Proposition de loi relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes

BOCANDÉ (Annick)

RAPPORT 189 (2000-2001) - Commission mixte paritaire

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Table des matières




Document mis en distribution le
22 janvier 2001

N° 2866

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

 

N° 189

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2000-2001

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale
le 16 janvier 2001

 

Annexe au procès-verbal de la séance
du 16 janvier 2001

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION MIXTE PARITAIRE (1) CHARGÉE DE PROPOSER UN TEXTE SUR LES DISPOSITIONS RESTANT EN DISCUSSION SUR LA PROPOSITION DE LOI relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

PAR MME CATHERINE GÉNISSON, PAR MME ANNICK BOCANDÉ,

Députée. Sénateur.

( 1) Cette commission est composée de : M. Jean Delaneau , sénateur, président ; M. Jean Le Garrec, député, vice-président ; Mme Annick Bocandé, sénateur, Mme Catherine Génisson, députée, rapporteurs.

Membres titulaires :
MM. Dominique Leclerc, Jacques Machet, René Garrec, Mme Gisèle Printz, M. Roland Muzeau, sénateurs ; Mmes Hélène Mignon, Nicole Catala, Marie-Thérèse Boisseau, Muguette Jacquaint, Marie-Hélène Aubert, députées.

Membres suppléants : MM. Jacques Bimbenet, Gérard Cornu, Mme Marie-Madeleine Dieulangard,
MM. Guy Fischer, Serge Franchis, Alain Gournac, Claude Huriet, sénateurs ; Mmes Nicole Feidt, Nicole Bricq, Marie-Françoise Clergeau, Marie-Jo Zimmermann, Roselyne Bachelot-Narquin, MM. Yves Bur, Bernard Deflesselles, députés.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : Première lecture : 2132 , 2220 , 2225 et T.A. 469

Deuxième lecture : 2604 , 2698 , 2744 et T.A. 577

Troisième lecture : 2838

Sénat :
Première lecture : 258 , 475 (1999-2000), 1 et T.A. 1 (2000-2001)

Deuxième lecture : 111 , 139 et T.A. 48 (2000-2001)


Femmes

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Conformément au deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution et à la demande de M. le Premier ministre, une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes s'est réunie le mardi 16 janvier 2001 au Sénat.

La commission a d'abord procédé à la désignation de son bureau qui a ainsi été constitué :

- M. Jean Delaneau, sénateur, président ;

- M. Jean Le Garrec, député, vice-président ;

- Mme Annick Bocandé, sénateur, rapporteur pour le Sénat ;

- Mme Catherine Génisson, députée, rapporteure pour l'Assemblée nationale.

La commission mixte paritaire a ensuite procédé à l'examen du texte.

Mme Annick Bocandé, rapporteur pour le Sénat , a indiqué que la présente proposition de loi qui était initialement composée de 22 articles s'était progressivement enrichie au cours des navettes successives jusqu'à atteindre 36 articles. Elle a cependant constaté qu'après deux lectures dans chaque assemblée, 20 articles restaient encore en discussion.

Le nombre des articles restant en discussion pourrait laisser suggérer un désaccord profond et général entre les deux assemblées sur ce texte. Tel n'est pourtant pas le cas.

D'une part, l'adjonction de nouvelles dispositions, par chacune des assemblées, témoigne avant tout d'un souci commun d'enrichir un texte dont la rédaction initiale était en définitive restrictive. Et ces tentatives d'amélioration, souvent très techniques comme celles relatives aux nouvelles dispositions sur le travail de nuit, demandent à l'évidence un examen approfondi et contradictoire qui justifie pleinement la navette.

D'autre part, et sur le fond, des convergences existent entre les deux assemblées sur certains points.

Ainsi, pour le volet concernant la fonction publique, les désaccords sont, somme toute, modestes.

De même, sur le volet droit du travail, des rapprochements sont intervenus.

Ainsi, le Sénat a accepté l'instauration d'obligations de négocier sur l'égalité professionnelle, même s'il propose un régime différent de celui prévu par l'Assemblée nationale pour la mise en oeuvre de ces négociations.

Par ailleurs, un compromis très satisfaisant s'est dégagé pour la représentation professionnelle des conjoints collaborateurs d'artisans, de commerçants ou d'agriculteurs en leur permettant d'être électeurs et donc éligibles aux élections prud'homales.

En outre, des rapprochements significatifs sont intervenus s'agissant de l'amélioration de la représentation des femmes dans les élections professionnelles.

Enfin, les deux assemblées ont accepté la mise en place d'un nouveau régime légal pour le travail de nuit, qui puisse garantir la nécessaire protection des travailleurs de nuit -et notamment des femmes enceintes ou venant d'accoucher- car chacun connaît les risques que fait peser le travail de nuit sur la santé et la sécurité des salariés.

Pour autant, Mme Annick Bocandé, rapporteur pour le Sénat , a estimé que s'il importait de souligner ces points de convergences qui sont loin d'être négligeables, les divergences entre les deux assemblées restaient profondes.

Premièrement, les positions des deux assemblées témoignent d'une conception très différente de la négociation collective. Le Sénat estime en effet que la mise en place d'obligations de négocier doit rester compatible avec la nécessaire autonomie des partenaires sociaux. Il considère ainsi que la loi n'a pas à fixer le socle, le rythme et le déroulement de ces négociations. Il estime surtout que l'introduction d'une sanction pénale directe et immédiate n'est pas un moyen approprié pour ouvrir un dialogue social serein et constructif en matière d'égalité professionnelle.

Deuxièmement, le Sénat regrette que l'Assemblée nationale s'oppose à ce que cette proposition de loi aborde la question cruciale de l'articulation entre vie familiale et vie professionnelle. Car ce sont bien souvent les difficultés que rencontrent les femmes à concilier vie familiale et vie professionnelle qui alimentent les inégalités. Les femmes restent encore trop fréquemment dans l'obligation d'interrompre leur carrière pour élever leurs enfants et se heurtent à d'importantes difficultés pour revenir sur le marché du travail. Aussi, le Sénat a fait sur ces points deux propositions concrètes et raisonnables. Mais l'Assemblée nationale les a supprimées.

Troisièmement, la question du travail de nuit divise les deux assemblées. Si l'Assemblée nationale et le Sénat sont certes d'accord sur la nécessité d'une modernisation du cadre juridique actuel, d'ailleurs largement inexistant, ils s'opposent sur le contenu de ce nouveau régime légal. La rédaction issue de l'Assemblée nationale semble en effet loin d'être satisfaisante car elle se révèle paradoxalement à la fois inutilement contraignante et insuffisamment protectrice.

Le Sénat a donc choisi d'aménager le dispositif proposé dans un double sens.

D'abord, en garantissant une plus grande autonomie pour les partenaires sociaux. Il a ainsi paru indispensable de renforcer ce qui relève du dialogue social par rapport à ce qui est fixé trop uniformément par la loi. Il a aussi semblé nécessaire de privilégier la négociation d'entreprise qui a le mérite d'être plus proche des réalités du terrain et plus respectueuse des intérêts des salariés.

Ensuite, en assurant une protection effective des salariés travaillant la nuit et notamment des femmes enceintes ou venant d'accoucher. Le Sénat a ainsi très largement modifié le dispositif de garantie de rémunération pour ces femmes travaillant la nuit qui n'ont pu être reclassées sur un poste de jour en créant une nouvelle prestation sociale à la charge de l'assurance maternité.

S'agissant du travail de nuit, Mme Annick Bocandé, rapporteur pour le Sénat, a tenu à attirer l'attention de l'Assemblée nationale sur les risques, voire les effets pervers, d'un certain nombre de dispositions qu'elle a adoptées en deuxième lecture.

La principale concerne les contreparties au travail de nuit. L'Assemblée nationale a rendu obligatoire, parmi ces contreparties, un repos supplémentaire, la majoration de rémunération n'étant qu'optionnelle. Et cette disposition a valeur rétroactive pour les accords déjà conclus.

L'intention est certes louable, mais elle apparaît pourtant peu appropriée. Elle ne prend pas en compte le mouvement actuel de réduction du temps de travail qui permet déjà aux salariés de bénéficier de repos supplémentaires. Elle ne répond pas aux aspirations des salariés qui souhaitent généralement des majorations de rémunération. Mais surtout, elle oblige à renégocier les accords signés ces derniers mois sur la réduction du temps de travail qui abordent pour la plupart le travail de nuit.

Dès lors, une telle disposition devient une source grave d'insécurité juridique pour les entreprises et les oblige à reprendre les négociations dans un contexte difficile. C'est pourquoi le Sénat juge plus pertinent de laisser aux partenaires sociaux le soin de déterminer eux-mêmes la nature des contreparties au travail de nuit.

En conclusion, Mme Annick Bocandé, rapporteur pour le Sénat , a jugé que les divergences entre les deux assemblées restaient significatives. Elle a alors espéré que le débat en commission mixte paritaire permettra, à défaut d'arriver à un accord parfait, de rapprocher les positions des deux Assemblées sur ces points très importants.

Mme Catherine Génisson, rapporteure pour l'Assemblée nationale, a indiqué que les deux assemblées poursuivaient les mêmes objectifs, même si les moyens proposés pour y parvenir différaient sensiblement : assurer une véritable égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, mettre en place une nouvelle législation sur le travail de nuit pour combler le vide juridique actuel.

Elle a toutefois constaté que le désaccord entre les deux assemblées semblait avéré puisque seuls deux articles avaient été adoptés conformes par le Sénat en seconde lecture (article 6 bis sur le harcèlement sexuel et article 8 bis sur les conjoints collaborateurs).

Certes, des rapprochements sont possibles sur la représentation équilibrée des femmes et des hommes dans les élections professionnelles (article 8 sexies et 8 septies ).

Mais demeure une opposition persistante et de fond sur les dispositions majeures de la proposition de loi qui a conduit le Sénat à revenir quasiment au texte qu'il avait adopté en première lecture, y compris en supprimant les divisions et intitulés nouveaux introduits à l'Assemblée nationale pour clarifier la lecture du texte.

Mme Catherine Génisson, rapporteure pour l'Assemblée nationale , a ensuite présenté les principaux points de désaccords.

Le premier porte sur la négociation spécifique relative à l'égalité professionnelle. L'Assemblée nationale juge qu'il doit non seulement y avoir une négociation spécifique, mais aussi un rendez-vous spécifique afin de ne pas dissoudre cette négociation dans les autres négociations déjà existantes. Cette négociation spécifique a en effet vocation à offrir un cadre général aux autres négociations et à les inspirer. Dès lors, l'introduction d'une sanction pénale en l'absence d'un tel rendez-vous spécifique devient la contrepartie nécessaire à la tenue effective de cette négociation. Il importe également de renforcer le rôle du rapport de situation comparée, rendu plus dynamique, qui doit servir de fondement à la négociation spécifique dans l'entreprise.

Un autre désaccord porte sur l'articulation entre vie familiale et vie professionnelle. Les ajouts du Sénat répondent certes à une intention louable, mais l'effet de ces mesures, qui ne concernent dans les fait que les seules femmes, sera en définitive de renforcer leur mise à l'écart du monde du travail, en les cantonnant largement au travail à temps partiel qui est un facteur de paupérisation et de marginalisation des femmes dans le cadre professionnel.

S'agissant des dispositions relatives au travail de nuit, deux points de clivage sont apparus. D'une part, le désaccord porte sur les conditions mêmes du recours au travail de nuit, l'Assemblée nationale estimant que la notion de " contraintes économiques " retenue par le Sénat est trop vague et insuffisamment restrictive. D'autre part, l'Assemblée nationale a rendu nécessaire, pour les contreparties légales au travail de nuit, le repos compensateur compte tenu de la nocivité de ce type de travail qui exige des récupérations au-delà des seuls temps de pause. C'est une position courageuse de l'Assemblée nationale puisqu'actuellement les accords collectifs déjà conclus privilégient largement les majorations de rémunération aux repos supplémentaires et que la prise rapide de ceux-ci, nécessaire, n'est pas forcément un voeu des salariés.

Enfin, s'agissant des dispositions relatives à la fonction publique, l'Assemblée nationale a souhaité supprimer les " clauses de sauvegarde " afin de ne pas vider le principe de représentation équilibrée des femmes et des hommes de sa substance.

Dans ces conditions, Mme Catherine Génisson, rapporteure pour l'Assemblée nationale , a considéré que les positions des deux assemblées sur ces points restaient encore très éloignées.

M. Jean Le Garrec, vice-président, a estimé qu'une réflexion de fond très utile avait été menée dans les deux assemblées. Il a néanmoins observé que demeuraient des désaccords trop profonds pour qu'ils puissent être réglés lors de la commission mixte paritaire. Il a ainsi indiqué que ces désaccords intervenaient dès les articles 3 et 4, même si chacun reconnaît la nécessité de négocier sur l'égalité professionnelle.

M. Jean Delaneau, président , a, à son tour, souligné le caractère constructif des débats menés dans les deux assemblées, même si les positions respectives restaient éloignées.

La commission mixte paritaire est ensuite passée à l'examen des articles restant en discussion.

M. Jean Delaneau, président, a proposé la réserve des articles 1 er et 3, faisant valoir que ces deux premiers articles font certes l'objet de rédactions différentes, mais que la commission mixte paritaire serait en mesure de surmonter cette difficulté si elle parvenait à un accord sur des points plus " névralgiques ". Il a alors observé que le premier de ces points était à l'article 4 concernant les sanctions pénales dont l'Assemblée nationale assortit l'obligation de négocier sur l'égalité professionnelle dans l'entreprise.

M. Jean Le Garrec, vice-président, s'est déclaré en accord avec cette proposition.

La commission mixte paritaire a alors abordé l'examen de l'article 4.

Mme Annick Bocandé, rapporteur pour le Sénat, a rappelé que le Sénat considérait que l'introduction d'une sanction pénale directe et immédiate n'était guère le moyen le plus favorable à l'émergence d'une négociation sereine et constructive sur l'égalité professionnelle dans l'entreprise. Elle a indiqué que le Sénat avait substitué à cette nouvelle sanction un dispositif plus progressif mais tout aussi efficace : si la négociation spécifique n'est pas engagée, elle est alors intégrée de plein droit dans la prochaine négociation annuelle sur les salaires et le temps de travail.

Mme Catherine Génisson, rapporteure pour l'Assemblée nationale, a souligné que la proposition du Sénat reviendrait en pratique à intégrer cette négociation spécifique dans les autres négociations. Elle a alors estimé qu'il était nécessaire de préserver la spécificité de cette négociation, qui doit être un cadre pour les autres négociations, et qu'en conséquence il devenait logique d'introduire une nouvelle sanction pénale.

Mme Muguette Jacquaint a estimé, au regard du bilan actuel des négociations sur l'égalité professionnelle, qu'il était nécessaire de mettre en place des contraintes pour assurer le développement effectif de ces négociations.

La commission mixte paritaire s'est alors prononcée sur l'article 4 dans le texte de l'Assemblée nationale et l'a rejeté par six voix contre six.

La commission mixte paritaire a ensuite rejeté, par six voix contre six, l'article 4 dans le texte du Sénat.

M. Jean Delaneau, président, a alors constaté que la commission mixte paritaire n'était pas en mesure d'adopter un texte commun sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.



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