N° 155

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2000-2001

Annexe au procès-verbal de la séance du 19 décembre 2000

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur la proposition de loi, ADOPTÉE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, relative à la lutte contre les discriminations ,

Par M. Louis SOUVET,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Jean Delaneau, président ; Jacques Bimbenet, Louis Boyer, Mme Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Guy Fischer, Jean-Louis Lorrain, Louis Souvet, vice-présidents ; Mme Annick Bocandé, MM. Charles Descours, Alain Gournac, Roland Huguet, secrétaires ; Henri d'Attilio, François Autain, Jean-Yves Autexier, Paul Blanc, Claire-Lise Campion, Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Gilbert Chabroux, Jean Chérioux, Philippe Darniche, Claude Domeizel, Jacques Dominati, Michel Esneu, Alfred Foy, Serge Franchis, Francis Giraud, Alain Hethener, Claude Huriet, André Jourdain, Roger Lagorsse, Dominique Larifla, Henri Le Breton, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Jacques Machet, Max Marest, Georges Mouly, Roland Muzeau, Lucien Neuwirth, Philippe Nogrix, Mme Nelly Olin, MM. Lylian Payet, André Pourny, Mme Gisèle Printz, MM. Henri de Raincourt, Bernard Seillier, Martial Taugourdeau, Alain Vasselle, Paul Vergès, André Vezinhet, Guy Vissac.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : 2566 , 2609 et T.A. 565 .

Sénat : 26 (2000-2001)

Droits de l'homme et libertés publiques

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

La lutte contre les discriminations constitue un élément essentiel de notre pacte républicain.

L'article premier de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 dispose, en effet, que : " Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune ".

Le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 proclame que : " Chacun a le devoir de travailler et le droit d'obtenir un emploi. Nul ne peut être lésé, dans son travail ou son emploi, en raison de ses origines, de ses opinions ou de ses croyances ".

Par ailleurs, l'article premier de la Constitution du 4 octobre 1958 dispose que la France " assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion ".

Ces principes qui constituent nos références premières et le fondement de notre organisation politique ont naturellement inspiré la construction européenne conduite aujourd'hui par quinze peuples démocratiques.

L'article 6 du traité sur l'Union européenne a rappelé, à cet égard, que l'Union était fondée sur " les principes de la liberté, de la démocratie, du respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que de l'Etat de droit ".

La construction européenne ne se résume pas à l'établissement d'un grand marché. Elle vise également à bâtir une Communauté de droit. Dans cette perspective, les lignes directrices pour l'emploi en 2000, approuvées par le Conseil européen de Helsinki les 10 et 11 décembre 1999, ont souligné la nécessité de promouvoir un marché du travail favorable à l'insertion sociale en formulant un ensemble cohérent de politiques destinées à lutter contre les discriminations.

Nul ne conteste aujourd'hui la nécessité de lutter contre les discriminations. Cette action est même indispensable si l'on veut arrimer à la République des quartiers et des citoyens qui ont eu tendance à s'en éloigner ces derniers temps. Elle constitue le complément indispensable des politiques économiques et sociales comme des politiques de l'éducation et de sécurité.

Ce souci de faciliter l'accès de tous au marché du travail devrait être d'autant mieux partagé que l'on assiste aujourd'hui au développement de pénuries de main-d'oeuvre dans certains secteurs d'activité comme nous l'a rappelé dernièrement notre collègue Alain Gournac à l'occasion de la discussion de la proposition de loi permettant de faire face aux pénuries de main-d'oeuvre 1 ( * ) .

La période de croissance actuelle constitue, à cet égard, une occasion irremplaçable de faire évoluer les mentalités pour permettre à chacun l'accès au marché du travail et à l'égalité de traitement.

Cette préoccupation a abouti, au niveau européen, à l'adoption, le 29 juin 2000, d'une directive 2 ( * ) relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d'origine ethnique dont l'un des moyens consiste à aménager les règles concernant la charge de la preuve dès lors qu'il existe une présomption de discrimination.

Cette directive reprenait certaines dispositions déjà prévues par une autre directive, celle du 15 décembre 1997 relative à la charge de la preuve dans les cas de discrimination fondée sur le sexe 3 ( * ) .

Le Gouvernement avait envisagé de transcrire en droit interne certaines dispositions de ces directives à l'occasion de l'examen du projet de loi de modernisation sociale 4 ( * ) .

Le retard constaté dans l'examen de ce texte a amené M. Jean Le Garrec et les membres du groupe socialiste à déposer une proposition de loi reprenant quatre articles du projet de loi de modernisation sociale. Cette proposition de loi a été adoptée en première lecture le 12 octobre par l'Assemblée nationale.

Votre commission des Affaires sociales vous proposera d'adopter ce texte tel que modifié par les amendements qu'elle a préparés.

Ces amendements ont notamment pour objet de revenir chaque fois que nécessaire au texte des directives qui semble plus clair et plus équilibré que certaines dispositions adoptées par l'Assemblée nationale.

I. UNE PROPOSITION DE LOI DIRECTEMENT INSPIRÉE PAR LA LÉGISLATION EUROPÉENNE

A. LA LUTTE CONTRE LES DISCRIMINATIONS CONSTITUE UNE NÉCESSITÉ

1. Des discriminations en voie de développement

Comme en attestent plusieurs rapports 5 ( * ) et les témoignages quotidiens des victimes, les discriminations sont une réalité dans notre pays.

Elles peuvent reposer notamment sur la nationalité, l'origine, le sexe, les opinions politiques ou religieuses. Elles peuvent aussi avoir pour fondement l'âge, l'apparence physique ou le handicap. Par ailleurs, les motifs peuvent se cumuler.

Les discriminations peuvent prendre des formes diverses : refus d'embauche, carrière entravée, difficulté à trouver un logement, accès interdit aux " boîtes de nuit ", voire des relations difficiles avec certains services publics.

Les discriminations sont cependant difficiles à cerner et à démontrer. Etant par nature contraires à la morale publique et à notre culture républicaine, elles sont rarement affichées et encore moins revendiquées. Elles prennent la forme de comportements, d'attitudes qui ont pour conséquence l'exclusion de la vie sociale d'une partie de la communauté nationale et des étrangers vivant sur notre sol.

* 1 Voir notamment le rapport n° 125 du Sénat (2000-2001) fait au nom de la commission des Affaires sociales sur la proposition de loi de MM. Alain Gournac, Jean Arthuis, Pierre Laffitte, Henri de Raincourt et Josselin de Rohan permettant de faire face aux pénuries de main-d'oeuvre et de lever les obstacles à la poursuite de la croissance économique, M. Alain Gournac, rapporteur.

* 2 Voir annexe n° 2, p. 63.

* 3 Voir annexe n° 1, p. 61.

* 4 Projet de loi de modernisation sociale, document n° 2415 de l'Assemblée nationale (24 mai 2000).

* 5 Voir par exemple le rapport de la Commission nationale consultative des droits de l'Homme pour 1997.

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