D. SUR L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE

1. Quelle priorité en matière d'emplois ?

L'analyse des emplois dont est doté l'agrégat administration générale n'est pas satisfaisante.

Votre rapporteur spécial n'entend pas contester la nécessité de disposer de davantage de policiers informaticiens renforçant la police scientifique. Il s'interroge seulement sur l'opportunité de rattacher les emplois créés pour cette dernière à l'agrégat administration générale, qui conduit à donner l'impression d'un accroissement des moyens humains de l'administration centrale du ministère alors que ceux-ci ne cessent de se réduire.

Par ailleurs, un bon moyen pour redonner un peu plus de personnels à l'administration centrale serait probablement de revoir les conditions dans lesquelles 216 emplois publics constituent en réalité des mises à disposition de personnels au profit d'autres institutions. Sans se prononcer sur la question des pratiques des mises à disposition, votre rapporteur spécial s'étonne d'abord de la masse concernée (10 % des effectifs de l'administration centrale) et ensuite des conditions dans lesquelles ces mises à disposition ont lieu : où figurent les remboursements des organismes bénéficiaires par exemple ? quel est le support juridique de ces positions administratives ? existe-t-il des conventions avec les organismes bénéficiaires ? en quoi ces emplois doivent-ils être rattachés au ministère de l'intérieur ? où sont les remboursements ? ne vaudrait-il pas mieux transférer certains emplois plutôt que de rester dans cette situation insatisfaisante qui gonfle les effectifs réels de l'administration centrale. Les questions ne manquent donc pas ; les réponses si.

Enfin, votre rapporteur spécial s'inquiète de la pyramide des âges de l'administration centrale du ministère. Celui-ci indique ainsi : " la réduction, depuis une quinzaine d'années, des effectifs budgétaires a limité globalement les recrutements effectués au sein de l'administration centrale. Cette tendance conduit naturellement à un vieillissement relatif des cadres. " La première conséquence de ceci est financière : " ce vieillissement de la population génère une insuffisance des dotations budgétaires, établies sur la base de valeurs moyennes " . La seconde sera bien entendu la question du renouvellement de ces personnels lors des départs en retraite.

2. Quelle transparence financière ?

Votre rapporteur spécial s'interroge une nouvelle fois sur la pratique du programme d'emploi des crédits (PEC) et sa cohérence avec la nécessaire transparence budgétaire et financière due à la représentation nationale et à tous les citoyens.

Le PEC constitue un document rassemblant une série d'arbitrages réalisés en janvier de l'année par le directeur de cabinet du ministre afin de notifier aux responsables de services les dotations budgétaires dont ils disposeront effectivement pour l'année. En cela, il devrait s'apparenter au " vert " budgétaire. Cependant, la lecture croisée des deux documents montre qu'ils ne correspondent pas. Cela signifie que l'administration s'affranchit des répartitions votées par la représentation nationale à partir du bleu et communiquée à elle dans le vert. Si la nomenclature d'exécution est nécessairement plus précise que celle de prévision, pourquoi publier un vert systématiquement bafoué et ne pas donner dans le bleu les totaux effectifs ?

Comparaison du vert budgétaire et du PEC
pour les crédits " administration générale " du chapitre 34-82 en 2000

(en millions de francs)

Vert 2000

PEC 2000

Ecart PEC/Vert

PLF 2001

Administration centrale

Article 11 Informatique

28,8

34,9

+ 6,1

34,9

Article 12 Transmissions

1,6

1

- 0,6

1,6

Article 13 Autocommutateurs

0,9

5

+ 4,1

23

Services communs

Article 81 Informatique

149,4

154,3

+ 4,9

171,6

Article 82 Transmissions

15

11,9

- 3,1

15

Article 83 Autocommutateurs

25

0,2

- 24,8

20,3

Total

220,7

207,3

- 13,4

266,4

Le ministère lui-même dans ses réponses au questionnaire budgétaire indique s'agissant par exemple de la répartition des crédits informatiques, qu'il ne peut donner de précision car " les arbitrages au titre du PEC 2001 ne seront rendues qu'à la fin de l'exercice en cours ".

Cette situation n'est pas nouvelle et on peut noter des améliorations. De même, le ministère transmet sans problème le programme d'emploi des crédits de l'année en cours au moment de la discussion budgétaire de l'année à venir. Mais pourquoi faire un vert différent ? Pourquoi ne pas prévoir dès le bleu les crédits adéquats ? L'existence des écarts vide en effet de toute signification la discussion budgétaire, rend presque impossibles les comparaisons d'une année sur l'autre, ne permet pas de bien identifier les priorités du ministère et de vérifier la cohérence des discours et des chiffres.

Votre rapporteur spécial estime que cette situation ne peut perdurer.

*

De ces présentations et observations, votre rapporteur spécial tire plusieurs enseignements.

Le premier a trait à l'absence de transparence effective et de lisibilité des crédits inscrits au budget de la sécurité. S'il ne peut que se féliciter de la disponibilité des personnels pour lui apporter les éclaircissements qu'il demande, votre rapporteur spécial ne peut que s'étonner de l'obscurité réelle qui se dégage d'une première analyse des documents fournis. Les différences entre le programme d'emploi des crédits et le vert budgétaire, l'absence d'indications fournies sur les masses globalisées, la franchise avec laquelle sont reconnues ces pratiques mettent mal à l'aise à l'heure où la transparence budgétaire devrait passer du slogan aux actes.

Le second se réfère aux différences entre les présentations optimistes et flatteuses et la réalité. La hausse optique des effectifs ne saurait ainsi masquer le déshabillage progressif de l'administration générale et la baisse des effectifs de la police nationale, alors que le flou le plus savant règne sur la réalité de ceux-ci et de leur temps de travail. De même, l'effort immobilier sans précédent en faveur des préfectures claironné n'est que la conséquence de grosses opérations et laisse pendante la question des petites implantations qui se dégradent de l'aveu même du ministère.

Le troisième renvoie à la structure de ce budget et donc aux contraintes et menaces qui pèsent sur lui. Il s'agit surtout d'un budget de personnel et donc de rémunération. Or la hausse probable des rémunérations publiques comme des charges de pensions vont accentuer ce caractère. Quant à l'évolution des moyens de fonctionnement, si elle est manifeste pour certains services de police, elle ne semble pas évidente pour les autres agrégats, ce qui reflète peut-être un louable souci de la bonne gestion, mais révèle surtout une priorité : faire adhérer les personnels aux réformes de la police nationale par le biais d'un soulagement des contraintes financières quotidiennes. Ce n'est donc pas l'efficacité qui prime ici mais une hausse tendancielle des moyens de fonctionnement de certains services de la police et une stagnation baissière de ceux des autres agrégats. La différence n'est pas mince. Et elle ne satisfait même pas les personnels chez qui croît un malaise que votre rapporteur spécial estime révélateur.

Le quatrième se veut plus qualitatif. Le décalage est croissant entre les proclamations du ministère et le sentiment réel d'insécurité vécu par les citoyens. Ceux-ci ne perçoivent pas une amélioration sensible. Les élus locaux ne montrent pas une satisfaction sans borne devant les contrats locaux de sécurité. Personne ne voit la criminalité reculer dans les cités. Les crimes et délits sur mineurs augmentent. Les trafics de drogue prospèrent. Bref, il paraît légitime à votre rapporteur spécial de se demander non seulement si la sécurité est bien la priorité clamée par le gouvernement et surtout si le prétendu effort consenti en sa faveur aboutit à des résultats concrets. Son impression est que non.

Le cinquième point a bien évidemment trait aux nuages financiers qui s'amoncellent sur les SDIS, qui inquiètent légitimement les élus locaux et pour lesquels le gouvernement demande d'attendre encore.

Enfin, comment ne pas revenir sur les différentes crises de l'année et la manière dont elles ont pu être gérées. Le terrorisme recule-t-il en Corse ? La gestion de l'Erika, des tempêtes, des inondations laissent-elles le sentiment d'un sans faute des pouvoirs publics ? De toute évidence non.

Pour toutes ces raisons, qui pourrait se satisfaire de ce projet de budget de la sécurité et de l'administration pour 2001 ? La politique menée doit se traduire concrètement. Ce n'est pas le cas. L'argent que la Nation dépense pour la sécurité publique et civile, pour l'administration du territoire et l'administration générale du ministère est-il employée en toute transparence, dans un pur souci d'efficacité, avec des conséquences visibles pour tous ? Ce n'est manifestement pas le cas. C'est pourquoi votre rapporteur spécial vous proposera de rejeter les crédits de la sécurité et de l'administration du ministère de l'intérieur pour 2001.

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