Rapport général n° 92 (2000-2001) de M. Hubert HAENEL , fait au nom de la commission des finances, déposé le 23 novembre 2000

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N° 92

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2000-2001

Annexe au procès verbal de la séance du 23 novembre 2000.

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur le projet de loi de finances pour 2001 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,

Par M. Philippe MARINI,

Sénateur,

Rapporteur général.

TOME III

LES MOYENS DES SERVICES ET LES DISPOSITIONS SPÉCIALES

(Deuxième partie de la loi de finances)

ANNEXE N° 32

JUSTICE

Rapporteur spécial : M. Hubert HAENEL

(1) Cette commission est composée de : MM. Alain Lambert, président ; Jacques Oudin, Claude Belot, Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Roland du Luart, Bernard Angels, André Vallet, vice-présidents ; Jacques-Richard Delong, Marc Massion, Michel Sergent, François Trucy, secrétaires ; Philippe Marini, rapporteur général ; Philippe Adnot, Denis Badré, René Ballayer, Jacques Baudot, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Gérard Braun, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Jean Clouet, Yvon Collin, Jean-Pierre Demerliat, Thierry Foucaud, Yann Gaillard, Hubert Haenel, Claude Haut, Alain Joyandet, Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, Michel Mercier, Gérard Miquel, Michel Moreigne, Joseph Ostermann, Jacques Pelletier, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Henri Torre, René Trégouët.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : 2585 , 2624 à 2629 et T.A. 570 .

Sénat : 91 (2000-2001).

Lois de finances.

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS

1. Un budget qui ne permettra pas d'appliquer dans de bonnes conditions les réformes introduites par la loi renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes

Ce projet de loi a été adopté définitivement par le Parlement le 30 mai dernier. Le Sénat a joué un rôle primordial dans l'amélioration de ce texte, notamment en instaurant le recours contre les décisions des cours d'assises et en étendant les attributions du juge des libertés et de la détention.

Le gouvernement a souhaité qu'un grand nombre de mesures entre en application dès le 1 er janvier 2001 : il s'agit de l'appel en matière criminelle ; la présence des avocats dès la première heure de la garde à vue ; l'exercice par le juge des libertés et de la détention des compétences actuellement exercées par le juge d'instruction pour le placement ou le maintien en détention provisoire ; les conditions du placement en détention provisoire ainsi que la jurictionnalisation de l'application des peines.

Votre rapporteur se félicite de cette décision. Toutefois, il regrette que le gouvernement ne se soit pas donné les moyens pour faire appliquer ces dispositions dans de bonnes conditions.

Ainsi, il a pu constater lors de ses nombreuses visites sur le terrain qu'aucune disposition n'avait été prise pour assurer la tenue des procès d'assises statuant en appel, soit par la construction de bâtiments, soit par la location de locaux. En conséquence, les audiences de cours d'assises auront lieu au détriment d'autres audiences dans certains endroits, comme par exemple celles relatives aux affaires correctionnelles.

Le Garde des Sceaux fait remarquer que cette réforme avait été anticipée au niveau des personnels par la création dans les lois de finances pour 1999 et 2000 de 108 postes de magistrats et de 108 postes de greffiers. En outre, le budget pour 2001 prévoirait la création de 75 magistrats et de 36 greffiers pour l'appel aux assises, 85 magistrats et 55 greffiers pour le respect des délais d'audiencement des procès criminels ainsi que 77 magistrats et 44 greffiers pour la juridictionnalisation de l'application des peines.

Votre rapporteur tient à relativiser ces chiffres. D'une part, les formations des magistrats et des greffiers durent respectivement 31 et 12 mois. Il existe donc un important décalage entre le moment où les postes sont créés et le moment où ils sont réellement pourvus. D'autre part, ces créations sont intervenues à une époque où les taux de vacance étaient très forts tandis que l'activité des juridictions augmentait : les postes créés ont donc servi à renforcer les effectifs des juridictions pour améliorer leur efficacité dans les activités traditionnelles. L'entrée en vigueur de la loi au 1 er janvier 2001 va donc entraîner, au moins dans un premier temps, un redéploiement des tâches à effectif constant dommageable pour le bon fonctionnement des juridictions.

2. Une prise en compte trop timide des conclusions de la commission d'enquête du Sénat sur les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires

Certes, le projet de budget pour 2001 prévoit la création de 530 emplois, dont 330 surveillants, mais les créations d'emplois administratifs restent notoirement insuffisantes ( 59 seulement) tandis que seulement trois emplois techniques sont créés.

Il convient de rappeler que lors de l'audition de Mme Martine Viallet, directrice de l'administration pénitentiaire par la commission d'enquête, celle-ci avait rappelé qu'une étude réalisée par un consultant extérieur achevée début 2000 avait conclu à une insuffisance de 582 postes dans les domaines administratifs et techniques (respectivement 272 et 310).

Par ailleurs, eu égard aux sommes nécessaires pour réhabiliter le parc pénitentiaire (évaluées à 13 milliards de francs au minimum), la commission d'enquête s'était prononcée pour le lancement d'une nouvelle loi de programme qui fixerait les objectifs à atteindre, les moyens financiers à y consacrer et permettrait de contrôler la bonne exécution du plan de réhabilitation. Le gouvernement semble opposé à une telle démarche et se contente de proposer l'adoption d'une loi pénitentiaire qui définirait les missions de l'administration pénitentiaire et contiendrait les dispositions relatives au statut du détenu et aux conditions générales de détention. Votre rapporteur estime que l'adoption d'une loi de programme est prioritaire. D'ailleurs, le décalage constaté entre l'augmentation croissante des crédits votés par le Parlement afin de réhabiliter, voire de reconstruire le parc pénitentiaire français, et les retards accumulés dans l'utilisation desdits crédits confirme la nécessité de voter une telle loi.

Votre rapporteur tient à rappeler qu'en 2000, pour le programme spécial de construction de nouveaux établissements, 754,7 millions de francs de crédits de paiements étaient ouverts, dont la moitié issue de reports de crédits non utilisés. Or, au 2 novembre dernier, seuls 43,4 millions de francs ont été dépensés !

3. La conséquence de la multiplication des réformes : une augmentation du budget en trompe l'oeil

Le Garde des Sceaux se félicite du nombre de postes créés depuis 1998 : 4481 en quatre ans. Pourtant, ce gonflement des effectifs n'a eu qu'une répercussion très limitée sur la durée moyenne de traitement des affaires, tandis que la productivité des juridictions mesurée en nombre de décisions par magistrat n'a pas connu d'amélioration sensible.

Ce décalage entre l'effort budgétaire réel et le relatif blocage du fonctionnement de la justice s'explique de plusieurs manières. D'abord, les gains de productivité enregistrés par les magistrats depuis près de 20 ans atteignent leur limite, tandis qu'une grande partie des postes créés n'ont pas encore été pourvus en raison de la durée de la scolarité.

Ensuite, la multiplication des réformes ne permet pas d'utiliser les postes créés pour résorber les retards accumulés dans le traitement des contentieux, tandis que les magistrats du Parquet sont appelés à exercer de plus en plus d'activités extra-juridictionnelles.

En conséquence, il existe un mécontentement croissant de la part des magistrats et des fonctionnaires de la justice qui, malgré les engagements de leurs ministres successifs, n'observent pas une amélioration de leurs conditions de travail.

A cet égard, votre rapporteur spécial tient à rappeler la nécessité d'accompagner tout projet de loi d'une étude sur l'impact financier de la réforme proposée. Dans son rapport sur les crédits pour la justice pour 1999, il avait proposé qu'à chaque fois que le Sénat est saisi d'un texte important dans le domaine de la justice, la commission des finances confie au rapporteur spécial soit l'examen attentif de l'étude d'impact s'il en existe une, soit l'élaboration d'une étude d'impact qui puisse éclairer le Sénat sur les sommes nécessaires pour financer la réforme examinée. Cette réforme reste d'actualité.

4. L'absence de réflexion sur l'aide juridictionnelle

L'aide juridictionnelle s'est fortement développée depuis la loi n ° 91-647 du 10 juillet 1991 et elle constitue désormais la principale ressource d'un nombre non négligeable d'avocats, ce qui n'est pas sans poser des difficultés quant à l'évolution de cette profession. Par ailleurs, le développement des tâches demandées aux avocats, qui doivent désormais être présents dès la première heure de la garde à vue, lors de la pose du bracelet électronique et dans les prisons, ainsi que l'inadaptation du mode de calcul de leurs prestations tendent à " gripper " le système de l'aide juridictionnelle et à créer des mécontentements au sein de la profession d'avocat.

Votre rapporteur regrette qu'aucune valorisation de l'unité de valeur ne soit intervenue cette année et demande qu'une réflexion d'ensemble soit engagée sur l'aide juridictionnelle afin que chaque avocat participe à la défense des " moins aisés " sans pour autant que cette tâche ne le pénalise financièrement.

5. L'enterrement de certaines réformes pourtant très attendues

Alors que la loi n ° 98-1163 relative à l'accès au droit et à la résolution amiable des conflits est promulguée depuis le 18 décembre 1998, certaines dispositions ne sont toujours pas entrées en vigueur faute de décret d'application. Il s'agit notamment de l'extension du domaine de l'aide juridictionnelle à la transaction avant la saisine d'une juridiction ainsi que de l'application des dispositions relatives à l'aide juridictionnelle, sans condition de ressources, aux personnes formulant une demande devant les juridictions des pensions militaires.

Par ailleurs, l'ancienne ministre de la justice, Madame Elisabeth Guigou, avait fait de la réforme de la carte judiciaire une priorité et avait créé une mission dans cet objectif. En trois ans, celle-ci a supprimé 36 tribunaux de commerce et il semble que le deuxième décret de suppression de certains tribunaux de commerce soit bloqué depuis plus de six mois. Par ailleurs, le chef de la mission en charge de la réforme de la carte judiciaire a été nommé récemment à la direction des services judiciaires sans être remplacé. Cette réforme n'apparaît donc plus urgence pour le gouvernement sans qu'il ait expliqué ce changement d'attitude...

La réforme de la carte judiciaire doit être précédée d'une réflexion d'envergure sur le rôle et la place de la justice dans la société, à condition de ne pas l'assimiler à une politique de réduction du nombre des juridictions. Lors de ses déplacements, votre rapporteur a pu constater que ce sont les petits tribunaux de grande instance qui rendent la justice la plus rapide et la plus humaine.

Par ailleurs, ces visites ont confirmé à votre rapporteur la nécessité d'une justice de proximité, accessible aux plus défavorisés. En effet, il s'est rendu compte que la paupérisation croissante d'une partie de la société française s'accompagnait d'une très faible mobilité. En effet, de nombreux justiciables ne disposent pas de leurs propres moyens de transports et vivent dans des régions enclavées, qui souffrent d'un manque de transports en commun. En conséquence, au lieu de vouloir supprimer les petits tribunaux d'instance, il faudrait étoffer leurs compétences et y multiplier les audiences. Votre rapporteur a eu écho de certaines initiatives locales intéressantes, comme la tenue de permanences dans l'enceinte du tribunal d'instance par des notaires ou des avocats, qui mériteraient d'être étendues à d'autres tribunaux. Il s'interroge également sur le développement d'activités relevant des maisons de justice et du droit dans certains tribunaux d'instance situés principalement en zone rurale.

6. La nécessité d'une loi de programmation judiciaire

Depuis 1998, le budget de la justice a augmenté de 4,2 milliards de francs et devrait atteindre en 2001 29 milliards de francs, soit une hausse de 17,8 %. Toutefois, en l'absence de loi de programmation, l'octroi de moyens nouveaux manque de visibilité puisque les objectifs à atteindre et les actions à financer ne sont pas définis clairement. En outre, le Parlement a plus de difficulté à contrôler l'exécution des dépenses en l'absence de mise en perspective des crédits votés avec les dépenses réellement financées.

Or, le budget de la justice continuera de croître les prochaines années en raison des besoins colossaux en matière d'équipement auxquels il doit faire face. Les commissions d'enquête du Sénat et de l'Assemblée nationale ont révélé l'état très délabré du parc pénitentiaire français. Le coût de sa réhabilitation a été évalué à plus de 13 milliards de francs. Des milliards de francs seront également nécessaires pour rénover et parfois reconstruire des palais de justice très vétustes, qui ne répondent plus aux normes d'hygiène et de sécurité et qui sont très souvent trop exigus. La construction d'un nouveau tribunal de grande instance à Paris est ainsi évaluée à plusieurs milliards de francs. Il apparaît donc indispensable que l'octroi des crédits nécessaires à la rénovation du parc immobilier de la Chancellerie soit planifié et que le Parlement puisse, à l'occasion de la discussion de cette loi, prendre position sur le programme pluriannuel d'équipement proposé.

CHAPITRE PREMIER :

LES PRINCIPALES CARACTÉRISTIQUES DU PROJET DE BUDGET POUR 2001

I. PRÉSENTATION GÉNÉRALE DES CRÉDITS

Les crédits demandés pour la justice pour 2001 progressent de 6,35 % (+ 1,734 milliard de francs) et atteignent 29,03 milliards de francs . Cette hausse intervient après une augmentation du budget de 3,9 % en 2000, 5,6 % en 1999 et de 4 % en 1998.

A structure constante, l'augmentation des crédits est seulement de 3,1 %. En effet, au titre du budget 2001, il est procédé au transfert, sur les budgets des ministères, de la part employeur des cotisations d'assurance maladie des fonctionnaires civils titulaires de l'Etat, précédemment inscrites au budget des charges communes, soit 885,9 millions de francs pour le budget de la justice.

La part du budget de la justice dans le budget de l'Etat progresse lentement, passant de 1,56 % en 1998 à 1,61 % en 1999, 1,62 % en 2000 et 1,63 % en 2001.

Selon la note de présentation du ministère de la justice, le budget 2001 est marqué par la volonté d'affecter les moyens nécessaires aux réformes entreprises, à savoir la réforme de la justice après la promulgation de la loi renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes, la réforme des tribunaux de commerce, la mise en oeuvre des décisions des conseils de sécurité intérieure du 8 juin 1998 et du 27 janvier 1999 et la réforme des services pénitentiaires.

Le tableau ci-après retrace l'évolution des crédits de 2000 à 2001.

Evolution des crédits de 2000 à 2001

(en millions de francs)

LF 2000

LF 2001

Variation 2000/2001 en %

Dépenses ordinaires

Dépenses en personnel

15.543,77

16.975,06

+ 9,2 %

Dépenses en fonctionnement

8.636,80

8.961,39

+ 3,75 %

Total dépenses titre III

24.180,57

25.936,45

+ 7,26 %

Interventions (titre IV)

1.793,47

1.755,93

- 2,09 %

Total dépenses

27.974,04

27.692,39

+ 6,61 %

Dépenses en capital

Titre V

AP

1.556,20

1.745,00

+ 12,13 %

CP

1.321,20

1.339,00

+ 1,35 %

Titre VI

AP

21,50

4,00

- 81,39 %

CP

4,00

2,00

- 50 %

Total dépenses en capital

AP

1.577,70

1.749,00

+ 10,86 %

CP

1.325,00

1.341,00

+ 1,19 %

Total général (DO + CP)

27.299,24

29.033,39

+ 6,35 %

II. LES GRANDS SECTEURS

Evolution des crédits répartis entre les cinq agrégats

(en millions de francs)

Crédits de paiement LFI 2000

Part relative

en %

CP

LFI 2001

Part relative en %

Augmentation 2000/2001 en %

Administration générale

3.671,77

13,4

3.813,82

13,1 %

+ 3,89 %

Services judiciaires

11.742,19

43,0

12.603,25

43,4 %

+ 7,33 %

Conseil d'Etat et juridictions administratives

841,66

3,1

887,63

3,06 %

+ 5,46

Services pénitentiaires

7.856,10

28,8

8.223,42

28,3 %

+ 4,67 %

Services de protection judiciaire de la jeunesse

3.179,43

11,7

3.505,26

12,07 %

+ 10,25 %

A. LES SERVICES DE L'ADMINISTRATION CENTRALE

Cet agrégat regroupe les moyens :

- de l'administration centrale du ministère, y compris les unités délocalisées à Nantes (Casier judiciaire national, bureau des pensions, centre d'exploitation statistique) ;

- des services communs destinés à soutenir, au plan local, l'action des services déconcentrés dans des domaines tels que l'informatique (centres de prestations régionaux), l'équipement (antennes régionales d'équipement) et les services sociaux ;

- de la commission nationale de l'informatique et des libertés ;

- de la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques ;

- pour les subventions des ordres de la Légion d'honneur et de la Libération ainsi que la recherche dans le domaine de la justice (budget civil de recherche et de développement technologique).

En 2001, les crédits de paiement alloués à l'administration générale progressent de près de 4 % pour atteindre 3,81 milliards de francs . Toutefois, cette augmentation est proportionnellement plus faible que la hausse générale des crédits du budget de la justice. C'est pourquoi leur part relative diminue par rapport à 2000 et passe de 13,4 % à 13,1 % de l'ensemble.

1. La hausse des effectifs

Les effectifs budgétaires de l'administration centrale s'élèvent à 1.802 emplois pour 2001, contre 1.780 en 2000. Le projet de budget pour 2001 prévoit 13 créations brutes inscrites dans le projet de loi de finances et 10 transferts d'emplois des services déconcentrés vers l'administration centrale, tandis qu'un emploi d'ingénieur est transféré sur le budget des services du Premier ministre. 22 emplois sont donc créés .

Il convient de remarquer que sur les 1.780 emplois comptabilisés de l'administration centrale en 2000, seuls 1.664 sont effectivement pourvus. 116 emplois sont donc vacants, qui sont largement compensés par les 465 mises à disposition d'emplois des services déconcentrés au profit de l'administration centrale.

Une dotation de 2 millions de francs est de nouveau inscrite pour revaloriser les primes des agents de catégorie A et de catégorie B. En outre, 88 emplois d'agents administratifs de 2 ème classe sont transformés en adjoints administratifs.

Au total, les moyens en personnel augmentent de 123 millions de francs (dont 22,6 millions de francs de transfert au titre des cotisations patronales d'assurance maladie) pour s'élever à 3,305 milliards de francs .

2. Des moyens matériels en augmentation

Les moyens de fonctionnement sont en augmentation de 3 % par rapport à 2000 et s'élèvent à 496,8 millions de francs . Toutefois, cette hausse cache des évolutions contrastées.

Les crédits " informatique " sont constants (154,3 millions de francs pour 2001 contre 154,9 millions de francs en 2000).

En revanche, les subventions de fonctionnement sont en hausse.

Ainsi, les subventions de fonctionnement pour l'Ordre de la Libération et la Légion d'honneur augmentent respectivement de 500.000 francs et de 2,1 millions de francs.

En outre, en vue des élections municipales, les crédits du chapitre 37-61 ( Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, dépenses relatives aux élections) passent de 1,4 million de francs en 2000 à 7,5 millions de francs en 2001.

De même, les dépenses de fonctionnement de la commission nationale de l'informatique et des libertés augmentent de près de 2,6 millions de francs pour atteindre 13,1 millions de francs.

3. Des crédits d'équipement en hausse

Certes, le montant des autorisations de programme baisse puisque sont inscrits dans le projet de budget pour 2001, 2 millions de francs en autorisations de programme contre 5 millions de francs en 2000, mais les crédits de paiement passent de 3,5 millions de francs en 2000 à 6,7 millions de francs en 2001.

B. LES SERVICES JUDICIAIRES

Cet agrégat regroupe les moyens des juridictions de l'ordre judiciaire, du conseil supérieur de la magistrature, de l'école nationale de la magistrature et de l'école des greffes.

Les dotations couvrent non seulement les crédits en personnel et de fonctionnement, mais également les subventions aux associations oeuvrant dans le domaine judiciaire et au système de formation professionnelle des avocats, les subventions correspondant aux remboursements aux collectivités locales d'annuités d'emprunts pour des opérations d'équipement, les crédits relatifs à l'aide juridictionnelle, les crédits liés aux frais de justice et les crédits d'équipement consacrés à la modernisation et à l'extension du parc immobilier judiciaire.

Les crédits des services judiciaires progressent de 7,3 % et s'élèvent à 12,60 milliards de francs. Leur part relative dans le budget de la justice augmente légèrement et passe de 43 % à 43,4 %.

1. La poursuite de la hausse des effectifs

Dans le projet de loi de finances pour 2001, les crédits du titre III concernant le personnel augmentent de près de 610 millions de francs pour atteindre 6,588 milliards de francs. Toutefois, il convient de remarquer que 400,3 millions de francs correspondent au transfert des crédits de cotisations patronales du budget des charges communes vers le budget de la justice.

En 1998, 300 emplois avaient été créés dont 70 postes de magistrats et 230 emplois de fonctionnaires de justice.

En 1999, 140 emplois de magistrats et 230 emplois de fonctionnaires et de contractuels avaient été créés.

En 2000, 382 nouveaux emplois ont été créés, dont 212 magistrats, 155 fonctionnaires et 15 contractuels.

Le projet de budget pour 2001 prévoit la création de 525 nouveaux emplois, dont 307 magistrats et 218 fonctionnaires. En revanche, 8 emplois d'agents administratifs seront transférés des services judiciaires vers les services pénitentiaires au titre de la réforme des services d'insertion et de probation et 4 emplois de greffiers seront transférés vers l'administration centrale.

Votre rapporteur s'étonne de cette dernière décision dans la mesure où de nombreux postes de greffiers sont déjà inoccupés dans un nombre important de juridictions, fragilisant ainsi leur bon fonctionnement.

Le renforcement des effectifs des juridictions doit permettre de répondre à deux objectifs :

- la mise en oeuvre des réformes : ainsi, 327 emplois seront créés pour assurer la mise en oeuvre de la loi sur le renforcement de la protection de la présomption d'innocence et des droits des victimes (dont 237 magistrats et 135 fonctionnaires), tandis que 40 emplois de magistrats sont créés pour introduire la mixité dans les tribunaux de commerce .

- l'apport d'une réponse rapide et systématique à la délinquance des mineurs conformément aux décisions du conseil de sécurité intérieure. Ainsi , 25 emplois de magistrats et 25 postes de greffiers sont créés dans les tribunaux pour enfants.

Par ailleurs, 5 postes de magistrat sont créés à la Cour de cassation et les maisons de la justice et du droit bénéficieront de 30 emplois de fonctionnaires.

Le projet de budget pour 2001 prévoit également le recrutement de 200 assistants de justice supplémentaires dont le nombre total s'élèvera à 1250.

En vue de la réforme du statut de la magistrature, une nouvelle provision de 40 millions de francs est inscrite au chapitre 31-90 (rémunérations des personnels). Les deux premières provisions (38 millions de francs inscrits en 1999 et 2000) seront utilisées pour repyramider le corps des magistrats dans la perspective de la future réforme. Ainsi, 416 emplois du 2 ème grade seront transformés en emplois du 1 er grade 1 er groupe et 1 er grade 2 ème groupe.

En outre, 11,6 millions de francs sont inscrits au titre des transformations d'emplois offrant des perspectives d'avancement à 1077 agents essentiellement de catégorie C.

2. Des moyens de fonctionnement en progression

Le chapitre 37-92 (moyens de fonctionnement et de formation) regroupe les moyens de fonctionnement de l'ensemble des catégories de juridictions ainsi que des crédits affectés à des dépenses de nature diverse (fonctionnement, travaux courants d'entretien immobilier, véhicules, modernisation, informatique déconcentrée, frais de déplacement).

Pour 2001, ces crédits augmentent de près de 2,9 % par rapport à ceux pour 2000 (dont près de 48 millions de francs de mesures nouvelles) et s'élèvent à 1,37 milliard de francs .

Cette hausse des crédits est destinée à financer principalement la mise en oeuvre des réformes en matière pénale (11,8 millions de francs) et la mise en service de nouveaux bâtiments judiciaires ainsi que la maintenance des locaux (28 millions de francs). En outre, 5,5 millions de francs sont prévus pour la création de 30 nouveaux conseils départementaux d'accès au droit.

Les crédits de l'Ecole nationale de la magistrature (chapitre 36-10) sont également en hausse puisqu'ils passent de 185,6 millions de francs à 199,6 millions de francs. Cette dotation de 14 millions de francs se décompose de la manière suivante :

- 2,7 millions de francs pour les moyens de fonctionnement ;

- 2,6 millions de francs pour la création de 8 emplois supplémentaires ;

- 8,8 millions de francs au titre d'une augmentation de postes d'auditeurs de justice.

Les frais de justice (chapitre 37-11) recouvrent principalement, au profit du traitement individuel de chaque affaire, les prestations matérielles et de services demandées par les magistrats ou requises par les procédures.

Ils représenteront en 2001 1,84 milliard de francs, soit une diminution de 39,6 millions de francs (- 2,1 %) par rapport à 2000. Il s'agit d'une véritable rupture puisque ces derniers connaissaient une forte croissance depuis quelques années :

1996 : + 7,6 %

1997 : + 7,8 %

1998 : + 8,4 %

1999 : + 6,4 %

Pour l'année 2001, 197 millions de francs d'économie sont prévus grâce à la poursuite de la politique de maîtrise des frais de justice. Au contraire :

- 30 millions de francs doivent financer l'indemnisation des personnes ayant bénéficié de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement ;

- 127 millions de francs sont prévus au titre de la loi renforçant la présomption d'innocence dont 30 millions de francs pour l'institution d'un appel en matière criminelle et l'indemnisation des jurés, 15 millions de francs au titre des mesures d'investigation sur les conséquences de l'infraction sur les victimes et 73,3 millions de francs pour l'indemnisation des jurés dans le cadre de la résorption du stock des affaires criminelles.

Il convient de rappeler que la Chancellerie a mis en place depuis 1996 un suivi de la dépense des frais de justice tant au niveau de l'administration centrale qu'au niveau déconcentré.

Ce suivi repose sur la transmission par chaque cour d'appel, à périodicité semestrielle, des informations relatives aux dépenses correspondant à la consolidation semestrielle des paiements, effectuées par les régies des juridictions de son ressort.

La mise en place de ce dispositif de suivi au sein de chaque cour d'appel prend appui sur le service administratif régional et un réseau de fonctionnaires de greffe correspondants de ce service et référents en matière de frais de justice dans chaque arrondissement judiciaire.

Parallèlement, la Chancellerie suit l'évolution de la dépense au niveau national, par nature de frais, sur la base des données communiquées mensuellement par l'agence comptable centrale du Trésor.

Ce suivi permet une connaissance fine de l'évolution de la dépense de frais de justice au sein de chaque ressort de cour d'appel et au niveau national et permet d'analyser, au niveau global, les facteurs d'évolution de la dépense.

En revanche, il ne permet pas de disposer d'une comptabilité analytique des frais de justice par cabinet d'instruction ou par affaire comme l'avait proposé l'année précédente votre rapporteur.

Selon la Chancellerie, dans certaines juridictions, un suivi de la dépense par cabinet d'instruction est opérationnel, mais ce suivi ne permet pas d'identifier un coût par affaire. Sa finalité est de mesurer l'évolution de l'ensemble des dépenses au niveau d'un cabinet par rapport aux autres cabinets de la juridiction.

Il semblerait cependant que la Chancellerie réfléchirait à l'instauration d'une comptabilité analytique, mais cette réforme suppose que l'ensemble des régies soient préalablement informatisées.

Selon les informations obtenues par votre rapporteur, un logiciel a commencé à être expérimenté en octobre dernier dans quelques juridictions. Il devrait permettre de connaître l'ensemble des dépenses payées par les régies des juridictions et se rapportant à une procédure ou à un prescripteur donné.

Votre rapporteur soutient cette expérimentation et espère qu'elle sera étendue à l'ensemble des juridictions.

3. Des crédits d'intervention en baisse

Les crédits d'intervention diminuent de 2,9 % et passent de 1,73 milliard de francs en 2000 à 1,68 milliard de francs en 2001.

En réalité, cette baisse globale masque des évolutions très contrastées :

- les subventions pour les dépenses des juridictions de l'ordre judiciaire prévues au chapitre 41-11 diminuent de 54,1 millions de francs ;

- les subventions aux conseils départementaux d'accès au droit, aux associations d'aide aux victimes et de contrôle judiciaire et à la médiation pénale (chapitre 46-01) augmentent de 10 millions de francs.

Les crédits en faveur de l'aide juridique (chapitre 46-12) sont constants sous l'effet de deux mesures inverses :

- une économie de 102,7 millions de francs est prévue pour tenir compte

de la diminution des admissions à l'aide juridictionnelle ;

- deux mesures nouvelles d'un montant de 102,7 millions de francs sont prévues visant l'une à valoriser les plafonds de ressources pour l'admission à l'aide juridictionnelle (30 millions de francs) et l'autre à tenir compte de l'impact de la loi renforçant la présomption d'innocence et les droits des victimes (72,7 millions de francs).

4. Une augmentation des crédits en matière d'équipement sans portée concrète

Les autorisations de programme atteignent 585,5 millions de francs en 2001 contre 805 millions de francs en 2000 et diminuent donc de 23 %.

Les crédits de paiement pour l'équipement (chapitre 57-60), au contraire, s'élèvent à 836,1 millions de francs en 2001, contre 585,5 millions de francs en 2000, soit une hausse de 42,8 %.

Il convient cependant de remarquer que pour l'année 2000, 515,5 millions de francs de crédits de paiement étaient ouverts, dont 327,1 millions de francs de reports. Or, au 2 novembre 2000, seulement 195,4 millions de francs avaient été consommés, soit à peine 37,9 %.

Votre rapporteur s'inquiète de la lenteur des procédures en matière d'équipement. Certes, les responsabilités sont partagées. La Chancellerie fait remarquer que les appels d'offres infructueux se sont multipliés, le nombre des entreprises intéressées par la commande publique ayant régressé en raison de la reprise économique. En outre, le ministère de la justice se heurte à la pénurie et au renchérissement des terrains nécessaires à la construction, ainsi que du parc locatif auquel il est fait recours pour le relogement provisoire des services.

Il doit également se soumettre aux règles de passation des marchés publics et de la comptabilité publique, qui sont parfois très contraignantes. Toutefois, les délais entre le moment où la décision de construction d'un nouveau bâtiment est prise et le moment où ledit bâtiment est achevé sont excessifs puisqu'ils peuvent atteindre 15 ans.

En outre, les études préalables à la construction afin de prévoir la surface nécessaire sous-évaluent systématiquement l'évolution de l'activité des juridictions et ne tiennent pas compte de l'important décalage existant entre le moment où l'étude est réalisée et le moment où le bâtiment sera construit. En conséquence, les surfaces construites s'avèrent souvent insuffisantes dès l'achèvement du bâtiment.

A cet égard, la construction d'un nouveau tribunal de grande instance à Paris témoigne des lenteurs de la procédure dénoncées précédemment. La réponse au questionnaire budgétaire sur ce sujet est d'ailleurs éclairante.

" La réponse apportée l'an passé à la question relative aux besoins en équipement immobilier des juridictions parisiennes peut être reprise dans son intégralité en ce qui concerne la situation actuelle du Palais et les scénarios de relogement.

Il peut être confirmé par ailleurs que les hypothèses du schéma directeur restent d'actualité, à savoir la construction d'un nouveau tribunal de grande instance dans Paris intramuros.

Une consultation en vue de la désignation d'un prestataire pour analyser les avantages et les inconvénients de chaque site et indiquer les conditions techniques et urbanistiques de la faisabilité d'un tel projet a permis la désignation d'un groupement composé d'un architecte et d'un bureau d'études dans le courant du premier semestre 2000. ".

A la lecture de cette réponse, il apparaît que ce dossier a peu avancé en un an...

C. LES SERVICES PÉNITENTIAIRES

Cet agrégat regroupe l'ensemble des moyens permettant à l'administration pénitentiaire d'assurer l'exécution des décisions pénales, à savoir :

- la prise en charge, au sein des établissements pénitentiaires, des personnes en détention provisoire ou condamnées à une peine privative de liberté ;

- la prise en charge, par les services pénitentiaires d'insertion et de probation, des personnes relevant des actions de surveillance et d'assistance en milieu ouvert.

Les crédits des services pénitentiaires devraient atteindre 8,22 milliards de francs en 2001, en progression de 28,3 % par rapport à l'année dernière.

1. Une augmentation des crédits de personnel

Les crédits de personnel progressent de près de 10 % (soit 447 millions de francs) pour atteindre 4,9 milliards de francs . Toutefois, cette augmentation doit être relativisée puisqu'elle comprend également les 325,6 millions de francs transférés du budget des charges communes au budget de la justice relatifs aux cotisations patronales au titre du régime d'assurance maladie des personnels civils titulaires de l'Etat. L'augmentation réelle des crédits à structure constante s'élève à 121,7 millions de francs., soit + 2,7 %.

En 2001, 530 nouveaux emplois sont inscrits (386 avaient déjà été créés en 2000), dont :

- 330 emplois de surveillance 1 ( * ) ;

- 112 emplois de personnel d'insertion et de probation ;

- 59 emplois de personnel administratif ;

- 16 emplois de contractuel ;

- 10 emplois de personnel de direction ;

- 3 emplois de personnel technique.

Les crédits destinés à financer la création de ces 530 emplois s'élèvent à 98,96 millions de francs.

Ainsi, pour l'ouverture à la fin du second semestre 2002 des deux premiers établissements de Seysses et du Pontet, 215 emplois sont créés dont 189 personnels de surveillance, le solde des emplois nécessaires pour ces deux établissements étant fourni par redéploiement interne suite à la fermeture des maisons d'arrêt d'Avignon et de Toulouse.

Par ailleurs, le projet de budget pour 2001 prévoit le transfert de huit emplois de personnel administratif de catégorie C de la direction des services judiciaires à la direction pénitentiaire, ainsi que le transfert de deux emplois de services déconcentrés aux services centraux de cette direction.

Votre rapporteur tient à rappeler que l'administration pénitentiaire souffre structurellement d'un taux de vacances de postes élevé, comme l'indique le tableau ci-après.

Les effectifs du personnel pénitentiaire au 1 er janvier 2000

EFFECTIFS REELS 1.01.2000

TOTAL EFFECTIF BUDGÉTAIRE

MILIEU FERMÉ

MILIEU OUVERT

VACANCES (Réel - budgétaire)

Directeur des services pénitentiaires

363

311

- 58

Directeur des services pénitentiaires d'insertion et de probation

90

84*

Personnel administratif (y compris le personnel de service)

2.308

2.087

87

- 134

Personnel technique

675

631

- 44

Personnel socio-éducatif (personnel d'insertion et de probation, et assistants sociaux)

2.010

1.871 *

- 139

Personnel de surveillance

20.256

20.038

3

- 215

Contractuels (y compris professeurs)

166

131

6

- 29

Kinésithérapeuthe

0

5

+ 5

TOTAL

25.868

23.203

2.051 *

- 614

25.254

(*) Les personnels socio-éducatifs ont été comptabilisés par convention dans les effectifs du milieu ouvert dans la mesure où la réforme des services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP) a notamment pour mission de mutualiser les ressources entre le milieu ouvert et le milieu fermé. La comptabilisation de ces personnels s'opère donc par SPIP même si les fonctions s'exercent en établissement. Les DSPIP ont, suivant la même logique, été comptabilisés en milieu ouvert.

Ce tableau retrace la situation des effectifs budgétaires et réels au 1 er janvier 2000. Le nombre des effectifs disponibles est encore plus réduit puisqu'il correspond aux effectifs réels auxquels il faut déduire les différents congés, les absences liées à l'absentéisme, les décharges syndicales etc.

On constate qu'au 1 er janvier 2000, 614 vacances de postes -dont les créations d'emplois au titre de l'année 2000- sont recensées, auxquelles s'ajoutent au fil des mois de nombreux départs en retraite, notamment dans le personnel de surveillance pour lequel l'âge de la retraite a été abaissé de 60 à 55 ans. Pour l'année 2000, près de 1100 chefs de service pénitentiaire, premiers surveillants et surveillants devaient quitter leurs fonctions.

En 2001, le nombre des départs devrait s'élever à 700.

Le fonctionnement des services s'en trouve fortement perturbé.

Il convient de rappeler que les chiffres sur les vacances de postes présentés par la Chancellerie sont sous-évalués dans la mesure où ils ne tiennent pas compte des différents types de congé ni de l'absentéisme. A ce titre, 375.000 jours de travail ont été perdus en 1997, soit l'équivalent de 1.300 agents en équivalent temps plein.

L'Ecole nationale de l'administration pénitentiaire bénéficiera également de 15 postes supplémentaires.

Plusieurs mesures intéressant les personnels pénitentiaires sont prévues pour 2001.

D'abord, la réforme statutaire du corps des chefs de service pénitentiaire bénéficiera d'une provision de 4 millions de francs.

Par ailleurs, 8,4 millions de francs sont inscrits au budget 2001 pour introduire une partie modulable dans l'indemnité pour charges pénitentiaires.

2. Une progression des moyens matériels

Les crédits de fonctionnement augmentent de 3,1 % et s'élèvent à 2,8 milliards de francs . Ils sont répartis sur quatre chapitres :

- le chapitre 36-10 (Subvention de fonctionnement aux établissements publics et budgets annexes), qui comprend un nouvel article 51 : Ecole nationale de l'administration pénitentiaire. Etant donné que l'ENAP est transformée en établissement public au 1 er janvier 2001, elle va bénéficier d'une subvention de fonctionnement qui englobe des crédits de fonctionnement et de personnel qui s'élèvent à 132,8 millions de francs .

- le chapitre 34-05 (Dépenses d'informatique et de télématique), dont les crédits augmentent de 9,4 % par rapport à 2000 et s'élèvent à 52,68 millions de francs . Ils doivent financer les projets en cours de généralisation.

- le chapitre 37-23 (Services pénitentiaires, dépenses de santé des détenus), qui dispose de 450,7 millions de francs de crédits pour 2001, soit 10 millions de francs de moins qu'en 2000 en raison de la diminution attendue du nombre de détenus ;

- le chapitre 37-98 (Services pénitentiaires, moyens de fonctionnement et de formation) qui dispose de 2,161 milliards de francs en 2001, contre 2,198 milliards de francs en 2000, soit une diminution de 1,7 %.

En réalité, cette diminution est liée en grande partie à l'ajustement des crédits à la diminution attendue du nombre de détenus (- 29,2 millions de francs), à une non reconduction des crédits (- 26,3 millions de francs), au transfert de crédits de vacation des services pénitentiaires au chapitre 31-96 (- 48,9 millions de francs) et à la transformation de l'ENAP en établissement public, qui entraîne un changement d'imputation budgétaire (- 50,4 millions de francs).

Les services pénitentiaires bénéficient d'un autre côté de 116,8 millions de francs de mesures nouvelles , dont les plus importantes financièrement sont :

- 30 millions de francs pour la mise à niveau de la maintenance des établissements ;

- 20 millions de francs de revalorisation des rémunérations des détenus classés au service général ;

- 18 millions de francs pour la mise en oeuvre de la réforme des services d'insertion et de probation ;

- 13,3 millions de francs pour la prise en charge des escortes des détenus consultants médicaux ;

- 13 millions de francs pour l'amélioration de l'hygiène ;

- 5,5 millions de francs pour l'informatique ;

- 5 millions de francs pour la mise en place du bracelet électronique.

3. La poursuite du programme immobilier pénitentiaire... dans le budget

Pour 2001, les autorisations de programme atteignent 844 millions de francs , contre 613,8 millions de francs en 2000 et les crédits de paiement s'élèvent à 429,1 millions de francs , contre 599 millions de francs l'année précédente.

Les autorisations de programme obtenues dans le projet de budget pour 2001 se répartissent entre 500 millions de francs pour le programme de rénovation des cinq grands établissements (Fleury-Mérogis, les Baumettes, la Santé, Loos, Fresnes) et 340 millions de francs pour les autres opérations d'entretien des bâtiments et de rénovation du parc classique.

En outre, 4 millions de francs de subvention d'équipement sont prévus dont la moitié pour la sécurisation de chambres au sein des hôpitaux proches des établissements pénitentiaires et l'autre moitié pour subventionner le secteur associatif partenaire de l'administration pénitentiaire.

Il existe cependant un décalage entre l'augmentation croissante des crédits votés par le Parlement afin de réhabiliter, voire de reconstruire le parc pénitentiaire français, et les retards accumulés dans l'utilisation desdits crédits.

Ainsi, en 2000, pour le programme spécial de construction de nouveaux établissements, 754,7 millions de francs de crédits de paiements étaient ouverts, dont la moitié issue de reports de crédits non utilisés. Or, au 2 novembre dernier, seuls 43,4 millions de francs ont été dépensés !

Dans une moindre mesure, sur les 443,9 millions de francs de crédits d'équipement ouverts en 2000 pour les services pénitentiaires hors programme spécial de construction, seuls 199 millions de francs avaient été consommés au 2 novembre dernier.

D. LES SERVICES DE LA PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE

Les crédits des services de la protection judiciaire de la jeunesse dans le projet de budget 2001 enregistrent une augmentation de 10,2 % pour atteindre 3,5 milliards de francs en crédits de paiement .

Cette forte croissance des crédits à la disposition de la protection judiciaire de la jeunesse confirme la priorité donnée par le gouvernement au traitement de la délinquance juvénile.

1. La poursuite du renforcement des moyens en personnel

Les crédits affectés aux dépenses en personnel progressent de 10,7 % (+ 121 millions de francs) et s'élèvent à 1,25 milliard de francs.

380 emplois sont créés, comme en 2000, dont 230 sont des éducateurs ou des chefs de service éducatif . Par anticipation sur les créations d'emplois de 2002 pour la poursuite du plan décidé par le conseil de sécurité intérieure , le ministère de la justice est autorisé à recruter en surnombre 300 personnes supplémentaires .

En outre, les personnels bénéficieront de plusieurs mesures indemnitaires, pour un montant total de 17,8 millions de francs, soit un montant pratiquement doublé par rapport à celui de l'année dernière .

2. La confirmation de la hausse des dépenses de fonctionnement

Les crédits affectés aux dépenses de fonctionnement s'élèvent à 2,01 milliards de francs, en progression de 9,6 %.

Ces crédits sont répartis entre le secteur public et le secteur associatif.

Les jeunes pris en charge par le secteur public sont majoritairement des mineurs délinquants (environ 65 % des prises en charge).

Les jeunes pris en charge par le secteur associatif financé par les budgets des départements sont surtout des mineurs en danger. Les prises en charge des mesures de protection judiciaire de la jeunesse dans le secteur associatif financées par le budget du ministère de la justice concernent essentiellement des jeunes majeurs en difficulté et, par ailleurs, des mineurs délinquants.

Les crédits destinés au secteur associatif sont regroupés dans le chapitre 37-33 (Prestations effectuées par le secteur habilité ou conventionné).

Ces crédits augmentent de 10,2 % (soit 42 millions de francs au titre des mesures nouvelles et 108,7 millions de francs au titre des mesures acquises) et s'élèvent à 1,62 milliard de francs. Ils serviront à financer la prise en charge des mineurs délinquants aussi bien dans les centres éducatifs renforcés qu'en dehors de ces structures, les mesures de réparation pénale ainsi que le développement des mesures d'investigation et d'orientation éducative.

Par ailleurs, le secteur public disposera de 30,8 millions de francs regroupés dans le chapitre 34-34 pour, notamment :

- créer 9 centres de jour (2,7 millions de francs) ;

- programmer 15 centres de placement immédiat (9,75 millions de francs) ;

- tirer les conséquences de l'arrivée des personnels en aménageant de nouveaux bureaux, en acquiérant du matériel informatique etc....(5 millions de francs) ;

- engager des dépenses informatiques (9,35 millions de francs).

3. Les mesures en faveur de l'équipement

Le projet de loi de finances prévoit 100 millions de francs d'autorisations de programme en 2001 (comme en 2000) et 36 millions de francs de crédits de paiement (contre 77 millions de francs l'année dernière).

Les autorisations de programme permettront notamment de financer :

- les opérations immobilières engagées l'année précédente (32 millions de francs) ;

- la création de cinq centres de placement immédiat (40 millions de francs) ;

- la création et l'adaptation de centres de jour (8 millions de francs);

- la mutualisation des directions régionales et départementales (5 millions de francs) ;

- la sécurité et l'entretien du patrimoine (10 millions de francs).

Ces chiffres doivent cependant être relativisés en raison de la très faible consommation des crédits d'équipement. Alors que 172,4 millions de francs de crédits de paiement étaient ouverts en 2000, au 2 novembre dernier, seuls 43,4 millions de francs avaient été réellement consommés.

E. LES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES

Le budget des juridictions administratives (le Conseil d'Etat, six cours administratives d'appel et trente-cinq tribunaux administratifs) devrait atteindre, en 2001, 887,6 millions de francs en crédits de paiement, soit une progression de 3,06 % par rapport à l'année dernière.

1. Une augmentation importante des moyens de fonctionnement

Les dépenses en personnel sont en hausse de 10,5 % et atteignent 700,6 millions de francs.

84 postes supplémentaires sont inscrits au projet de budget 2001 dont 41 emplois de magistrats et 43 emplois de fonctionnaires pour renforcer les tribunaux administratifs et les cours d'appel.

Le projet de budget pour 2001 comporte la transformation de 45 emplois d'agents administratifs en adjoints administratifs, qui constitue la première tranche d'un plan de transformations sur trois années.

Les crédits de fonctionnement sont en hausse de 2,5 % et s'élèvent à près de 152,2 millions de francs.

Les crédits informatiques (chapitre 34-05) bénéficient de 13,6 millions de francs de mesures nouvelles qui visent à financer la gestion du personnel (1 million de francs) ; le projet Skipper (2,5 millions de francs) ; la gestion financière (2 millions de francs) ; la migration word (11,1 millions de francs) et le projet Jason (2,7 millions de francs).

2. La poursuite des travaux d'équipement

Les crédits du titre V s'élèvent à 40 millions de francs en autorisations de programme en 2001 et à 33 millions de francs en crédits de paiement .

Les autorisations de programme sont destinées à financer les travaux de modernisation du Conseil d'Etat (8 millions de francs) et les travaux d'aménagement, de sécurité et d'extension dans les cours administratives d'appel et les tribunaux administratifs (32 millions de francs).

III. PRESENTATION DES ARTICLES RATTACHÉS AU PROJET DE LOI DE FINANCES

A. L'ARTICLE 61 : REVALORISATION DES PLAFONDS D'ADMISSION À L'AIDE JURIDICTIONNELLE

Conformément à la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle, cette dernière est attribuée aux personnes dont les ressources sont insuffisantes pour faire valoir leurs droits en justice.

Aux termes de la loi précitée, les plafonds de ressources à l'admission à l'aide juridictionnelle, dont les montants ont été initialement fixés, par la loi de finances pour 1993, à 4.400 francs pour l'aide totale et à 6.600 francs pour l'aide partielle, sont revalorisés chaque année comme la tranche la plus basse du barème de l'impôt sur le revenu.

Ainsi, au 1 er janvier 2000, le montant des plafonds d'admission à l'aide juridictionnelle a été fixé à :

- 4.965 francs par mois pour l'aide totale ;

- 7.449 francs par mois pour l'aide partielle.

Les demandes d'aide juridictionnelle sont passées de 780.634 en 1997 à 778.413 en 1998 et 783.130 en 1999. Après avoir connu une progression ininterrompue entre 1992 et 1997, les demandes d'admission semblent avoir atteint un palier depuis 1997.

En 1999, comme les années précédentes, les rejets ont progressé de 5 %. Le taux de rejet s'élève ainsi à 10 % pour 1999. Les rejets sont motivés majoritairement par des dépassements de ressources (55 % des motifs en 1999) ou par l'absence de pièces justificatives (27 % des motifs).

C'est la raison pour laquelle le gouvernement propose pour 2001 de relever de 3,1 % les plafonds de ressources, puis d'appliquer le dispositif d'indexation mentionné précédemment, à savoir un alignement sur l'évolution de la tranche la plus basse du barème de l'impôt sur le revenu (+1,1 %). L'augmentation globale est donc de 4,2 %.

Les plafonds pour 2001 seront les suivants :

- 5.175 francs pour l'aide totale ;

- 7.764 francs pour l'aide partielle.

Le coût de la mesure est évalué à 30 millions de francs inscrits sur le chapitre 46-12 " Aide juridique ". Elle devrait bénéficier à 16.000 personnes, faisant passer le nombre de bénéficiaires de l'aide juridictionnelle à 720.000.

B. ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS L'ARTICLE 61 : DEMANDE D'UN RAPPORT SUR LA RÉFORME DE L'AIDE JURIDICTIONNELLE

Le dispositif de l'aide juridictionnelle n'apparaît plus adapté 2 ( * ) . Les plafonds de ressources exigés pour bénéficier de celle-ci restent trop bas malgré leur réévaluation dans le projet de budget pour 2001. En conséquence, une partie des plus défavorisés reste exclue de ce dispositif et ne peut avoir accès au droit et à la justice.

Par ailleurs, l'unité de valeur qui sert de référence pour la rémunération de la prestation des avocats apparaît trop faible. Contrairement aux années précédentes, elle ne fait en outre l'objet d'aucune revalorisation pour l'année prochaine. Or, ce sujet est devenu particulièrement sensible du fait qu'un nombre croissant d'avocats reçoit une partie de sa rémunération dans le cadre de l'aide juridictionnelle pour une double raison : d'une part, les interventions des avocats susceptibles d'être rémunérées de la sorte se sont multipliées. D'autre part, la paupérisation d'une partie de la profession a conduit un nombre non négligeable d'avocats à se spécialiser dans les affaires dont les frais sont pris en charge par l'aide juridictionnelle.

Votre rapporteur aurait souhaité proposer une augmentation des crédits liés à l'aide juridictionnelle afin de revaloriser le montant de l'unité de valeur. Toutefois, l'article 40 de la Constitution rend irrecevables les amendements des membres du Parlement lorsque leur adoption aurait pour conséquence l'aggravation d'une charge publique.

Au-delà de l'augmentation de l'unité de valeur, il apparaît indispensable de s'interroger sur les dysfonctionnements actuel du dispositif d'aide juridictionnelle et de rechercher des pistes de réflexion sur les problématiques suivantes :

- la nécessité d'élargir l'accès au droit et à la justice aux plus démunis tout en contenant l'augmentation des crédits de l'aide juridictionnelle ;

- la volonté d'assurer aux avocats une rémunération conforme aux prestations qu'ils fournissent tout en réfléchissant sur l'évolution de la profession et en prenant une position claire sur la tendance à la " fonctionnarisation " d'une partie des avocats.

Tel est l'objet du présent article additionnel.

CHAPITRE II :

L'ÉVOLUTION DE L'ACTIVITÉ DES JURIDICTIONS

I. L'ÉVOLUTION DE L'ACTIVITÉ DES JURIDICTIONS

A. L'ACTIVITÉ JUDICIAIRE CIVILE

1. Les tribunaux de grande instance : une baisse de l'activité depuis 1997

Le nombre d'affaires civiles nouvelles dont sont saisies les tribunaux de grande instance a connu une hausse ininterrompue de 1990 (488.680) à 1996 (676.282), accélérée en 1993 et 1994 à la suite de la réforme du juge des affaires familiales, qui a transféré une masse importante de contentieux familiaux des tribunaux d'instance vers les tribunaux de grande instance, et à la suite de la réforme du juge de l'exécution, qui a généré de nouveaux contentieux de l'exécution.

En 1996, la progression des affaires nouvelles est seulement de 2 %. Rapportée à une activité non affectée par les grèves de décembre 1995, cette progression aurait été voisine de zéro.

En 1997, l'essentiel de la baisse des affaires nouvelles peut être imputé à l'entrée en vigueur du décret du 18 décembre 1996 portant réforme des procédures civiles d'exécution. A la suite de l'obligation faite aux justiciables de saisir le juge de l'exécution par assignation et non plus par simple requête, les tribunaux de grande instance ont été saisis d'environ 30000 procédures d'exécution de moins.

En 1998, la baisse des affaires nouvelles a atteint 2 %.

En 1999, le nombre d'affaires nouvelles portées devant les tribunaux de grande instance affiche une nouvelle baisse de 4,6 % par rapport à 1998 et s'élève à 605.721.

Cette baisse touche toutes les familles de contentieux.

En 1999, le niveau des affaires terminées (608.286) s'est établi un peu au-dessus de celui des affaires nouvelles, ce qui a permis aux tribunaux de grande instance de réduire légèrement le stock d'affaires en cours (- 2565).

Par ailleurs, la durée moyenne des affaires terminées en 1999 s'est établie à 9,1 mois. C'est la première fois depuis 1994 qu'elle diminue.

2. Les tribunaux d'instance : l'interruption de la baisse d'activité en 1999

De 1993 à 1995, les saisines des tribunaux d'instance en matière de contentieux civil général ont baissé d'environ 50.000 affaires par an, en raison principalement de la diminution du nombre des contentieux familiaux, transférés dans leur majorité vers les tribunaux de grande instance à la suite de la réforme instituant les juges des affaires familiales.

La diminution d'activité s'est ensuite ralentie en 1996 et en 1997. En 1998, le nombre d'affaires nouvelles devant les tribunaux d'instance a encore très faiblement diminué.

L'année 1999 se caractérise par l'interruption de cette tendance, en partie à cause du transfert modéré d'activité en provenance des tribunaux de grande instance suite au relèvement de 30.000 francs à 50.000 francs de leur seuil de compétence.

Toutefois, la nouvelle hausse doit être relativisée : depuis trois ans, le nombre des affaires nouvelles varie autour de 470.000 et l'augmentation observée entre 1998 et 1999 porte sur 1.491 affaires.

Le niveau des affaires terminées (457.440 en 1999) restant significativement en dessous de celui des affaires nouvelles (472.487 en 1999), le stock d'affaires restant à traiter au 31 décembre 1999 (environ 370.000 affaires) s'est accru mécaniquement par rapport à l'année précédente .

La durée moyenne des affaires terminées en 1999 par les tribunaux d'instance s'établit à 5,2 mois, chiffre voisin de 1998.

3. La baisse de l'activité des conseils de prud'hommes

Evolution de l'activité civile des conseils de prud'hommes

En 1996, le nombre d'affaires nouvelles (167.799) portées devant les conseils de prud'hommes était revenu à son niveau de 1994, après une année 1995 exceptionnellement basse en raison d'un déficit d'activité lié aux grèves.

Le nombre d'affaires nouvelles a légèrement augmenté en 1997 puis s'est fortement accru en 1998 pour s'élever à 191.892 suite à une action ponctuelle des syndicats d'employés de divers organismes de sécurité sociale qui ont déposé simultanément un grand nombre de réclamations.

En 1999, les conseils de prud'hommes ont enregistré une baisse du nombre des affaires nouvelles de 14% par rapport à 1998 pour atteindre 164.812, ce qui correspond à un retour à une situation sans événement perturbateur.

En outre, le fait que le niveau des saisines soit nettement en retrait par rapport à 1997 résulte vraisemblablement de la meilleure situation économique des entreprises.

Le nombre d'affaires terminées (171.374) étant plus élevé que celui des affaires nouvelles, le stock d'affaires en cours en 1999 a baissé pour la première fois depuis 1995 (- 6.562).

La durée moyenne des affaires terminées en 1999 s'établit à 10,3 mois. Cette durée traduit un allongement important par rapport à celle de 1998 (9,7 mois).

4. La baisse de l'activité des juridictions commerciales

Les juridictions commerciales ont rendu 142.051 jugements de fond en matière contentieuse en 1999, ce qui représente une diminution d'activité de 2,6 % par rapport à 1998.

Cette diminution d'activité prolonge une tendance installée depuis 1995.

Avec 10.535 jugements de fond, les tribunaux de grande instance à compétence commerciale ont représenté 7,4 % de l'activité.

La durée moyenne de traitement des affaires s'élève à 6 mois, soit une durée quasi identique à celle de 1998 (6,1 mois).

5. La baisse de l'activité des cours d'appel

Le nombre d'affaires portées en appel a crû régulièrement jusqu'en 1994, à un rythme soutenu compris entre 4 et 6 % par an. En 1995, cette tendance s'est infléchie pour la première fois, avant de diminuer légèrement en 1996.

En 1997 et 1998, le nombre des affaires nouvelles devant les cours d'appel a diminué respectivement de 2,3 et 1,7 % par an. Ce phénomène s'est accentué en 1999 avec une baisse de 5,1 %.

Cette diminution est essentiellement imputable à la baisse de l'activité des juridictions de première instance.

Les taux d'appel

Les taux d'appel varient fortement d'un type de juridiction à l'autre. En 1998, ils allaient de 6,1 % pour les décisions des tribunaux d'instance à 42,4 % pour les décisions des conseils de prud'hommes, en passant par 12,2 % pour les tribunaux de commerce et 15,6 % pour les tribunaux de grande instance.

Le taux d'appel brut des décisions au fond des tribunaux de grande instance est sous-évalué, car il prend en compte les affaires gracieuses qui ne font presque jamais l'objet d'un appel. Le taux d'appel des seules décisions contentieuses est de 18,2 %. Il existe par ailleurs des disparités entre les différents types de contentieux.

Ainsi, les décisions se rapportant à des affaires engageant des intérêts financiers (droit des affaires, droit de la responsabilité, droit des contrats et droit des biens et de la propriété) sont fréquemment frappées d'appel : le taux d'appel varie de 35 % à 47 %.

Au contraire, le taux d'appel des affaires du droit de la famille est seulement de 11 %.

En ce qui concerne les appels sur les décisions au fond des tribunaux d'instance , ils sont d'autant plus nombreux que des intérêts financiers sont en jeu. Il en est ainsi du droit des affaires, qui présente un taux d'appel supérieur à 21 %, qui atteint même 69 % dans le domaine des baux commerciaux.

Par ailleurs, le caractère conflictuel des demandes traitées par les tribunaux d'instance en matière de droit de la famille (par exemple les demandes d'obligation alimentaire) explique un taux d'appel relativement élevé.

Pour les décisions au fond des conseils de prud'hommes , il convient de distinguer les décisions susceptibles d'appel et les décisions prononcées en dernier ressort. Le taux d'appel est alors de 57,6 %.

Les demandes liées à la contestation de la rupture de contrat de travail représentent 57 % des litiges traités par cette juridiction. Le taux d'appel de ce contentieux s'élève donc à 74,2 % et progresse depuis 1996.

Les taux d'appel des autres contentieux liés au contrat de travail sont également élevés, mais ils présentent une tendance à la baisse. Les demandes d'indemnités pour rupture de contrat ont un taux d'appel qui est passé de 54,2 % en 1997 à 49,2 % en 1998 ; les demandes en paiement d'un élément de rémunération ont un taux d'appel stabilisé à 31 % tandis que celui des contestations du motif économique du licenciement s'élève à 46,8 %.

Pour la première fois depuis 1990, le niveau des affaires terminées s'est établi bien en dessous de celui des affaires nouvelles. Le stock d'affaires en cours a donc diminué de près de 10.000 affaires par rapport à l'année précédente.

Pour autant, la durée moyenne de traitement des affaires s'est élevée en 1999 à 18,1 mois, en légère augmentation par rapport à l'année précédente. L'allongement global semble être en partie imputable aux cours d'appel qui étaient déjà le plus en difficulté en 1998. Ainsi, la durée moyenne de traitement des affaires à la cour d'appel d'Aix-en-Provence est passée de 25 mois en 1998 à 30 mois en 1999, tandis que les cours d'appel de Reims et de Bordeaux voyaient leur délai s'allonger respectivement de 19 à 22 mois et de 20 à 23 mois.

6. La baisse de l'activité de la Cour de cassation

L'évolution du nombre des affaires nouvelles présentées devant la Cour de cassation est très irrégulière. Après avoir augmenté de 9,7 % en 1998, en 1999, une baisse de 8,4 % a été observée : le nombre d'affaires nouvelle s'élève donc à 20.000. Le nombre des affaires terminées est au contraire resté pratiquement stable par rapport à 1998 (19.700 affaires terminées contre 19.815 en 1998).

Toutefois, selon un rapport de la Cour de cassation du 27 avril 2000, le nombre d'affaires en cours de jugement était de 36.502 au 1 er avril 2000, contre 35.784 à la même date en 1999, soit une augmentation de 2 %. Rapportée au nombre d'affaires terminées au cours de l'année 1999 (19.758), cette quantité d'affaires en attente correspond à 20,3 mois d'activité de la cour. Il en résulte que la durée moyenne de traitement d'une affaire civile est de 2 ans, 1 mois et 13 jours .

B. L'ACTIVITÉ JUDICIAIRE PÉNALE

1. La légère hausse de l'activité des tribunaux correctionnels

L'évolution de l'activité des tribunaux correctionnels depuis dix ans est très contrastée. Après avoir connu une baisse de 1993 à 1995, le nombre des affaires nouvelles a augmenté jusqu'en 1997. En 1998, il a diminué de 3,7 %, mais a légèrement augmenté de 0,3 % en 1999 pour atteindre 463.752 affaires.

2. La hausse de l'activité des tribunaux de police

Alors que le nombre d'affaires poursuivies devant les tribunaux de police diminuait depuis près de dix ans, l'année 1999 se caractérise par une forte hausse (+ 13 %) pour atteindre 684.346, liée au développement des contraventions de cinquième classe suite à la création de l'infraction de grand excès de vitesse.

Après une baisse ininterrompue depuis 1992, le nombre des affaires traitées augmente également, mais dans une moindre proportion (+ 1,3 %).

3. La poursuite de la hausse de l'activité des cours d'assises

Depuis 1996, le nombre d'affaires nouvelles devant les cours d'assise n'a cessé d'augmenter.

En 1999, les cours d'assises ont rendu 3.681 arrêts, soit une progression de 5,7 % par rapport à 1998.

Il convient de remarquer que les cours d'assise ont prononcé leurs arrêts en moyenne plus de quatre ans après les faits.

4. La stabilisation du stock des affaires des cours d'appel

Les chambres des appels correctionnels ont été saisies en 1999 de 49.292 affaires, ce qui constitue une légère baisse (- 0,6 %) par rapport à 1998.

Par ailleurs, le volume des affaires terminées (49.496) a progressé de 2,2 %. Il s'est établi pratiquement au même niveau que celui des affaires nouvelles ; en conséquence, le stock d'affaires en cours a cessé de progresser pour la première fois depuis 1995. Il représente cependant plus de six mois d'activité.

Les chambres d'accusation ont rendu 32.999 arrêts, soit 3,5 % de moins qu'en 1998.

5. L'activité pénale de la Cour de cassation

Evolution des activités pénales des cours d'appel

Le nombre des affaires nouvelles a diminué de 0,3 % en 1999 et s'élève à 8.157. Toutefois, il reste à un niveau élevé puisqu'il avait augmenté de 22,1 % en 1998 pour atteindre 8.180 affaires nouvelles contre 6.700 en 1997.

Pour la troisième année consécutive, le nombre de décision rendues progresse (+ 19,5 % en 1997, + 9,8 % en 1998 et + 27 % en 1999). 9.313 décisions ont été rendues en 1999, permettant ainsi de réduire légèrement le stock d'affaires.

C. LES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES

1. Les tribunaux administratifs : une réduction du rythme d'augmentation du stock d'affaires

Evolution de l'activité des tribunaux administratifs

Le nombre d'affaires nouvelles enregistrées chaque année a augmenté de 60 % entre 1990 et 1999, soit une moyenne de près de 8 % par an. Si le nombre net des entrées a décru de 5,2 % par rapport à 1998, pour atteindre 117.429 affaires nouvelles, cette baisse doit être relativisée. En effet, le nombre de requêtes enregistrées en 1998 a été majoré par les quelques 20.000 affaires liées à l'opération de régularisation des titres de séjour des étrangers.

Sur la même période, le nombre annuel d'affaires traitées a augmenté de 92 %, soit + 10,22 % par an, grâce au renforcement des effectifs et à l'amélioration de la productivité. Toutefois, le rapport affaires traitées/ affaires enregistrées n'ayant jamais atteint 100 %, les stocks continuent d'augmenter, bien que le rythme de la hausse se soit réduit.

2. Les cours administratives d'appel : l'explosion du nombre d'affaires en attente de jugement

Evolution de l'activité des cours administratives d'appel

Depuis 1992, les cours administratives d'appel ont connu, du fait du transfert échelonné de l'appel des recours pour excès de pouvoir, qui s'est achevé en 1995, une progression des entrées sans précédent. Si l'accroissement du nombre annuel d'entrées avait connu un fléchissement sensible en 1997 (+ 3 % contre + 34 % en 1996), il a repris à un rythme soutenu en 1998 (+ 15 %) et en 1999 (+ 12 %).

Parallèlement, le nombre d'affaires jugées a été multiplié par 2 entre 1992 et 1999. Le rapport affaires traitées/ affaires enregistrées, qui était de 112 % en 1991, a baissé progressivement pour arriver à 52 % en 1996, puis a commencé à se redresser depuis 1997 pour atteindre 64 % en 1998 et 71% en 1999.

Cette amélioration s'explique par la création de la cour administrative d'appel de Marseille en septembre 1997, le renforcement des effectifs des autres cours et l'augmentation de la productivité.

Il n'en reste pas moins qu'aujourd'hui, aucune cour n'arrive à juger le même nombre d'affaires qu'elle enregistre dans l'année. En conséquence, les stocks continuent de croître. Ils ont été multipliés par 5 entre 1992 et 1999 et le délai théorique d'élimination de ce stock se situe légèrement en dessous de trois ans.

3. Le Conseil d'Etat : une nouvelle augmentation du nombre d'affaires en attente ?

Evolution de l'activité du Conseil d'Etat

Depuis 10 ans, le volume des affaires enregistrées devant le Conseil d'Etat a connu une évolution contrastée. Après avoir augmenté de 1990 à 1992, il a diminué de manière irrégulière jusqu'en 1997 pour atteindre 7.193. Depuis cette date, il connaît une augmentation rapide : + 17 % en 1998 et + 46 % en 1999 en raison de la hausse d'une part des contentieux des visas, qu'il connaît en premier ressort, et, d'autre part, de celui des reconduites à la frontière, dont il est juge d'appel. En 1999, le nombre d'affaires nouvelles s'élevait à 12.330.

Entre 1990 et 1999, le volume des affaires jugées a progressé de 19 %, ce qui a permis de faire régulièrement baissé le délai théorique d'élimination du stock de 2 ans trois mois à 11 mois. En 1999 cependant, on enregistre un déficit des sorties par rapport aux entrées pour environ 1.300 affaires. Le stock d'affaires en attente est de 10.067.

II. LES DISPOSITIONS PRISES POUR MAÎTRISER LES FLUX ET RÉSORBER LES STOCKS

A. LE RENFORCEMENT DES EFFECTIFS ET LE DÉVELOPPEMENT DES MAGISTRATS PLACÉS

Afin de lutter efficacement contre les délais de contentieux excessifs, il est apparu indispensable de renforcer les effectifs de magistrats.

Plusieurs mesures ont été prises dans ce sens.

D'abord, le nombre de postes offerts au concours d'entrée à l'Ecole nationale a été augmenté puisqu'il a été porté de 145 en 1997 à 185 en 1998 et 1999 puis 190 en 2000.

Par ailleurs, la loi n ° 98-105 du 24 février 1998 a autorisé, pour chacune des années 1998 et 1999, le recrutement par voie de concours exceptionnel de 100 magistrats :

- 50 magistrats du second grade des tribunaux de grande instance ;

- 40 conseillers de cour d'appel du second grade ;

- 10 conseillers de cour d'appel de premier grade.

Afin de soulager les cours d'appel les plus encombrées, le nombre de magistrats placés a également été renforcé puisque leur nombre est passé de 17 en 1987 à 165 en 2000, dont 51 substituts, 103 juges et 7 vice-présidents. Ils permettent aux chefs de cours de mieux gérer localement leurs effectifs en appréciant les contraintes des juridictions de leurs ressorts, ainsi que les charges de travail respectives de celles-ci.

En ce qui concerne les juridictions administratives, deux types de mesures ont permis d'améliorer le ratio affaires nouvelles / affaires traitées.

D'une part, les effectifs ont été renforcés. Ainsi, ils ont augmenté de 39 % de 1991 à 1999. Le nombre de magistrats affectés dans les tribunaux administratifs, qui s'élevait à environ 400 en 1989, est progressivement passé à 576 au 1 er janvier 2000 tandis que le nombre de magistrats affectés dans les cours administratives d'appel est passé peu à peu de 46 en 1989 à 144 au 1 er janvier 2000, sans tenir compte des sept conseillers d'Etat qui président les cours.

Il convient cependant de rappeler que, s'agissant des magistrats, sur les 180 créations d'emplois prévues par la loi de programme du 6 janvier 1995 relative à la justice , 75 l'ont été au titre des emplois dits temporaires.

En effet, l'objectif de cette loi de programme a été de proposer une solution pour résorber les stocks qui s'accumulaient, aussi bien dans la juridiction judiciaire, que dans la juridiction administrative. Pour ce faire, et pendant cinq ans, 15 postes par an ont été attribués aux juridictions administratives, pour une durée temporaire de cinq ans, soit un total de 75 postes qui, selon la loi de programme, ont vocation à être restitués au bout de cinq ans, c'est-à-dire depuis janvier 2000. C'est ce qui explique leur caractère de " postes temporaires " et qui a conduit à les pourvoir uniquement par la voie de détachement dans le corps.

Cette contrainte a d'ailleurs obligé à répartir ces postes dans les seuls tribunaux administratifs , puisque le détachement n'est pas possible dans les cours administratives d'appel, en raison de la règle d'exercice préalable de quatre années de fonctions juridictionnelles, avant une affectation en cour.

La logique de cette mesure, qui visait la résorption des stocks, a aussi justifié que la répartition de ces postes temporaires s'est faite essentiellement en fonction du critère de l'évolution des stocks, l'importance du stock dans un tribunal administratif justifiant particulièrement l'attribution d'un tel poste.

D'autre part, la politique de réduction des stocks a été facilitée par la création de deux nouvelles cours administratives, l'une à Marseille en 1997 et l'autre à Douai en 1999.

B. LES CONTRATS DE JURIDICTION

La Chancellerie soutient également, dans le cadre de contrats de juridiction, des projets conduits par les cours d'appel en matière de résorption des stocks.

1. La cour d'appel d'Orléans

Ainsi, en 1997 et 1999, la cour d'appel d'Orléans a mené deux projets significatifs, le premier portant sur la résorption des stocks en matière non pénale, le second sur la réduction des stocks et des délais de traitement du service correctionnel.

Devant le constat d'un engorgement des chambres civiles et commerciales de la cour d'appel, le Premier président a, en 1997, engagé un projet de résorption des stocks dans le cadre d'une démarche globale associant l'ensemble des magistrats et des fonctionnaires concernés qui a permis :

- la création d'un service central de mise en état ;

- une répartition des contentieux selon un principe de spécialisation par matière au lieu d'une répartition géographique ;

- la constitution d'équipes stables de magistrats et de fonctionnaires réunis par des objectifs communs au sein de chaque chambre ;

- la fixation d'objectifs chiffrés ;

- la concertation régulière avec les avoués et les barreaux suivie de l'établissement d'un protocole et la mise en place d'un système de pilotage ;

- la réalisation d'un nouveau système de classement avec un regroupement des dossiers dans une salle unique.

La mise en oeuvre de ces dispositions touchant à la procédure, à l'organisation et aux méthodes de travail, ainsi qu'aux relations avec les auxiliaires de justice a permis de réduire considérablement le nombre des affaires en attente qui est passé de près de 6.000 en 1996 à moins de 3.000 en 1999.

La chaîne civile sera bientôt en mesure de traiter les dossiers dans l'année en appel, l'objectif final étant de statuer, délibéré compris, en douze mois.

Pour réaliser cette réforme, la cour d'appel d'Orléans a bénéficié de quatre postes supplémentaires.

Par ailleurs, en 1999, le service correctionnel de la cour d'appel d'Orléans a entrepris une rénovation d'ensemble de son fonctionnement qui vise à accroître la productivité au regard des quelque 700 dossiers en stock, diminuer les délais de traitement à moins de six mois et adapter les conditions de travail des magistrats et des fonctionnaires.

A cet effet, le service a été conduit à modifier ses méthodes de travail afin de trouver la meilleure adaptation entre les différentes tâches à l'audiencement et au greffe de la chambre correctionnelle et les moyens humains existant. Ainsi, la cour d'appel a mis en place une organisation semi-verticale et a créé deux sections composées chacune de fonctionnaires traitant indifféremment les tâches relevant du parquet et du greffe ; les magistrats ont été équipés de matériel informatique leur permettant de traiter informatiquement leurs arrêts et un fonctionnaire du service pénal a été chargé de l'ensemble des courriers et de la distribution des dossiers entrant dans les services.

D'ores et déjà, le stock a été diminué de plus de 130 dossiers et la tendance entre les entrées et les sorties est nettement inversée puisqu'au 31mars 2000, le nombre des nouvelles affaires s'élevait à 248 tandis que le nombre des affaires achevées se montait à 304.

En outre, la répartition des dossiers entre les audiences spécialisées et les audiences du droit pénal général est entrée en vigueur dès septembre 1999, permettant non seulement un rajeunissement du stock grâce à une rotation rapide des procédures de contentieux de masse achevée en décembre 1999, mais aussi une meilleure cohérence des décisions de la cour d'appel.

De nouveau, en 1999, la cour d'appel d'Orléans a bénéficié de quatre postes budgétaires supplémentaires.

2. La cour d'appel de Douai

La cour d'appel de Douai s'est également fortement investie dans la résorption du stock des affaires en attente dans ses différentes chambres.

Elle a, dans cet objectif, conclu un premier contrat de juridiction avec la direction des services judiciaires pour la résorption du stock de la chambre d'accusation qui comptait 140 affaires restant à juger fin 1997. Dans le cadre de ce contrat, 3 magistrats ont été nommés en surnombre à la cour (2 au siège et 1 au parquet).

Ce renfort a permis de créer une seconde section à la cour d'assises du Nord et d'accroître sa capacité de jugement de près de 44 % tout en diminuant d'un tiers le stock restant à audiencer.

Une étude est actuellement en cours entre la chancellerie et les chefs de cour pour l'établissement d'un nouveau contrat de juridiction destiné à résorber le stock des affaires sociales qui s'établissait au 30 septembre 1999 à 8.000 affaires.

III. LA DIFFICULTÉ DE MESURER L'IMPACT DU RENFORCEMENT DES EFFECTIFS SUR L'ACTIVITÉ DES JURIDICTIONS

A. LES STATISTIQUES, PARENTS PAUVRES DE LA JUSTICE

La sous-direction de la statistique centralise chaque mois environ 300.000 affaires transmises sur support papier ou sur disquette qui permettent de connaître l'activité judiciaire au niveau de la France entière, mais aussi au niveau de chaque tribunal à partir de quatre critères : le volume d'activité, la structure du contentieux, le stock et la durée des affaires. Trois dispositifs fournissent ces statistiques :

- le Répertoire général Civil (RGC) pour les affaires civiles ;

- le Casier Judiciaire National pour les affaires pénales ;

- les Chaînes pénales développées pour la gestion des procédures par les parquets.

Or, la performance de ces dispositifs peut encore être améliorée.

D'une part, la collection des informations reste très longue. Ainsi, fin novembre 2000, les dernières statistiques de la Chancellerie datent de 1999. Il est donc matériellement impossible de donner, à un instant donné, l'état de l'activité des juridictions. En réalité, de nombreuses juridictions ne disposent toujours pas de tableaux de bord d'activité. En ce qui concerne les juridictions civiles, ces derniers ont été validés en 1995 et expérimentés en 1996 et 1997. Toutefois, leur généralisation à l'ensemble des cours d'appel, des tribunaux de grande instance et des tribunaux d'instance est liée à l'informatisation des juridictions.

Votre rapporteur constate en outre que pour certaines juridictions, même les informations les plus élémentaires font défaut. Par exemple, il n'a pu obtenir aucun renseignement sur les affaires nouvelles devant les chambres d'accusation et devant les cours d'assises.

Par ailleurs, pour que les statistiques présentées par la Chancellerie reflète réellement le niveau de l'activité des juridictions, il est indispensable de prendre en compte la nature des contentieux.

En effet, celle-ci influe beaucoup sur la durée moyenne du jugement. Par exemple, dans les tribunaux de grande instance, les affaires familiales (autorité parentale, obligations alimentaires, adoption etc) et les contentieux de l'exécution sont traités assez rapidement (5 mois), alors que le divorce non contentieux est proche de la moyenne (9 à 10 mois). Cet ensemble représente la moitié des affaires civiles dans les tribunaux de grande instance.

En revanche, les contentieux liés au divorce pour faute, au droit des contrats et au droit de la responsabilité dépassent 15 mois. Bien qu'ils soient moins nombreux, ces dossiers pèsent sur les moyennes globales.

B. LA DIFFICULTÉ DE MESURER LES EFFETS DU RENFORCEMENT DES JURIDICTIONS

La Chancellerie a rédigé un document qui précise les effets du renforcement des juridictions engagé en 1998 et selon lequel les indicateurs d'activité des juridictions pour l'année 1999 permettraient d'enregistrer les premiers résultats de cet effort. Ainsi, les effets les plus spectaculaires concerneraient les stocks puisque les cours d'appel ont déstocké 9.800 affaires, les conseils de prud'hommes 6.600 et les tribunaux de grande instance 2.600.

Sans remettre en cause la légitimité du renforcement des effectifs des juridictions, votre rapporteur souhaite relativiser les relations de cause à effet qui existeraient entre l'augmentation du nombre des magistrats et la réduction des stocks et des durées de contentieux.

Ainsi, l'activité des tribunaux de grande instance a certes diminué à partir de 1998, mais elle avait atteint un pallier en 1994.

Par ailleurs, depuis 1995, le stock d'affaires des tribunaux d'instance augmente en raison d'une baisse plus accentuée du nombre des affaires nouvelles par rapport au nombre d'affaires terminées.

En ce qui concerne les juridictions commerciales, leur activité est en diminution depuis 1995.

En outre, le nombre d'affaires nouvelles devant les cours d'appel est en baisse depuis 1995 tandis que le nombre d'affaires traitées a légèrement augmenté depuis 1995 même si cette évolution est irrégulière. Toutefois, il apparaît que cette amélioration est surtout liée à la diminution du nombre des affaires nouvelles.

Par ailleurs, certains contentieux sont très sensibles à la conjoncture économique. Ainsi, la diminution de l'activité des juridictions commerciales s'explique partiellement par la bonne tenue de l'économie française.

Le décalage entre la création des postes et l'entrée en fonction des magistrats oblige également à relativiser l'impact du renforcement des effectifs des juridictions sur l'activité de ces dernières.

Alors que la loi de finances pour 1999 autorisait le recrutement de 100 magistrats issus d'un concours exceptionnel, les 90 magistrats réellement admis n'ont été installés dans leurs fonctions que le 3 juillet 2000.

De même, les magistrats recrutés par la voie de l'Ecole nationale de la magistrature (ENM) suivent ensuite une scolarité de 31 mois. En conséquence, chaque promotion entre à l'ENM en février et en sort, plus de deux ans plus tard, en septembre. En conséquence, les derniers magistrats entrés en fonction avaient été recrutés en 1998. La création dans les lois de finances pour 1999 et 2000 de 352 postes de magistrats supplémentaires n'a donc pu avoir aucun impact sur le travail des juridictions.

Il convient également de relativiser les créations de postes actuelles dans les juridictions administratives. En effet, celles-ci ont bénéficié de la création, depuis 1995, de 75 postes temporaires qui avaient vocation à être restitués à partir de janvier 2000. Or, la situation des juridictions administratives rend le maintien de ces postes indispensable.

Dans le cadre de la loi de finances pour 2000, la résorption desdits emplois temporaires a conduit à la création de 15 emplois permanents du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, permettant ainsi la consolidation de ces emplois dans les juridictions où ils avaient été préalablement créés.

Cette mesure de transformation annuelle des emplois temporaires en emplois permanents devrait être poursuivie chaque année, jusqu'en 2004. Il convient cependant de souligner que ces créations de postes n'augmentent pas les effectifs des magistrats affectés aux juridictions administratives, mais se contentent de les pérenniser.

C. UN EFFORT À ACCENTUER

1. La priorité absolue : la réduction des stocks par le renforcement temporaire des effectifs des juridictions les plus chargées

Malgré les efforts entrepris, le stock d'affaires devant certains types de juridiction reste encore trop élevé. Ainsi, en 1999, les cours d'appel en matière civile disposaient d'un stock de 309.610 affaires, pour une capacité de traitement annuel de 199.770. Il en résulte que le délai de traitement s'élève à 18,1 mois.

Or, il convient de remarquer que les trois grandes cours (Paris, Aix-en-Provence et Versailles) traitent près de 40 % des affaires tandis que les huit plus grandes cours (les trois précédentes ainsi que Douai, Montpellier, Lyon et Bordeaux) ont en charge 60 % des affaires. La durée moyenne nationale est donc très dépendante de la situation de ces grandes juridictions.

Pourtant, la localisation des magistrats placés ne témoigne pas de cette préoccupation. Ainsi, La cour d'appel de Paris dispose, pour l'ensemble des juridictions de son ressort, de seulement 8 magistrats placés pour un effectif total de 870, soit 0,92 %. De même, 6 magistrats placés ont été affectés à la cour d'appel de Versailles, qui représentent 1,81 % des effectifs.

Votre rapporteur demande donc que les cours d'appel les plus encombrées bénéficient en priorité de l'affectation de magistrats placés.

Par ailleurs, il rappelle l'urgence de créer une cour d'appel à Nice afin de désengorger celle d'Aix-en-Provence.

Parce qu'elle n'est pas parvenue à juguler le flux des pourvois, la Cour de cassation a accumulé, depuis les années 1980, un nombre de plus en plus important d'affaires en attente de jugement. Or, ce stock de dossiers de pourvois civils non seulement allonge les durées de jugement, mais pèse également sur le fonctionnement de la juridiction.

En outre, l'accumulation des affaires à traiter entretient un climat défavorable à l'exercice d'un pouvoir juridictionnel souverain et d'une production jurisprudentielle aussi sûre qu'il serait souhaitable.

En effet, outre qu'il est préjudiciable aux parties, le retard à juger, donc à fixer la jurisprudence, est défavorable à la sécurité juridique en laissant se développer un contentieux né de l'ambiguïté dans l'interprétation de la loi.

Or, les mesures prises pour réduire le retard cumulé sont trop timides.

Le rapport précité de la Cour de cassation constate qu'entre 1960 et 2000, en matière civile, le nombre des affaires soumis à la Cour de cassation a augmenté de plus de 252 %. Entre ces deux dates, si l'effectif des magistrats en service judiciaire a progressé de 3.500 à 6.500, soit de 84 %, celui des membres de la Cour de cassation n'est passé que de 121 à 179, soit une hausse de seulement 47 %, proportionnellement inférieure de moitié à celle de l'ensemble du corps judiciaire, alors que la croissance du contentieux soumis à la Cour est directement proportionnelle à celle des affaires soumises aux juridictions du fond.

Le règlement des affaires en attente représente 16 mois d'activité des 133 magistrats de la Cour de cassation. La résorption totale de ce retard correspondrait donc à l'activité de 177 magistrats supplémentaires du siège pendant un an, de 35 magistrats pendant cinq ans, ou encore de 18 magistrats pendant dix ans.

En tenant compte du projet visant à accroître le nombre des conseillers référendaires par transformation des postes d'auditeurs à la Cour de cassation, ce sont 28 magistrats supplémentaires qui seraient à prévoir pendant une période provisoire de cinq ans pour rétablir l'équilibre des flux et ramener les délais de jugement à une durée inférieure à un an. Or, le projet de budget pour 2001 prévoit seulement la création de cinq postes de magistrat à la Cour de cassation.

Votre rapporteur regrette que les juridictions les plus chargées ne puissent pas bénéficier d'un renforcement des effectifs suffisant pour réduire rapidement le nombre des affaires en attente.

Il rappelle que l'article 40-1 de l'ordonnance statutaire permet la nomination en qualité de conseillers ou d'avocats généraux à la Cour de cassation en service extraordinaire, si elles justifient de vingt-cinq années au moins d'activité professionnelle, des personnes que leur compétence et leur activité qualifient particulièrement dans l'exercice de fonctions judiciaires à la Cour de cassation.

Jusqu'à présent, le nombre des conseillers et des avocats généraux en service extraordinaire ne pouvait respectivement excéder le vingtième de l'effectif des magistrats hors hiérarchie du siège de la Cour de cassation et le vingtième de l'effectif des magistrats hors hiérarchie du parquet de ladite cour.

Votre rapporteur se félicite que, lors de l'examen de la loi organique modifiant les règles applicables à la carrière des magistrats, le Sénat ait adopté une disposition permettant d'augmenter le nombre de conseillers en service extraordinaire. Désormais, pourra être recruté un nombre de conseillers équivalent au dixième de l'effectif des magistrats hors hiérarchie du siège de la Cour de cassation.

Par ailleurs, la loi organique n ° 95-64 du 19 janvier 1995 avait ouvert la possibilité, jusqu'au 31 décembre 1999, de recruter pour exercer en service extraordinaire les fonctions de conseiller de cour d'appel, les personnes âgées de 50 à 60 ans, titulaires d'un diplôme de niveau maîtrise, justifiant d'au moins quinze années d'activité professionnelle les qualifiant particulièrement pour exercer ces fonctions.

Votre rapporteur regrette que cette voie de recrutement n'ait pas connu le succès espéré, notamment en raison d'un certain corporatisme constaté au sein de la commission d'avancement. Il estime qu'elle mériterait d'être de nouveau ouverte et devrait s'accompagner d'une réforme de la composition de la commission d'avancement pour faciliter les recrutements.

2. La lutte contre les vacances de postes

Au 1 er septembre 2000, la Chancellerie fait état de 197 emplois vacants et de 147 emplois en surnombre. Ces chiffres tiennent compte des magistrats issus du concours exceptionnel, installés dans leurs fonctions le 3 juillet 2000, ainsi que des auditeurs de justice de la promotion de 1998 installés le 1 er septembre 2000, soit 300 personnes.

L'étude lancée par votre rapporteur sur la réalité des postes vacants portant sur une période antérieure au 1 er septembre 2000 ne permet pas de vérifier ces chiffres. Toutefois, il tient à faire les remarques suivantes.

Au-delà des vacances officielles, de très nombreuses situations créent des vacances de postes qui ne sont pas prises en compte par l'administration centrale comme les congés maladie, les congés de maternité, la formation pendant les heures de travail, la non compensation des emplois à temps partiel tant que la somme des temps partiels ne constitue pas un équivalent temps-plein, les jours de récupération etc.

Par ailleurs, les mises à disposition imposées aux juridictions au profit de l'administration centrale, voire, parfois, les détachements, ne sont pas décomptées des effectifs budgétaires des juridictions.

Or, les chiffres sont loin d'être négligeables : au 31 mars 2000, le nombre des personnels des services déconcentrés mis à disposition de l'administration centrale s'élevait à 465, soit 26,12 % de l'effectif budgétaire de la Chancellerie.

Mises à disposition organisées entre l'administration centrale et les services déconcentrés

(situation arrêtée au 31 mars 2000)

Catégorie

Emplois budgétaires

Mise à disposition de l'AC vers SD

Mises à disposition des SD vers AC

2000

DAP

DPJJ

DSJ

Total

Soit %

DAP

DPJJ

DSJ

Total

Soit %

Magistrats

182

0

0,00

1

1

0,55

Catégorie A

342

1

1

0,29

41

29

33

103

30,12

Catégorie B

316

1

1

0,32

34

18

48

100

31,65

Catégorie C

704

5

5

0,71

135

42

62

239

33,95

Militaires

22

0

0

0,00

Contractuels

214

1

3

1

5

2,34

14

4

4

22

10,28

TOTAL

1.780

1

5

6

12

0,67

224

93

148

465

26,12

A cet égard, il est paradoxal de constater que sur les 1.780 postes budgétaires affectés à l'administration centrale, seuls 1.664 sont pourvus. Il existe donc 116 postes vacants, qui sont plus que compensés par une ponction sur les services déconcentrés de 465 personnels. Ce constat témoigne de l'inefficacité de la politique de réforme de l'Etat engagée il y a quelques années qui prônait la réduction des effectifs des administrations centrales. Les postes budgétaires ont été supprimés, mais les effectifs sont restés constants par le biais des mises à disposition de la part des services déconcentrés.

Le décalage entre les chiffres présentés par la Chancellerie et la réalité sur le terrain apparaît encore plus grand à propos de l'effectif des personnels des services judiciaires.

Selon la Chancellerie, au 1 er juillet 2000, les effectifs budgétaires s'élevaient à 19.751 dont 1.652 greffiers en chef et 6.535 greffiers. Toutefois, l'effectif réel est beaucoup moins élevé.

Ainsi, au tribunal de grande instance de Bobigny, le 16 octobre dernier, sur les 300 postes budgétaires de personnels judiciaires, 31 étaient vacants tandis que les temps partiels non compensés représentaient 3,34 équivalent temps plein. Il convient également de préciser que s'ajoutent à ces vacances trois détachés syndicaux qui, tout en occupant officiellement chacun un poste, ne participent pas à l'activité de la juridiction ainsi que deux mises à disposition au profit de la Chancellerie qui continuent pourtant à figurer dans les effectifs du tribunal.

Dans ce tribunal, le taux de vacances a pu être encore plus élevé, comme en témoigne l'encadré ci-après.

La réalité des vacances de postes des fonctionnaires :
l'exemple du tribunal de grande instance de Bobigny au 3 décembre 1999

L'effectif budgétaire des fonctionnaires attribués au tribunal de grande instance de Bobigny s'élève à 297 personnes. Toutefois, sur les 105 postes budgétaires de la catégorie B, 63 sont vacants si l'on tient compte des éléments suivants :

- 23 postes sont officiellement vacants, auquel il faut ajouter postes si l'on tient compte de la pratique du temps partiel et de deux mises à disposition.

- en outre, le taux d'absentéisme dans cette juridiction s'élève à 10 % de l'effectif, soit une moyenne d'absences de 27 personnes.

- par ailleurs, 36 fonctionnaires originaires des DOM-TOM bénéficient de congés bonifiés, ce qui équivaut à une perte annuelle de 2 emplois à temps plein.

- enfin, les récupérations horaires régulièrement dues aux greffiers correspondent à la perte de 8 postes à temps plein.

Il apparaît donc que sur les 297 emplois budgétaires de fonctionnaires attribués au secrétariat du greffe, seuls 234 fonctionnaires sont au quotidien disponibles sur le terrain.

En conséquence, votre rapporteur estime indispensable une révision des modalités de calcul des vacances de postes qui tiendrait compte des vacances structurelles et prévisibles comme les congés, les congés de maladie, les congés de maternité, les détachements syndicaux ou encore les récupérations.

Par ailleurs, la pratique des mises à disposition officieuses doit être abandonnée. Elle a d'ailleurs été condamnée par la Cour des comptes, mais il semble que l'administration centrale du ministère de la justice n'en tienne pas compte.

3. La nécessité d'une analyse plus précise de la charge d'activité de chaque juridiction

La Chancellerie a une connaissance partielle de l'activité réelle des juridictions. En effet, son évaluation est essentiellement quantitative (nombre d'affaires traitées), tandis que les éléments qualitatifs (nature des contentieux) sont insuffisamment pris en compte.

Votre rapporteur souligne que dans son rapport sur les crédits de la justice pour 1999, il avait réalisé une étude sur les spécificités du tribunal de grande instance de Paris qui démontrait que la productivité d'une juridiction ne pouvait pas être uniquement calculée à partir de données chiffrées brutes.

Les spécificités du Tribunal de grande instance de Paris

La Chancellerie avait publié, le 23 mars 1998, dans une note relative à la localisation des emplois de magistrats, de fonctionnaires et d'assistants de justice, les chiffres et les classements retenus comme critères pour apprécier la charge des juridictions et procéder à la répartition des emplois.

Pour évaluer la productivité des juridictions, tout le contentieux était globalisé, quelle que soit la matière, et étaient retenus comme critères :

- le nombre d'affaires civiles et correctionnelles nouvelles (flux),

- le nombre d'affaires civiles et correctionnelles terminées (productivité),

- le nombre d'affaires civiles en cours (stock).

Il en résultait le tableau suivant.

Charge par magistrat 1996

France entière

Paris

Flux

676

404

Productivité

651

396

Stock

318

160

Ainsi, la productivité du Tribunal de grande instance de Paris apparaissait inférieure de 40 % à la moyenne nationale et la comparaison des stocks révélait une situation beaucoup plus difficile dans les tribunaux de province qu'à Paris.

Cette analyse a été contestée par le Président et le Procureur de la République du tribunal qui ont estimé que si ces chiffres constituent des éléments d'appréciation du fonctionnement d'une juridiction, en particulier sur la durée pour un même tribunal, ils ne permettent pas de comparer des tribunaux lorsque la structure de leurs contentieux est différente et que ces chiffres ne fournissent aucun élément qualitatif sur le travail effectué.

Ainsi, le tribunal de grande instance de Paris connaît des spécificités en matière de compétence pour le traitement et le jugement des dossiers

1. Une compétence quasi nationale du Tribunal de grande instance de Paris dans certains domaines

Au cours des dernières années, la juridiction a progressivement acquis, en droit ou en fait, une compétence quasi nationale dans de nombreux domaines.

Ainsi, en matière de terrorisme , la compétence nationale du TGI de Paris a été reconnue par la loi du 9 septembre 1986. Ce regroupement des procédures a nécessité l'organisation d'audiences correctionnelles et d'audiences criminelles composées exclusivement de magistrats professionnels.

En 1997, 17 affaires de terrorisme corse, basque, turc et islamiste ont nécessité 87 audiences entières. En 1998, avec 8 dossiers, dont l'affaire " Chalabi " regroupant 138 prévenus, ont été tenues ou sont déjà prévues 65 audiences entières.

De même, les problèmes collectifs de santé publique relèvent pour la plupart du TGI de Paris, qu'il s'agisse du sang contaminé, avec les " audiences fleuves " de l'été 1992 et les 100 tomes actuellement instruits, de l'amiante, ou encore de la " vache folle ".

Paris est également le lieu privilégié des affaires à caractère politique ou médiatique, comme celles des écoutes de l'Elysée, des fichiers électoraux parisiens etc. En 1997, 28 affaires de " presse " ont , à elles seules, nécessité la tenue de 31 audiences entières.

Par ailleurs, c'est à Paris qu'est concentrée la majeure partie de la délinquance économique , concernant le droit du travail, la publicité mensongère, les contrefaçons. Au cours de l'année 1997, 13 affaires ont nécessité 21 audiences complètes, tandis qu'en 1991 et 1992 le procès des fausses factures d'Ile-de-France avait à lui seul occupé plus de 60 audiences.

Enfin, en matière financière, la juridiction parisienne a une compétence quasi nationale, qu'il s'agisse de la bourse, des banques, de corruption, d'abus de biens sociaux, d'infractions concernant les marchés publics...

2. Un contentieux particulièrement complexe

En ce qui concerne les affaires civiles, la spécificité du contentieux parisien réside dans le fait que les affaires familiales représente 19 % des affaires civiles du TGI de Paris, alors que la moyenne nationale s'élève à 39 %. Le contentieux général représente 36 % contre 24 % en moyenne nationale. Enfin, le contentieux des référés constitue 27 % du contentieux du TGI de Paris contre 15 % en moyenne nationale.

Il apparaît donc que c'est la répartition des affaires par type de contentieux et, partant, de complexités diverses, qui explique en partie qu'à Paris moins d'affaires soient globalement traitées par magistrat qu'en province.

En 1998, le TGI de Paris traite environ 80 % des affaires de brevets en France . Or, chaque litige relatif à un brevet d'invention, que ce soit au fond ou en référé-interdiction, implique pour les magistrat un travail extrêmement lourd. A l'évidence, un jugement rendu en matière de brevet n'équivaut pas à un autre jugement.

Il en va de même de la plupart des affaires de propriété littéraire et artistique en raison soit de la difficulté des points de droit nationaux et internationaux qu'elles posent, soit de la contestation élevée sur le caractère contrefait de l'oeuvre invoquée, impliquant de lire ou de visionner non seulement les oeuvres en cause pour une nécessaire comparaison, mais encore d'autres oeuvres antérieures.

Le contentieux de la construction , également fort complexe, se déroule essentiellement devant le TGI de Paris, dans le ressort duquel la plupart des compagnies d'assurance ont leur siège.

Les litiges qui sont soumis à la 9 ème chambre civile, spécialisée en droit bancaire, sont en général d'une ampleur financière notable ou concernent des montages financiers sophistiqués, organisés depuis la place financière de Paris.

On pourrait encore citer le contentieux fiscal des droits d'enregistrement, le contentieux successoral, le contentieux de l'immobilier etc... dont la complexité n'est plus à démontrer.

En outre, certaines juridictions sont confrontées à un contentieux très spécifique. C'est le cas du tribunal de grande instance de Bobigny qui, comprenant dans son ressort l'aéroport international de Roissy, est chargé des différentes procédures sur le statut des étrangers en séjour irrégulier.

LES ARTICLES 35 BIS ET 35 QUATER DE L'ORDONNANCE 45-2653
DU 2 NOVEMBRE 1945 RELATIVE AUX CONDITIONS D'ENTRÉE
ET DE SÉJOUR DES ÉTRANGERS EN FRANCE

I - Article 35 bis :

Peut être maintenu, s'il y a nécessité, par décision écrite motivée du représentant de l'Etat dans le département, dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pendant le temps strictement nécessaire à son départ, l'étranger qui :

1° Soit, devant être remis aux autorités compétentes d'un Etat de la Communauté européenne en application de l'article 33, ne peut quitter immédiatement le territoire français ;

2° Soit, faisant l'objet d'un arrêté d'expulsion, ne peut quitter immédiatement le territoire français ;

3° Soit, devant être reconduit à la frontière, ne peut quitter immédiatement le territoire français ;

4° Soit, ayant fait l'objet d'une décision de maintien au titre de l'un des cas précédents, n'a pas déféré à la mesure d'éloignement dont il est l'objet dans un délai de sept jours suivant le terme du précédent maintien.

Le procureur de la République en est immédiatement informé. Il visite ces locaux une fois par semestre. Dès cet instant, le représentant de l'Etat dans le département tient à la disposition des personnes qui en font la demande les éléments d'information concernant les dates et heures du début du maintien de cet étranger en rétention et le lieu exact de celle-ci.

L'étranger est immédiatement informé de ses droits par l'intermédiaire d'un interprète s'il ne connaît pas la langue française.

Quand un délai de quarante-huit heures s'est écoulé depuis la décision de maintien, le juge des libertés et de la détention est saisi ; il lui appartient de statuer par ordonnance, après audition du représentant de l'administration, si celui-ci dûment convoqué est présent, et de l'intéressé en présence de son conseil, s'il en a un, et après s'être assuré d'après les mentions au registre prévu au présent article que l'intéressé a été, au moment de la notification de la décision de maintien, pleinement informé de ses droits et placé en état de les faire valoir, sur l'une des mesures suivantes :

1° La prolongation du maintien dans les locaux visés au premier alinéa ;

2° A titre exceptionnel, lorsque l'étranger dispose de garanties de représentation effectives, l'assignation à résidence après la remise à un service de police ou de gendarmerie du passeport et de tout document justificatif de l'identité en échange d'un récépissé valant justification de l'identité et sur lequel est portée la mention de la mesure d'éloignement en instance d'exécution.

L'intéressé est maintenu à la disposition de la justice, pendant le temps strictement nécessaire à la tenue de l'audience et au prononcé de l'ordonnance.

L'ordonnance de prolongation du maintien court à compter de l'expiration du délai de quarante-huit heures fixé au huitième alinéa.

L'application de ces mesures prend fin au plus tard à l'expiration d'un délai de cinq jours à compter de l'ordonnance mentionnée ci-dessus. Ce délai peut être prorogé d'une durée maximale de cinq jours par ordonnance du juge des libertés et de la détention et dans les formes indiquées au huitième alinéa, en cas d'urgence absolue et de menace d'une particulière gravité pour l'ordre public. Il peut l'être aussi lorsque l'impossibilité d'exécuter la mesure d'éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l'intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l'obstruction volontaire faite à son éloignement.

Les ordonnances mentionnées au huitième et au treizième alinéas sont susceptibles d'appel devant le premier président de la cour d'appel ou son délégué, qui est saisi sans forme et doit statuer dans les quarante-huit heures, le délai courant à compter de sa saisine ; le droit d'appel appartient à l'intéressé, au ministère public et au représentant de l'Etat dans le département ; ce recours n'est pas suspensif.

Il est tenu, dans tous les locaux recevant des personnes maintenues au titre du présent article, un registre mentionnant l'état civil de ces personnes ainsi que les conditions de leur maintien.

Pendant toute la durée du maintien, le procureur de la République peut se transporter sur les lieux, vérifier les conditions du maintien et se faire communiquer le registre prévu à l'alinéa précédent.

Dès le début du maintien, l'intéressé peut demander l'assistance d'un interprète, d'un médecin, d'un conseil et peut, s'il le désire, communiquer avec son consulat et avec une personne de son choix ; il en est informé au moment de la notification de la décision de maintien ; mention en est faite sur le registre prévu ci-dessus émargé par l'intéressé. Il peut, le cas échéant, bénéficier de l'aide juridictionnelle.

L'interdiction du territoire prononçée à titre de peine principale et assortie de l'éxécution provisoire entraîne de plein droit le maintien de l'étranger, dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, dans les conditions définies au présent article, pendant le temps strictement necessaire à son départ. Quand un délai de quarante-huit heures s'est écoulé depuis le prononcé de la peine, il est fait application des dispositions des huitième à dernier alinéas du présent article.

II - Article 35 quater :

I - L'étranger qui arrive en France par la voie ferroviaire, maritime ou aérienne et qui soit n'est pas autorisé à entrer sur le territoire français, soit demande son admission au titre de l'asile, peut être maintenu dans une zone d'attente située dans une gare ferroviaire ouverte au trafic international et désignée par arrêté, un port ou un aéroport pendant le temps strictement nécessaire à son départ et, s'il est demandeur d'asile, à un examen tendant à déterminer si sa demande n'est pas manifestement infondée.

Il est immédiatement informé de ses droits et de ses devoirs, s'il y a lieu par l'intermédiaire d'un interprète. Mention en est faite sur le registre mentionné ci-dessous, qui est émargé par l'intéressé.

La zone d'attente est délimitée par le représentant de l'Etat dans le département. Elle s'étend des points d'embarquement et de débarquement à ceux où sont effectués les contrôles des personnes. Elle peut inclure, sur l'emprise, ou à proximité, de la gare, du port ou de l'aéroport, un ou plusieurs lieux d'hébergement assurant aux étrangers concernés des prestations de type hôtelier.

II - Le maintien en zone d'attente est prononcé pour une durée qui ne peut excéder quarante-huit heures par une décision écrite et motivée du chef du service de contrôle aux frontières ou d'un fonctionnaire désigné par lui, titulaire au moins du grade d'inspecteur. Cette décision est inscrite sur un registre mentionnant l'état civil de l'intéressé et la date et l'heure auxquelles la décision de maintien lui a été notifiée. Elle est portée sans délai à la connaissance du procureur de la République. Elle peut être renouvelée dans les mêmes conditions et pour la même durée.

L'étranger est libre de quitter à tout moment la zone d'attente pour toute destination située hors de France. Il peut demander l'assistance d'un interprète et d'un médecin et communiquer avec un conseil ou toute personne de son choix.

III - Le maintien en zone d'attente au-delà de quatre jours à compter de la décision initiale peut être autorisé par le juge des libertés et de la détention , pour une durée qui ne peut être supérieure à huit jours. L'autorité administrative compétente expose dans sa saisine les raisons pour lesquelles l'étranger n'a pu être rapatrié ou, s'il a demandé l'asile, admis, et le délai nécessaire pour assurer son départ de la zone d'attente. Le juge des libertés et de la détention statue par ordonnance, après audition de l'intéressé, en présence de son conseil s'il en a un, ou celui-ci dûment averti. L'étranger peut demander au juge des libertés et de la détention qu'il lui soit désigné un conseil d'office. Il peut également demander au juge des libertés et de la détention le concours d'un interprète et la communication de son dossier. Le juge des libertés et de la détention statue au siège du tribunal de grande instance compétent, sauf dans les ressorts définis par décret en Conseil d'Etat. Dans un tel cas, sous réserve de l'application de l'article 435 du nouveau code de procédure civile, il statue publiquement dans une salle d'audience spécialement aménagée sur l'emprise ferroviaire, portuaire ou aéroportuaire.

L'ordonnance est susceptible d'appel devant le premier président de la cour d'appel ou son délégué. Celui-ci est saisi sans forme et doit statuer dans les quarante-huit heures de sa saisine. Le droit d'appel appartient à l'intéressé, au ministère public et au représentant de l'Etat dans le département. L'appel n'est pas suspensif.

IV - A titre exceptionnel, le maintien en zone d'attente au-delà de douze jours peut être renouvelé, dans les conditions prévues par le III, par le juge des libertés et de la détention, pour une durée qu'il détermine et qui ne peut être supérieure à huit jours.

V - Pendant toute la durée du maintien en zone d'attente, l'étranger dispose des droits qui lui sont reconnus au deuxième alinéa du II. Le procureur de la République ainsi que, à l'issue des quatre premiers jours, le juge des libertés et de la détention peuvent se rendre sur place pour vérifier les conditions de ce maintien et se faire communiquer le registre mentionné au II. Le procureur de la République visite les zones d'attente au moins une fois par semestre.

Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'accès du délégué du haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés ou de ses représentants ainsi que des associations humanitaires à la zone d'attente.

VI - Si le maintien en zone d'attente n'est pas prolongé au terme du délai fixé par la dernière décision de maintien, l'étranger est autorisé à entrer sur le territoire français sous le couvert d'un visa de régularisation de huit jours. Il devra avoir quitté ce territoire à l'expiration de ce délai, sauf s'il obtient une autorisation provisoire de séjour ou un récépissé de demande de carte de séjour.

VII - Les dispositions du présent article s'appliquent également à l'étranger qui se trouve en transit dans une gare, un port ou un aéroport si l'entreprise de transport qui devait l'acheminer dans le pays de destination ultérieure refuse de l'embarquer ou si les autorités du pays de destination lui ont refusé l'entrée et l'ont renvoyé en France.

VIII - Si le départ de l'étranger du territoire national ne peut être réalisé à partir de la gare, du port ou de l'aéroport dont dépend la zone d'attente dans laquelle il est maintenu, l'étranger peut être transféré vers toute zone d'attente d'une gare, d'un port ou d'un aéroport à partir desquels son départ peut effectivement avoir lieu.

Lorsque la décision de transfert doit intervenir dans le délai de quatre jours à compter de la décision initiale de maintien en zone d'attente, elle est prise dans les conditions prévues au II du présent article.

Lorsque le transfert est envisagé après le délai de quatre jours à compter de la décision initiale de maintien, l'autorité administrative en informe le juge des libertés et de la détention au moment où elle les saisit dans les conditions prévues aux III et IV du présent article.

Dans les cas où la prolongation ou le renouvellement du maintien en zone d'attente ont été accordés, l'autorité administrative informe le juge des libertés et de la détention ainsi que le procureur de la République de la nécessité de transférer l'étranger dans une autre zone d'attente et procède à ce transfert.

La prolongation ou le renouvellement du maintien en zone d'attente ne sont pas interrompus par le transfert de l'étranger dans une autre zone d'attente.

L'autorité administrative avise immédiatement de l'arrivée de l'étranger dans la nouvelle zone d'attente le juge des libertés et de la détention et le procureur de la République du ressort de cette zone.


Au titre du troisième trimestre 2000, cette juridiction a rendu 342 décisions au titre de l'article 35 bis , ce qui correspond à 64,4 % d'augmentation par rapport au troisième trimestre 1999, et 1.711 décisions au titre de l'article 35 quater , soit une hausse de 81,4 % par rapport à la même période en 1999.

Or, la Chancellerie semble ignorer l'évolution des contentieux de certaines juridictions. Ainsi, budgétairement, le tribunal de grande instance de Bobigny, créé en 1972, est toujours considéré comme un tribunal fonctionnant avec 11 chambres budgétaires alors qu'en réalité, il dispose de 8 chambres en matière civile et 7 chambres en matière correctionnelle. Par ailleurs, alors que le contentieux concernant les étrangers augmente de manière exponentielle, aucun poste n'est créer pour assurer la gestion correcte de ces affaires.

Le Garde des Sceaux semble toutefois avoir pris conscience des insuffisances des statistiques sur l'activité des juridictions ainsi que des effets pervers, à savoir l'affection de magistrats dans des juridictions qui sont regardées à tort comme prioritaires.

Ainsi, le comité central d'enquête sur le coût et le rendement des services publics a été chargé de mettre en place des indicateurs de résultats dans les tribunaux de grande instance. Selon la lettre de mission envoyée à son rapporteur, le président du tribunal de grande instance d'Evry, M. Hubert Dalle, " il procédera au recensement des données disponibles et évaluera la qualité des instruments de mesure de l'activité des juridictions. Il s'efforcera d'identifier parallèlement des facteurs plus complexes susceptibles de saisir la spécificité de l'activité judiciaire et juridictionnelle.

Ces indicateurs devront poursuivre trois objectifs principaux :

- permettre aux juridictions de s'auto-évaluer, faciliter l'élaboration des projets de juridiction et rendre plus facile leurs actions ;

- rendre possible la comparaison des performances respectives des tribunaux et permettre d'expliquer, le cas échéant, leurs différences ;

- permettre au ministère d'apporter des réponses mieux adaptées aux difficultés constatées afin d'assurer une meilleure qualité du service public sur tout le territoire ".

Votre rapporteur se félicite de cette initiative qui devrait affiner l'analyse de la charge de travail des juridictions en prenant en compte des éléments qualitatifs comme la structure du contentieux et l'évolution en pourcentage de certains contentieux.

4. L'urgence d'une réflexion sur le rôle et la place de la justice dans la société

A cet égard, la réflexion menée par la Cour de cassation sur l'augmentation permanente des flux de pourvois et la nécessité de les réguler est intéressante.

Les réflexions de la Cour des cassation sur la rôle de cette institution

L'augmentation considérable du nombre des recours depuis les 20 dernières années (75,98 %) eu égard aux possibilités de traitement de la Cour, rend indispensable l'instauration d'une procédure d'admission des pourvois. Il n'est, en effet, pas souhaitable qu'à chaque augmentation du contentieux réponde un accroissement des effectifs . Outre les difficultés budgétaires qu'elle pose, une telle solution, qui multiplie les formations de jugement et les décisions, n'est favorable, ni à l'autorité de la Cour, ni à la sécurité juridique qu'il lui appartient, au premier chef, de garantir.

Il est donc désormais inévitable d'introduire dans la procédure du pourvoi en cassation en matière civile, un dispositif de régulation qui permette d'écarter les pouvoirs irrecevables ou qui ne sont fondés sur aucun moyen sérieux.

Une telle procédure éviterait, en outre, à la Cour de cassation de rejeter cette catégorie de pourvois parasites, en y répondant par des motivations dites " brèves " ou " allégées ", rejetant en bloc, par une formule générale et unique, plusieurs moyens, motivations qui ne satisfont pas aux exigences de l'article 6§ 1 , de la Convention européenne des droits de l'homme, alors que la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme n'écarte pas la possibilité, pour les cours régulatrices, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, de refuser d'admettre l'examen au fond des recours manifestement dépourvus de sérieux. La position de principe de la CEDH est, en effet, que :

" l'article 6 n'interdit pas aux Etats contractants d'édicter des réglementations régissant l'accès des justiciables à une juridiction de recours, pourvu que ces réglementations aient pour but d'assurer une bonne administration de la justice. La réglementation relative à la saisie d'une juridiction de recours vise assurément à une bonne administration de la justice ".

Ce filtrage est pratiqué, sous une forme ou sous une autre dans de nombreuses cours suprêmes. Il est préconisé par la Cour de Justice des communautés européennes pour la régulation de son propre contentieux. Il doit être instauré si on entend soustraire la Cour de cassation à l'intensité d'activité décidée et imposée, dans la logique d'exercice d'une profession libérale par le corps d'avocats établi auprès d'elle.

En définitive, il s'agit, ni plus ni moins, d'introduire dans la procédure du pourvoi en cassation en matière civile, une disposition semblable à l'article 11, alinéa 1 er , de la loi du 31 décembre 1987, portant réforme du contentieux administratif qui prévoit que " Le pourvoi en cassation devant le Conseil d'État fait l'objet d'une procédure préalable d'admission. L'admission est refusée par décision juridictionnelle si le pourvoi est irrecevable ou n'est fondé sur aucun moyen sérieux ".

[...]

Rendant moins de décisions significatives, la Cour de cassation serait en mesure d'élaborer une jurisprudence plus explicite dans sa motivation, plus sûre dans l'interprétation de la loi et plus cohérente entre ses diverses formations.

La réflexion menée par la Cour de cassation sur son rôle devrait être étendue à l'ensemble de la justice. En effet, l'augmentation des effectifs pour tenir compte de l'explosion des contentieux apparaîtra comme une mesure de " replâtrage " tant qu'aucune réflexion d'ensemble sur le rôle de la justice n'aura déterminé le coeur de ses missions et n'aura tracé le périmètre de son champ d'action par rapport aux autres services publics et aux professionnels privés. De même, l'augmentation régulière des crédits de la justice sera d'autant plus efficace que celle-ci maîtrise son volume d'activité et ses missions.

A cet égard, votre rapporteur tient à rappeler qu'un ancien Garde des Sceaux, M. Jacques Toubon, avait chargé M. Jean-Claude Casanova en juin 1996, remplacé ensuite par M. Alain Lancelot, d'une mission sur la définition des missions de la justice. Elle visait à redéfinir le champ d'intervention de l'institution judiciaire, notamment en dressant l'inventaire de l'ensemble des charges indues et des tâches inutiles ou obsolètes qu'il conviendrait que la Justice cessât d'exercer.

Il regrette qu'aucun rapport n'ait été publié et que le changement de majorité ait mis un terme à cette réflexion.

CHAPITRE III :

L'APPLICATION DE LA LOI RENFORÇANT LA PROTECTION DE LA PRÉSOMPTION D'INNOCENCE ET LES DROITS DES VICTIMES

I. LES DATES D'ENTRÉE EN VIGUEUR DE LA LOI DU 15 JUIN 2000

Les principales dispositions de la loi du 15 juin 2000, d'une particulière ampleur puisqu'elle comporte cent-quarante deux articles modifiant de façon significative les différentes phases de la procédure pénale, font l'objet de différentes dates d'entrée en vigueur, fixées par l'article 140 de la loi :

Une cinquantaine d'articles, concernant essentiellement la communication et la protection des droits des victimes, mais qui traitent également d'autres questions, comme les perquisitions dans les cabinets d'avocats, le contrôle judiciaire des avocats, l'indemnisation des détentions provisoires, le renforcement du contrôle de la police judiciaire, le réexamen des condamnations définitives à la suite d'une condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l'homme et l'extension de la libération conditionnelle, sont immédiatement entrées en vigueur.

La quasi-totalité des autres dispositions de la loi, concernant l'enquête, la garde à vue (et notamment l'intervention de l'avocat dès la première heure de la mesure), le déroulement de l'instruction (avec en particulier la modification des régimes respectifs de la mise en examen et du témoin assisté), la détention provisoire (avec l'institution de nouveaux seuils et de nouveaux délais butoir, et la création du juge des libertés et de la détention), la procédure criminelle (spécialement l'institution d'un appel) et la juridictionnalisation de l'application des peines, entrera en vigueur le 1 er janvier 2001.

Certaines dispositions entreront en vigueur un an après la publication de la loi, soit en principe dans le courant du mois de juin 2001 : enregistrement audiovisuel des interrogatoires des mineurs en garde à vue ; le délai d'audiencement en matière criminelle.

Quelques dispositions de la loi supposent par ailleurs la publication de décrets d'application qui, pour certains d'entre eux, n'interviendra pas avant le courant de l'année prochaine (ainsi les dispositions concernant le placement sous surveillance électronique, qui ont été légèrement modifiées par la loi, et pour lesquelles une expérimentation, préalable à la publication du décret d'application, est actuellement en cours d'organisation dans le ressort de plusieurs cour d'appel).

Enfin, certaines dispositions isolées font l'objet de dates d'entrée en vigueur spécifiques : la déconcentration du contentieux de l'indemnisation des détentions provisoires auprès des premiers présidents de cour d'appel entrera en vigueur le 16 décembre 2000 (six mois après la publication de la loi), le transfert obligatoire des pouvoirs du président du tribunal de grande instance en matière de libertés individuelles au juge des libertés et de la détention interviendra le 16 juin 2002 (deux ans après cette publication), la suppression des exceptions au principe de l'encellulement individuel des prévenus interviendra le 16 juin 2003 (trois ans après cette publication).

Accélérer la mise en oeuvre de la loi relative au placement sous surveillance électronique

Parmi les priorités citées par la commission d'enquête du Sénat sur les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires en France, figurait l'accélération de la mise en oeuvre de la loi relative au placement sous surveillance électronique.

" Le placement sous surveillance électronique , prévu par la loi du 19 décembre 1997, présente plusieurs avantages : il constitue un instrument de prévention de la récidive en évitant la rupture des relations familiales ou la perte d'un emploi ; il est un instrument moins coûteux que la prison ; enfin, il peut permettre de lutter contre la surpopulation dans les maisons d'arrêt.

Ce dispositif pourra être désormais utilisé non seulement à l'égard des condamnés à de courtes peines, mais aussi à l'égard des prévenus. Les premières expérimentations doivent débuter très prochainement ; il convient d'accélérer la mise en oeuvre d'une loi votée depuis maintenant deux ans et demi. ".

Il convient de remarquer que selon les informations obtenues par votre rapporteur, la loi ne sera toujours pas appliquée en 2001 puisqu'il est prévu la poursuite des expérimentations. Ces délais conduisent à légitimement s'interroger sur la volonté du gouvernement à appliquer cette loi.

II. L'IMPACT BUDGÉTAIRE DE LA LOI ET LES MESURES PRISES PAR LE GOUVERNEMENT

La Chancellerie a réalisé une étude de l'impact budgétaire de la loi du 15 juin 2000 renforçant la présomption d'innocence et les droits des victimes qui débouche sur les conclusions suivantes.

1. Réforme de la garde-à-vue

La possibilité de faire appel à un avocat dès la première heure de garde à vue, puis à la vingtième heure et en cas de prolongation, à la trente sixième heure, a un impact important sur les crédits d'aide juridictionnelle puisque la rétribution versée par l'Etat à l'avocat intervenant en garde à vue est financée sur ce chapitre.

Le coût global de la réforme a été évalué à 92 millions de francs (incluant la majoration de 10 % des tarifs unitaires).

10 millions de francs existent déjà dans le cadre des services votés qui ont vocation à financer la présence des avocats aux gardes à vue dans le dispositif actuel ; 67 millions de francs ont été obtenus en loi de finances initiale pour 1999 et 2000 et une mesure d'ajustement de 15 millions de francs permettrait d'achever avec le projet de loi de finances pour 2001, la mise en place du financement de cette réforme.

2. Création du juge des libertés et de la détention

Une enquête est en cours dans chaque ressort de cour d'appel pour identifier les besoins en bureaux liés à la création de ce nouveau type de magistrat. Une mesure nouvelle de 4,55 millions de francs est prévue au projet de loi de finances pour 2001 sur le chapitre 37-92 (fonctionnement des juridictions) pour financer les aménagements nécessaires.

Par ailleurs, l'instauration d'une enquête sociale rapide avant mise en détention provisoire ou prolongation de celle-ci à l'encontre de personnes élevant leurs enfants, si ceux-ci ont moins de 10 ans, nécessite la création de 32 emplois de conseillers d'insertion et de probation auxquels seront confiés ces enquêtes : ces créations sont prévues par le projet de loi de finances pour 2001.

3. Appel criminel

75 créations d'emplois de magistrats et 36 créations d'emplois de greffiers inscrites au projet de loi de finances pour 2001 permettront de mettre en oeuvre cette procédure nouvelle. L'évaluation du coût en ressource humaine de cette réforme repose sur l'hypothèse d'un taux d'appel de 34,5 % correspondant aux peines d'emprisonnement égales ou supérieures à 11 ans.

Une enquête est en cours pour déterminer département par département les besoins éventuels en surface supplémentaire d'audience nécessaire à la tenue des sessions d'appel. Une première étude menée au début de l'année 2000 n'avait pas fait apparaître de déficit au plan national avec, cependant, des difficultés sur quelques sites.

L'enquête en cours devrait permettre de dégager des solutions sur ces sites notamment par une mutualisation des salles d'audience pénale des départements concernés.

Une mesure nouvelle de 4,85 millions de francs a été inscrite en projet de loi de finances pour 2001 sur le chapitre 37-92 pour financer les aménagements nécessaires (installation des jurés supplémentaires, agrandissement des salles de délibération, etc...).

4. Délais de procédure en matière pénale

100 créations d'emplois de magistrats et 50 créations d'emplois de greffiers sont inscrites au projet de loi de finances pour 2001 pour permettre le respect de ces délais, notamment en matière d'audiencement criminel.

La localisation de ces emplois est en cours d'étude.

5. Juridictionnalisation de l'application des peines

77 créations d'emplois de magistrats et 55 créations d'emplois de greffiers sont inscrites au projet de loi de finances pour 2001 pour permettre la mise en oeuvre de ce volet de la loi du 15 juin 2000.

La localisation de ces emplois est en cours d'étude.

Les affectations d'emplois de personnels pénitentiaires supplémentaires nécessaires à la surveillance des détenus pendant leur comparution devant le juge de l'application des peines seront imputées sur les 141 créations d'emploi de surveillants inscrites au projet de loi de finances pour 2001 au titre de l'adaptation des organigrammes des établissements pénitentiaires aux nouvelles missions confiées à leurs personnels.

Les localisations sont également en cours d'étude.

2,4 millions de francs de mesures nouvelles sont inscrites au projet de loi de finances pour 2001, sur le chapitre 37-92 (fonctionnement des juridictions) afin d'assurer le financement des dépenses d'aménagement de locaux et d'équipement informatique liées aux créations d'emplois de magistrats et de fonctionnaires des greffes.

Quant aux audiences du juge de l'application des peines, elles se tiendront dans les actuelles salles de réunion des commissions d'application des peines.

6. Placement sous surveillance électronique

La loi du 17 décembre 1997 a consacré le placement sous surveillance électronique comme modalité d'exécution d'une peine privative de liberté.

La loi du 15 juin 2000 a étendu cette mesure à la détention provisoire.

La mise en place de ce dispositif sera progressive : elle débutera avant la fin de l'année 2000 sur 4 sites expérimentaux avant d'être poursuivi sur 17 sites supplémentaires en 2001.

La création de 50 emplois de conseillers d'insertion et de probation est inscrite au projet de loi de finances pour 2001 pour assurer cette mise en place.

Une mesure nouvelle de 5 millions de francs est inscrite au projet de loi de finances pour 2001 sur le chapitre 37-98 (fonctionnement des établissements pénitentiaires) pour financer les coûts de fonctionnement des dispositifs de surveillance électronique (bracelets, modems, centre de gestion).

7. Indemnisation des personnes bénéficiant d'un non-lieu, d'une relaxe ou d'un acquittement

La loi du 15 juin 2000 procède à une profonde réforme du dispositif d'indemnisation des personnes ayant fait l'objet d'un non-lieu, d'une relaxe ou d'un acquittement en améliorant les conditions d'indemnisation des personnes ayant fait l'objet d'une détention et en instituant une indemnisation des frais irrépétibles supportés par les personnes n'ayant pas fait l'objet d'une mesure de détention provisoire.

Le coût global de cette réforme imputé sur la ligne " frais de justice " est évalué à 154 millions de francs .

Sa montée en charge sera progressive : il a été considéré qu'elle se ferait en cinq ans. Au total 36,7 millions de francs ont été inscrits à ce titre en loi de finances initiale pour 2000 et en projet de loi de finances pour 2001 sur le chapitre 37-11.

8. Enquêtes " victimes "

L'article 101 de la loi du 15 juin 2000 créant le nouvel article 81-1 du code de procédure pénale prévoit que le juge d'instruction peut procéder à tout acte lui permettant de recueillir des renseignements sur la victime et de connaître les conséquences de l'infraction sur sa personnalité et sa situation familiale, matérielle et sociale.

Le coût de la mise en oeuvre de cette mesure (prise en charge au titre des frais de justice des dépenses d'enquêtes psychologiques et de personnalité) est évalué à 15 millions de francs .

Une mesure nouvelle du même montant est inscrite au projet de loi de finances pour 2001 sur le chapitre 37-11.

III. DES MESURES INSUFFISANTES

1. Des besoins en effectifs de magistrats et de fonctionnaires qui ne sont pas satisfaits

Lorsque la commission des finances avait reçu le Garde des Sceaux, le 7 octobre dernier, celui-ci avait estimé qu'au total, les lois de finances pour 1999, 2000 et 2001 créeraient 345 postes de magistrats et 243 postes de greffiers pour assurer la bonne exécution de la loi renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits de la victime.

Ces chiffres doivent être relativisés dans la mesure où, en raison de la durée de formation des magistrats, les auditeurs de justice recrutés en 1999 n'occuperont leur premier poste qu'en septembre 2001.

De même, les greffiers suivent une formation préalable de 12 mois avant d'occuper leurs fonctions. En outre, les 10 postes de greffiers en chef et les 112 postes de greffiers créés par la loi de finances pour 1999 ont en réalité servi à combler les importantes vacances de postes de ces deux catégories de fonctionnaires constatées dans de nombreuses juridictions.

En conséquence, les juridictions vont devoir appliquer cette loi sans disposer des effectifs nécessaires, alors même que celle-ci aura un impact important sur le fonctionnement des juridictions.

Les tribunaux de grande instance de la cour d'appel de Paris ont évalué les besoins minima en effectifs de magistrats et de fonctionnaires. Les résultats sont éloquents puisqu'ils révèlent la nécessité :

- en ce qui concerne les magistrats du siège, d'un président de chambre de la cour d'appel, de trois conseillers à la cour d'appel, de 19 vice-présidents, de 6,5 juges et de 9 juges de l'application des peines ;

- en ce qui concerne les magistrats du parquet, d'un substitut général et de 20 substituts ;

- en ce qui concerne les fonctionnaires, de 44 greffiers et de 21 fonctionnaires de catégorie C.

Les fortes demandes en magistrats gradés s'expliquent par le fait que le juge des libertés et de la détention, chargé de la détention provisoire et de la mise en liberté, est un magistrat du siège ayant rang soit de président, soit de premier vice-président, soit de vice-président.

En outre, ces magistrats doivent être suffisamment nombreux pour deux raisons. D'une part, ils doivent pouvoir se relayer dans la mesure où le juge des libertés et de la détention sera essentiellement amené à exercer ses fonctions entre 17 heures et 23 heures. D'autre part, il leur faudra éviter de siéger au procès d'une personne pour laquelle ils auront dû trancher sur la question de sa mise en détention provisoire ou de sa mise en liberté sous peine de vice de procédure.

2. Le manque de locaux

La loi renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes a un impact sur les besoins en locaux supplémentaires des juridictions à plusieurs titres. Ainsi, le juge des libertés et de la détention devra disposer de locaux adaptés pour recevoir les prévenus. Par ailleurs, l'institution d'un appel en matière criminelle crée des besoins en surface supplémentaire d'audience nécessaire à la tenue des sessions d'appel. Enfin, la juridictionnalisation de l'application des peines entraînera des dépenses d'aménagement de locaux.

Or, un peu plus d'un mois avant l'entrée en application de la loi, aucune mesure d'envergure n'a été prise pour assurer aux juridictions qu'elles disposeront des locaux suffisants pour appliquer la loi mentionnée précédemment sans préjudice pour les autres activités .

L'étude d'impact de la Chancellerie fait état d'un recensement des besoins en locaux d'une part pour les juges de la détention et des libertés et, d'autre part, pour l'appel en matière criminelle, mais cette réponse apparaît très décalée par rapport à l'urgence de la situation puisque la date d'entrée en vigueur de ces dispositifs est le 1 er janvier 2001 !

Dans le ressort de la cour d'appel de Paris, les besoins en locaux consistent en 4 salles d'audience, sans compter les bureaux supplémentaires pour accueillir les magistrats affectés à cette réforme.

S'ajoutent en outre 310.000 francs de mobilier et une voiture de service.

Le manque des locaux est loin d'être un phénomène parisien. Ainsi, le tribunal de grande instance de Charleville-Mézières utilise la même salle pour les audiences d'assises que pour les audiences des affaires correctionnelles. En conséquence, ces dernières ainsi que les audiences des affaires familiales seront interrompues pendant que se tiendront les procès en appel des décisions de la cour d'assises.

Lors de sa visite des tribunaux de grande instance relevant de la cour d'appel de Paris, votre rapporteur a pu constater l'insuffisance chronique de salles d'audience. Faute de locaux adaptés, des procès sont retardés de plusieurs mois, voire de plusieurs années. L'entrée en vigueur de la loi du 15 juin 2000 précitée ne fera qu'aggraver la situation.

Le gouvernement porte sa part de responsabilité dans les difficultés auxquelles vont être confrontées les juridictions à partir de janvier 2001. En effet, alors qu'il sait depuis le mois d'avril dernier que le Parlement est favorable à l'institution d'un appel en matière criminelle et qu'il a demandé sa mise en application dès le 1 er janvier 2001, aucune mesure n'a été prise pour soit louer des locaux, soit en construire afin de pouvoir tenir les procès en cour d'assises supplémentaires. En conséquence, cette réforme risque de pénaliser la tenue d'autres audiences, notamment en matière correctionnelle ou en matière d'affaires familiales.

Impact de la loi renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes sur les effectifs des juridictions relevant de la Cour d'appel de Reims

I. - LA COUR D'APPEL DE REIMS

A. Effectifs supplémentaires

Les sessions d'assises de la Marne, de l'Aube et des Ardennes sont présidées par des conseillers de la Cour d'appel.

A titre d'exemple, se sont tenues, en 1999,

- 6 sessions dans la Marne soit 6 x 10 jours = 60 jours d'audience,

- 3 sessions dans les Ardennes soit 3 x 10 jours = 30 jours d'audience,

- 3 sessions dans l'Aube soit 3 x 10 jours = 30 jours d'audience

TOTAL =  120 jours d'audience

Il convient d'ajouter à ce total le nombre de jours nécessaires à la préparation des sessions, soit 5 jours pour chaque session ce qui porte le total à 120 jours + (5 x 12 = 60 jours) = 180 jours.

La Chancellerie a retenu un taux prévisible d'appel en matière correctionnelle qui oscille entre 34,5 % et 48,9 %.

Si l'on affecte un pourcentage moyen de 40 % au nombre précédemment obtenu (180 jours), le nombre de jours d'audience s'élève à 252 jours.

Sachant qu'un magistrat totalise environ sur une année

(52 semaines x 5 jours) - (7 x 5 jours de congés) - 11 jours chômés = 214 jours travaillés, il apparaît indispensable de créer un poste de conseiller supplémentaire pour faire face à l'introduction de l'appel en matière criminelle .

S'agissant des magistrats du parquet général, outre cette charge supplémentaire, ils devront assurer leurs fonctions auprès de la juridiction régionale de libération conditionnelle et auront un contentieux plus important à la chambre des appels correctionnels : un poste de substitut général apparaît nécessaire .

Par ailleurs,

- l'augmentation des sessions d'assises,

- l'augmentation des appels portés devant la chambre des appels correctionnels en matière de libération conditionnelle,

- le raccourcissement des délais d'audiencement devant la chambre de l'instruction et la chambre des appels correctionnels,

- la création de la juridiction régionale de la libération conditionnelle exigent la création de deux postes de greffier et d'un poste d'agent des services techniques chargé notamment de la copie des dossiers d'assises, personnel qu'il convient d'équiper .

B. Moyens (immobiliers, matériels)

- la création de bureaux

- l'acquisition d'un photocopieur consacré exclusivement à la photocopie des dossiers d'assises, d'un véhicule pour faciliter le transport des pièces à conviction et celui du Président de la juridiction régionale de la libération conditionnelle amené à se déplacer dans les centres de détention situés notamment dans le département de l'Aube (Clairvaux, Villenauxe la Grande), de matériels informatiques et d'un mobilier sont nécessaires.

II. - LES TRIBUNAUX DE GRANDE INSTANCE DU RESSORT
(Reims, Châlons-en-Champagne, Troyes, Charleville-Mézières)

A. Effectifs supplémentaires

Compte tenu de la création du juge des libertés et de la détention, nécessairement spécialisé, il semble raisonnable d'envisager la création d'un poste de magistrat du siège dans chaque Tribunal de Grande Instance du ressort , notamment un poste de vice-président au Tribunal de Grande Instance de Troyes qui en est actuellement dépourvu et, bien entendu, la création de 4 postes de greffier chargés d'assister ces nouveaux magistrats .

L'obligation de contrôler les locaux de garde à vue constitue une charge importante pour les parquets du ressort, qui devront également faire face aux autres obligations nouvelles, alors que leur activité actuelle est déjà très importante par rapport aux effectifs dont ils disposent. La création d'un poste de substitut placé apparaît particulièrement nécessaire .

La réforme de l'exécution des peines nécessite aussi le renforcement des effectifs dans les services de l'application des peines, tant en magistrats qu'en fonctionnaires.

- Troyes réclame, compte tenu de la présence dans le département de deux centres de détention importants, la création d'un poste supplémentaire de juge de l'application des peines, d'un poste de substitut et d'un poste de greffier .

- Châlons-en-Champagne et Charleville-Mézières sollicitent chacun, pour leur service d'application des peines, la création d'un poste de fonctionnaire à mi-temps .

Tous ces nouveaux magistrats et fonctionnaires doivent évidemment être équipés.

B. Moyens (immobiliers, matériels)

Les salles d'audience des Cours d'assises de Troyes et Charleville-Mézières doivent subir un aménagement particulier pour accueillir les 12 jurés -au lieu de 9- qui siègent désormais en appel.

La création d'une salle d'audience à Charleville-Mézières devient impérative , ce Tribunal de Grande Instance ne pouvant plus suspendre la tenue des audiences correctionnelles pendant les sessions d'assises comme il le fait actuellement.

La plupart des décisions du juge de l'application des peines étant rendues à l'issue d'un débat contradictoire, comme celles du juge des libertés et de la détention, une extension des bureaux des magistrats et fonctionnaires concernés s'impose.

Il va de soi que tout accroissement d'effectif ou extension de locaux doit s'accompagner de l'acquisition de matériels informatiques et de mobilier de bureau.

Pour permettre d'assurer efficacement et surtout rapidement la continuité de l'activité des parquets et le suivi des mesures de garde à vue durant les permanences, il semble judicieux d'équiper le parquet général et les 4 parquets du ressort : de 5 téléphones portables cellulaires permettant d'envoyer ou recevoir des mails et des fax, de 5 ordinateurs portables et 5 scanners permettant de créer un fichier, mis à jour chaque semaine, des fiches d'exécution des peines en cours, des mandats d'arrêts, de la liste des magistrats de permanence. Ces matériels seront spécialement affectés au magistrat du parquet ou parquet général assurant la permanence.

Les bouleversements que la loi introduit dans la procédure pénale entraînent pour les magistrats et les fonctionnaires des greffes une surcharge de travail importante alors que les juridictions ont déjà du mal à surmonter un déficit en personnel chronique qui résulte essentiellement de la féminisation (temps partiel non compensé immédiatement, congés de maternité, congés parentaux, congés de garde pour enfants malades...) et du remplacement tardif des agents mutés, déficit qui sera certainement accentué par la réduction du temps de travail (35 heures).

3. Un dispositif d'aide juridictionnelle à réformer en profondeur

La loi renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes a accru le rôle de l'avocat. Désormais, ce dernier interviendra dès la première heure de la garde à vue, puis à la vingtième heure et, en cas de prolongation à la trente sixième heure ; il pourra également être présent pour les décisions d'octroi, d'ajournement, de refus, de retrait ou encore de révocation de toutes les mesures concernant le placement à l'extérieur, la semi-liberté, le fractionnement ou la suspension des peines et la libération conditionnelle. La pose du bracelet électronique se fera également en présence de l'avocat.

Pour autant, les crédits prévues dans la loi de finances pour 2001 afin de rémunérer les prestations des avocats sont contestés par cette profession.

A l'heure actuelle, il existe 400.000 gardes à vue par an environ. L'avocat perçoit un forfait de 300 francs ainsi qu'une indemnité de 100 francs s'il a dû se déplacer dans une commune qui n'est pas le siège du barreau ou du tribunal compétent. Lorsqu'il se déplace de nuit, il bénéficie d'un supplément de 200 francs.

Le coût global de cette réforme est évalué par la Chancellerie à 92 millions de francs. 10 millions de francs existent déjà au chapitre 46-12 (Aide juridique) pour financer les interventions de l'avocat postérieures à la première heure de la garde à vue ; 67 millions de francs avaient été obtenus dans les lois de finances pour 1999 et 2000, qui sont reportés pour la loi de finances pour 2001, tandis que cette dernière prévoit une mesure d'ajustement de 15 millions de francs. Il convient de remarquer que 8 millions de francs sont consacrés à la majoration de 10 % des tarifs unitaires (qui passent de 300 francs à 330 francs).

Le financement de l'intervention de l'avocat à la première de la garde à vue est donc assuré.

En réalité, la proche entrée en vigueur de la loi du 15 juin 2000 pose la question de la pertinence du système d'aide juridictionnelle tel qu'il existe aujourd'hui dont, paradoxalement, la charge financière s'avère de plus en plus lourde pour le budget de la justice sans pour autant permettre aux plus défavorisés d'accéder au droit et à la justice ni satisfaire les avocats en ce qui concerne leurs rémunérations.

a) L'explosion des crédits affectés à l'aide juridictionnelle

Entre 1995 et 2001, la dépense liée à l'aide juridictionnelle est passée de 865 millions de francs à 1.543,6 millions de francs, soit une hausse de 78,4 %.

Parallèlement, le budget de la justice a évolué de 22.131,3 millions de francs en 1995 à 29.033,4 millions de francs en 2001, soit une hausse de 31 %.

La hausse des crédits d'aide juridictionnelle a donc été deux fois plus importante que celle du budget global de la justice . En conséquence, une part croissante des augmentations de crédits a servi à financer l'aide juridictionnelle.

Le rythme de croissance des dépenses d'aide juridictionnelle a cependant ralenti à partir de 1997 (+ 12,7 % contre + 24 % en 1996, + 2,7 % en 1998), puis il a de nouveau augmenté : + 4,4 % en 1999 et + 6,9 % en 2000.

Selon la Chancellerie, la dotation budgétaire pour 2000 avait été calculée sur la base d'une hausse des admissions à l'aide juridictionnelle de 3 % en 1998, 1999 et 2000. Or, les admissions ont baissé en 1998 (-0,8 %) et sont restées stables en 1999 (+ 0,1 %). La prévision pour 2000 s'élève à une hausse de 1,6 %. En conséquence, la dépense pour 2000 devrait être largement inférieure à la dotation initiale (l'excédent prévisible atteindrait 200 millions de francs).

C'est la raison pour laquelle la dotation pour 2001 a été réduite de 102,7 millions de francs, ce qui permet à la fois de tenir compte du montant de la dépense prévisible et de financer les mesures nouvelles d'un montant total de 102,7 millions de francs.

Votre rapporteur tient à souligner que cet affichage politique (à savoir la conciliation de deux objectifs contradictoires tels que la stabilisation des dépenses et le financement des mesures de la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et des droits des victimes) est rendu possible par le fait que les crédits de l'aide juridictionnelle figurent à l'état F qui énumère les dépenses auxquelles s'appliquent des crédits évaluatifs. Cela signifie concrètement que les crédits peuvent être sous-évalués sans conséquence dommageable pour le financement de l'aide juridictionnelle puisque, s'ils s'avèrent insuffisants, ils seront automatiquement abondés.

b) L'exclusion de toute une partie de la population de l'accès au droit et à la justice

Paradoxalement, alors que la France consacrera en 2001 plus d'1,5 milliard de francs à l'aide juridictionnelle, un nombre croissant de demandes est rejeté.

Les demandes d'aide juridictionnelle sont passées de 780.634 en 1997 à 778.413 en 1998 et à 783.130 en 1999. Après avoir connu une progression ininterrompue entre 1992 et 1997, elles semblent avoir atteint un pallier depuis 1997.

Par ailleurs, en 1999, comme les années précédentes, les rejets ont progressé (+ 5 %). Ils sont motivés dans 55 % des cas par des dépassements de ressources et dans 27 % des cas par l'absence de pièces justificatives. Le taux de rejet atteint 10%.

Pourtant, les plafonds de ressources sont très bas puisque, malgré leur revalorisation par la loi de finances pour 2001, ils s'élèvent seulement à 5.175 francs par mois pour l'aide totale et 7.764 francs par mois pour l'aide partielle.

Les admissions qui concernent les contentieux civils et principalement familiaux représentent, en 1999, près des trois cinquièmes des admissions totales à l'aide juridictionnelle. A cet égard, il convient de remarquer qu'alors que le nombre des contentieux en matière civile tend à diminuer, le nombre des demandes d'aide juridictionnelle augmente.

Votre rapporteur constate avec regret que l'augmentation croissante des rejets révèle qu'un nombre croissant de personnes est exclu de l'aide juridictionnelle, en raison de plafonds de ressources beaucoup trop bas.

c) L'inadaptation de l'indemnisation des avocats par rapport aux prestations fournies

Le montant de l'indemnisation que reçoit l'avocat pour sa prestation résulte du produit d'un coefficient par type de procédure et d'une unité de valeur de référence fixée depuis la loi de finances pour 2000 à 134 francs. Aucune revalorisation n'a été prévue dans le projet de loi de finances pour 2001.

Le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 précise le nombre d'unités de valeurs applicable selon les procédures en cause.

La plupart des avocats estiment que le nombre d'unités de valeur affecté aux diverses procédures ne permet pas de prendre en compte le temps passé pour traiter une procédure et les charges supportées à cette occasion.

Ils exigent donc une revalorisation de l'unité de valeur. Il convient de remarquer que leurs revendications sont d'autant plus fortes qu'un nombre croissant d'avocats vit essentiellement de l'aide juridictionnelle.

En effet, l'explosion du nombre des avocats s'est accompagnée d'une paupérisation d'une partie de la profession et de l'augmentation des inégalités de salaires entre ceux qui se sont spécialisés dans des secteurs très rémunérateurs et ceux qui traitent principalement des affaires dont les frais sont pris en charge par l'aide juridictionnelle.

Or, le taux de ce type d'affaire peut être très élevé : au tribunal de grande instance de Bobigny, entre 70 et 80 % des affaires sont financées par l'aide juridictionnelle.

Par ailleurs, les interventions des avocats susceptibles d'être rémunérées par le biais de l'aide juridictionnelle se sont multipliées.

Ainsi, la loi du 18 décembre 1998 relative à l'accès au droit et à la résolution amiable des conflits prévoit la rétribution de l'avocat au titre de l'aide juridictionnelle qui intervient dans une procédure transactionnelle.

De même, la loi du 12 avril 2000 relative à la validation législative d'un examen professionnel d'accès au grade de premier surveillant des services extérieurs de l'administration pénitentiaire permet l'intervention des avocats au prétoire dans le cadre de la procédure disciplinaire appliquée aux détenus.

Enfin, la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes prévoit la présence d'un avocat dès la première heure de la garde à vue, devant le juge des libertés et de la détention et multiplie les interventions de l'avocat, notamment aux audiences d'application des peines dans les centres de détention.

Les conséquences de la multiplication des interventions des avocats susceptibles d'être rémunérées par l'aide juridictionnelle sont double.

Dans les cabinets pour lesquels l'aide juridictionnelle représentait seulement un pourcentage infime de leur chiffre d'affaires, la faible indemnisation des prestations de l'avocat au titre de l'aide juridictionnelle était jusqu'à présent tolérée car elle était considérée comme un geste de solidarité vis-à-vis des plus démunis. Toutefois, l'augmentation de la part des prestations rémunérées par l'aide juridictionnelle remet en cause cet équilibre puisque lesdits cabinets doivent consacrer de plus en plus de temps à des affaires qui sont beaucoup moins bien rémunérées que leur activité traditionnelle. Le manque à gagner s'accroît.

Quant aux avocats dont la majorité de leur rémunération est issue de l'aide juridictionnelle, ils ont directement et légitimement intérêt à la revalorisation de l'unité de valeur.

Il apparaît donc que le dispositif tel qu'il fonctionne aujourd'hui n'est pas satisfaisant. D'abord, il ne permet pas aux plus défavorisés d'accéder au droit et à la justice. Par ailleurs, on peut légitimement s'interroger sur les conséquences dommageables du caractère de plus en plus hétérogène de la profession d'avocats. Certains représentants de la profession paraissent d'ailleurs accepter une certaine " fonctionnarisation " des avocats en citant l'exemple du Québec.

Il apparaît donc urgent de revoir les mécanismes de l'aide juridictionnelle en s'interrogeant sur les mesures permettant de faire accéder les plus défavorisés au droit et à la justice sans que ces dépenses n'accaparent une partie trop importante du budget de la justice.

Par ailleurs, il convient de s'interroger sur le niveau de la rémunération des avocats au titre de l'aide juridictionnelle dont l'enjeu repose sur le fait qu'une dépense publique finance une profession libérale.

CHAPITRE IV :

L'ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE : DES MESURES INSUFFISANTES MALGRÉ LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION D'ENQUÊTE DU SÉNAT SUR LES CONDITIONS DE DÉTENTION DANS LES ÉTABLISSEMENTS PÉNITENTIAIRES

I. LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION D'ENQUÊTE DU SÉNAT

Le 10 février dernier, le Sénat a constitué une commission d'enquête sur les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires en France.

A cet égard, votre rapporteur tient à rappeler qu'il avait déjà demandé lors de l'examen des crédits du ministère de la justice en 1998 et en 1999 la création d'une telle commission.

Parmi les trente mesures d'urgence énumérées par la commission, deux ont retenu particulièrement l'attention de votre rapporteur parce qu'elles révèlent le décalage entre l'urgence d'une situation maintes fois dénoncée et l'absence de mesures radicales pour y remédier. Elle concernent la réhabilitation du parc pénitentiaire et l'augmentation du nombre des personnels pénitentiaires.

Extrait des propositions de la commission d'enquête

A. RÉHABILITER LE PARC PÉNITENTIAIRE

L'administration pénitentiaire est confrontée à la nécessité de réhabiliter une grande partie de son parc immobilier. A l'évidence, cette réhabilitation n'aura d'effets positifs qu'à moyen terme.

Ce constat ne doit pas pour autant conduire à renoncer à des actions de court terme : il est nécessaire d'élaborer une stratégie immobilière qui serait déclinée par une loi de programme.

1. A court terme

a) Elaborer une stratégie immobilière

Le coût de la réhabilitation est considérable : selon une étude récemment réalisée sur la base d'un échantillon de quinze établissements représentatifs, il s'élèverait à 3,3 milliards de francs sans prendre en compte les cinq plus grandes maisons d'arrêt (dont la rénovation est évaluée à 3,5 milliards de francs) et les établissements dont la fermeture est programmée.

Ce montant ne comprend que les améliorations et remises en état et n'intègre pas le coût de l'encellulement individuel, estimé à 6,2 milliards de francs.

Au total, le montant des autorisations de programme du titre V nécessaires à la rénovation des établissements pénitentiaires s'élèverait au moins à 13 milliards de francs.

Il apparaît impératif de disposer d'un bilan exhaustif de la situation des établissements pénitentiaires afin de pouvoir établir les priorités et élaborer une stratégie immobilière.

b) Adopter une loi de programme

Afin de dégager les crédits nécessaires et de les utiliser de la manière la plus rationnelle possible, la commission d'enquête propose de lancer, à travers une nouvelle loi de programme, un plan de réhabilitation sur cinq ans qui fixerait les objectifs à atteindre et les moyens financiers à y consacrer.

2. A moyen terme

La commission d'enquête préconise les orientations suivantes.

a) Détruire, réhabiliter et construire

Il convient de conjuguer la réhabilitation du parc ancien et la construction de nouvelles prisons. Bien entendu, les plus vétustes et les moins adaptées des vieilles prisons devront être fermées. La commission rappelle que les choix d'implantation doivent tenir compte de la nécessité d'un accès commode pour le personnel, les familles et les intervenants.

La commission d'enquête estime nécessaire que la rénovation du parc ancien -comme c'est déjà le cas pour les nouvelles constructions- soit réalisée en s'inspirant du modèle hollandais, qui privilégie l'encellulement individuel et l'intégration de la douche dans la cellule.

En outre, les bâtiments doivent être équipés de parloirs suffisamment vastes, de lieux de formation, d'ateliers, de locaux socio-éducatifs et de terrains de sport adaptés.

b) Privilégier les établissements à taille humaine

Les bâtiments prévus dans le programme 4 000 sont susceptibles d'accueillir 600 détenus. Ce chiffre apparaît encore trop élevé, la commission d'enquête estimant que la taille idéale d'un établissement pénitentiaire devrait plutôt se rapprocher de 300 places.

c) Prévoir un effort important de maintenance

A l'heure actuelle, 300 millions de francs annuels au minimum seraient nécessaires pour assurer un entretien efficace du parc immobilier de l'administration pénitentiaire.

Il convient donc d'évaluer de manière précise le montant exact des coûts relatifs à la maintenance des établissements pénitentiaires et de réévaluer en conséquence la dotation budgétaire correspondante.

Au-delà d'une clarification budgétaire souhaitable, la commission propose la création d'une " agence pénitentiaire ", structure publique qui gérerait de manière autonome le patrimoine pénitentiaire et serait en charge à la fois des dépenses d'investissement et d'entretien. Aucune modalité de gestion ne serait a priori écartée et cette structure pourrait déléguer la maintenance de certains établissements à des sociétés privées dans le cadre d'un cahier des charges précis.

La modernisation des techniques de gestion, notamment par le recours à l'informatique, serait de nature à améliorer la maintenance.

L'augmentation des moyens financiers destinés à l'entretien des bâtiments ne sera efficace que si l'organisation humaine de la maintenance est revue sérieusement.

Il apparaît donc urgent d'engager une réflexion sur le rôle des personnels techniques en fonction des options de gestion retenues. En effet, si la maintenance continue d'être assumée en régie directe, un effort important de recrutement devra être accompli. Si l'entretien est externalisé, il faudra plutôt former les personnels techniques au contrôle des actions menées par des entreprises privées.

B. ASSOCIER ÉTROITEMENT LE PERSONNEL À CES RÉFORMES

1. Disposer de personnels en quantité et en qualité suffisantes

Les réformes proposées par la commission d'enquête ne pourront entrer en vigueur que si les personnels y sont étroitement associés. Pour cela, l'administration pénitentiaire doit disposer de personnels en quantité et en qualité suffisantes.

La commission d'enquête a constaté que l'administration pénitentiaire souffrait d'un sous-effectif chronique en personnels administratifs et techniques, mais également de postes de surveillants non pourvus.

2. Pourvoir les postes prévus

Il faut que les besoins de l'administration pénitentiaire en ressources humaines soient clairement identifiés et que la taille des effectifs soit adaptée en conséquence. Il faut que tous les postes prévus soient réellement pourvus.

[...]

En ce qui concerne les effectifs de l'administration pénitentiaire, la commission d'enquête, s'appuyant sur un rapport de décembre de la Cour des comptes, a dressé les constats suivants.

D'abord, les effectifs apparaissent insuffisants, notamment au regard de la montée en charge de la population pénale dans les années 70 et 80. Aujourd'hui, on compte 2,6 détenus par surveillant, étant rappelé que sur le terrain, un seul surveillant a souvent en charge une coursive accueillant une centaine de détenus. Par rapport aux autres pays de l'Union européenne, la France se caractérise par un faible taux d'encadrement de ses détenus.

En outre, l'abaissement de l'âge de la retraite pour le personnel de surveillance a accélérer les départs à la retraite sans que cette mesure s'accompagne d'un plan de recrutement destiné à combler les vacances de postes.

Le développement de fortes tensions au sein des établissements pénitentiaires a conduit la ministre de la justice à demander l'autorisation de recruter de nouveaux surveillants en surnombre. Au titre de l'exercice 1998, 400 recrutements en surnombre lui ont été accordés, et une même mesure portant sur 507 surveillants a été acceptée en 1999 afin d'amortir les effets de la bonification du cinquième.

Toutefois, ces surnombres n'ont pas permis de pallier toutes les vacances de postes en raison du décalage de huit mois lié à la formation des élèves surveillants.

Par ailleurs, l'administration pénitentiaire souffre d'un manque de personnels administratifs et techniques. Les besoins sont évalués à 272 personnels administratifs et 310 personnels techniques. Aujourd'hui, 675 agents seulement sont responsables de l'entretien de 186 établissements pénitentiaires. Ceci explique sans doute en partie l'état déplorable du parc pénitentiaire et l'absence quasi totale de maintenance.

Enfin, la composition du personnel pénitentiaire traduit une préoccupation essentiellement sécuritaire au détriment de la réinsertion des détenus.

Ainsi, les personnels de surveillance ont vu leur nombre régulièrement accru de 84 emplois en moyenne chaque année de 1988 à 1998 et la filière de surveillance a représenté plus de 80 % des créations d'emplois budgétaires dans la même période. Au 1 er janvier 2000, on compte en moyenne pour 100 détenus 40 surveillants mais un seul travailleur social.

II. LA RÉACTION DU GOUVERNEMENT : DES MESURES QUI NE TIENNENT PAS SUFFISAMMENT COMPTE DES PROPOSITIONS DE LA COMMISSION D'ENQUÊTE

1. La réhabilitation immobilière : une politique d'affichage sans conséquence concrète

Comme il a été constaté lors de l'examen des crédits d'équipement des services pénitentiaires, il existe un décalage entre l'augmentation croissante des crédits votés par le Parlement afin de réhabiliter le parc pénitentiaire français et les retards accumulés dans l'utilisation desdits crédits.

Selon les statistiques du contrôleur financier des crédits de la justice, au 30 septembre 2000, sur les 2,58 milliards de francs de crédits de paiement localisés sur le chapitre 57-60 (équipement), seuls 966 millions de francs avaient été ordonnancés et délégués, soit une consommation d'à peine 37,41 %.

En conséquence, votre rapporteur s'interroge sur la portée de l'amendement du gouvernement présenté à l'Assemblée nationale lors de l'examen des crédits du budget de la justice pour 2001 qui vise à abonder le chapitre 57-60 précité d'un milliard de francs en autorisations de programme.

Par ailleurs, il regrette le refus du gouvernement de faire adopter par le Parlement une loi de programme. Celle-ci présente au moins deux avantages.

D'une part, elle fixerait des objectifs précis et chiffrés. Jusqu'à présent, le gouvernement se contente de distiller les informations concernant les bâtiments à rénover ou à reconstruire. Or, en raison des sommes colossales liées à la réhabilitation du parc pénitentiaire, il apparaîtrait plus démocratique, mais également plus rationnel, de présenter un programme à court et moyen terme fixant les priorités retenues.

La commission d'enquête a par exemple évalué le coût de l'encellulement individuel à 6,2 milliards de francs. Or, la loi du 15 juin 2000 prévoit la suppression des exceptions à la règle de l'emprisonnement individuel des prévenus à partir de juin 2003. Une loi de programme permettrait de commencer les travaux dès cette année et d'étendre la dépense correspondante sur les deux prochains budgets.

D'autre part, la loi de programme permettrait au Parlement de contrôler chaque année l'exécution de cette dernière et de dresser un bilan des réalisations, mais aussi des retards constatés. L'absence de loi de programme rend ce contrôle plus difficile.

Par ailleurs, les dépenses d'entretien, qui comprennent l'entretien et la maintenance, les travaux d'installation et les agencements ainsi que les contrats de maintenance restent notablement insuffisantes.

Enfin, la proposition de la commission d'enquête de créer une agence pénitentiaire chargée de gérer de manière autonome le patrimoine pénitentiaire n'a fait l'objet d'aucune réaction de la part du ministre de la justice.

2. Des créations d'emplois qui ne répondent pas aux voeux de la commission d'enquête

Face aux besoins décrits précédemment, les chiffres annoncés par la Chancellerie concernant les créations d'emplois apparaissent insuffisants. Ils ont d'ailleurs dus être revus à la hausse suite à un mouvement social de la part des surveillants en octobre dernier. Ainsi, un protocole d'accord a été conclu autorisant le recrutement de manière anticipée de 251 personnels de surveillance, de 50 personnels administratifs et de 30 personnels techniques.

Au total, seulement 109 postes administratifs et 33 postes techniques seront créés, et ce après un mouvement social alors que respectivement 272 et 310 seraient nécessaires.

Dans le projet de budget pour 2001, l'augmentation réelle des crédits de personnel de l'administration pénitentiaire à structure constante s'élève à 121,7 millions de francs, soit + 2,7 %. Le protocole d'accord signé le 17 octobre dernier a permis d'obtenir 57,6 millions supplémentaires.

Il convient de rappeler que dans le projet de loi de finances pour 2000, les crédits du titre III consacrés au personnel augmentaient de 172,1 millions de francs, contre 179,3 millions de francs pour l'année prochaine.

Il ne semble donc que les conclusions des deux commission d'enquête du Parlement, qui insistaient sur la nécessité d'augmenter les effectifs de l'administration pénitentiaire n'aient guère retenu l'attention du gouvernement.

ANNEXE I :

MODIFICATIONS APPORTÉES PAR
L'ASSEMBLÉE NATIONALE

I. MODIFICATION DES CRÉDITS

A. MAJORATIONS DE CRÉDITS SUR LE TITRE III

Les crédits du chapitre 31-92 (indemnités et allocations diverses) article 40 sont abondés de 57,6 millions de francs.

Cette somme est destinée à financer le protocole d'accord intervenu le 18 octobre 2000 entre le Garde des Sceaux et les organisations syndicales représentant le personnel pénitentiaire qui prévoit les améliorations du régime indemnitaire suivantes :

- un supplément annuel de 1.700 francs par agent pour l'indemnité pour charges supplémentaires (coût : 39 millions de francs) ;

- l'augmentation du montant forfaitaire de la prime de nuit hors week-end qui s'élèvera désormais à 75 francs (coût : 1,6 million de francs) ;

- le remplacement de la prime de sujétion particulière par une prime de sujétion spéciale, intégrée dans les droits à retraite (coût : 7 millions de francs).

B. MAJORATIONS DE CRÉDITS SUR LE TITRE V

Les crédits du chapitre 57-60 (équipement) sont abondés d'un milliard de francs en autorisations de programme.

Il s'agit de financer le programme de rénovation du parc immobilier pénitentiaire.

II. MODIFICATION DES CRÉDITS NON RECONDUCTIBLES

A. MAJORATIONS DE CRÉDITS SUR LE TITRE IV

Les majorations de crédits non reconductibles relatives au budget de la justice concernent le titre IV pour 190.000 francs .

Le chapitre concerné est le chapitre 46-01 (Subventions et interventions diverses) article 20 pour 150.000 francs et article 30 pour 40.000 francs.

B. MAJORATIONS DE CRÉDITS SUR LE TITRE V

Les majorations de crédits non reconductibles relatives au budget de la justice concernent le titre V pour 2 millions de francs en autorisations de programme et en crédits de paiement.

Le chapitre concerné est le chapitre 57-51 (Conseil d'Etat. Cours administratives d'appel et tribunaux administratifs) article 10.

ANNEXE II :

MISSION DE L'INSPECTION GENERALE DES SERVICES JUDICIAIRES SUR LA MISE EN APPLICATION
DE LA LOI DU 15 JUIN 2000
RELATIVE AU RENFORCEMENT DE LA PROTECTION
DE LA PRÉSOMPTION D'INNOCENCE
ET DES DROITS DES VICTIMES

Décembre 2000

Dans la perspective de l'entrée en vigueur des principales dispositions de la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000, Mme la garde des sceaux a, par lettre de mission du 8 novembre 2000, chargé l'inspecteur général des services judiciaires d'opérer, après examen concret de la situation des juridictions, tous constats nécessaires à un éventuel plan d'ajustement des moyens répondant tant à la diversité des besoins de chaque site qu'à chacun des volets de la loi. L'acte de saisine précisait que les investigations pourraient avoir lieu dans les juridictions suivantes :

- cour d'appel de Bourges et les tribunaux de grande instance du ressort, Bourges, Châteauroux et Nevers ;

- cour d'appel de Rouen et, dans son ressort, les tribunaux de grande instance du Havre et d'Evreux ;

- tribunal de grande instance de Bobigny ;

- tribunal de grande instance de Lyon ;

- tribunal de grande instance d'Angers ;

- tribunaux de grande instance de l'Aisne (Laon, Saint-Quentin, Soissons).

Il était ultérieurement spécifié que l'étude devrait porter sur les quatre principaux volets de la réforme : la garde à vue, la création du juge des libertés et de la détention (JLD), le recours en matière criminelle et la juridictionnalisation de l'application des peines.

Tous les inspecteurs des services judiciaires ont participé à cette mission. Ils ont rencontré les chefs des cours, des présidents de cour d'assises et de chambre d'accusation, les chefs de juridictions, les chefs de greffe, des magistrats et greffiers directement concernés par l'entrée en vigueur de la loi. Des entretiens ont également eu lieu avec les bâtonniers et les représentants des organisations professionnelles de magistrats et de fonctionnaires qui en ont fait la demande.

A la faveur de l'exécution d'une autre mission, des inspecteurs se sont en outre rendus dans d'autres cours d'appel et tribunaux de grande instance, de sorte que les investigations ont été étendues au-delà de l'échantillon initialement sélectionné.

Compte tenu des délais impartis, la démarche suivie, sous forme d'entretiens et de recueils de données chiffrées, n'a eu d'autre objectif que de repérer les difficultés concrètes les plus prévisibles, en l'état des moyens humains et matériels réels des juridictions visitées. Ces investigations ont donné lieu, pour chacune des juridictions de l'échantillon proposé dans la lettre de mission, à la rédaction d'un compte rendu. En l'état du recensement opéré par l'administration centrale des besoins en locaux, la mission a limité les développements consacrés à cette question, dont elle a toutefois pris la mesure de l'importance selon les sites.

Au-delà des spécificités locales, il résulte de l'ensemble des éléments recueillis, que chacun des quatre volets de la réforme aura des répercussions de divers ordres sur le fonctionnement des juridictions. Si, au vu des constatations faites, certaines difficultés paraissent pouvoir être résolues, ou tout au moins largement atténuées, au bénéfice de quelques ajustements, d'autres devront conduire à un renforcement significatif des effectifs, plus particulièrement dans les greffes.

Le présent rapport de synthèse examinera successivement les conséquences à attendre de l'entrée en vigueur des trois principales dispositions de la loi du 15 juin 2000, pour les magistrats du siège et pour le greffe, et consacrera des développements particuliers aux contraintes générées par l'ensemble pour le parquet.

1. Le juge des libertés et de la détention

Cette réforme qui est d'initiative gouvernementale a été accompagnée de créations de postes de vice-présidents et de greffiers, affectés par anticipation, à la suite d'une étude d'impact conduite par la direction des services judiciaires. Pour cette raison, et moyennant quelques ajustements, elle ne devrait peser que modérément sur le fonctionnement des juridictions.

a) Les magistrats du siège

Les localisations opérées dans ce cadre s'avèrent adaptées à la situation observée, sous réserve d'une part que ces postes aient été ou soient effectivement pourvus, et que les vacances existantes soient par ailleurs comblées.

Les juridictions comptant plus de deux vice-présidents et qui devront faire face à cet aspect de la réforme à effectif constant, devraient pouvoir absorber cette charge de travail supplémentaire, prise isolément.

En revanche, dans les plus petites juridictions, il s'avère nécessaire de procéder à une mutualisation des moyens pour assurer les fonctions de JLD, pendant les fins de semaine et le service allégé, voire en permanence, en cas de postes vacants ou d'indisponibilités.

Même si cette mutualisation n'était pas possible à droit constant, les chefs de cour et les chefs des juridictions concernées avaient, toutefois, la plupart du temps, anticipé l'adaptation des textes, en décidant une mise en commun des moyens humains, généralement au niveau départemental, en faisant observer qu'en cas d'indisponibilité juridique avérée, la réforme ne pouvait être mise en oeuvre dans ces juridictions.

Les textes en cours de vote devraient, à quelques exceptions près, permettre de résoudre les problèmes de disponibilité.

Toutefois, si la taille de chaque juridiction ne justifie pas la création d'un poste de vice-président, un tel renforcement dans l'une des juridictions qui mettent en commun leurs moyens pourrait néanmoins être envisagé pour faciliter la mutualisation, au regard des contraintes légales et des autres charges de ces juridictions.

Les situations d'incompatibilité pour le jugement des affaires correctionnelles devront être réglées soit par la délocalisation des procédures, soit par des délégations ponctuelles. L'une et l'autre de ces solutions ne sont pas sans inconvénients sur la gestion des audiences et, au-delà, sur le fonctionnement des juridictions.

Cependant, l'ampleur de la difficulté doit être relativisée, au regard du nombre de mandats de dépôt délivrés sur une année dans ces petites juridictions en matière correctionnelle ; elle ne devra pas être perdue de vue lorsqu'il s'agira de composer les formations des cours d'assises, s'agissant de l'incidence des mandats de dépôt criminels.

Il y a là, pour les chefs de cour, une obligation nouvelle de veiller à une bonne coordination entre les juridictions mutualisées et à l'établissement de règles de fonctionnement claires et équilibrées.

b) Le greffe

Plus préoccupante est la situation du greffe, souvent en sous-effectif (budgétaire ou réel) dans les juridictions visitées, même lorsque des postes ont été créés par anticipation.

Quelle que soit l'organisation retenue, les tâches de greffe, même si elles sont en théorie simplement transférées, seront plus " consommatrices " de temps, notamment d'attente : disponibilité du JLD, lecture du dossier, déplacements des personnes présentées... Il en résultera aussi nécessairement des récupérations liées à la tardiveté de présentation de certains déférés, aggravée par la double comparution.

Pour les prolongations de détention, doit être pris en compte non seulement le temps d'audience, mais encore celui des convocations, extractions, notifications, et autres formalités.

En conclusion sur ce point :

1) globalement, s'agissant des magistrats du siège, ce volet de la réforme est compatible avec la situation des juridictions visitées, sous réserve de certains cas particuliers. Il sera plus difficilement absorbé par le greffe, en raison des vacances de postes recensées et de l'impact des temps de récupération.

2) la création du juge des libertés ne sera certainement pas sans incidence sur le fonctionnement général des juridictions, notamment pour celles qui devront recourir à la mutualisation de leurs moyens.

3) lorsqu'il aura été décidé de répartir le contentieux de la détention, entre plusieurs vice-présidents, des disparités de traitement pourront apparaître, d'un jour sur l'autre pour des affaires de même type, voire dans la même affaire, et pourront conduire à une multiplication des demandes de mise en liberté.

Enfin, une attention particulière doit être accordée à l'incidence qu'aura, dans certaines juridictions, l'attribution au JLD, le 16 juin 2002 au plus tard, du contentieux de la rétention des étrangers : c'est ainsi qu'au tribunal de grande instance de Bobigny, le nombre de décisions rendues sur le fondement des articles 35 bis et 35 quater de l'ordonnance du 2 novembre 1945 est passé de 2.905 en 1998 à 5.305 en 1999, pour atteindre 6.325 au 20 novembre 2000, soit une progression de 118 % en moins de deux ans.

2. La cour d'assises

Ce volet de la réforme est sans conteste le plus chargé de symbole.

Indépendamment du taux de recours pour lequel aucune des projections faites aujourd'hui n'est véritablement convaincante, l'estimation du temps nécessaire à la gestion d'une affaire d'assises, au moins pour les magistrats, paraît relativement aisée. La plupart des interlocuteurs de la mission, se sont en effet accordés pour admettre que :

- une affaire se déroule en moyenne sur deux jours ouvrables (une session de deux semaines traite en moyenne cinq affaires) ;

- le temps de préparation pour le président est égal au temps d'audience ;

- le temps de préparation pour le ministère public est de deux jours par affaire (un peu moins s'il en est le régleur) ;

- le temps par assesseur est égal au temps d'audience.

En revanche, le temps consacré à une affaire par le personnel de greffe, hors audience et récupérations, a été tardivement apprécié dans les juridictions visitées. Il est quelquefois estimé forfaitairement à une journée, plus souvent à une durée plus longue pouvant être équivalente à celle retenue pour le président.

En conséquence, une affaire d'assises représente 12 jours de travail/ magistrat et 3 jours (hypothèse basse) ou 4 jours (hypothèse haute) de travail/ greffe.

Il est également majoritairement admis (sous les réserves sus-énoncées) que doit être envisagé, au moins dans un premier temps, un taux d'appel de 50 %. C'est une hypothèse haute qui méritera d'être affinée après quelques mois de fonctionnement. Il apparaît en effet qu'un certain nombre de paramètres, liés notamment à la composition des cours d'assises " d'appel " (12 jurés au lieu de 9), au régime de détention (détenu provisoire ou condamné définitif) à l'épreuve que représente pour certains la comparution en cour d'assises (notamment dans les affaires de moeurs qui constituent plus de la moitié des affaires criminelles), peuvent laisser augurer d'un taux plus bas.

En l'état, si l'on s'en tient aux références statistiques de 1999, 2.279 affaires ont été jugées, soit, en chiffre rond, une projection de 1.400 recours au maximum à prévoir, ce qui représente pour l'ensemble du territoire national :

- 16.800 jours ouvrés de magistrats (dont 5.600 du ministère public), soit l'équivalent de 76 emplois ;

- 4.200 à 5.600 jours ouvrés de fonctionnaires, soit l'équivalent de 19 à 26 emplois hors repos compensateurs.

Cette estimation ne tient pas compte du stock existant (une année d'activité dans plus d'un tiers des cours), qui obligera à accroître le nombre ou la durée des sessions pour respecter les nouveaux délais de comparution. Elle n'intègre pas plus compte des efforts qui ont été fournis par anticipation dans certaines juridictions qui se retrouvent sans stock et pourront absorber la réforme sans difficulté particulière, à effectif constant, au moins dans un premier temps.

En conclusion sur ce point :

Ce volet de la réforme qui interviendra à moyens constants va sensiblement accroître les charges de travail des magistrats et des fonctionnaires.

On retrouve ici le problème récurrent de l'insuffisance de personnel de greffe, avec cette particularité que, même dans les ressorts qui semblent pouvoir assumer la charge des recours, le personnel actuellement affecté à la cour d'assises ne sera pas suffisant, à quelques exceptions près.

En ce qui concerne les magistrats, l'application de la réforme ne pourra s'effectuer, jusqu'à ce qu'interviennent des créations de poste ou de redéploiements, qu'au détriment d'autres contentieux tant dans les tribunaux de grande instance que dans les cours.

En effet, sauf exception, la situation des juridictions ne permet pas de dégager, à activité et moyens constants, les juges et/ou les conseillers requis pour faire face à cet accroissement de charges. De même, un certain nombre de parquets déjà en sous-effectifs, ne pourront absorber la réforme que si les parquets généraux s'impliquent plus largement. Selon la situation locale, les uns et/ou les autres devront probablement moduler leur activité en fonction de leurs disponibilités. Par ailleurs, il est à craindre que, au moins dans un premier temps, le raccourcissement des délais imposés pour juger les détenus ne permette pas de jugés les accusés libres dans un temps raisonnable.

Enfin, les cours qui ont pu ou su anticiper sur la réforme, et plus ou moins apuré leur situation craignent de se voir attribuer des dossiers venant des cours en plus mauvaise posture.

En résumé, il apparaît que l'entrée en vigueur du recours en matière criminelle contraindra, au moins dans un premier temps, la majorité des cours et des tribunaux à opérer des choix dans le traitement des contentieux, ce qui est de nature à conduire, à terme, à un engorgement plus important que celui actuellement constaté, spécialement au niveau des cours d'appel.

3. L'application des peines

Si certains critères relativement fiables peuvent être avancés pour apprécier l'augmentation des charges que constituera le recours en matière criminelle, ou l'instauration d'un juge des libertés, il en va tout autrement de la juridictionnalisation des peines qui constitue un contentieux nouveau, pour lequel subsistent de larges incertitudes à la fois sur le nombre des dossiers qui devront être effectivement examinés dans le cadre d'un débat contradictoire, et sur la quantité des recours susceptibles d'être exercés.

a) L'activité de " première instance "

L'approche généralement pratiquée par les juges de l'application des peines rencontrés, conduit, au minimum, à un doublement du temps actuellement consacré aux décisions d'aménagement des peines. Cette évaluation, qui repose sur des analyses qui mériteraient d'être approfondies, paraît optimiste.

S'ajoute la participation à la juridiction régionale pour laquelle il est encore plus difficile, en l'état, de faire une projection finale. A titre d'exemple, le vice-président chargé de l'application des peines au TGI d'Evreux, qui a effectué une étude d'impact, estime à 50 débats contradictoires par an, la charge de la juridiction régionale, sur la base de 30 % des condamnés relevant de cette instance, pour le seul ressort de son tribunal.

Si, sauf exception, ce surcroît de charge apparaît compatible avec le volume d'activité actuelle de ces magistrats, au titre de l'application des peines, il conduira très certainement ceux qui consacrent une partie de leur temps aux autres activités de la juridiction (la majorité) soit à diminuer ou à cesser cette participation, soit à accorder une moindre attention au milieu ouvert.

Toutefois, la difficulté la plus sérieuse, la plus généralisée et la plus immédiate, outre celle de la localisation géographique des débats et des aménagements de locaux, est celle posée par la nécessité de créer un véritable greffe pour le JAP, la gestion des dossiers de détenus étant jusqu'à présent assurée par l'administration pénitentiaire. Le greffier aura, en effet, notamment pour tâches d'enregistrer les demandes, de contrôler les dossiers d'audiencement, de convoquer les parties aux débats contradictoires, d'assister aux débats et de tenir les notes d'audience, de mettre en forme les décisions rendues, d'assurer le suivi des mesures d'instruction, de tenir à jour les dossiers individuels des condamnés, d'enregistrer les appels. Ce nouveau secrétariat-greffe ne parait pas pouvoir être constitué à moyens constants, la plupart des juridictions visitées connaissant déjà, en ce qui concerne le personnel, et pour des raisons diverses, un effectif réel insuffisant.

b) La cour d'appel

L'évaluation de l'activité générée par la réforme est encore plus aléatoire pour la cour d'appel. Certains chefs de cour ont néanmoins anticipé la difficulté en redéployant certains contentieux de la chambre correctionnelle (par exemple les intérêts civils) vers d'autres chambres, pour permettre l'examen des appels liés à l'application des peines.

4. Le parquet

a) La garde à vue
(1) La permanence de nuit

Après une période d'hésitation, un consensus semble actuellement se dégager pour considérer que, sauf cas particulier, l'information de mise en garde à vue sera donnée par fax, au domicile du magistrat de permanence. Dans l'hypothèse d'un avis téléphonique, il faudra prévoir des temps de récupération pour les magistrats d'astreinte, ce qui contribuera à l'alourdissement déjà considérable des sujétions du parquet, voire dans certains d'entre eux, à une impossibilité de fonctionnement normal à effectif constant.

(2) Le contrôle des locaux de garde à vue

Le temps consacré au contrôle des locaux de garde à vue est évidemment variable selon les ressorts. Il est généralement admis, sauf dispersion ou configuration géographique particulières, une moyenne de 5 à 6 locaux/jour/substitut. A titre d'exemple, au tribunal de grande instance d'Evreux, cette mission qui porte sur 32 sites, représentera 6 jours de travail par trimestre pour un substitut.

b) Les autres conséquences de la réforme

Le parquet des tribunaux de grande instance devra aussi assumer, généralement à effectif constant, au moins une partie des recours en matière criminelle (5.600 jours/magistrat sur la base de 50 % de recours), ainsi que le ministère public dans le cadre des débats contradictoires devant le juge de l'application des peines. Cette dernière charge pèsera lourdement sur les parquets des petites juridictions dans le ressort desquelles se trouvent des structures pénitentiaires accueillant un grand nombre de condamnés. D'autres contraintes résulteront de l'augmentation du nombre des débats contradictoires liée au contentieux de la détention.

En revanche, les possibilités de mutualisation qui devraient être offertes par la réforme prévue du code de l'organisation judiciaire, devraient apporter une plus grande souplesse dans le fonctionnement des parquets.

Conclusion

Si les investigations réalisées ne permettent d'établir qu'un premier diagnostic, se dégagent néanmoins déjà des tendances significatives.

La création du juge des libertés, qui a été anticipé, paraît, sous réserve de quelques aménagements, ne pas devoir poser de problèmes insurmontables.

Le recours en matière criminelle nécessitera certainement dans les mois à venir un renforcement des effectifs de magistrats et de greffiers, dont l'ampleur dépendra, notamment, de l'évolution du taux de recours, de la capacité des juridictions à apurer leurs stocks et des critères retenus par la chambre criminelle de la Cour de cassation pour la désignation des cours de renvoi.

La juridictionnalisation de l'application des peines ne paraît pouvoir être assumée par les juges qu'au prix d'une diminution ou d'une cessation de leur participation aux activités de la juridiction. Elle nécessitera, en tout état de cause, la création dès le 1 er janvier 2001, d'un véritable secrétariat-greffe, prélevé sur l'effectif du tribunal de grande instance, alors qu'il a été constaté, dans la plupart des juridictions visitées, un déficit de personnel dû à de multiples facteurs.

Il apparaît donc que le cumul des trois réformes, dont deux vont entraîner des récupérations pour horaires tardifs, sera difficilement supporté, à effectif constant, par le personnel de greffe.

Enfin, une attention particulière devra être apportée à l'évolution des charges du parquet, qui outre son rôle traditionnel alourdi de façon significative par la réforme de la procédure pénale, voit ses attributions s'accroître avec régularité dans le cadre des politiques publiques.

En définitive, il apparaît certain que l'entrée en vigueur simultanée des trois grandes réformes principales de la loi du 15 juin 2000, dont l'impact réel ne pourra être vraiment apprécié qu'après quelques mois, va influer, de façon plus ou moins significative selon leur marge de manoeuvre, sur le fonctionnement de la plupart des juridictions, quelle que soit leur taille, et les conduire à définir, dans la mesure où elles en ont la maîtrise, des priorités dans les contentieux traités, et au-delà, dans les activités non juridictionnelles de leurs membres.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le jeudi 16 novembre 2000 sous la présidence de M. Alain Lambert, président, la commission a procédé à l'examen des crédits de la justice et de l' article 61 rattaché, sur le rapport de M. Hubert Haenel, rapporteur spécial.

M. Hubert Haenel, rapporteur spécial, a tout d'abord présenté quelques chiffres clés. Il a constaté que le budget proposé par le gouvernement pour 2001 était en augmentation de 3,1 % à structure constante et s'élevait à 29 milliards de francs.

Il a ajouté que 1.550 créations d'emplois étaient prévues, dont notamment 525 emplois pour les services judiciaires, 530 emplois pour l'administration pénitentiaire et 380 emplois pour les services de la protection judiciaire de la jeunesse.

M. Hubert Haenel, rapporteur spécial, a ensuite tenu à relativiser ces chiffres. Il a souligné l'important décalage entre les augmentations du budget constatées depuis quatre ans et le malaise persistant observé au sein des juridictions ou encore dans les prisons.

Il a également fait remarquer que les avancées budgétaires semblaient incapables de soigner les maux qui accablent la justice, à savoir la durée excessive de traitement des dossiers, l'encombrement des juridictions, la charge croissante de travail des magistrats ou encore la persistance des vacances de postes qui désorganisent les services concernés.

M. Hubert Haenel , rapporteur spécial, a alors fait plusieurs observations justifiant à ses yeux le rejet du budget de la justice.

Tout d'abord, il s'est inquiété de l'inertie du Gouvernement qui n'a pas pris les mesures nécessaires pour appliquer dans de bonnes conditions les réformes introduites par la loi renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits de la victime.

Il a rappelé qu'un certain nombre de dispositions devaient entrer en application dès le 1er janvier 2001 : il s'agit de l'appel en matière criminelle ; la présence des avocats dès la première heure de la garde à vue ; l'exercice par le juge des libertés et de la détention des compétences actuellement exercées par le juge d'instruction pour le placement ou le maintien en détention provisoire ; les conditions du placement en détention provisoire, ainsi que la juridictionnalisation de l'application des peines.

Or, M. Hubert Haenel, rapporteur spécial, a mis en garde sur le fait que lors de ses nombreuses visites sur le terrain, il avait constaté qu'aucune disposition n'avait été prise pour assurer la tenue des procès d'assises statuant en appel, soit par la construction de bâtiments, soit par la location de locaux. En conséquence, les audiences de cours d'assises auront lieu au détriment d'autres audiences, comme par exemple celles relatives aux affaires correctionnelles ou aux affaires familiales.

M. Hubert Haenel, rapporteur spécial, a ensuite fait état d'une prise en compte trop timide des conclusions de la commission d'enquête du Sénat sur les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires.

Il a ainsi regretté l'insuffisance des créations d'emplois administratifs et l'absence de créations d'emplois techniques. En outre, il a rappelé qu'eu égard aux sommes nécessaires pour réhabiliter le parc pénitentiaire (évaluées à 13 milliards de francs au minimum), la commission d'enquête s'était prononcée pour le lancement d'une nouvelle loi de programme qui fixerait les objectifs à atteindre, les moyens financiers à y consacrer et permettrait de contrôler la bonne exécution du plan de réhabilitation. Or, le gouvernement semble opposé à une telle démarche.

M. Hubert Haenel, rapporteur spécial , a estimé que le décalage constaté entre l'augmentation croissante des crédits votés par le Parlement afin de réhabiliter, voire de reconstruire le parc pénitentiaire français, et les retards accumulés dans l'utilisation desdits crédits rendaient pourtant une loi de programme indispensable.

Il a ensuite qualifié l'évolution du budget de la justice d'augmentation en trompe l'oeil, en précisant que le gonflement des effectifs n'avait qu'une répercussion très limitée sur la durée moyenne de traitement des affaires, tandis que la productivité des juridictions mesurée en nombre de décisions par magistrat avait atteint un palier. En effet, la multiplication des réformes ne permet pas d'utiliser les postes créés pour résorber les retards accumulés dans le traitement des contentieux, tandis que les magistrats du Parquet sont appelés à exercer de plus en plus d'activités extra-juridictionnelles.

M. Hubert Haenel, rapporteur spécial , a par ailleurs regretté l'absence d'une réflexion d'ensemble sur l'aide juridictionnelle qui s'est fortement développée depuis 1991 et constitue désormais la principale ressource d'un nombre non négligeable d'avocats, ce qui n'est pas sans poser de questions sur l'évolution de cette profession. Par ailleurs, il s'est inquiété du grippage du système de l'aide juridictionnelle et du mécontentement croissant des avocats en raison du développement des tâches demandées à ces derniers, et de l'inadaptation du calcul de leurs prestations.

M. Hubert Haenel, rapporteur spécial , a également regretté l'enterrement de certaines réformes pourtant très attendues. Il a cité la loi n ° 98-1163 relative à l'accès au droit et à la résolution amiable des conflits qui est promulguée depuis le 18 décembre 1998 mais dont certaines dispositions ne sont toujours pas entrées en vigueur faute de décret d'application.

Il a également rappelé que l'ancienne ministre de la justice, Mme Elisabeth Guigou, avait fait de la réforme de la carte judiciaire une priorité et avait créé une mission dans cet objectif. Il a jugé que ses résultats au bout de trois ans d'activité étaient assez décevants et a ajouté que cette réforme paraissait enterrée.

En conclusion, il a présenté l'article 61 rattaché qui revalorise les plafonds d'admission de l'aide juridictionnelle.

Un large débat s'est alors ouvert.

M. René Ballayer s'est étonné de l'importance des sommes consacrées à la prise en charge des escortes des détenus devant effectuer une consultation médicale (13 millions de francs).

M. Jacques Pelletier a regretté la faiblesse du plafond de ressources exigé pour pouvoir bénéficier de l'aide juridictionnelle, soit 5.175 francs pour l'aide totale et 7.764 francs pour l'aide partielle. Il a estimé que ces plafonds empêchaient une grande partie de la population d'accéder à la justice.

M. Yvon Collin s'est interrogé sur les mesures à prendre pour éviter que la prison ne soit " l'école du crime ".

M. Gérard Braun a demandé des informations précises sur le montant de l'aide juridictionnelle.

M. Alain Lambert, président, s'est montré favorable au rejet du budget de la justice. Il a estimé que la volonté affichée par le gouvernement de faire de ce budget une priorité ne se retrouvait pas dans les arbitrages financiers de ce dernier. Il a ainsi cité la loi sur la réduction du temps de travail, pour le financement de laquelle le gouvernement parvient à débloquer 85 milliards de francs, alors qu'au même moment il refuse de lancer une loi de programme pour la rénovation des établissements pénitentiaires.

En réponse, M. Hubert Haenel, rapporteur spécial , a regretté la faible revalorisation des plafonds de ressources pour pouvoir bénéficier de l'aide juridictionnelle et l'absence de valorisation de l'unité de valeur à partir de laquelle est calculée la prestation des avocats. Il a rappelé que le nombre des admissions à l'aide juridictionnelle avait diminué l'année dernière.

En ce qui concerne le traitement de la délinquance, M. Hubert Haenel, rapporteur spécial, a estimé que le maillon le plus faible à l'heure actuelle était celui de l'éducation, et non celui de la répression.

Il a fait ensuite remarquer que le montant de l'aide juridictionnelle avait augmenté de 50 % entre 1995 et 1999 et qu'il devrait s'élever en 2001 à 1,5 milliard de francs.

En conclusion, M. Hubert Haenel, rapporteur spécial, a rappelé que le Sénat avait produit de nombreux rapports sur le fonctionnement de la justice et les moyens pour remédier à sa paralysie, mais que ces derniers n'avaient pas été pris en compte par le Gouvernement.

Il a par ailleurs insisté sur la nécessité de disposer d'une étude d'impact précise et fiable sur le coût de chaque réforme proposée par la Chancellerie et a proposé que ce travail soit délégué au rapporteur spécial des crédits de la justice.

A l'issue de ce débat, la commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter sans modification l'article 61 et de rejeter les crédits de la justice.

Réunie le jeudi 16 novembre 2000 sous la présidence de M. Alain Lambert, président, la commission a procédé à l'examen des crédits de la justice et de l' article 61 rattaché, sur le rapport de M. Hubert Haenel, rapporteur spécial.

A l'issue de ce débat, la commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter sans modification l'article 61 et de rejeter les crédits de la justice pour 2001.

Elle a confirmé cette position lors de sa réunion du jeudi 23 novembre après avoir pris acte des modifications apportées par l'Assemblée nationale .

* 1 Il convient de noter qu'avant son départ, l'ancien Garde des Sceaux, Madame Elisabeth Guigou, a mis fin à un mouvement de mécontentement des surveillants en autorisant le recrutement de manière anticipée de 251 personnels de surveillance, de 50 personnels administratifs et de 30 personnels techniques.

* 2 Ce thème est plus longuement traitée dans le chapitre III du présent rapport.

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