III. AUDITION DE M. BERNARD GOURY, DIRECTEUR GÉNÉRAL DE L'OFFICE NATIONAL DES FORETS LE MERCREDI 10 JANVIER 2001

La commission a procédé à l'audition de M. Bernard Goury, directeur général de l'Office national des forêts (ONF).

M. Bernard Goury a tout d'abord présenté les conséquences de la tempête survenue en décembre 1999, en précisant que les dégâts forestiers ont représenté dans les forêts publiques 44 millions de mètres cubes de bois. Sur ce volume, 15 millions ne seront pas commercialisables ; 22 millions de mètres cubes ont en revanche pu être commercialisés et 6 à 7 millions le seront d'ici à la fin du printemps.

Le directeur général de l'ONF a toutefois ajouté qu'aujourd'hui, la demande de bois faiblissait, en dépit des effets positifs du plan gouvernemental en termes de stockage et de transport.

Il a indiqué que cette situation emportait des conséquences graves pour l'Office national des forêts, dont l'ensemble des ressources provient principalement de la commercialisation des bois et du versement compensateur qui n'est pas assimilable à une subvention pour l'ONF mais pour les collectivités locales propriétaires de forêts gérées. La décote des prix des bois chablis, pouvant aller jusqu'à 40 ou 50 % pour certains bois, les surcoûts d'exploitation ont entraîné un déficit estimé à 500 millions de francs pour l'Office national des forêts en 2000-2001. Ceci a rendu nécessaire un versement exceptionnel de l'Etat à hauteur de 180 millions de francs en 2000, un versement de 60 millions de francs étant acquis pour 2001. Par ailleurs, les réserves de provisions de l'ONF seront mobilisées pour équilibrer les comptes.

Puis M. Bernard Goury a présenté les conséquences financières à moyen terme de la décapitalisation forestière de l'ONF, qui devrait entraîner un déficit annuel important pendant les six à dix années à venir.

Il a indiqué que l'ONF s'était engagé, en conséquence, à mettre en oeuvre un plan pour améliorer sa gestion et atteindre une meilleure rentabilité : mise en place d'une procédure de qualité, cartographie des métiers, assouplissement du statut des 7.000 personnels fonctionnaires de l'ONF. Il a précisé que, dans le cadre de la négociation du contrat d'objectifs couvrant la période 2001-2007, l'ONF s'était fixé un objectif de 30 % d'économies en réalisant des gains de productivité, soit 5 % par an, ce qui représentait un effort considérable pour un établissement de service.

M. Bernard Goury a également précisé que la décapitalisation entraînait la suppression des 200 à 300 millions de francs d'excédents financiers dégagés jusqu'à présent chaque année par l'activité de gestion des forêts domaniales, que l'Etat laissait à la disposition de l'ONF pour financer, notamment, certaines missions d'intérêt général.

Il a souligné la nécessité d'un effort financier de l'Etat et des communes, compte tenu, désormais, de l'absence de réserves et de provisions dans les comptes de l'ONF. Il a fait état en particulier d'un probable surcoût du risque incendie dans les zones forestières touchées par la tempête de 1999.

Le directeur général de l'ONF a ensuite présenté la loi d'orientation forestière, qu'il a jugée dans l'ensemble bienvenue. Il s'est cependant interrogé sur la possibilité d'appliquer des objectifs de développement durable multifonctionnel faute de financement spécifique. A ce sujet, tout en soulignant l'exemplarité de la forêt publique, il a jugé incontournable la mise en place d'autres financements non encore définis à l'heure actuelle pour maintenir cette ambition.

Enfin, M. Bernard Goury a souhaité que le Gouvernement envisage d'abaisser à 55 ans l'âge du départ en retraite des bûcherons et ouvriers de forêt, afin de tenir compte de la réelle dangerosité de leur métier, en relevant qu'en 2000, à la suite des tempêtes, on avait enregistré 1.300 accidents.

Il a estimé qu'une telle mesure serait financièrement neutre, son coût étant estimé équivalent au coût de financement des conséquences des accidents du travail qui sont plus fréquents à compter de 50 ans. Il a souligné qu'il ne devait pas y avoir de risque d'extension à l'ensemble du régime social agricole.

Au cours du débat qui a suivi, M. Jean-Paul Emin a estimé trop faible la proportion d'agents de l'ONF affectés sur le terrain, au regard de ceux travaillant dans les services administratifs.

M. Bernard Goury a répondu que cette image offerte par l'ONF ne correspondait pas à la réalité puisque, sur ses 12.000 employés, 10.000 agents et ouvriers étaient déployés sur le territoire. Il a précisé que cette décentralisation avait permis un gain de productivité de 2,5 % par an, et qu'il espérait, pour les prochaines années, porter ce chiffre à 5 ou 6 %, à personnel constant, grâce à des efforts portant sur la formation, la simplification des procédures, l'informatisation des services et à une révision de la cartographie. Il a ajouté que le personnel réagissait de façon très positive à ces perspectives d'évolution.

Il a cependant jugé que les missions de l'ONF devaient pour cela être clairement définies, élargies et rémunérées notamment dans le cadre des contrats territoriaux forestiers.

M. Georges Gruillot a pour sa part considéré, d'après l'expérience du département du Doubs, que l'ONF n'avait pas su réagir face aux circonstances exceptionnelles créées par la tempête de décembre 1999 comme l'aurait fait une entreprise privée. Il a dénoncé les difficultés et les retards d'origine administrative rencontrés lors de la gestion de la crise, et relevé une certaine dégradation de la qualité du service assuré par les agents de l'ONF. Il a enfin émis des doutes sur la rentabilité financière des opérations conduites par l'ONF pour stocker, évacuer et commercialiser le bois.

M. Bernard Goury a attribué à plusieurs causes les difficultés rencontrées sur le terrain lors de la gestion de " l'après-tempête " :

- la faiblesse des moyens supplémentaires ;

- la nécessité de coordonner et solidariser préalablement à toute opération de commercialisation l'ensemble de la filière, afin d'éviter la crise économique qu'aurait provoquée la mise sur le marché brutale d'une quantité importante de bois ;

- la lourdeur des contraintes imposées pour la protection de l'environnement.

Il a ajouté que l'ensemble de la filière partageait son analyse et que les autres pays victimes des intempéries de décembre 1999 considéraient que la gestion française de la crise avait permis de maîtriser les conséquences les plus graves de la tempête. Il a, en particulier, estimé, comparant la situation du Doubs à celle -par exemple- de la Gironde, que les forêts publiques avaient mieux su faire face à la crise que les forêts privées, s'agissant de la commercialisation des chablis.

Il a enfin précisé qu'à l'avenir, en cas de cataclysme similaire, l'ONF serait en mesure de réagir plus efficacement grâce à la mise en place d'un dispositif adapté.

En réponse à M. Bernard Dussaut, M. Bernard Goury a estimé nécessaire le développement des transports fluviaux et maritimes, eu égard à l'insuffisance du dispositif ferroviaire constatée lors de l'évacuation du bois.

En réponse à M. Ladislas Poniatowski, il a précisé que les recettes liées à la chasse représentaient 180 millions de francs pour l'ONF. Il a indiqué que les baux de chasse seraient prochainement renouvelés, et que la politique de chasse devrait tenir compte d'une augmentation considérable de la population des grands animaux -dont l'état sanitaire faisait en outre l'objet d'une surveillance accrue en raison de l'actuelle crise de l'ESB.

Reconnaissant, avec M. Ladislas Poniatowski, que les propriétaires de forêts privées se trouvaient actuellement dans une situation très difficile, ayant à peine vendu, et dans de mauvaises conditions, la moitié de leur bois, il a proposé une collaboration des services de l'ONF avec les gestionnaires des forêts privées en vue d'une meilleure adaptation du foncier forestier, et a appelé de ses voeux une meilleure synergie entre les forêts publiques et privées.

S'agissant de la situation de la filière papier, il a précisé que la plupart des papetiers français avaient été rachetés par des entreprises étrangères. Il a également souligné que ceux-ci utilisaient beaucoup de papier recyclé, et certaines espèces de bois peu représentées en France. Il a donc considéré que les forêts françaises devaient être adaptées afin de mieux répondre à la demande de l'industrie papetière.

En réponse à M. Louis Althapé, M. Bernard Goury a estimé que si l'ONF était une entreprise privée, elle serait actuellement en situation très délicate. Il a souhaité que certaines prestations de service d'intérêt général ainsi que les coûts de reconstitution des forêts domaniales soient financés par le budget de l'Etat. De son côté, l'ONF réalisera des gains de productivité et de modernisation afin de rétablir l'équilibre financier.

Répondant à M. Gérard Le Cam, il a souligné qu'aucune embauche supplémentaire n'était envisagée par rapport à l'effectif actuel, rappelant que 300 contractuels avaient été recrutés à la suite de la tempête.

Enfin, en réponse à M. Philippe François, rapporteur du projet de loi d'orientation sur la forêt, il a précisé que les professionnels étaient très demandeurs de nouvelles procédures de commercialisation, qui permettraient une meilleure gestion grâce notamment à des contrats établis sur une durée de 3 à 5 ans.

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