaires, alors que le premier degré n'avais connu aucune création d'emploi depuis 1993 ;

- 5 900 emplois nouveaux d'enseignants du second degré , soit, en trois ans, plus que la totalité des emplois créés dans ce secteur en huit ans, à une époque où les effectifs scolarisés dans les collèges et les lycées étaient en forte croissance. Cependant, plus de la moitié de ces emplois (3000) seront créés par transformation d'heures supplémentaires ;

- 9000 emplois créés par transformation de crédits de rémunération d'enseignants non titulaires, destinés à permettre la titularisation de professeurs contractuels ;

- enfin, 4 675 emplois d'ATOSS.

Si votre rapporteur se félicite de la résorption proposée de l'emploi précaire, ainsi que de la poursuite de la réduction du nombre d'enseignants payés sur crédits, notamment sur des crédits d'heures supplémentaires, il convient toutefois de noter l'écart entre les créations d'emplois budgétaires affichées et la progression réelle des effectifs d'enseignants en face des élèves.

En effet, si l'on ôte les créations d'emplois de stagiaires et les transformations d'heures supplémentaires, la progression réelle des effectifs d'enseignants ressort à 5300.

Ces plans appellent par ailleurs les observations suivantes :

- sur la forme, votre rapporteur ne peut que regretter que ce plan joue ainsi d'effets d'affichage , au risque de causer désillusions ou malentendus ;

- de même, votre rapporteur regrette que ce plan, qui engage fortement les finances publiques, ait été annoncé après l'examen du budget en commission : à l'avenir, la réforme de l'ordonnance organique de 1959 relative aux lois de finances pourrait remédier à ce type de situation en contraignant les ministères à inscrire leur projet de budget dans le cadre de programmes de gestion pluriannuels ;

- au fond, votre rapporteur se félicite de la mise en oeuvre d'un plan de programmation pluriannuel des recrutements . Cette mesure ne peut en effet que faciliter l'orientation des candidats aux différents concours, et favoriser l'attractivité des métiers de l'enseignement ;

- votre rapporteur regrette toutefois que cette percée de la gestion prévisionnelle au sein de l'administration ne s'accompagne pas d'une réflexion sur les modalités d'accès aux fonctions d'enseignement : pourquoi ne pas faciliter le décloisonnement des corps de la fonction publique de manière à permettre à d'autres fonctionnaires d'exercer, éventuellement au titre d'une mobilité, des fonctions d'enseignants ? Pourquoi ne pas envisager d'ouvrir l'enseignement du secondaire à des salariés du secteur privé, comme c'est déjà le cas pour l'enseignement supérieur ?

- plus généralement, votre rapporteur s'interroge sur la pertinence du plan de créations d'emplois. On peut en effet rappeler que les créations d'emplois annoncées, sauf celles de fonctionnaires stagiaires, ne trouvent leur justification ni dans le volume attendu des départs à la retraite, ni dans l'évolution prévisible du nombre des élèves. Dans le dossier de presse, le ministre souligne d'ailleurs, mais pour s'en féliciter, que ce plan de création d'emplois s'inscrit à contre  courant des choix effectués par les autres pays européens ;

- votre rapporteur s'interroge surtout sur les méthodes d'évaluation des besoins qui ont conduit aux chiffres annoncés. A titre d'exemple, on peut souligner qu'en réponse à la question n°24 de la commission des finances du Sénat, le ministère indiquait au mois d'octobre 2000, à partir d'estimations réalisées en 1999, que les besoins annuels moyens de recrutement d'enseignants titulaires d'ici à 2005 s'établissaient à 14 500 pour le premier degré et à 13 833 pour le second degré. Or les chiffres annoncés un mois plus tard par le ministère sont respectivement de 12 400 et de 17 600, soit respectivement -15% et +27% en un mois ! Ces variations montrent que les besoins de recrutement sont subjectifs, et dépendent fortement des objectifs fixés ;

- or, le ministère n'a publié ni hypothèses, ni objectifs. En fait, le plan pluriannuel de création d'emplois ne semble répondre qu'au seul objectif politique d'annoncer des créations d'emplois. En particulier, comme le soulignent les syndicats d'enseignants, ce plan ne comporte aucun contenu pédagogique : on recrute des enseignants, mais sans indiquer pour quoi faire ...

2. Le plan de revalorisation du rôle des chefs d'établissement de l'enseignement secondaire

A la suite notamment des réflexions consécutives au rapport remis en avril 1999 par le recteur BLANCHET, relatif à " la revalorisation du rôle des chefs d'établissement dans l'enseignement secondaire ", le ministre de l'Education nationale a signé le 16 novembre 2000 un protocole d'accord portant revalorisation du rôle des chefs d'établissement, c'est à dire qui vise plus précisément à :

- clarifier les missions et les responsabilités du chef d'établissement ;

- créer les conditions d'un pilotage et d'un fonctionnement efficace de l'établissement et de ses différentes instances, notamment en installant une nouvelle organisation de la gestion matérielle et financière pour alléger les tâches administratives du chef d'établissement ;

- développer l'évaluation par objectifs des chefs d'établissement ;

- enrichir et professionnaliser la formation initiale des personnels de direction ;

- faire évoluer progressivement le recrutement en abaissant l'âge maximum d'accès à 45 ans ;

- accroître la mobilité, qui sera rendue obligatoire à l'issue de 9 ans dans le même poste ;

- accroître la déconcentration académique ;

Parallèlement, la carrière des personnels de direction est financièrement revalorisée (revalorisation des indemnités, " repyramidage " du corps, etc.), pour un coût annuel d'environ 160 millions de francs d'ici 2004.

Enfin, les emplois de débouchés offerts sont élargis.

Au total, votre rapporteur se félicite de la plupart de ces orientations, notamment de l'amélioration de la formation, de l'évaluation et de la mobilité de ces personnels indispensables au bon fonctionnement des établissements locaux d'enseignement. Il était en effet parfois peu satisfaisant que certains personnels de direction demeurent 20, voire 25 ans dans le même établissement. De même, l'amélioration de la formation initiale et continue des personnels de direction pourrait permettre la diffusion de techniques modernes de management, comme la construction de tableaux de bord.

Néanmoins, ce protocole constitue à bien des égards une occasion manquée .

En premier lieu, le protocole ne prévoit d'ouvrir le recrutement des personnels de direction qu'à des fonctionnaires détachés, et dans la limite de 5% de chacun des niveaux d'entrée des corps concernés. Il était pourtant envisageable d'élargir ce recrutement à des cadres issus du secteur privé, au moins à titre expérimental.

En second lieu, la " clarification " annoncée des personnels de direction relève plutôt d'un compromis flou.

En effet, si le protocole confirme que le chef d'établissement " impulse et conduit une politique pédagogique et éducative ", il ne renforce aucunement le droit de regard et d'évaluation des personnels de direction sur le travail des enseignants, contrairement aux préconisations du rapport du recteur Monteil de 1999.

Par ailleurs, ce protocole tend à décharger les personnels de direction des tâches d'administration et de gestion, alors même que divers rapports de l'Inspection générale de l'administration de l'Education nationale (IGAEN) soulignaient déjà que les chefs d'établissement n'assumaient pas leurs responsabilités d'ordonnateur de manière satisfaisante, les engagements de dépense étant ainsi souvent signés par le gestionnaire sans contrôle et sans délégation de signature.

3. L'installation du Haut Conseil de l'évaluation de l'école

Le décret n°2000-1060 du 27 octobre 2000 a créé auprès du ministre de l'Education nationale un Haut Conseil de l'évaluation de l'école, composé de 35 membres nommés pour trois ans, dont un sénateur, un député, trois élus locaux désignés sur proposition des associations représentatives et des représentants respectifs des parents d'élèves, des élèves, des étudiants et des personnels de l'Education nationale, ainsi que douze personnalités qualifiées, dont actuellement deux experts étrangers.

Les missions assignées à ce Haut Conseil sont triples :

- l'expertise des évaluations produites et diffusées par le ministère et tous les organismes publics et privés ;

- la synthèse des enseignements des études et des recherches existantes ;

- la commande d'évaluations spécifiques.

Le Haut Conseil est ainsi invité à rendre public ses avis et ses recommandations, notamment au travers d'un rapport annuel, de manière à " intervenir dans le débat public pour favoriser une évaluation objective de l'école ".

Votre rapporteur se félicite du nouvel élan redonné à l'évaluation, et espère qu'il permettra effectivement de diffuser une culture de l'évaluation au sein du ministère de l'Education nationale.

En effet l'évaluation des politiques de l'éducation a récemment connu quelques vicissitudes, et les dépenses publiques d'éducation sont probablement aujourd'hui les dépenses publiques les moins évaluées, alors même que l'information statistique disponible est relativement abondante.

L'expérience du Haut Conseil de la santé publique ou du Conseil d'analyse économique montre toutefois que si de telles instances peuvent dynamiser, au moins temporairement, le débat public, elles ne sauraient se substituer à une véritable politique d'évaluation, notamment parce que leurs analyses s'essoufflent si elles ne s'appuient pas sur un flux suffisant d'études nouvelles.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page