2. La France enjeu et spectateur des grandes manoeuvres du secteur du tourisme

Le tourisme français moins concentré que ses concurrents et notamment que l'Allemagne. Cette situation le rend vulnérable à des prises de contrôle.

Après la prise de participation de deux groupes allemands dans Havas Voyage et Nouvelles Frontières, La secrétaire d'Etat au Tourisme a incité l'industrie française du tourisme à entamer une réflexion sur des possibilités de regroupement de grands groupes français de plus en plus distancés par leurs concurrents allemands.

Tandis que le tour-opérateur allemand C+N (Condor+Neckermann) détenu à 50/50 par Lufthansa et KarstadtQuelle a acquis en juin dernier le réseau d'agences, de voyages d'Havas Voyages, Preussag a conclu au début octobre un accord avec Nouvelles Frontières. Le groupe allemand a " une option " pour prendre le contrôle de Nouvelles Frontières (NF) après 2002 par l'acquisition par étapes, d'ici à 2002, d'une minorité de blocage de 34 % Le prix payé pour cette seule transaction, qui devrait se situer entre 127 et 178 millions d'euros. Il faut rappeler que par suite notamment de problèmes informatiques, Nouvelles Frontières, a en 1999 enregistré une perte nette de 36,7 millions de F (comparé à un bénéfice net de 36 millions de F sur l'exercice 1998) tout en ayant un chiffre d'affaires en croissance de 18 %, pour se monter 10,9 milliards de F.

Après l'intégration de Thomson Travel, le numéro un britannique du tourisme racheté en mai dernier, et Nouvelles Frontières en 2002, le groupe réalisera un chiffre d'affaires de 16 milliards d'euros dans le tourisme, avec 20 millions de clients. Il possédera 3. 600 agences de voyages en Europe, une flotte de 93 avions et près de 120. 000 hôtels. Preussag est présent dans presque tous les pays européens, de l'Espagne à la Finlande.

On note également dans l'autre sens que le britannique Scottish and Newcastle est entré "en discussion exclusive" avec le groupe français de résidences de tourisme Pierre et Vacances allié à l'allemand DB Capital Partners (filiale à 100 % de Deutsche Bank AG) en vue de la vente des 13 parcs de loisirs Center Parcs. Center Parcs a réalisé un chiffre d'affaires de 339,1 millions de livres en 1999/2000 (clos fin avril), en hausse de 8,3 % tandis que le bénéfice d'exploitation a progressé de 16,5 % à 58 millions de F. Des informations de presse britanniques avaient fait état ces dernières semaines d'un prix d'achat d'environ 700 millions de livres pour l'acquisition de Center Parcs.

Il n'en reste pas moins que globalement l'Allemagne ne cesse de renforcer sa domination sur le marché européen du tourisme avec l'entrée de ReWe à hauteur de 40 % dans le capital du ce qui fait du nouvel ensemble le troisième grand du secteur en Europe avec un chiffre d'affaires de quelque 7,52 milliards d'euros,

Il se place derrière le géant TUI (groupe Preussag) qui, avec le rachat du britannique Thomson Travel Group, dégagera un chiffre d'affaires de 12 milliards d'euros, et le voyagiste britannique Airtours mais devant C et N (Condor und Neckermann) dont le chiffre d'affaires est de 5,57 milliards d'euros.

Enfin, il faut noter que le Groupe Accor a renoncé pour l'instant au rachat de l'activité hôtelière du groupe Granada Compass regroupé autour de Forte évalué à près de 3 milliards de livres sterling.

Bref, la profession des voyagistes français très atomisée apparaît avec 300 opérateurs de toutes tailles vulnérable face aux ambitions allemandes, anglaises ou italiennes. Ainsi, outre Havas Voyages, et peut-être bientôt Nouvelles frontières, Look Voyages est désormais passé sous le contrôle du canadien Transat, et Marmara, voyagiste spécialiste de la Turquie, du britannique First Choice.

Seul le Club Méditerranée préserve un semblant d'indépendance, puisqu'aucun actionnaire n'y détient la majorité. Mais il apparaît largement sous l'influence de la famille Agnelli qui, par le biais de ses holdings Ifil et Exor, contrôle 20,4 % du capital et près de 30 % des droits de vote.

Les opérateurs français sont pour des raisons que l'on peut qualifier de culturelles défavorisés par rapport à leurs concurrents. Les groupes anglais et allemands partent avec un avantage considérable, purement climatique: leurs compatriotes sont obligés de mettre le cap au sud. Chaque année, 77 millions de voyages sont vendus en Allemagne et 40 millions en Angleterre. Avec un marché de seulement 20 millions de voyages, les opérateurs français sont loins derrière, ce qui affecte leur surface financière.

En définitive le marché se présente de la façon suivante. Gonflé par le rachat de Jet Tours en 1999, le Club Méditerranée, avec 9,7 milliards de F de chiffre d'affaires en 1999, et le numéro 2 Nouvelles Frontières (9,2 milliards de F) n'arrivent qu' à la huitième et neuvième place en Europe. Ils distancent un groupe d'opérateurs, constitué du toulousain Fram (2,6 milliards de F de chiffre d'affaires en 1999) et de Carlson Wagon-lit Travel (2,4 milliards de F), filiale du groupe Accor et de l'américain Carlson, de Look Voyages (1,6 milliard de F en 1999) et de Kuoni France (1,4 milliard de F en 1999). Derrière, une dizaine de " poids moyens ", dont Havas Voyages, avec 300 millions de F.

Certes, les agences indépendantes se sont regroupées en en réseaux à l'image de Sélectour ou de l'alliance constituée à la fin de 1999 par Afat Voyages, Manor et ATA, qui a donné naissance au premier réseau français (1 100 agences), mais cela sera-t-il suffisant pour permettre au secteur d'être à l'abri des appétits étrangers? Il faut rappeler la disproportion des forces en présence : Nouvelles Frontières est cinq fois plus petit que TUI (groupe Preussag) et trois fois plus petit que C+N. Et le numéro un européen Preussag a réalisé en 1999 un bénéfice quatre fois supérieur à celui des 150 premiers tour-opérateurs français réunis.

Bref, des regroupements sont donc à prévoir comme le laisse à penser l'entrée du groupe hôtelier Accor dans le secteur. Ce groupe, qui contrôle trois voyagistes (Accor, Frantour, Couleurs locales), et est partenaire de l'espagnol Mundicolor, a pris en avril une participation de 38,5 % dans le capital de GO Voyages, pourrait monter en puissance dans le secteur.

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