Rapport n° 277 (2000-2001) de M. Claude HURIET , fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 19 avril 2001

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N° 277

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2000-2001

Annexe au procès-verbal de la séance du 19 avril 2001

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur la proposition de loi de MM. Claude HURIET, Xavier DARCOS, Louis ALTHAPÉ, Pierre ANDRÉ, Denis BADRÉ, Michel BÉCOT, Jean BERNARD, Daniel BERNARDET, Roger BESSE, Jacques BIMBENET, Mme Annick BOCANDÉ, MM. Jean BOYER, Louis BOYER, Louis de BROISSIA, Robert CALMEJANE, Jean-Claude CARLE, Auguste CAZALET, Charles CECCALDI-RAYNAUD, Jacques CHAUMONT, Gérard CORNU, Philippe DARNICHE, Jean DELANEAU, Fernand DEMILLY, Marcel DENEUX, Gérard DERIOT, Charles DESCOURS, André DILIGENT, Jacques DONNAY, Jean-Léonce DUPONT, Daniel ECKENSPIELLER, Michel ESNEU, André FERRAND, Alfred FOY, Serge FRANCHIS, Alain GÉRARD, François GERBAUD, Charles GINESY, Francis GIRAUD, Paul GIROD, Daniel GOULET, Alain GOURNAC, Adrien GOUTEYRON, Francis GRIGNON, Georges GRUILLOT, Pierre HÉRISSON, Rémy HERMENT, André JOURDAIN, Pierre LAFFITTE, Lucien LANIER, Gérard LARCHER, Robert LAUFOAULU, René-Georges LAURIN, Dominique LECLERC, Jacques LEGENDRE, Marcel LESBROS, Roland du LUART, Jacques MACHET, Kléber MALÉCOT, René MARQUÈS, Serge MATHIEU, Michel MERCIER, René MONORY, Georges MOULY, Bernard MURAT, Paul NATALI, Lucien NEUWIRTH, Mme Nelly OLIN, MM. Jacques OUDIN, Michel PELCHAT, Jacques PELLETIER, Jean-Pierre RAFFARIN, Jean-Marie RAUSCH, Victor REUX, Philippe RICHERT, Jean-Pierre SCHOSTECK, Bernard SEILLIER, Michel SOUPLET, Louis SOUVET, Martial TAUGOURDEAU, René TREGOUËT, Alain VASSELLE et Xavier de VILLEPIN , relative à l' indemnisation de l'aléa médical et à la responsabilité médicale ,

Par M. Claude HURIET,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Jean Delaneau, président ; Jacques Bimbenet, Louis Boyer, Mme Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Guy Fischer, Jean-Louis Lorrain, Louis Souvet, vice-présidents ; Mme Annick Bocandé, MM. Charles Descours, Alain Gournac, Roland Huguet, secrétaires ; Henri d'Attilio, François Autain, Jean-Yves Autexier, Paul Blanc, Mme Claire-Lise Campion, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Gilbert Chabroux, Jean Chérioux, Philippe Darniche, Claude Domeizel, Jacques Dominati, Michel Esneu, Alfred Foy, Serge Franchis, Francis Giraud, Alain Hethener, Claude Huriet, André Jourdain, Roger Lagorsse, Dominique Larifla, Henri Le Breton, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Jacques Machet, Max Marest, Georges Mouly, Roland Muzeau, Lucien Neuwirth, Philippe Nogrix, Mme Nelly Olin, MM. Lylian Payet, André Pourny, Mme Gisèle Printz, MM. Henri de Raincourt, Bernard Seillier, Martial Taugourdeau, Alain Vasselle, Paul Vergès, André Vezinhet, Guy Vissac.

Voir le numéro :

Sénat : 221 (2000-2001)

Santé publique.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

L'acte médical, qu'il soit à finalité diagnostique ou thérapeutique 1 ( * ) , n'échappe pas à l'imprévisible, à l'aléa : même parfaitement réalisé, il peut échouer, blesser, voire même entraîner la mort.

L'aléa médical peut être défini comme un événement dommageable au patient sans qu'une maladresse ou une faute quelconque puisse être imputée au praticien, et sans que ce dommage se relie à l'état initial du patient ou à son évolution prévisible.

Cette définition implique que l'accident ait été imprévisible au moment de l'acte, ou qu'il ait été prévisible mais connu comme tout à fait exceptionnel, de sorte que le risque était justifié au regard du bénéfice attendu de la thérapie.

Un cas typique est celui du patient qui subit des examens médicaux justifiés par son état, réalisés conformément aux données acquises de la science et après que son consentement éclairé ait été recueilli. Cet examen entraîne chez lui un dommage majeur, telle une paralysie 2 ( * ) .

La question de l'aléa médical et de sa réparation revêt aujourd'hui une particulière acuité.

En effet, les victimes des accidents médicaux sont confrontées à une fatalité doublée d'une incohérence puisque, frappées dans leurs chairs, elles -ou leurs ayants droit- se voient parfois opposer un refus d'indemnisation du fait de l'actuelle inadaptation du droit positif français. Ainsi, selon que l'aléa se sera produit dans le cadre du service public hospitalier ou dans un établissement privé, il sera indemnisé dans des conditions très différentes.

Cette hétérogénéité du droit positif, source d'une inégalité difficilement supportable pour les victimes, est inadmissible.

La question de l'indemnisation des victimes d'accidents médicaux, très largement débattue, a fait l'objet de nombreux projets et propositions de loi dont aucun n'a abouti, faute d'accord sur une solution satisfaisante pour l'ensemble des partenaires concernés et compte tenu, depuis l'apparition des contaminations par le virus de l'hépatite C, de l'importance des masses financières en jeu.

Maintes fois promise, la réponse législative à l'insatisfaction des patients qui s'estiment mal indemnisés lorsque survient un accident médical, comme à celle des professionnels de santé qui craignent une dérive " à l'américaine ", est toujours différée.

Du fait de l'absence d'initiative des pouvoirs publics, le juge, disposé à améliorer de manière significative le sort de la victime, adopte des constructions jurisprudentielles qui bousculent les règles traditionnelles de la responsabilité civile.

Seule une initiative parlementaire est aujourd'hui à même d'offrir enfin aux uns et aux autres cette réponse dans de brefs délais.

Tel est l'objet de la présente proposition de loi qui vise à améliorer l'indemnisation des victimes, tout en maintenant la faute comme fondement de la responsabilité médicale.

Elle prévoit tout d'abord la réparation intégrale, par l'assurance maladie, des dommages non fautifs lorsqu'ils sont graves et anormaux.

Dans un second volet, elle entend faciliter le règlement des litiges survenant à l'occasion d'un dommage fautif.

Des dommages fautifs au règlement facilité, une indemnisation de l'aléa médical organisée : l'adoption de la présente proposition de loi apportera, sans nul doute, des solutions plus justes aux difficultés rencontrées par les patients, et sera de nature à préserver durablement la qualité de la relation entre le médecin et le malade.

I. L'INDEMNISATION DE L'ALÉA MÉDICAL : LES INSUFFISANCES DU DROIT POSITIF

Le droit positif français, en matière d'indemnisation de l'aléa médical, se présente sous deux aspects.

Il admet le principe de l'indemnisation, sous certaines conditions, lorsque le juge administratif est compétent et il s'y refuse quand c'est le juge judiciaire qui est saisi.

A. UNE POSSIBILITÉ D'INDEMNISATION TRÈS STRICTEMENT ENCADRÉE PAR LE JUGE ADMINISTRATIF

1. L'indemnisation de l'aléa médical : un principe admis par le Conseil d'Etat depuis 1993

En droit français, une distinction essentielle, qui est quelquefois considérée comme une étrangeté hors de nos frontières, domine la responsabilité médicale. Il s'agit de la distinction entre la responsabilité médicale qui relève du droit public et celle qui relève du droit privé 3 ( * ) .

On en connaît les raisons. La médecine hospitalière s'exerce dans le cadre du service public de la santé auquel participent les hôpitaux publics qui sont des personnes morales de droit public.

Les médecins hospitaliers, qui sont des agents publics, engagent donc la responsabilité de la puissance publique ; il en résulte que, sauf faute personnelle détachable des fonctions, ils ne sont pas personnellement responsables des dommages qu'ils causent dans l'exercice de leur activité médicale.

La jurisprudence du Conseil d'Etat a connu une évolution remarquable ces dix dernières années en matière de responsabilité médicale. En la synthétisant, il est possible de distinguer trois temps forts dans cette évolution 4 ( * ) .

Dans un premier temps, le Conseil d'Etat a présumé la faute du service public en cas d'infections nosocomiales (C.E. 9 déc. 1988, Cohen).

Puis, le principe même du recours à la faute lourde a été abandonné. Depuis 1992, le Conseil d'Etat a ainsi accepté de reconnaître la responsabilité de l'hôpital pour des actes médicaux sur la base de la faute simple.

Enfin, en 1993, dans l'arrêt Bianchi le Conseil d'Etat a accepté, sous certaines conditions, le principe de l'indemnisation de l'aléa médical. Plus précisément, ce principe est admis depuis 1991, mais le Conseil d'Etat n'a eu à se prononcer sur ce point qu'en 1993.

Si le principe de l'indemnisation de l'aléa médical, en lui-même, est admis, les conditions posées par le juge administratif comme préalable à celle-ci restreignent de façon significative les circonstances ouvrant droit à indemnisation. Ainsi, l'arrêt Bianchi a précisé :

" Lorsqu'un acte médical nécessaire au diagnostic ou au traitement du malade présente un risque dont l'existence est connue mais dont la réalisation est exceptionnelle et dont aucune raison ne permet de penser que le patient y soit particulièrement exposé, la responsabilité du service hospitalier est engagée si l'exécution de cet acte est la cause directe de dommages sans rapport avec l'état initial du patient comme avec l'évolution prévisible, de cet état, et présentant un caractère d'extrême gravité . "

2. Une application de portée limitée

Du fait de ses conditions très restrictives, l'application de cette jurisprudence reste cependant limitée.

Cette rigueur explique que, depuis l'arrêt Bianchi, le nombre de victimes ayant pu bénéficier d'une réparation des conséquences de l'aléa médical reste insignifiant.

Une étude récente 5 ( * ) analyse avec précision la jurisprudence dérivée de l'arrêt " Bianchi ". Il constate que la porte ouverte par cet arrêt est en fait bien étroite.

Selon cette étude, sur la période du 1 er janvier 1994 au 6 avril 2000, et en se limitant aux arrêts des cours administratives d'appel et du Conseil d'Etat, on recense trente applications de la jurisprudence " Bianchi " dont sept décisions positives et vingt-trois négatives.

L'analyse de ces décisions apporte d'utiles indications quant à la condition d'extrême gravité des dommages. Sur les sept décisions positives, quatre sont des accidents d'anesthésie suivis de décès. Dans les trois autres cas, l'invalidité est égale ou supérieure à 70 % 6 ( * ) . Dans l'affaire " Bianchi ", l'invalidité était presque totale (95 %).

Corrélativement, onze décisions de rejet sur vingt-trois sont fondées sur l'insuffisante gravité du dommage aux yeux du juge : une invalidité partielle permanente (IPP) de 45 % a ainsi été jugée non indemnisable.

Il apparaît ainsi que ne sont indemnisables sans faute que les dommages résultant, soit du décès de la victime, soit d'une atteinte à son intégrité corporelle conduisant à un taux d'IPP d'au moins 50 %.

La jurisprudence " Bianchi " exige ensuite que le risque soit connu, mais exceptionnel. D'une façon générale, et depuis l'arrêt " Hôpital Joseph Imbert d'Arles " du 20 septembre 1993, confirmé par le Conseil d'Etat le 3 novembre 1997, les anesthésies générales répondent à cette condition. Il en va de même pour les artériographies.

Pour les autres actes, le juge administratif ne craint pas de se référer aux données statistiques. Ainsi, s'agissant de réactions allergiques après une chimionucléolyse, la Cour administrative d'appel de Lyon, pour admettre la demande, prend soin de relever que la réaction allergique se produit " dans 1 à 2 % des cas ", mais que " cette réaction est le plus souvent bénigne et que le risque de lésion cérébrale majeure, tel qu'en l'espèce, est beaucoup plus exceptionnel, avec une fréquence de l'ordre de 6 à 23 cas pour 10.000 selon les diverses études réalisées sur ce sujet ".

En sens inverse, et pour écarter une demande, la Cour administrative d'appel de Nancy relève que " la survenue d'un hématome après une intervention sur un canal lombaire étroit... est une complication rare, mais non exceptionnelle ".

De même, la Cour administrative d'appel de Bordeaux estime que le risque de perforation de la veine cave à la suite de la pose d'un filtre de Greenfields " ne présente pas un caractère exceptionnel ".

Il faut encore, selon la jurisprudence " Bianchi ", que le dommage causé soit " sans rapport avec l'état initial du patient, comme avec l'évolution prévisible de cet état " .

Comme l'expliquait Serge Daël, Commissaire du Gouvernement, dans ses conclusions sur cet arrêt : " dans la plupart des cas, les conséquences néfastes d'un acte ou d'un traitement médical sont la contrepartie inévitable d'un risque accepté en vue d'une guérison espérée et l'accident trouve sa cause directe dans la personne même de la victime, c'est-à-dire dans sa maladie ".

Pour admettre la responsabilité sans faute, il faudra au contraire que les conséquences de l'acte médical se détachent de celles de l'état initial du patient : " la disproportion doit éclater entre cet état et les conséquences du remède ; l'accident doit avoir créé une situation entièrement nouvelle, dont la thérapeutique est la véritable cause " .

Ce sont ces considérations qui ont justifié neuf arrêts de rejet sur les 23 décisions négatives analysées.

On le voit, les obstacles sont nombreux sur la route des victimes d'accidents médicaux à l'hôpital et le bilan de sept années de jurisprudence " Bianchi " est sinon insignifiant, du moins maigre : une décision favorable en moyenne par an au niveau des cours administratives d'appel.

Il n'y a d'ailleurs pas lieu de s'en étonner. Dès 1993, le Conseil d'Etat avait lui-même conçu cette jurisprudence comme devant jouer exceptionnellement . M. Daël parlait même d'une " dose très exceptionnelle de responsabilité sans faute " dans le secteur hospitalier.

Toutefois, cette jurisprudence aura eu au moins le mérite d'être un véritable signal d'alarme à l'intention des pouvoirs publics.

B. LE REFUS PAR LE JUGE JUDICIAIRE DE TOUTE INDEMNISATION

1. Une responsabilité médicale fondée sur la faute

En droit privé, d'une façon générale, la responsabilité médicale est restée fondée sur la faute.

Les difficultés liées à l'indemnisation de l'aléa médical par le juge judiciaire se déduisent de sa définition même puisque l'aléa est la conséquence d'un acte non fautif du médecin alors que, précisément, tout le régime de la responsabilité de ce professionnel est fondé sur la notion de faute.

La relation médicale de droit privé suppose un contrat conclu entre le médecin et son patient, contrairement à celle du droit public, en vertu de laquelle le patient apparaît comme l'usager d'un service public.

Or, il est admis, depuis l'arrêt Mercier de 1936, que le contrat médical ne met à la charge du médecin qu'une obligation de moyens. Ce dernier s'engage ainsi à assurer personnellement au patient des soins " consciencieux, attentifs " et fondés sur les " données acquises de la science ".

Il résulte de cette position que le patient doit prouver la faute commise par le médecin dans l'exercice de son art.

Le champ de la responsabilité médicale a certes été progressivement étendu.

La Cour de cassation a ouvert la première brèche en dispensant la victime de prouver l'existence d'une faute en cas d'infection nosocomiale (1996), puis en exigeant que le médecin apporte la preuve qu'il a suffisamment informé son patient des risques encourus (1997), et ce, même si le risque est exceptionnel (1998).

Mais, surtout, elle a institué à la charge des médecins une véritable " obligation de sécurité de résultat ", donc une responsabilité purement objective, en cas d'utilisation de dispositifs médicaux (1985), de médicaments ou de produits du corps humain (1995). En ce cas, selon l'expression de M. Pierre Sargos, Conseiller à la Cour de Cassation, c'est bien une " exigence de perfection, d'absence de tout défaut ", qui pèse sur le médecin.

Pour autant, le Cour de Cassation n'a pas renoncé aux fondements de la responsabilité du praticien telle que retenue en 1936. Elle refuse donc d'indemniser l'aléa thérapeutique, la responsabilité du médecin -et par voie de conséquence l'indemnisation du patient victime- restant tributaire de la preuve de sa faute.

2. Le refus par la Cour de Cassation d'indemniser l'accident médical non fautif

Dans un arrêt de principe du 8 novembre 2000, le Cour de Cassation a ainsi solennellement rappelé que l'accident médical non fautif ne peut engager la responsabilité du médecin. La formation plénière de la première chambre civile a réaffirmé que " la réparation des conséquences de l'aléa thérapeutique n'entre pas dans le champ des obligations dont un médecin est contractuellement tenu à l'égard de son patient ".

La Cour de cassation a donc refusé d'étendre la responsabilité des médecins à l'aléa médical, c'est-à-dire à la réparation de l'accident médical pur, celui qui est inhérent à l'acte lui-même et sans faute aucune du médecin.

Si l'on en croit les conclusions de l'avocat général Roehrich, deux arguments l'ont convaincue de ne pas s'engager dans cette voie.

D'une part, retenir une responsabilité pour risque généralisée aurait, en faisant disparaître de facto la notion de faute, profondément affecté la relation médecin-malade et bouleversé le droit de la responsabilité médicale.

D'autre part, puisque, en matière de réparation du préjudice, la loi est fondée sur le principe de l'indemnisation intégrale, les conséquences financières d'un tel revirement de jurisprudence, même limité aux accidents individuels, excluant donc les risques " sériels ", auraient été considérables.

En d'autres termes, la haute juridiction a estimé qu'il appartenait au législateur -et à lui seul- de faire un tel choix.

Cette décision est sage. C'est bien au Gouvernement et au Parlement d'assumer ici leurs responsabilités.

II. LA NÉCESSITÉ ET L'URGENCE D'UNE SOLUTION LÉGISLATIVE

A. L'INTERVENTION NÉCESSAIRE ET SOUHAITÉE DU LÉGISLATEUR

1. Une intervention nécessaire

L'existence de deux solutions si différentes pour des situations si dramatiquement similaires est difficilement admissible.

Les juristes, comme les médecins, ont appelé de leurs voeux une intervention du législateur afin qu'il impose une relative homogénéité entre les solutions retenues par les deux ordres de juridiction.

En outre, il serait illusoire de croire que l'indemnisation des accidents non fautifs pourrait être satisfaite, sans graves inconvénients, par la seule évolution de la jurisprudence judiciaire.

En effet, si l'institution d'une responsabilité sans faute a pu se développer sans difficulté majeure -et notamment sans provoquer de dérive contentieuse- dans le domaine de l'hospitalisation publique, une évolution parallèle de la jurisprudence judiciaire se heurterait à deux difficultés sérieuses.

D'une part, dans le cadre de la jurisprudence administrative, la charge de la réparation pèse, en toute hypothèse, sur l'hôpital public et jamais sur le médecin. A l'inverse, dans le cadre des évolutions prévisibles de la jurisprudence judiciaire, l'exigence de réparation pourra aboutir à faire supporter la charge de l'indemnisation personnellement par le médecin et ce, même dans le cas de préjudices résultant d'actes médicaux exclusifs de toute faute. Or, il y a incontestablement quelque chose d'inéquitable à ce qu'un praticien libéral soit responsable sur son patrimoine des conséquences du risque médical, dès lors qu'il a loyalement informé la victime de ce risque.

D'autre part, l'indemnisation des accidents non fautifs a pu être limitée par la jurisprudence administrative aux seuls cas des accidents particulièrement graves, alors que les principes de réparation civile mis en oeuvre par le juge judiciaire ne lui permettront pas de restreindre le droit à réparation à ces seuls cas. Or, l'obligation qui serait faite aux médecins et cliniques de prendre en charge l'intégralité des accidents non fautifs, quelle qu'en soit la gravité, aboutirait à renchérir considérablement le coût de leurs assurances de responsabilité, compte tenu du volume statistique de ce type d'accidents se situant en deçà du seuil de particulière gravité. Pour les spécialités les plus exposées au risque médical, le poids de ces assurances pourrait même devenir économiquement insupportable et conduire les médecins à répercuter les hausses des tarifs d'assurance de responsabilité dans la négociation conventionnelle.

Enfin, on peut également craindre que l'absence de solution législative à la question de l'indemnisation de l'aléa médical conduise le juge à élargir le concept de faute afin d'assurer la nécessaire indemnisation des victimes.

2. Une intervention attendue

Les rapports, projets et propositions de loi sur la responsabilité médicale et l'indemnisation de l'aléa thérapeutique n'ont pas manqué depuis trente ans. Tous convergent sur une même conclusion : l'intervention du législateur est devenue indispensable.

Au cours des dix dernières années, les colloques se sont multipliés, plusieurs rapports ont été rédigés sur le sujet, une vingtaine de propositions de loi ont été déposées sans être discutées par le Parlement et plusieurs projets de loi ont été mis en chantier par les différents gouvernements sans voir le jour.

Le professeur Tunc a été le premier, à la fin des années 60, à envisager une indemnisation automatique extrajudiciaire des accidents médicaux. Le rapport Mac Aleese sur le traitement des conflits individuels entre médecins et patients paru en juillet 1980 avait été à l'origine du décret du 15 mai 1981 instituant des conciliateurs médicaux, annulé par le Conseil d'Etat comme relevant du domaine législatif car impliquant des atteintes au secret médical. Après le rapport établi en 1991 par la Chancellerie sur la responsabilité médicale et l'indemnisation du risque thérapeutique, M. Bernard Kouchner, ministre de la santé, avait chargé, en 1992, M. Ewald d'établir un rapport complémentaire sur " le problème français des accidents thérapeutiques- enjeux et solutions " qui avait servi de base à la rédaction d'un avant projet de loi. En 1993, le journal Le Monde titrait une interview du ministre délégué à la santé, M. Philippe Douste-Blazy, en reprenant ses propos selon lesquels " le seul moyen de sauvegarder la relation médecin-malade est d'adopter une loi sur l'aléa thérapeutique ". Un projet de loi était annoncé comme devant être discuté par le Parlement à l'automne 1994.

L'article 14 de la loi n° 98-389 du 19 mai 1998 relative à la responsabilité du fait des produits défectueux prévoyait la remise au Parlement, avant le 31 décembre 1998, d'un " rapport sur le droit de la responsabilité et de l'indemnisation applicable à l'aléa thérapeutique ".

Ce rapport, établi conjointement par l'Inspection générale des services judiciaires (IGSJ) et par l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) en septembre 1999, a été remis au Parlement le 17 novembre 1999 7 ( * ) .

Il préconise de garder la faute comme fondement de la responsabilité médicale et d'instituer un fonds national d'indemnisation des accidents thérapeutiques graves et non fautifs n'incluant toutefois pas les risques de contamination par les produits défectueux, notamment les contaminations par le virus de l'hépatite C. Des commissions régionales d'indemnisation permettraient dans tous les cas un accès facilité à une expertise précontentieuse collégiale et favoriseraient les règlements amiables. Le rapport propose enfin d'unifier sous la compétence judiciaire l'ensemble du contentieux lié à l'activité médicale.

B. L'ATTENTISME DU GOUVERNEMENT : LES ALÉAS DU PROJET DE LOI DE MODERNISATION DU SYSTÈME DE SANTÉ

1. Une réflexion gouvernementale engagée depuis 1998

L'actuel Gouvernement, qui avait annoncé à plusieurs reprises que cette question serait traitée dans le projet de loi de modernisation du système de santé, ne cesse de reculer devant l'obstacle.

Dès le 5 février 1998, lors de la discussion au Sénat de la proposition de loi relative à la responsabilité du fait des produits défectueux, Mme Elisabeth Guigou, alors Garde des Sceaux, avait indiqué qu'une réflexion était engagée sur l'aléa thérapeutique.

Depuis, les références à cette problématique et à un prochain projet de loi de modernisation du système de santé sont constantes dans les déclarations gouvernementales.

Les aléas d'un projet de loi

mars 1998 : Nous travaillons, vous le savez...

" Nous travaillons également, vous le savez, sur la prise en charge de l'aléa thérapeutique. Ces dispositifs ne doivent pas être redoutés par les médecins. Ils contribueront à préserver la relation de confiance entre le médecin et le malade. "

Mme Martine Aubry, ministre de l'Emploi et de la Solidarité,

Assises de l'hospitalisation (30 mars 1998)

octobre 1998 : L'indemnisation de l'aléa thérapeutique nécessite d'être étudiée

" L'inégalité des malades victimes d'accidents sanitaires devant l'origine ou la nature de ces accidents nécessite d'être étudiée ainsi que l'indemnisation de l'aléa thérapeutique. "

Rapport annexé à l'article premier de la loi de financement
de la sécurité sociale pour 1999 (7 octobre 1998)

janvier 1999 : Un rapport sur cette question majeure

" Quant à l'indemnisation et au problème, plus général, de l'aléa thérapeutique, nous déposerons au Parlement un rapport sur cette question majeure avant la fin de l'année, comme nous nous y étions engagés. "

M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la Santé et à l'Action sociale

Entretien au journal Le Monde (23 janvier 1999)

juin 1999 : Une mesure forte et symbolique

" Des dispositions législatives consacreront les droits de la personne malade. Je voudrais évoquer ici quatre de ces droits -les plus importants à mes yeux- : le droit à l'information (...), le droit au consentement (...), le droit à la dignité (...), l'accès direct au dossier médical (...). Permettre un accès direct des personnes malades à leur dossier médical -ne serait-ce que dans la perspective d'obtenir une éventuelle réparation- serait une mesure forte et symbolique. "

M. Lionel Jospin, Premier ministre,
Etats généraux de la Santé (30 juin 1999)

septembre 1999 : Un projet de loi sera débattu l'année prochaine

" A l'occasion des Etats généraux de la Santé qui se sont clos au mois de juin 1999, les Françaises et les Français ont exprimé un message fort sur les conditions de prise en charge de leur santé. Nous en tenons compte. Un projet de loi de modernisation du système de santé sera débattu l'année prochaine. Il concernera notamment les droits des malades, et en particulier le droit à l'information, le droit au consentement, le droit à la dignité ainsi que l'accès au dossier médical. "

Intervention de M. Lionel Jospin, Premier ministre,
aux journées parlementaires du groupe socialiste (27 septembre 1999)

octobre 1999 : Le Gouvernement propose une loi

" Le Gouvernement (...) propose une loi visant à affirmer les droits des malades, notamment en ce qui concerne l'accès au dossier médical. Des dispositifs plus efficaces de recours et de médiation seront mis en place. La participation des usagers à la définition et à la mise en oeuvre des politiques de santé publique, en particulier sur le plan régional, sera renforcée. Une réflexion sera menée pour prendre en compte l'aléa thérapeutique. "

Rapport annexé à l'article premier de la loi de financement
de la sécurité sociale pour 2000 (11 octobre 1999)

janvier 2000 : Quelques arbitrages manquent encore...

" Question - Pourtant, la loi sur le droit des malades tarde et l'impatience des associations grandit...

" Réponse - Quelques arbitrages manquent encore sur l'aléa thérapeutique. Cela fait partie de mes priorités.

Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'Emploi et de la Solidarité,
Entretien au journal Le Monde (8 janvier 2000)

mars 2000 : Nous avançons sur ce sujet aussi...

" Améliorer l'information, la participation, les droits des usagers, et moderniser notre système de santé est l'objectif essentiel du projet de loi sur lequel nous travaillons. Il s'articulera principalement autour de trois grands thèmes : les droits de la personne malade (...), les droits collectifs dans le domaine de la santé (...), troisième axe de cette loi, les aléas thérapeutiques.

" Nous avançons sur ce sujet aussi. Nous voulons réaffirmer la primauté de la responsabilité médicale pour faute, réformer l'expertise médicale en s'inspirant des recommandations du récent rapport IGAS-IGSJ, mettre en place un système d'assistance aux victimes d'accident médical en facilitant la conciliation et l'accès à l'expertise. Quant à l'indemnisation éventuelle des accidents médicaux graves non fautifs, elle fait encore l'objet de débats. "

Allocution de Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la Santé
et à l'Action sociale, devant le Haut Comité de santé publique (9 mars 2000)
puis au colloque " Droit de l'homme et santé publique "
à l'Assemblée nationale (11 mars 2000)

avril 2000 : D'autres projets parfois en voie d'être finalisés

" D'autres projets sont, soit déjà déposés, soit en cours d'examen interministériel et parfois en voie d'être finalisés : les droits des malades (...) ".

M. Lionel Jospin, Premier ministre,
devant le groupe socialiste de l'Assemblée nationale
(4 avril 2000)

octobre 2000 : Très prochainement, un projet de loi de modernisation du système de santé

" Le Gouvernement (...) proposera très prochainement un projet de loi de modernisation du système de santé qui s'articule autour de cinq axes : (...) instaurer un dispositif de prise en charge des risques thérapeutiques. "

Rapport annexé à l'article premier de la loi de financement
de la sécurité sociale pour 2001 (9 octobre 2000)

janvier 2001 : En conseil des ministres avant la fin de ce premier trimestre

" En 2001, deux grandes réformes sociales très attendues par les Français verront le jour. Il s'agit d'abord du projet de loi sur les droits des malades et la modernisation du système de santé. Ce texte renouvellera profondément les relations entre le patient et l'institution médicale afin d'améliorer la qualité des soins et de la prise en charge thérapeutique. Ce texte devrait être présenté en conseil de ministres avant la fin de ce premier trimestre. "

M. Lionel Jospin, Premier ministre,
voeux à la presse (11 janvier 2001)

2. Des initiatives qui se limitent aux effets d'annonce

Très récemment encore, le 27 mars 2001, lors de la Conférence nationale de santé 2001, M. Bernard Kouchner, ministre délégué à la Santé, déclarait :

" Autre axe législatif majeur : Nous allons enfin je l'espère mettre en oeuvre l'indemnisation de l'aléa thérapeutique.

" Je vois et reçois beaucoup de victimes d'incidents ou d'accidents pour lesquelles aucune faute n'a été identifiée : elles parlent toujours avec force et émotion de ce qu'elles vivent comme une profonde injustice : sans faute avérée, pas d'indemnisation.

" De leur côté, les professionnels sont déroutés par l'évolution fluctuante, et parfois contradictoire, des règles qui définissent leur responsabilité. Comment travailler sereinement dans un tel contexte ?

" Face à cette situation, il est devenu indispensable de mettre en place un dispositif d'indemnisation de l'aléa thérapeutique.

" Nécessité impérative tant pour les victimes que pour les professionnels si l'on veut rétablir la confiance.

" J'ai rêvé depuis longtemps de pouvoir mettre en oeuvre ce projet.

" J'ai rédigé le premier texte en 1992.

" L'heure est enfin venue.

" Et quand je pense à la détresse de toutes les personnes concernées permettez-moi de vous dire mon émotion de toucher enfin au but. "

En écho à cette déclaration, Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'Emploi et de la Solidarité, déclarait, toujours à l'occasion de la Conférence nationale de santé 2001, le 29 mars 2001 :

" Cette redéfinition de la relation entre le soignant et le malade ne peut ignorer la question difficile, toujours douloureuse, de la responsabilité juridique des professionnels. Devant cette situation, il est indispensable de mettre en place un dispositif d'indemnisation de l'aléa thérapeutique.

" Deux principes doivent nous guider :

" - rétablir la confiance par la transparence ;

" - clarifier et simplifier les procédures.

" Rétablir la confiance, c'est offrir aux professionnels et aux patients victimes d'un accident thérapeutique un dispositif qui assure une claire distinction entre les accidents fautifs et les accidents non fautifs.

" Clarifier et simplifier les procédures, c'est répondre plus rapidement aux demandes d'indemnisation qu'elles relèvent du régime de la faute ou du risque. C'est aussi assurer un dispositif d'indemnisation qui couvre la nature et l'étendue du préjudice. C'est enfin mettre à la disposition des victimes un guichet unique : des commissions régionales qui seront leur interlocuteur unique à tout moment de la procédure. "

Or, force est de constater aujourd'hui, malgré ces déclarations enthousiastes, que le volet relatif à l'aléa médical du projet de loi de modernisation du système de santé n'est toujours pas arbitré par le Premier ministre.

Si les intentions du Gouvernement sont claires et réitérées, il est permis de douter qu'un texte puisse être ne serait-ce que déposé au Parlement avant la fin de la présente session. Son examen par le Parlement avant la fin de la législature apparaît désormais hypothétique.

III.  LA PROPOSITION DE LOI : UNE RÉPONSE RAPIDE, SIMPLE ET ADAPTÉE

Face à l'attentisme du Gouvernement, votre rapporteur a pris l'initiative de déposer une proposition de loi qui apporte une réponse rapide, simple et adaptée.

Brève, simple sur le plan institutionnel, elle ne crée, ni " fonds ", ni commission d'indemnisation, ni troisième ordre de juridiction. Elle n'institue pas de taxe ou prélèvement à la charge des patients, des professionnels de santé ou des assureurs. Elle maintient la faute comme fondement premier de la responsabilité médicale et ne prétend pas ôter le contentieux de la responsabilité médicale au juge administratif, au juge judiciaire ou aux deux ordres de juridiction. Elle est enfin applicable sans délai puisque c'est l'assurance maladie qui prendra à sa charge l'indemnisation.

A. INDEMNISER PAR L'ASSURANCE MALADIE L'ACCIDENT MÉDICAL GRAVE ET NON FAUTIF

1. L'indemnisation de l'accident grave et non fautif

Pour votre rapporteur, il est indispensable de maintenir la faute comme fondement premier de la responsabilité médicale

En dépit du développement rapide de la jurisprudence consacrant une responsabilité pour risque, il serait faux d'affirmer que la faute ne constitue plus, aujourd'hui, un critère pertinent d'évaluation des responsabilités dans le domaine médical : si la pratique de la médecine n'est pas, effectivement, sans risques (de sorte que tout accident n'est pas nécessairement fautif), pour autant personne ne conteste le principe de la responsabilité des médecins et personnels de santé, dès lors qu'un manquement est constaté à l'obligation de prodiguer des soins " consciencieux, attentifs " et " conformes aux données acquises de la science ".

Dans ces conditions, la proposition de loi ne vise que l'indemnisation des accidents pour lesquels aucune faute n'a été commise à l'occasion de l'acte ou des soins médicaux.

Elle prévoit la réparation intégrale des dommages non fautifs lorsqu'ils sont graves et anormaux.

Les accidents non fautifs les plus graves doivent, à l'évidence, être indemnisés : ils ne représentent statistiquement qu'une faible part des accidents mais ils éveillent un grave sentiment d'injustice et un besoin légitime de réparation.

L'estimation du volume des accidents médicaux graves
par la mission IGAS-IGSJ

Les calculs présentés ci-dessous reprennent les hypothèses de la Direction générale de la santé pour extrapoler à l'ensemble du système de santé les statistiques issues des assureurs médicaux.

En revanche, la mission a considéré qu'elle ne disposait pas de données suffisantes pour chiffrer valablement le coût des accidents graves.

1) Le volume annuel moyen des déclarations de sinistres

Le GAMM qui regroupe le Sou médical et la MACSF recense, en 1998, 2.155 déclarations de sinistres.

Sachant que les chiffres du GAMM représentent 60 % de la médecine libérale, le volume total de déclarations peut être estimé à 3.591.

La SHAM qui assure 40 % des lits publics recense pour sa part 2.500 sinistres corporels en 1998 extrapolés à l'ensemble du secteur hospitalier, hors AP le volume total peut être estimé à 6.250. A ces chiffres, il convient d'ajouter les réclamations propres à l'AP-HP, soit 565.

Au total, on peut estimer sur la base des extrapolations ci-dessus qu'en 1998 le total des sinistres déclarés s'élève à 10.406.

2) L'estimation du volume des accidents médicaux graves

Sur la base des statistiques disponibles, seule une estimation du volume des accidents les plus graves est raisonnable en prenant, en l'absence d'autres hypothèses, la distribution indiquée par la Direction du trésor en 1992 :

- 4 % des dossiers d'indemnisation concernent un décès,

- 4 % des dossiers une invalidité supérieure à 50 %.

Une étude du Sou médical réalisée sur 695 dossiers donne un résultat plus faible pour la distribution des invalidités (2,3 %), mais considérablement plus élevé pour les décès (22,5 %). Compte tenu de cette incertitude, la distribution de 1992 a été jugée préférable.

Si l'on applique à ce volume la répartition du Sou médical entre les accidents indemnisés et ceux qui ne reçoivent pas un sort favorable, soit 25/75 sur un total de déclarations de 10.400, on doit prendre pour base les 2.600 dossiers indemnisables pour décompter les accidents :

- 104 décès,

- 104 accidents graves.

Comme le souligne le rapport commun IGAS-IGSJ, " face à un préjudice anormalement grave, il devient particulièrement difficile d'opposer à la victime le simple constat que tout acte médical comporte une part de risque et qu'elle a consenti à l'acte. "

Le rapport IGAS-IGSJ souligne à cet égard qu'il apparaît souhaitable que la forte et légitime demande d'indemnisation des accidents non fautifs les plus graves trouve sa réponse dans l'expression de la solidarité nationale, dont elle relève d'ailleurs plus naturellement que de la responsabilité personnelle des acteurs de santé.

Pour votre rapporteur, aller au-delà , non seulement favoriserait une dérive des finances publiques, mais serait illégitime, les Français qui le souhaitent pouvant par eux mêmes se couvrir, en s'assurant contre les risques de faible importance, obtenant par cette voie la réparation de préjudices mineurs.

En effet, la proposition de loi n'a pas pour objectif de limiter la participation de l'assurance à la couverture des risques médicaux. Chacun s'accorde à reconnaître que le recours à l'assurance, outre qu'il satisfait le besoin de sécurité des Français, permet d'accélérer les règlements, d'établir et de développer des mécanismes de négociation entre les assureurs des victimes et ceux des médecins et d'offrir par ailleurs l'assistance-recours.

De même, compte tenu des dispositions constitutionnelles et organiques relatives aux pouvoirs financiers du Parlement, la présente proposition de loi ne peut avoir pour ambition d'organiser la prise en charge par la solidarité nationale des conséquences des accidents médicaux sériels, et notamment de la réparation des contaminations transfusionnelles par le virus de l'hépatite C.

2. La prise en charge par l'assurance maladie de la réparation du dommage

L'aléa médical trouvant toujours son origine dans une pathologie, réelle ou supposée, il a semblé logique à votre rapporteur que la solidarité nationale, à travers l'assurance maladie, puisse prendre à sa charge les préjudices graves, non fautifs et anormaux susceptibles de résulter de l'accès au système de soins.

Le choix de l'assurance maladie ne saurait surprendre 8 ( * ) .

Bien des propositions de loi intervenues en matière d'aléa médical visent à instituer, aux fins d'accélérer le règlement des litiges, des commissions ou fonds d'indemnisation censés répondre à l'attente des victimes dans des délais plus brefs que ceux qui sont actuellement constatés devant le juge.

Une telle commission ou un tel fonds se trouverait toutefois destinataire de tout le contentieux médical constaté actuellement et d'un contentieux nouveau induit par la perspective de délais plus courts ou d'une meilleure indemnisation. Elle éprouverait alors les mêmes difficultés que l'institution judiciaire à y répondre rapidement, sauf à disposer de moyens en personnel très importants.

Loin d'être accéléré, le règlement des litiges pourrait s'en trouver au contraire ralenti. Toutes les propositions de loi ayant retenu cette solution prévoient, en cas de désaccord d'une des parties, des recours judiciaires aux décisions de la commission ou du fonds qu'elles instituent. On imagine aisément, que de tels recours seraient fréquemment intentés, notamment dans les cas où la commission conclurait à une faute médicale ou en cas de refus d'indemnisation.

Dès lors, l'institution d'un fonds ou d'une commission apparaît comme une " fausse bonne idée " qui ne constitue que sur le papier une réponse appropriée aux difficultés rencontrées par les victimes.

Aussi, la présente proposition de loi confie au juge, comme c'est le cas aujourd'hui, la résolution des litiges entre usagers et professionnels ou établissements de santé. Les ordres judiciaire et administratif demeureront compétents, chacun pour ce qui le concerne.

Certes, d'aucuns souligneront l'importance des inconvénients résultant, aujourd'hui, d'une dualité de juridiction en matière de responsabilité médicale, et ils estimeront peut-être qu'il conviendrait, à tout le moins, de confier le contentieux médical à un seul juge, judiciaire ou administratif.

Votre rapporteur considère que les difficultés actuelles tiennent à la dualité de jurisprudence, et non à la dualité de juridiction. Et cette dualité de jurisprudence n'existe qu'en raison de l'absence d'une loi consacrée à l'indemnisation de l'aléa médical. Lorsque la loi sera votée, non seulement la dualité de juridiction ne constituera pas un inconvénient, mais elle aura pour avantage de respecter les statuts respectifs des acteurs du système de santé.

3. Le principe de la responsabilité sans faute en matière d'infections nosocomiales

En matière d'infections nosocomiales, la proposition de loi retient le " mieux disant " des jurisprudences administratives et judiciaires, en inscrivant dans la loi le principe d'une responsabilité sans faute.

Même en l'absence de faute, les établissements de santé seraient responsables, vis-à-vis des patients qu'ils accueillent, des dommages résultant d'infections nosocomiales

Si, en effet, certaines de ces infections peuvent être directement rattachées à l'accomplissement d'un acte de diagnostic ou de soins, notamment par insuffisance des mesures d'asepsie, beaucoup sont également contractées du fait même du séjour du patient au sein de l'établissement et ce, sans qu'un manquement aux réglementations ou recommandations sanitaires puisse être toujours précisément identifié.

Compte tenu des conséquences parfois gravissimes de ces infections et de leur caractère particulièrement injuste, parce que frappant de manière apparemment fortuite, il apparaîtrait toutefois inopportun de les exclure du régime d'indemnisation des accidents non fautifs graves par une interprétation restrictive de la notion d'accident médical.

B. AMÉLIORER LE RÈGLEMENT DES LITIGES EN RESPONSABILITÉ MÉDICALE

Dans un second volet, la proposition de loi entend faciliter le règlement des litiges survenant à l'occasion d'un dommage fautif.

1. La réforme de l'expertise médicale

Passage obligé de la victime, quel que soit le régime de responsabilité, l'expertise médicale comporte aujourd'hui de graves lacunes. Elle est de plus en plus contestée.

L'expertise constitue la seule voie permettant à la victime d'établir la survenance de l'événement générateur de l'accident individuel fautif ou non fautif. Cette mesure d'investigation, ordonnée dans la quasi-totalité des cas en référé, suppose, pour présenter des garanties d'objectivité élémentaires, qu'elle soit conduite par des professionnels dont l'indépendance professionnelle, la compétence et la neutralité scientifiques ne puissent être mises en doute.

Or, les travaux effectués par la mission conjointe IGAS-IGSJ ont montré que l'indépendance ou la compétence technique des experts n'étaient pas toujours garanties par les modes actuels de sélection, ni contrôlées avec une suffisante vigilance 9 ( * ) .

La mission IGAS-IGSJ souligne à cet égard que " la mise en place de structures d'expertise offrant de réelles garanties de compétence et d'indépendance passe par la désignation, en amont de toute procédure juridictionnelle, d'un collège d'experts agréés par les parties. "

C'est précisément ce que prévoit la proposition de loi qui institue un Collège de l'expertise en responsabilité médicale , composé de magistrats des deux ordres de juridiction, de représentants de la Conférence des doyens, du Conseil national de l'ordre des médecins, des associations de malades et de personnalités qualifiées, chargé d'établir une liste nationale des médecins experts.

L'inscription sur cette liste vaudrait pour une durée renouvelable de cinq ans. Le Collège pourrait, après une procédure contradictoire, radier de la liste un expert dont les qualités professionnelles se seraient révélées insuffisantes ou qui aurait manqué à ses obligations déontologiques ou d'indépendance.

2. L'institution d'une commission régionale de conciliation

La proposition de loi institue dans chaque région une commission régionale de conciliation ayant pour mission de faciliter le règlement amiable des litiges entre usagers du système de soins et les professionnels et établissements de santé.

Cette commission est destinée à favoriser des solutions rapides aux difficultés rencontrées par les patients dans leur accès au système de santé.

Au-delà de sa mission de conciliation, la commission peut aussi, avec l'accord des parties -le patient, d'une part, et le médecin, l'établissement de santé public ou privé ou leur assureur, d'autre part- rendre des sentences arbitrales.

Le recours à cette commission de conciliation n'est qu'une possibilité offerte aux différentes parties : elle n'est en rien un passage obligé pour une éventuelle procédure contentieuse.

3. L'obligation d'assurance en responsabilité pour les médecins, les sages-femmes et les établissements de santé

Enfin, la proposition de loi rend obligatoire la souscription d'assurances professionnelles pour les médecins, les sages-femmes et les établissements de santé.

Ceux-ci doivent en effet toujours être en mesure de répondre, par l'intermédiaire de leur assurance, des conséquences de leurs actes fautifs, ou même non fautifs lorsqu'est prévue une responsabilité sans faute, comme c'est le cas pour les infections nosocomiales.

L'assurance de responsabilité est destinée à garantir la responsabilité du souscripteur pour les risques engendrés par son activité professionnelle. S'agissant des médecins et des établissements de santé, elle couvre aussi bien leur responsabilité contractuelle que délictuelle.

D'une manière générale, le caractère obligatoire de l'assurance de responsabilité professionnelle permettra d'en limiter les exclusions et d'offrir un cadre élargi pour le marché de l'assurance médicale. Dans le système de santé, seules existent actuellement des obligations d'assurance pour la recherche biomédicale et pour les établissements de transfusion sanguine, au profit des donneurs.

L'obligation d'assurance améliorera globalement la protection des patients qui ne pourront courir le risque d'une insolvabilité du médecin jugé responsable d'un accident médical.

Le dispositif devrait naturellement comporter, comme pour les autres assurances obligatoires, un bureau commun de tarification destiné à fixer le tarif de la couverture des professionnels à haut risque.

EXAMEN DES ARTICLES

TITRE PREMIER
-
DE L'INDEMNISATION DE L'ALÉA MÉDICAL

Article premier
Prise en charge par l'assurance maladie
de l'indemnisation de l'accident médical non fautif

Cet article insère, après l'article L. 321-3 du code de la sécurité sociale, un article nouveau L. 321-4 qui vient compléter le chapitre premier (" Dispositions générales ") du titre deuxième relatif à la l'assurance maladie.

L'article L. 321-4 prévoit que l'assurance maladie prend en charge la réparation de l'intégralité du dommage subi par un patient, ou par ses ayants droit en cas de décès, à l'occasion d'un acte ou de soins médicaux dès lors que la juridiction compétente aura établi que :

- aucune faute n'a été commise à l'occasion de l'acte ou des soins médicaux ;

- le dommage est sans lien avec l'état du patient ou son évolution prévisible,

- et que ce dommage est grave et anormal.

Le montant du préjudice est fixé par la juridiction compétente.

Les conditions prévues par cet article sont celles qui sont habituellement retenues par la jurisprudence administrative. Elles ne renvoient pas cependant à un taux d'IPP afin de laisser au juge toute latitude quant à l'opportunité d'accorder une indemnisation pour le dommage subi.

La rédaction retenue permet ainsi par exemple au juge d'indemniser un pianiste qui aurait perdu l'usage d'un doigt alors même que le taux d'IPP serait vraisemblablement très faible.

Le dernier alinéa a pour objet d'apporter une réponse au délicat problème des frais que doit avancer le demandeur - la victime ou ses ayants droit- dans le cadre de la procédure d'expertise.

Les provisions en matière d'expertise judiciaire peuvent en effet atteindre des sommes importantes, dont il est compréhensible que la victime ne puisse pas toujours faire l'avance, d'autant que s'y ajoutent les frais non recouvrables de procédure, constitués par les honoraires de son conseil et les frais d'assistance du médecin de son choix aux opérations d'expertise.

Le dernier alinéa du texte proposé par cet article précise que si la situation économique de l'intéressé le justifie et si sa demande n'apparaît pas sérieusement contestable, le juge peut ordonner une dispense de consignation pour l'expertise. Cette dispense doit être sollicitée par l'intéressé.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi rédigé.

Art. 2
Responsabilité sans faute en cas d'infections nosocomiales

Reprenant les jurisprudences administratives et judiciaires, cet article introduit dans la loi le principe d'une responsabilité sans faute en matière d'infections nosocomiales.

Ainsi, même en l'absence de faute, les établissements de santé seraient responsables vis-à-vis des patients qu'ils accueillent des dommages résultant d'infections nosocomiales.

Dans ce cas, les organismes sociaux bénéficieraient cependant toujours d'un recours sur la base de la faute prouvée.

Afin d'éviter toute ambiguïté, votre rapporteur vous propose de préciser que l'ensemble des établissements de santé sont visés par cet article, qu'ils soient publics ou privés.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi rédigé.

Art. 3
Prescription décennale pour les actes ou soins médicaux

Cet article vise à unifier les délais de prescription de la responsabilité des médecins ou des établissements de santé à l'occasion d'actes ou de soins médicaux.

Ce délai est actuellement de trente ans en matière contractuelle, de dix ans en matière délictuelle et de quatre ans en matière administrative.

Cet article fixe à dix ans le délai de prescription pour les actions tendant à mettre en cause la responsabilité des médecins ou des établissements de santé à l'occasion d'actes ou de soins médicaux.

Un délai uniforme de prescription de dix ans devrait permettre de stabiliser les règles de mise en oeuvre de la responsabilité civile des professionnels de santé.

Afin d'éviter toute ambiguïté, votre rapporteur vous propose de préciser que l'ensemble des établissements de santé sont visés par cet article, qu'ils soient publics ou privés.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi rédigé.

Art. 4
Réforme de l'expertise médicale

Cet article procède à une profonde réforme de l'expertise médicale.

Il prévoit que, dans l'ordre judiciaire ou administratif, l'expertise en responsabilité médicale est confiée à des médecins experts figurant sur une liste nationale établie par un Collège de l'expertise en responsabilité médicale .

Ce Collège est composé de magistrats des deux ordres de juridiction, de représentants de la Conférence des doyens, du Conseil national de l'ordre des médecins, des associations de malades et de personnalités qualifiées.

Peuvent être inscrits sur la liste nationale, les médecins justifiant des compétences médicales nécessaires et d'une évaluation périodique des connaissances et pratiques professionnelles. L'inscription vaut pour une durée renouvelable de cinq ans.

Le Collège de l'expertise en responsabilité médicale peut, après une procédure contradictoire, radier de la liste un expert dont les qualités professionnelles se sont révélées insuffisantes ou qui a manqué à ses obligations déontologiques ou d'indépendance.

L'expertise judiciaire en matière civile

Etat des textes

1) Statut des experts

Il est établi, chaque année, une liste nationale et une liste dressée par chaque Cour d'appel des experts en matière civile (loi n° 71-498 du 29 juin 1971 relative aux experts judiciaires).

Outre les conditions habituelles d'honneur, de probité et d'absence de faillite personnelle ou de sanctions disciplinaires, les candidats à l'inscription sur l'une de ces listes doivent justifier exercer ou avoir exercé une profession ou une activité en rapport avec leur spécialité pendant un temps " suffisant " et " dans des conditions ayant pu conférer une suffisante qualification ". Ils doivent en outre être âgés de moins de soixante-dix ans (décret n° 74-1184 du 31 décembre 1974 relatif aux experts judiciaires).

Les demandes d'inscription sur les listes établies auprès des Cours d'appel sont instruites par le procureur de la République et soumises pour avis à l'assemblée générale du tribunal de grande instance puis à l'assemblée générale de la Cour d'appel, cette dernière dressant la liste après avoir entendu le ou les magistrats chargés de faire rapport.

Les demandes d'inscription sur la liste nationale (nécessitant en principe trois années d'inscription sur la liste d'une Cour d'appel) sont instruites par le procureur général près la Cour de cassation, le bureau de la Cour dressant la liste sur le rapport d'un de ses membres.

Sans que les intéressés aient à renouveler leur demande initiale, la situation de chaque expert précédemment inscrit est examinée chaque année " pour s'assurer qu'il continue à remplir les conditions requises, respecte les obligations qui lui sont imposées et s'en acquitte avec ponctualité ". A cette occasion, le magistrat rapporteur donne connaissance, le cas échéant, des plaintes formulées et des observations des autorités judiciaires à l'égard de chacun des experts. Préalablement à cet examen, les experts font connaître le nombre de rapports qu'ils ont déposés au cours de l'année judiciaire.

La radiation peut, par ailleurs, être prononcée en cours d'année en cas de faute professionnelle grave, notamment lorsque l'expert n'exécute pas sa mission dans les délais prescrits, après mise en demeure. La procédure de radiation est mise en oeuvre à l'initiative du premier président ou du procureur général après enquête sur le bien-fondé des plaintes reçues par eux.

2) Déroulement et contrôle des missions d'expertise

En matière civile, les juges peuvent désigner en qualité d'expert toute personne de leur choix, la liste nationale et les listes propres à chaque Cour d'appel n'étant établies que " pour l'information des juges ".

En pratique toutefois, les magistrats n'usent que rarement de la faculté de s'écarter de ces listes, lesquelles ont ainsi valeur de référence quasi obligée.

Il n'est en principe désigné qu'un seul expert mais le juge peut en désigner plusieurs, sans avoir à motiver sa décision, " s'il l'estime nécessaire ". Dans ce cas, il n'est déposé qu'un seul rapport, chaque expert indiquant son opinion en cas de divergence.

L'expert peut par ailleurs prendre l'initiative de recueillir l'avis d'un autre technicien, mais seulement dans une spécialité distincte de la sienne. L'avis de ce technicien est joint au rapport.

De nombreuses dispositions tendent à assurer un déroulement rapide de l'expertise :

- la décision qui ordonne l'expertise impartit le délai dans lequel l'expert devra donner son avis ;

- dès le prononcé de la décision, le secrétaire de la juridiction en notifie copie à l'expert, lequel fait connaître " sans délai " son acceptation au juge ;

- il doit commencer ses opérations " dès qu'il est averti que les parties ont consigné la provision mise à leur charge, à moins que le juge ne lui enjoigne de les entreprendre immédiatement " ;

- au cours de l'exécution de sa mission, l'expert " doit informer le juge de l'avancement de ses opérations et des diligences par lui accomplies " ;

- dès que l'expertise est terminée, " l'instance se poursuit à la diligence du juge ".

Plus généralement, diverses dispositions confèrent au juge qui a désigné l'expert d'importantes capacités d'initiative aux fins de contrôle du déroulement des opérations (assistance aux opérations, règlement immédiat des difficultés éventuelles, audition de l'expert après dépôt du rapport si le juge n'y trouve pas les éclaircissements suffisants...).

En outre, le décret du 28 décembre 1998 a introduit deux innovations importantes, d'une part en offrant aux présidents de juridictions la faculté de désigner un juge spécialement chargé de centraliser le contrôle de l'exécution des mesures d'instruction au sein du tribunal, d'autre part en permettant au juge, pour fixer la rémunération de l'expert, de statuer en fonction, notamment, " des diligences accomplies, du respect des délais impartis et de la qualité du travail fourni ".

3) Les frais et honoraires d'expertise

Le juge qui ordonne l'expertise ou le juge chargé du contrôle fixe, lors de la nomination de l'expert, le montant d'une provision aussi proche que possible de sa rémunération définitive prévisible. Il désigne la ou les parties qui devront consigner cette provision dans le délai qu'il détermine. Il aménage, s'il y a lieu, les échéances dont la consignation peut être assortie.

C'est en vertu de son pouvoir discrétionnaire que le juge met la provision à la charge de l'une ou l'autre des parties et la décision qui fixe la provision n'est pas susceptible de recours. Toutefois, il est d'usage quasi constant de mettre la provision à la charge du demandeur et ce, a fortiori lorsque l'expertise tend à établir, en l'absence de tout autre commencement de preuve, le principe même de la responsabilité du défendeur, comme c'est habituellement le cas en matière de responsabilité médicale.

L'expert qui justifie avoir fait des avances peut être autorisé, en cours d'expertise, à prélever un acompte sur la somme consignée ; s'il établit que la provision allouée devient insuffisante, le juge ordonne la consignation d'une provision complémentaire. Dès le dépôt du rapport, le juge fixe la rémunération définitive de l'expert, autorise ce dernier à se faire remettre les sommes consignées et ordonne, le cas échéant, le versement des sommes complémentaires qui lui sont dues, en indiquant la ou les parties qui en ont la charge.

La charge définitive des frais et honoraires d'expertise est déterminée par la décision au fond aux termes de laquelle le juge condamne la partie perdante aux dépens à moins que, par décision motivée, il en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

Si le demandeur bénéficie de l'aide juridictionnelle, les frais et honoraires d'expertise sont avancés par l'Etat (art. 40 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique).

Le demandeur à l'aide juridictionnelle doit justifier que ses ressources mensuelles sont inférieures à un plafond, revalorisé chaque année, qui s'établit, au 1 er janvier 1999, à 4.940 francs pour l'aide totale et à 7.412 francs pour l'aide partielle, sous réserve de correctifs pour charges de famille.

L'aide juridictionnelle peut toutefois, à titre exceptionnelle, être accordée aux personnes dont les ressources excèdent ces plafonds " lorsque leur situation apparaît particulièrement digne d'intérêt au regard de l'objet du litige ou des charges prévisibles du procès " (art. 6 de la loi du 10 juillet 1991). Plusieurs bureaux d'aide juridictionnelle font ainsi application de ces dispositions en faveur des demandeurs en indemnisation à raison d'une contamination transfusionnelle par le virus de l'hépatite C. Toutefois, les pratiques des bureaux d'aide juridictionnelle ne sont pas uniformes dans ce domaine...

Lorsque, à l'issue du procès, le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle est condamné aux dépens, il ne supporte que la charge des frais effectivement exposés par son adversaire. Dans l'hypothèse, par conséquent, où, dans le cadre d'un procès en responsabilité, le demandeur bénéficiaire de l'aide juridictionnelle est débouté et condamné aux dépens, les frais et honoraires d'expertise ne sont pas recouvrés contre lui.

A l'inverse, lorsque la partie condamnée aux dépens ne bénéficie pas de l'aide juridictionnelle, elle est tenue de rembourser au Trésor public toutes les sommes exposées par l'Etat, y compris les frais et honoraires d'expertise que l'autre partie, bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, a été dispensée d'avancer.

La réforme proposée par cet article, qui prévoit notamment la présence de magistrats et de représentants des associations de malades au sein du Collège, devrait contribuer à garantir l'indépendance professionnelle et la neutralité scientifique des experts médicaux.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi rédigé.

TITRE II
-
DE L'AMÉLIORATION DU RÈGLEMENT DES LITIGES
EN RESPONSABILITÉ MÉDICALE

Art. 5
Commission régionale de conciliation

Cet article institue, dans chaque région une commission régionale de conciliation ayant pour mission de faciliter le règlement amiable des litiges entre usagers du système de soins et les professionnels et établissements de santé.

La commission régionale de conciliation est composée de représentants des usagers, des professionnels et établissements de santé ainsi que de personnalités qualifiées. Elle est présidée par un magistrat de l'ordre judiciaire ou par un magistrat administratif. Elle peut être saisie par tout usager, médecin ou établissement de santé.

Lorsqu'elle l'estime nécessaire, la commission peut recourir à l'expertise et peut exiger la communication de tout document, médical ou non.

Les accords obtenus devant la commission valent transaction au sens de l'article 2044 du code civil. La commission peut aussi, avec l'accord des parties, rendre des sentences arbitrales.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi rédigé.

Art. 6
Assurance obligatoire en responsabilité des médecins, sages-femmes
et établissements de santé

Cet article rend obligatoire la souscription d'assurances professionnelles pour les médecins, les sages-femmes et les établissements de santé.

Il prévoit que les médecins et sages-femmes libéraux ou salariés ainsi que les établissements de santé sont tenus de souscrire une assurance de responsabilité à raison de leur activité. La même obligation s'impose, pour leurs fautes personnelles détachables du service, aux médecins et sages-femmes exerçant leur activité dans les établissements publics de santé.

Votre rapporteur avait, dans un premier temps, songé à généraliser à l'ensemble des professions de santé cette obligation d'assurance. Il lui a semblé à la réflexion qu'un telle solution aurait été excessive. Il a préféré en conséquence limiter cette obligation aux professions les plus exposées au risque médical que sont les médecins et les sages-femmes.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi rédigé.

Art. 7
Gage financier

Cet article constitue le gage financier de la proposition de loi. Il prévoit que les dépenses résultant de la présente proposition de loi seront compensées par l'augmentation à due concurrence des droits sur les tabacs.

Nécessaire, pour des raisons de procédure, à la régularité du dépôt de la proposition de loi, il n'a plus de raison d'être dans les conclusions de la commission.

Votre commission vous propose par conséquent de supprimer cet article.

CONCLUSIONS DE LA COMMISSION
SUR LA PROPOSITION DE LOI

TITRE PREMIER

DE L'INDEMNISATION DE L'ALÉA MÉDICAL

Article premier

Il est inséré, après l'article L. 321-3 du code de la sécurité sociale, un article L. 321-4 ainsi rédigé :

" Art. L. 321-4. - L'assurance maladie prend en charge la réparation de l'intégralité du dommage subi par un patient, ou par ses ayants droit en cas de décès, à l'occasion d'un acte ou de soins médicaux dès lors que la juridiction compétente aura établi que :

" - aucune faute n'a été commise à l'occasion de l'acte ou des soins médicaux ;

" - le dommage est sans lien avec l'état du patient ou son évolution prévisible ;

" - et que ce dommage est grave et anormal.

" Le montant du préjudice est fixé par la juridiction compétente.

" Si la situation économique de l'intéressé le justifie et si sa demande n'apparaît pas sérieusement contestable, le juge peut ordonner une dispense de consignation pour l'expertise. Cette dispense doit être sollicitée par l'intéressé. "

Art. 2

Même en l'absence de faute, les établissements de santé publics et privés sont responsables vis-à-vis des patients qu'ils accueillent des dommages résultant d'infections nosocomiales. En cette matière, les organismes sociaux bénéficient d'un recours sur la base de la faute prouvée.

Art. 3

Les actions tendant à mettre en cause la responsabilité des médecins ou des établissements de santé publics et privés à l'occasion d'actes ou de soins médicaux se prescrivent par dix ans. Le délai court à compter de la consolidation du dommage.

Art. 4

Dans l'ordre judiciaire ou administratif, l'expertise en responsabilité médicale est confiée à des médecins experts figurant sur une liste nationale établie par un Collège de l'expertise en responsabilité médicale.

Ce Collège est composé de magistrats des deux ordres de juridiction, de représentants de la Conférence des doyens, du Conseil national de l'ordre des médecins, des associations de malades et de personnalités qualifiées.

Peuvent être inscrits sur la liste nationale les médecins justifiant des compétences médicales nécessaires et d'une évaluation périodique des connaissances et pratiques professionnelles. L'inscription vaut pour une durée renouvelable de cinq ans.

Le Collège de l'expertise en responsabilité médicale peut, après une procédure contradictoire, radier de la liste un expert dont les qualités professionnelles se sont révélées insuffisantes ou qui a manqué à ses obligations déontologiques ou d'indépendance.

Les modalités d'application de cet article sont fixées par décret en Conseil d'Etat.

Les dispositions du premier alinéa de cet article entreront en vigueur six mois après la publication du décret instituant le Collège de l'expertise en responsabilité médicale.

TITRE II

DE L'AMÉLIORATION DU RÈGLEMENT DES LITIGES
EN RESPONSABILITÉ MÉDICALE

Art. 5

Il est créé, dans chaque région, une Commission régionale de conciliation ayant pour mission de faciliter le règlement amiable des litiges entre usagers du système de soins et les professionnels et établissements de santé.

La Commission régionale de conciliation est composée de représentants des usagers, des professionnels et établissements de santé ainsi que de personnalités qualifiées. Elle est présidée par un magistrat de l'ordre judiciaire ou par un magistrat administratif. Elle peut être saisie par tout usager, médecin ou établissement de santé.

Lorsqu'elle l'estime nécessaire, la commission peut recourir à l'expertise et peut exiger la communication de tout document, médical ou non.

Les accords obtenus devant la commission valent transaction au sens de l'article 2044 du code civil.

La commission peut aussi, avec l'accord des parties, rendre des sentences arbitrales.

Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret en Conseil d'Etat.

Art. 6

Les médecins et sages-femmes libéraux ou salariés ainsi que les établissements de santé sont tenus de souscrire une assurance de responsabilité à raison de leur activité. La même obligation s'impose, pour leurs fautes personnelles détachables du service, aux médecins et sages-femmes exerçant leur activité dans les établissements publics de santé.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

Réunie le jeudi 19 avril 2001, sous la présidence de M. Jean Delaneau, président, la commission a tout d'abord procédé à l'examen du rapport de M. Claude Huriet sur la proposition de loi n° 221 (2000-2001) relative à l'indemnisation de l'aléa médical et à la responsabilité médicale .

M. Claude Huriet, rapporteur, a souligné que l'acte médical n'échappe pas à l'imprévisible, à l'aléa : même parfaitement réalisé, il peut échouer, blesser, voire entraîner la mort. Il a défini l'aléa médical ou thérapeutique comme un événement dommageable au patient, sans qu'une maladresse ou une faute quelconque puisse être imputée au praticien, et sans que ce dommage se relie à l'état initial du patient ou à son évolution prévisible. Cette définition implique que l'accident ait été imprévisible au moment de l'acte, ou qu'il ait été prévisible mais connu comme tout à fait exceptionnel, de sorte que le risque était justifié au regard du bénéfice attendu de la thérapie.

M. Claude Huriet, rapporteur, a expliqué qu'un cas typique était celui du patient qui subit des examens médicaux exigés par son état, réalisés conformément aux données acquises de la science et après que son consentement éclairé eut été recueilli ; cet examen entraîne chez lui un dommage majeur, telle une paralysie.

Rappelant que la question de l'aléa médical et de sa réparation suscitaient, depuis plus de trente ans, propositions de loi et controverses, M. Claude Huriet, rapporteur, a estimé qu'elle revêtait aujourd'hui une particulière acuité. En effet, les victimes des accidents médicaux font face à une fatalité doublée d'incohérence puisque, frappées dans leurs chairs, les victimes -ou leurs ayants droit- se trouvent parfois confrontées à un refus d'indemnisation né de l'actuelle inadaptation du droit positif français. Ainsi, selon que l'aléa se sera produit dans le cadre du service public hospitalier ou dans un établissement privé, il sera indemnisé dans des conditions très différentes.

M. Claude Huriet, rapporteur, a jugé que cette hétérogénéité du droit positif, source d'une inégalité difficilement supportable pour les victimes, n'apparaissait guère admissible. Il a indiqué que la question de l'indemnisation des victimes d'accidents médicaux, très largement débattue, avait fait l'objet de nombreux projets et propositions de loi, dont aucun n'avait abouti, faute d'accord sur une solution satisfaisante pour l'ensemble des partenaires concernés et compte tenu, depuis l'apparition des contaminations par le virus de l'hépatite C, de l'importance des masses financières en jeu.

Il a constaté que, maintes fois promise, la réponse législative à l'insatisfaction des usagers qui s'estiment mal indemnisés lorsque survient un accident médical, comme à celle des professionnels de santé qui craignent une dérive " à l'américaine ", était toujours différée. Il a relevé que l'absence d'initiative des pouvoirs publics incitait le juge, disposé à améliorer de manière significative le sort de la victime, à adopter des constructions jurisprudentielles qui bousculaient les règles traditionnelles de la responsabilité civile.

M. Claude Huriet, rapporteur, a considéré que seule une initiative parlementaire semblait aujourd'hui à même d'offrir enfin aux uns et aux autres cette réponse dans de brefs délais. Il a fait valoir que c'était l'objet de la présente proposition de loi, qui visait à améliorer l'indemnisation des victimes, tout en maintenant la faute comme fondement de la responsabilité médicale.

Il a rappelé que le droit positif français, en matière d'indemnisation de l'aléa médical, se présentait sous deux aspects : il admettait le principe de l'indemnisation, sous certaines conditions, lorsque le juge administratif était compétent et il s'y refusait en cas de saisine du juge civil. Pour la juridiction judiciaire, l'accident médical non fautif ne pouvait engager la responsabilité du médecin. Dans un arrêt de principe du 8 novembre 2000, la formation plénière de la première chambre civile de la Cour de Cassation avait solennellement affirmé que " la réparation des conséquences de l'aléa thérapeutique n'entre pas dans le champ des obligations dont un médecin est contractuellement tenu à l'égard de son patient ".

M. Claude Huriet, rapporteur, a relevé que la responsabilité médicale, fondée, depuis 1936, sur l'idée que le médecin est tenu à une obligation de moyens et non de résultat, avait été progressivement alourdie. La Cour de Cassation, à la suite du Conseil d'Etat, avait ouvert la première brèche dans l'édifice en dispensant la victime de prouver l'existence d'une faute en cas d'infection nosocomiale (1996), puis en exigeant que le médecin apporte la preuve qu'il a suffisamment informé son patient des risques encourus (1997), et ce, même si le risque est exceptionnel (1998). Mais, surtout, elle avait institué à la charge des médecins une véritable " obligation de sécurité résultat " en cas d'utilisation de dispositifs médicaux (1985), de médicaments ou de produits du corps humain (1995). En ce cas, selon l'expression de Pierre Sargos, conseiller à la Cour de Cassation, c'est bien une " exigence de perfection, d'absence de tout défaut ", qui pèse sur le médecin.

M. Claude Huriet, rapporteur, s'est demandé si la Cour de Cassation aurait dû aller plus loin et étendre la responsabilité des médecins à l'aléa médical, c'est-à-dire à la réparation de l'accident médical, inhérent à l'acte lui-même et sans faute aucune du médecin. Il a rappelé que le Conseil d'Etat l'avait admis pour l'hôpital public dès 1993, sous des conditions d'ailleurs très strictes, et que des voix s'élevaient pour pousser la Cour de Cassation dans cette direction.

Il a constaté que cette dernière ne l'avait pas voulu, mettant en avant deux arguments. D'une part, retenir une responsabilité pour risque généralisée aurait, en faisant disparaître de facto la notion de faute, profondément affecté la relation médecin-malade et bouleversé le droit de la responsabilité médicale. D'autre part, puisque, en matière de réparation du préjudice, la loi est fondée sur le principe de l'indemnisation intégrale, les conséquences financières d'un tel revirement de jurisprudence, même limitées aux accidents individuels, excluant donc les risques " sériels ", auraient été considérables.

M. Claude Huriet, rapporteur, a considéré qu'en d'autres termes la haute juridiction a estimé qu'il appartenait au législateur -et à lui seul- de faire un tel choix. Observant que les rapports, projets et propositions de loi sur le sujet n'avaient pas manqué depuis trente ans, il a constaté qu'aucun n'avait abouti, faute d'arbitrage sur la question du financement.

Il a souligné que l'actuel Gouvernement, qui avait commandé un rapport aux inspections générales des affaires sociales et des services judiciaires - rapport paru en septembre 1999 - et annoncé à plusieurs reprises que cette question serait traitée dans le projet de loi de modernisation sanitaire, ne cessait de reculer devant l'obstacle. Dès le 5 février 1998, lors de la discussion au Sénat de la proposition de loi relative à la responsabilité du fait des produits défectueux, Mme Elisabeth Guigou, alors garde des sceaux, avait indiqué qu'une réflexion était engagée sur l'aléa thérapeutique. Le 30 mars 1998, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, annonçait aux Assises de l'hospitalisation qu'elle travaillait sur la prise en charge de l'aléa thérapeutique. Le 27 septembre 1999, M. Lionel Jospin, Premier ministre, indiquait lors des journées parlementaires du groupe socialiste qu'un projet de loi de modernisation du système de santé serait débattu l'année suivante. Un an plus tard, dans le rapport annexé à l'article premier de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, le Gouvernement s'engageait à proposer très prochainement un projet de loi de modernisation du système de santé qui s'articulerait autour de cinq axes, dont l'un viserait à instaurer un dispositif de prise en charge des risques thérapeutiques.

M. Claude Huriet, rapporteur, a observé que cette annonce avait été confirmée par M. Lionel Jospin lors de ses voeux à la presse, le 11 janvier dernier. Le Premier ministre indiquait alors : " En 2001, deux grandes réformes sociales très attendues par les Français verront le jour. Il s'agit d'abord du projet de loi sur les droits des malades et la modernisation du système de santé. Ce texte renouvellera profondément les relations entre le patient et l'institution médicale afin d'améliorer la qualité des soins et de la prise en charge thérapeutique. Ce texte devrait être présenté en conseil des ministres avant la fin de ce premier trimestre. "

Constatant qu'aucun texte n'avait encore été déposé, M. Claude Huriet, rapporteur, a exprimé des doutes quant à la perspective d'un examen de ce projet de loi par l'Assemblée nationale avant la fin de la présente session. Après avoir souligné que ce projet de loi avait connu depuis deux ans bien des aléas, il a expliqué qu'il avait pris l'initiative, face à l'attentisme du Gouvernement, de déposer une proposition de loi qui apportait une réponse rapide, simple et adaptée.

Il a indiqué que cette proposition de loi, brève, simple sur le plan institutionnel, ne créait ni " fonds ", ni commission d'indemnisation, ni troisième ordre de juridiction. Elle n'instituait pas de taxe ou prélèvement à la charge des patients, des professionnels de santé ou des assureurs. Elle maintenait la faute comme fondement premier de la responsabilité médicale et ne prétendait pas ôter le contentieux de la responsabilité médicale au juge administratif, au juge judiciaire ou aux deux ordres de juridiction. Elle était enfin applicable sans délai.

M. Claude Huriet, rapporteur, a expliqué que l'article 1er assurait l'indemnisation par l'assurance maladie de l'accident médical grave et non fautif. L'assurance maladie prendrait en charge la réparation de l'intégralité du dommage subi par un patient, ou par ses ayants droit en cas de décès, à l'occasion d'un acte ou de soins médicaux, dès lors que la juridiction compétente aurait établi qu'aucune faute n'avait été commise à l'occasion de l'acte ou des soins médicaux, que le dommage était sans lien avec l'état du patient ou son évolution prévisible et que ce dommage était grave et anormal. Le montant du préjudice serait fixé par la juridiction compétente.

M. Claude Huriet, rapporteur, a indiqué que la proposition de loi ne visait donc que les accidents non fautifs les plus graves qui devaient, à l'évidence, être indemnisés : ils ne représentaient statistiquement qu'une faible part des accidents, mais ils éveillaient un grave sentiment d'injustice et un besoin légitime de réparation. Face à un préjudice anormalement grave, il devenait en effet difficile d'opposer à la victime le simple constat que tout acte médical comporte une part de risque et qu'elle avait consenti à cet acte.

M. Claude Huriet, rapporteur, a estimé qu'aller au-delà, non seulement favoriserait une dérive des finances publiques, mais serait illégitime, les Français qui le souhaitent pouvant par eux-mêmes se couvrir, en s'assurant contre les risques de faible importance, et pouvant obtenir par cette voie la réparation de préjudices mineurs.

Il a ajouté que, compte tenu des dispositions constitutionnelles et organiques relatives aux pouvoirs financiers du Parlement, la proposition de loi ne pouvait avoir pour ambition d'organiser la prise en charge par la solidarité nationale des conséquences des accidents médicaux sériels, et notamment de la réparation des contaminations transfusionnelles par le virus de l'hépatite C.

Reconnaissant que le choix de l'assurance maladie pouvait surprendre, M. Claude Huriet, rapporteur, a souligné que bien des propositions de loi intervenues en matière d'aléa médical visaient à instituer, aux fins d'accélérer le règlement des litiges, des commissions ou fonds d'indemnisation censés répondre aux victimes dans des délais plus brefs que ceux qui sont actuellement constatés devant le juge. Il a jugé que cette " fausse bonne idée " ne constituait que sur le papier une réponse appropriée aux difficultés rencontrées par les victimes.

Il a expliqué qu'une telle commission ou un tel fonds se trouverait en effet destinataire de tout le contentieux médical constaté actuellement et d'un contentieux nouveau induit par la perspective de délais plus courts ou d'une meilleure indemnisation. Elle éprouverait alors les mêmes difficultés que l'institution judiciaire à y répondre rapidement, sauf à disposer de moyens en personnel très importants.

M. Claude Huriet, rapporteur, a ajouté que le règlement des litiges, loin d'être accéléré, pourrait s'en trouver ralenti. Toutes les propositions de loi ayant retenu cette solution prévoyaient, en cas de désaccord d'une des parties, des recours judiciaires aux décisions de la commission ou du fonds qu'elles instituaient. On imaginait aisément que de tels recours seraient fréquemment intentés, notamment dans les cas où la commission conclurait à une faute médicale ou en cas de refus d'indemnisation.

M. Claude Huriet, rapporteur, a indiqué qu'il lui avait semblé logique que la solidarité nationale, à travers l'assurance maladie, puisse prendre à sa charge les préjudices graves, non fautifs et anormaux susceptibles de résulter de l'accès au système de soins.

Il a précisé que l'article 2 de la proposition de loi comportait un régime spécifique pour les infections nosocomiales. Cet article introduisait dans la loi les jurisprudences administratives et judiciaires en affirmant le principe d'une responsabilité sans faute en matière d'infections nosocomiales. Même en l'absence de faute, les établissements de santé seraient responsables, vis-à-vis des patients qu'ils accueillent, des dommages résultant d'infections nosocomiales.

M. Claude Huriet, rapporteur, a indiqué que, dans un souci d'unification du droit, l'article 3 fixait à dix ans le délai de prescription pour les actions tendant à mettre en cause la responsabilité des médecins ou des établissements de santé à l'occasion d'actes ou de soins médicaux. Il a expliqué que ce délai était aujourd'hui de 30 ans devant les juridictions civiles et de 4 ans devant les juridictions administratives.

Il a indiqué que l'article 4 procédait à une réforme profonde de l'expertise médicale. Passage obligé de la victime, quel que soit le régime de responsabilité, l'expertise médicale comportait aujourd'hui de graves lacunes. Or, elle constituait la seule voie permettant à la victime d'établir la survenance de l'événement générateur de l'accident individuel fautif ou non fautif. Cette mesure d'investigation, ordonnée dans la quasi-totalité des cas en référé, supposait, pour présenter des garanties d'objectivité élémentaires, qu'elle soit conduite par des professionnels, dont l'indépendance professionnelle et la neutralité scientifique ne puissent être mises en doute.

M. Claude Huriet, rapporteur, a constaté que les travaux effectuées par la mission conjointe Inspection générale des affaires sociales - Inspection générale des services judiciaires avaient montré que l'indépendance fonctionnelle ou la compétence technique des experts n'étaient pas toujours garanties par les modes actuels de sélection, ni contrôlées avec une suffisante vigilance.

Il a indiqué que le dispositif proposé par l'article 4 prévoyait que, dans l'ordre judiciaire ou administratif, l'expertise en responsabilité médicale était confiée à des médecins experts figurant sur une liste nationale établie par un collège de l'expertise en responsabilité médicale. Ce collège serait composé de magistrats des deux ordres de juridiction, de représentants de la Conférence des doyens, du Conseil national de l'ordre des médecins, des associations de malades et de personnalités qualifiées. Pourraient être inscrits sur la liste nationale les médecins justifiant des compétences médicales nécessaires et d'une évaluation périodique des connaissances et pratiques professionnelles. L'inscription vaudrait pour une durée renouvelable de cinq ans. Le collège de l'expertise en responsabilité médicale pourrait, après une procédure contradictoire, radier de la liste un expert dont les qualités professionnelles se seraient révélées insuffisantes ou qui aurait manqué à ses obligations déontologiques ou d'indépendance.

M. Claude Huriet, rapporteur, a souligné que, dans un second volet, la proposition de loi entendait faciliter le règlement des litiges survenant à l'occasion d'un dommage fautif. L'article 5 instituait, dans chaque région, une commission régionale de conciliation ayant pour mission de faciliter le règlement amiable des litiges entre usagers du système de soins et les professionnels et établissements de santé. Cette commission était destinée à favoriser des solutions rapides aux difficultés rencontrées par les patients dans leur accès au système de santé. Au-delà de sa mission de conciliation, la commission pourrait aussi, avec l'accord des parties - l'usager, d'une part, et le médecin, l'établissement de santé public ou privé ou leur assureur, d'autre part - rendre des sentences arbitrales.

M. Claude Huriet, rapporteur, a souligné que l'article 6 rendait obligatoire la souscription d'assurances professionnelles pour les médecins, les sages-femmes et les établissements de santé. Ceux-ci devaient en effet toujours être en mesure de répondre, par l'intermédiaire de leur assurance, des conséquences de leurs actes fautifs, ou même non fautifs lorsqu'était prévue une responsabilité sans faute, comme c'était le cas pour les infections nosocomiales.

M. Claude Huriet, rapporteur, a considéré que l'adoption de cette proposition de loi, qui faciliterait le règlement des dommages fautifs et organiserait l'indemnisation de l'aléa médical, apporterait des solutions plus justes aux difficultés rencontrées par les patients, et serait de nature à préserver durablement la qualité de la relation entre le médecin et le malade.

Après avoir félicité M. Claude Huriet pour son initiative, M. Charles Descours s'est demandé si la proposition de loi ne risquait pas " d'ouvrir la boite de Pandore " en suscitant davantage de contentieux. Il a regretté que ce texte ne puisse pas couvrir le risque sériel et s'est inquiété de son coût pour l'assurance maladie. Il s'est demandé si l'assurance obligatoire prévue à l'article 6 ne devrait pas être étendue à l'ensemble des professions de santé.

M. Paul Blanc s'est inquiété des risques de développement du contentieux à l'encontre des médecins que pouvait entraîner cette proposition de loi, dans un contexte où les malades devenaient de plus en plus procéduriers. Il s'est étonné que les professionnels de santé ne soient pas déjà tenus par la loi de contracter une assurance professionnelle.

Tout en comprenant la volonté du rapporteur de mettre fin à ce qu'il a qualifié de " jungle juridique ", M. Jean Chérioux a souligné que la proposition de loi créait une charge nouvelle pour l'assurance maladie. Il a jugé que le risque de l'aléa thérapeutique avait davantage vocation à être indemnisé par les assureurs privés que par la collectivité.

M. Alain Vasselle a fait un parallèle entre la situation des médecins et celle des élus locaux, de plus en plus fréquemment attaqués en justice par les victimes d'accidents. Il a rappelé que les victimes avaient aujourd'hui tendance à préférer des poursuites devant la juridiction pénale plutôt que la juridiction civile, en raison des délais plus rapides et d'un coût moins élevé de la procédure devant le juge pénal.

Il a demandé si la loi du 10 juillet 2000 tendant à préciser la définition des délits non intentionnels s'appliquait également aux médecins et a suggéré, si ce n'était pas le cas, de se rapprocher de la commission des lois afin de compléter cette loi par un article relatif à la situation particulière des médecins.

M. Jacques Machet a souhaité connaître les raisons susceptibles d'expliquer la recrudescence des infections nosocomiales.

En réponse aux différents intervenants, M. Claude Huriet, rapporteur, a souligné que la proposition de loi visait les accidents médicaux pour lesquels aucune responsabilité ne pouvait être dégagée. Il a considéré que l'absence de solution à la question de l'indemnisation de l'aléa médical conduisait le juge à élargir le concept de faute afin d'assurer la nécessaire indemnisation des victimes.

Il a fait valoir que la situation était encore aggravée par la dualité de juridiction et de jurisprudence qui aboutissait souvent à des indemnisations très différentes pour des cas pourtant similaires, selon que la procédure s'était déroulée devant le juge judiciaire ou le juge administratif.

M. Claude Huriet, rapporteur, a rappelé que la proposition de loi ne modifiait en rien les règles de la responsabilité médicale et maintenait notamment la faute comme fondement de cette responsabilité.

Il a estimé qu'il semblait difficile de prévoir que les assurances professionnelles puissent indemniser une victime en l'absence de faute du praticien assuré. Il a ajouté qu'il lui avait paru excessif et inutile de généraliser à l'ensemble des professions de santé l'obligation d'assurance.

Rappelant qu'il y avait en France chaque année deux cents accidents médicaux graves ou mortels, dont une partie avait une origine fautive, il a considéré que le coût de cette proposition de loi, s'il était difficile à évaluer avec précision, n'avait vraisemblablement rien d'excessif. Il a ajouté que ce coût était de toute façon très inférieur à celui du dispositif envisagé par le Gouvernement.

S'agissant des infections nosocomiales, il a souligné que la jurisprudence obligeait l'établissement ou le praticien à prouver qu'il n'y avait pas eu faute, ce qui s'avérait impossible en pratique. Il a précisé que la recrudescence des infections nosocomiales résultait par exemple des dispositifs de ventilation existant dans les établissements hospitaliers.

Après avoir précisé que la loi du 10 juillet 2000 s'appliquait également aux médecins, M. Claude Huriet, rapporteur , a estimé que cette proposition de loi allait contraindre le Gouvernement à prendre enfin position sur la question essentielle que constituait l'indemnisation de l'aléa médical.

Puis la commission a adopté les propositions du rapporteur qui constituent les conclusions de la commission sur la proposition de loi.

ANNEXE N° 1
-
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
PAR LE RAPPORTEUR

Professeur Jean-Louis PORTOS, Le Sou médical

Professeur Jacques HUREAU, Président honoraire de la Compagnie des médecins experts

M. Jacques CATZ, président de la Fédération des associations AVIAM-aide aux victimes des accidents médicaux

M. Jean-Pierre MOREAU, délégué général, et M. Jean-Marc LEMÈRE, délégué général adjoint, de la FFSA.

Docteur Yvette RACT, médecin-conseil national adjoint à la CNAMTS

M. CERETTI, association le Lien.

ANNEXE N° 2
-
L'INDEMNISATION DES VICTIMES D'ACCIDENTS THÉRAPEUTIQUES
-
ÉTUDE DE LÉGISLATION COMPARÉE

LES DOCUMENTS DE TRAVAIL DU SÉNAT

Série LÉGISLATION COMPARÉE

L'INDEMNISATION DES VICTIMES

D'ACCIDENTS THÉRAPEUTIQUES

Ce document constitue un instrument de travail élaboré à l'intention des Sénateurs par la Division des études de législation comparée du Service des affaires européennes. Il a un caractère informatif et ne contient aucune prise de position susceptible d'engager le Sénat.

n° LC 81 Novembre 2000

SERVICE DES AFFAIRES EUROPÉENNES

Division des Études de législation comparée

Le 15 novembre 2000

L'INDEMNISATION DES VICTIMES D'ACCIDENTS THÉRAPEUTIQUES

Sommaire

Pages

NOTE DE SYNTHÈSE

1

DISPOSITIONS NATIONALES

Allemagne

5

Danemark

9

Italie

15

Royaume-Uni

17

Suède

21

Suisse

23

ANNEXE

27

LISTE DES TEXTES ANALYSÉS

29

SERVICE DES AFFAIRES EUROPÉENNES

Division des Études de législation comparée

L'INDEMNISATION DES VICTIMES
D'ACCIDENTS THÉRAPEUTIQUES

En France, l'indemnisation des victimes d'accidents thérapeutiques repose en principe sur la mise en évidence de la responsabilité médicale. Or, celle-ci n'est pas régie par les mêmes règles selon qu'elle relève du droit public ou du droit privé, c'est-à-dire selon que les actes médicaux ont été réalisés dans le cadre du service public hospitalier ou dans celui de la médecine libérale.

Dans le premier cas, le médecin n'est pas personnellement responsable des dommages qu'il cause dans l'exercice de son activité, à moins de commettre une faute personnelle détachable. En principe, c'est donc la responsabilité de l'hôpital qui est engagée et, depuis 1992, la justice administrative retient toute faute simple. De plus, depuis 1993, elle admet la responsabilité sans faute de l'hôpital en cas d'" aléa thérapeutique ". En effet, dans l'arrêt Bianchi, le Conseil d'Etat a affirmé que, " lorsqu'un acte médical nécessaire au diagnostic ou au traitement du malade présente un risque dont l'existence est connue mais dont la réalisation est exceptionnelle et dont aucune raison ne permet de penser que le patient y soit particulièrement exposé, la responsabilité du service public hospitalier est engagée si l'exécution de cet acte est la cause directe de dommages sans rapport avec l'état initial du patient comme avec l'évolution prévisible de cet état, et présentant un caractère d'extrême gravité ".

En revanche, dans le second cas, le médecin est personnellement responsable, mais le juge judiciaire ne met à sa charge qu'une obligation de moyens. Hormis les rares cas où le médecin a une obligation de résultats (fourniture de produits ou de matériel par exemple), la jurisprudence, d'une façon générale, fonde donc la responsabilité médicale sur la faute.

C'est pourquoi une loi d'indemnisation, qui allouerait de plein droit des dommages et intérêts aux victimes d'accidents sans que les médecins soient mis en cause, est demandée depuis de nombreuses années, à la fois par les professionnels et par les victimes.

Le projet de loi sur la modernisation du système de santé , dans son volet consacré à l'indemnisation du risque médical, devrait créer un fonds permettant l'indemnisation des victimes d'accidents médicaux graves survenus en l'absence de faute des soignants.

Dans la perspective de la prochaine discussion de ce texte, il a semblé utile d'examiner les principales caractéristiques des systèmes d'indemnisation des accidents médicaux chez quelques-uns de nos voisins européens : l' Allemagne , le Danemark , l' Italie , le Royaume-Uni , la Suède et la Suisse .

L'examen de ces systèmes d'indemnisation des accidents médicaux permet de mettre en évidence que tous les pays étudiés, sauf l'Italie, ont mis en place des procédures spécifiques permettant aux victimes d'accidents thérapeutiques d'obtenir une indemnisation sans devoir recourir aux tribunaux.

Plus précisément, il apparaît que :

- en Italie, les dossiers d'indemnisation des accidents thérapeutiques continuent à être réglés par les tribunaux de droit commun ;

- les médecins ont institué des instances extrajudiciaires de médiation en Allemagne et en Suisse ;

- la réforme anglaise de la procédure civile encourage les parties à rechercher un règlement amiable avant toute action en justice ;

- au Danemark et en Suède, la loi dispense les victimes d'accidents thérapeutiques de prouver l'existence d'une faute.

1) En Italie, les dossiers d'indemnisation continuent à être réglés par les tribunaux de droit commun

Le droit commun de la responsabilité s'applique et les juges apprécient le montant des dommages et intérêts au vu des rapports des experts médicaux.

2) En Allemagne et en Suisse, les médecins ont institué des procédures extrajudiciaires

En Allemagne, les ordres régionaux des médecins ont institué des instances de médiation à partir de 1975. En Suisse, la Fédération des médecins helvétiques a créé deux bureaux d'expertises extrajudiciaires en 1982.

Ces instances peuvent être saisies par les patients qui s'estiment victimes d'erreurs médicales. Elles conduisent des expertises et se prononcent sur l'existence d'une erreur médicale.

En Allemagne, où le statut des instances de médiation varie d'une région à l'autre, certaines se prononcent même sur le montant des dommages et intérêts à accorder. En revanche, les bureaux suisses d'expertises extrajudiciaires n'évaluent jamais le préjudice, mais leurs conclusions fournissent généralement la base d'un arrangement amiable entre les parties.

Dans les deux pays, le système est pratiquement gratuit pour les patients. Bien que les instances allemandes soient critiquées, notamment parce que certaines d'entre elles n'associent pas du tout les patients à leur procédure, elles semblent fonctionner de manière satisfaisante, puisque les procès en responsabilité civile contre les médecins ont pratiquement disparu. En revanche, en Suisse, les bureaux d'expertises extrajudiciaires ont une activité plus limitée : ils ont traité 2000 dossiers entre 1982 et 1998.

Dans les deux pays, les parties, même si elles ont accepté de recourir à une procédure extrajudiciaire, restent libres de saisir ultérieurement les tribunaux, car les conclusions des instances de médiation ne sont pas exécutoires.

3) Au Royaume-Uni, la réforme de la procédure civile encourage les parties à rechercher un règlement amiable avant toute action en justice

La réforme de la procédure civile, entrée en vigueur le 26 avril 1999, a institué un protocole préjudiciaire pour la résolution du contentieux médical .

Ce protocole incite les parties , d'une part, à rechercher un règlement amiable avant toute action en justice et, d'autre part, à respecter un calendrier très précis. Le non-respect du protocole les expose à des sanctions ultérieures de la part du juge. En effet, en cas d'échec de la procédure amiable, le conflit est porté devant les juridictions civiles.

4) Au Danemark et en Suède, la loi dispense les victimes d'accidents thérapeutiques de prouver l'existence d'une faute

La Suède fut le premier pays européen à séparer les notions de responsabilité médicale et de droit à compensation . Dès 1975 , les conseils de comté, gestionnaires des hôpitaux, et les assureurs conclurent un protocole d'indemnisation des accidents thérapeutiques permettant aux victimes d'être indemnisées en l'absence de toute faute.

Prenant exemple sur le régime suédois, le législateur danois adopta en mai 1991 la loi sur l'assurance des patients , qui est entrée en vigueur le 1 er juillet 1992 et qui permet à la plupart des victimes d'accidents médicaux d'être indemnisées, en dehors de toute notion de faute et de responsabilité.

Il suffit pour cela d'établir que le préjudice subi aurait pu être évité (si le médecin avait appliqué la règle de l'art, si l'équipement n'avait pas été défectueux ou si d'autres méthodes avaient été mises en oeuvre) ou qu'il constitue la conséquence d'un réel aléa thérapeutique (c'est-à-dire d'une complication très rare ou d'une ampleur beaucoup plus grave que celle à laquelle il est raisonnable de s'attendre).

Toutes les demandes d'indemnisation sont traitées par l'Association pour l'assurance des patients, qui réunit tous les assureurs des prestataires de soins couverts par la loi. Cette association vérifie la recevabilité des dossiers et évalue les préjudices. Une commission ad hoc examine les recours contre les décisions de l'association.

Suivant à son tour l'exemple danois, la Suède a remplacé le protocole d'indemnisation des accidents thérapeutiques par la loi de 1996 relative à l'assurance des patients , qui est entrée en vigueur le 1 er janvier 1997. La loi suédoise prévoit un régime similaire au régime danois, même si les critères de recevabilité ne sont pas tout à fait les mêmes.

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Dans tous les pays étudiés, sauf en Italie, le contentieux médical échappe, en totalité ou en partie, aux juridictions de droit commun. Les solutions retenues, très diverses, présentent toutefois quelques caractéristiques communes : souci de faciliter l'indemnisation des victimes par des procédures simples et peu coûteuses, et recherche de célérité dans le règlement des dossiers.

L'INDEMNISATION DES VICTIMES D'ACCIDENTS THÉRAPEUTIQUES

ALLEMAGNE

Malgré l'absence de procédure législative d'indemnisation du risque thérapeutique, la plupart des affaires échappent aux tribunaux, car l'Ordre des médecins a institué des instances de médiation , chargées de dégager des solutions amiables.

1) Le régime juridique de la responsabilité médicale

En l'absence de dispositions spécifiques, le droit commun de la responsabilité s'applique .

Le médecin et le patient sont liés par un contrat de service , en vertu duquel l'une des parties s'engage à fournir une prestation à l'autre, moyennant finances. Contrairement au contrat de réalisation d'ouvrage (qui lie par exemple l'architecte et son client), le contrat de service ne comporte aucune obligation de résultat .

Par ailleurs, la responsabilité délictuelle peut être engagée en cas de dommage corporel.

Dans les deux cas, la responsabilité du médecin ne peut pas être engagée sans faute .

Devant les tribunaux, la charge de la preuve incombe en règle générale à celui qui veut faire valoir ses droits ( 10 ( * ) ) . La victime doit donc établir la faute (ou la négligence) du médecin, ainsi que le lien de causalité entre cette dernière et le dommage.

2) Le mécanisme d'indemnisation

Les difficultés rencontrées par les patients pour obtenir des dommages et intérêts par la voie judiciaire ont amené les ordres régionaux des médecins à instituer des instances de médiation à partir de 1975. Au nombre de neuf ( 11 ( * ) ) , elles ont pour mission de parvenir à un accord amiable entre médecins et victimes.

Ces entités n'interviennent que si elles sont saisies par l'une des parties, le désaccord de l'autre excluant le recours à cette procédure. En outre, elles ne peuvent pas être saisies lorsque l'affaire a été confiée à un tribunal.

Chacune dispose de ses propres statuts, de sorte qu'elles ne fonctionnent pas toutes de la même façon : dans certains Länder, il s'agit de " commissions d'experts " et, dans d'autres, de " bureaux de conciliation ". En règle générale, les premières se prononcent avant tout sur l'existence d'une faute professionnelle sans proposer de solution financière au conflit qui oppose le médecin et la victime. En revanche, les seconds, institués en accord avec les assureurs, recherchent l'origine des accidents et évaluent le préjudice subi par la victime.

Les délais de prescription appliqués par les différentes instances de médiation varient entre trois et cinq ans.

Le plus souvent, les instances de médiation se composent d'un juriste et de quatre à cinq médecins, représentant différentes spécialités. Tous sont nommés pour quatre ou cinq ans par l'ordre régional des médecins. Certaines font également appel à des experts extérieurs.

La procédure devant ces instances est généralement écrite : au vu des pièces fournies par les parties, un avis est rendu. Constatation dans le cas des " commissions d'experts " et recommandation dans celui des " bureaux de conciliation ", cet avis est seulement indicatif, et la voie judiciaire reste ouverte si l'une des parties n'est pas satisfaite. En revanche, si la conclusion agrée aux deux parties, le conflit est, en général, définitivement réglé, car les assureurs des médecins remettent rarement en cause les travaux des instances de médiation.

Lorsque l'une des parties décide de saisir les tribunaux, ces derniers se rangent souvent à l'avis rendu par les instances de médiation, si elles ont été saisies.

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Il existe un organe de coordination des différentes instances de médiation, ce qui permet d'obtenir des données globales sur leur activité. La procédure est assez rapide (entre 9 et 13 mois). De plus, elle est gratuite pour l'usager. C'est pourquoi les instances de médiation sont saisies dans environ 90 % des cas . De plus, elles règlent définitivement environ 90 % des affaires qui leur sont confiées. En 1997, elles en ont résolu presque 9 000.

Cependant, l'opacité de la procédure et le manque d'indépendance de ces instances sont critiqués : on reproche à certaines d'entre elles de ne pas associer les patients et de garder secrète l'identité de leurs experts. De façon générale, on leur reproche de prendre des décisions favorables aux médecins dans plus de 70 % des cas et l'on met en cause l'absence de neutralité de leurs experts. C'est pourquoi certains suggèrent la présence d'un expert désigné d'un commun accord par les patients et les médecins ou d'un expert choisi par les patients.

L'INDEMNISATION DES VICTIMES D'ACCIDENTS THÉRAPEUTIQUES

DANEMARK

En mai 1991, le Parlement a adopté la loi sur l'assurance des patients , qui est entrée en vigueur le 1 er juillet 1992 . Plusieurs fois modifiées sans que leurs principes soient remis en cause, ses dispositions font actuellement l'objet de la loi du 24 mars 1997 (document n° 1).

Dans certains cas, la loi reconnaît un droit à indemnisation aux victimes d'accidents médicaux survenus dans un hôpital public (ou dans un hôpital privé signataire d'une convention de gestion avec les pouvoirs publics). La loi oblige les gestionnaires de ces établissements, à l'exception de l'Etat et des collectivités locales, qui sont leur propre assureur, à souscrire une assurance spéciale. Elle oblige par ailleurs les assureurs concernés à obtenir un agrément ministériel et à se regrouper en une association, l'Association pour l'assurance des patients. Celle-ci traite toutes les demandes d'indemnisation, y compris celles qui se rapportent à des accidents survenus dans des établissements de l'Etat ou des collectivités locales.

1) Le régime juridique de la responsabilité médicale

Si la loi sur l'assurance des patients permet que la plupart des accidents médicaux survenus en milieu hospitalier soient indemnisés indépendamment de toute notion de faute et de responsabilité, il n'en va pas de même pour ceux qui trouvent leur origine dans un acte réalisé par un médecin qui exerce à titre libéral ou dans une clinique privée.

Le droit commun de la responsabilité s'applique alors, et la victime doit prouver l'existence :

- d'un dommage ;

- d'une erreur ou d'une omission de la part du professionnel ;

- d'un lien de causalité entre les deux.

2) Le régime d'indemnisation

a) Dans le cadre de la responsabilité médicale

La loi sur la réparation des dommages précise lesquels peuvent donner lieu à réparation. Les principaux sont les suivants :

- dépenses de santé ;

- perte du revenu du travail ;

- perte de la capacité de travail ;

- coups et blessures ;

- perte du soutien de famille pour le conjoint et les enfants en cas de décès.

Chaque année, un texte réglementaire détermine le barème applicable aux différentes catégories de dommages et intérêts. Certains sont versés en capital et d'autres sous forme de rente.

En principe, les rentes viagères sont exclues : les versements cessent lorsque l'état de la victime est considéré comme stationnaire, c'est-à-dire lorsque tout espoir d'amélioration est abandonné. La principale exception à cette règle concerne les dommages et intérêts pour dépenses de santé, qui sont viagers. La limitation dans le temps des versements au titre de la loi sur la réparation des dommages s'explique notamment par le relais pris par les prestations de l'assurance invalidité.

b) Dans le cadre de la loi sur l'assurance des patients

Le champ d'application de la loi

Initialement limité aux hôpitaux publics et aux hôpitaux privés signataires d'une convention de gestion avec les pouvoirs publics ( 12 ( * ) ) , il a été étendu en juin 1999 aux établissements privés et aux spécialistes qui exercent en libéral lorsqu'ils traitent des patients qui leur ont été adressés par le secteur public et qui sont financièrement pris en charge par ce dernier.

La loi concerne non seulement les personnes qui font l'objet d'examens ou de traitements, mais aussi celles qui participent à des expériences, ainsi que les donneurs de sang, de tissus, d'organes... Dans ces différents cas, la loi s'applique également, depuis une modification adoptée en 1995, aux médecins qui exercent en libéral.

Seuls, les préjudices physiques sont susceptibles d'être indemnisés. Les préjudices psychiques sont exclus, à moins d'être la conséquence de préjudices physiques et d'atteindre la même personne. D'après les travaux préparatoires, cette exclusion s'explique par la difficulté, spécifique au domaine psychiatrique, à distinguer les conséquences d'une maladie de celles d'un traitement.

De plus, deux lois spécifiques couvrent respectivement les dommages consécutifs à une vaccination et à l'utilisation de produits pharmaceutiques.

Les conditions d'indemnisation

Seuls, les préjudices supérieurs à 10 000 couronnes (c'est-à-dire environ 9 000 FRF) sont indemnisables. Le plancher avait été fixé à 20 000 couronnes dans la loi initiale.

La loi énumère les quatre critères susceptibles de justifier une demande d'indemnisation :

- un médecin expérimenté dans le domaine considéré aurait agi autrement, ce qui aurait évité le préjudice ;

- le préjudice résulte d'un défaut dans l'équipement utilisé ;

- le recours à d'autres méthodes ou d'autres techniques aurait évité le préjudice ;

- la complication qui est survenue est très rare ou d'une ampleur beaucoup plus grande que celle à laquelle on aurait pu raisonnablement s'attendre, compte tenu de l'état général du patient.

Les trois premiers critères correspondent aux préjudices qui auraient pu être évités, et le quatrième aux " aléas thérapeutiques ".

La victime n'a besoin de prouver ni faute ni lien de causalité. Il suffit que l'Association pour l'assurance des patients établisse que le préjudice subi résulte, selon toute probabilité , de l'un des motifs prévus par la loi.

En revanche, si aucun de ces quatre critères ne peut s'appliquer, le patient est soumis au droit commun de la responsabilité.

L'Association pour l'assurance des patients

Tous les assureurs des prestataires de soins couverts par la loi doivent être agréés par le ministère de la Santé. Ils sont réunis en une association de droit privé , l'Association pour l'assurance des patients.

L'arrêté relatif aux statuts de l'association précise que son conseil d'administration comporte sept membres. L'un d'eux est désigné par le ministère de la Santé et les autres sont choisis, d'une part, par les compagnies d'assurances et, d'autre part, par les collectivités locales et l'Etat, qui sont leur propre assureur.

L'association dispose d'un personnel essentiellement composé de juristes et de médecins représentant les différentes spécialités. Au 31 décembre 1999, elle employait une cinquantaine de personnes.

L'association est financée par les assureurs qui en font partie et par les entités qui sont leur propre assureur.

L'examen des dossiers d'indemnisation

Le patient adresse sa demande à l'Association pour l'assurance des patients au plus tard cinq ans après avoir eu connaissance du préjudice subi et dix ans après la survenue de ce dernier ( 13 ( * ) ) . L'hôpital envoie également un dossier à l'association.

L'association statue sur tous les éléments du dossier. Elle procède d'abord à une évaluation juridique de l'affaire, ce qui lui permet d'éliminer les demandes infondées (parce que ne relevant pas du champ d'application de la loi ou parce que l'indemnité serait inférieure à 10 000 couronnes), puis à une évaluation médicale.

Au cours des cinq dernières années, le délai nécessaire à l'examen des dossiers a varié entre 150 et 200 jours.

L'évaluation du préjudice est faite à l'aide des barèmes relatifs à la loi générale sur la réparation des dommages, dont les principes ont été exposés plus haut. L'application de ces barèmes se traduit par un plafonnement de l'indemnité versée. Ainsi, depuis le 1 er janvier 2000, le salaire annuel susceptible d'être indemnisé est plafonné à 581 000 couronnes (soit environ 520 000 FRF). Les autres chefs d'indemnisation sont également plafonnés. De plus, si le dommage trouve son origine dans un acte volontaire ou une négligence grossière de la victime, l'indemnité peut être réduite, voire supprimée.

Entre le 1 er juillet 1992 et le 31 décembre 1999, l'association a rendu environ 12 000 décisions :

- 1978 (16,42 %) ont conclu à l'irrecevabilité des demandes ;

- 4958 (41,32 %) ont fait droit aux demandes ;

- 5070 (42,26 %) ont rejeté les demandes.

Presque 40 % des décisions positives se fondent sur le premier critère (non-application de la règle de l'art) et environ un tiers sur le quatrième (aléa thérapeutique).

Lorsqu'un patient ou un assureur n'est pas satisfait de la décision rendue par l'association, il peut, dans les trois mois, déposer un recours auprès de la Commission d'appel pour les dommages causés au patient . En revanche, les hôpitaux ne disposent pas de ce droit de recours. Cette commission est placée sous l'autorité du ministre de la Santé, mais elle exerce son activité en toute indépendance. Son président et son vice-président doivent, aux termes de la loi, être des magistrats professionnels. Ils sont nommés par le ministre de la Santé. La loi précise également le mode de désignation des huit autres membres (un par le ministre de la Santé, deux par les associations de handicapés...).

Alors que l'Association pour l'assurance des patients rend ses décisions assez rapidement, la commission d'appel, qui est de plus en plus souvent saisie, a besoin d'un délai moyen d'un an et demi.

Les décisions de la commission d'appel peuvent, dans les six mois, être soumises aux tribunaux de droit commun, qui les infirment, les confirment ou les modifient.

c) Dans le cadre des autres textes

L'association des dentistes danois et l'association des chiropracteurs danois ont, respectivement en 1990 et 1992, conclu un protocole avec une compagnie d'assurances. Ces protocoles permettent aux patients d'être indemnisés dans des conditions similaires à celles prévues par la loi.

* *

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Le dispositif institué en 1992 a rempli son double objectif : amélioration des possibilités d'indemnisation et traitement plus rapide des demandes.

Il a été modifié sur quelques points, et d'autres changements paraissent souhaitables. En août 1996, le ministère de la Santé a créé une commission chargée de préparer la révision de la loi. Dans son rapport, qu'elle a rendu public en novembre 1997, la commission se prononçait notamment pour :

- l'élargissement du champ d'application de la loi à tous les médecins libéraux et à certaines professions paramédicales ;

- l'indemnisation des préjudices psychiques ;

- la modification de l'organisation de la commission d'appel, afin qu'elle puisse rendre ses décisions dans un délai compris entre trois et six mois.

L'INDEMNISATION DES VICTIMES D'ACCIDENTS THÉRAPEUTIQUES

ITALIE

La responsabilité médicale est appréciée selon les règles du droit commun et les dossiers d'indemnisation sont, en principe, réglés par les tribunaux .

1) Le régime juridique de la responsabilité médicale

En l'absence de dispositions spécifiques, le droit commun de la responsabilité est applicable .

Le médecin et le patient sont liés par un contrat de prestation de services intellectuels , qui est régi par les articles 2230 à 2238 du code civil.

L'article 2236 du code civil , relatif à la responsabilité du prestataire, énonce : " Si la prestation implique la résolution de problèmes techniques particulièrement difficiles, le prestataire ne répond pas des dommages, sauf en cas de dol ou de faute grave. "

Cette disposition a été introduite en 1942 dans le code civil afin de ne pas décourager les professionnels de prendre des initiatives, sans pour autant les exonérer totalement de leur responsabilité. L'article 2236 vise donc essentiellement les cas d'impéritie.

La jurisprudence applique l'article 2236 du code civil de façon très restrictive : uniquement lorsque l'intervention est particulièrement difficile.

Dans toutes les situations où l'article 2236 ne s'applique pas, la responsabilité médicale peut être engagée pour faute légère, voire très légère, car le médecin est tenu au respect de l'article 1176 du code civil, selon lequel le débiteur d'une obligation doit faire preuve de la " diligence d'un bon père de famille ".

De plus, la responsabilité pénale du médecin peut également être engagée si ce dernier, conformément aux principes généraux énoncés à l'article 43 du code pénal, a agi de façon imprudente ou négligente. En général, les tribunaux pénaux s'opposent à ce que la responsabilité pénale du médecin soit appréciée à la lumière de l'article 2236 du code civil, c'est-à-dire en fonction de la difficulté du problème posé.

Devant les tribunaux, la charge de la preuve incombe à celui qui veut faire valoir ses droits : la victime doit donc établir que le dommage qu'elle subit résulte d'une mauvaise prestation du praticien, voire d'une faute .

2) Le régime d'indemnisation

Le juge apprécie le montant du dommage au vu du rapport de l'expert médical.

Depuis la décision rendue en 1985 par la Cour de Cassation, le juge indemnise non seulement les préjudices matériels (manque à gagner, dépenses supplémentaires...) et le préjudice moral, mais aussi le " dommage biologique ". En effet, d'après la Cour de cassation, " le droit de chacun à l'intégrité psychophysique est garanti et protégé par [l'] ordre juridique ". Par conséquent, toute atteinte à l'intégrité de la personne doit être indemnisée, même si la victime n'a pas encore ou n'a jamais eu l'occasion d'avoir une activité professionnelle, source de revenus.

L'INDEMNISATION DES VICTIMES D'ACCIDENTS THÉRAPEUTIQUES

ROYAUME-UNI

La responsabilité médicale est appréciée selon les règles du droit commun et les dossiers d'indemnisation sont, en principe, réglés par les tribunaux.

Toutefois, les transactions amiables sont encouragées , notamment depuis l'entrée en vigueur, le 26 avril 1999, de la réforme de la procédure civile, qui a introduit le protocole préjudiciaire pour la résolution du contentieux médical .

1) Le régime juridique de la responsabilité médicale

En l'absence de dispositions spécifiques, le droit commun de la responsabilité s'applique.

Un patient traité par un médecin du National Health Service (NHS) n'a aucune relation contractuelle avec ce dernier. Aussi, les demandes en réparation des dommages causés par un médecin sont traitées selon les dispositions relatives à la responsabilité délictuelle. En effet, comme toute personne qui a violé son obligation de diligence et causé un dommage involontaire, le médecin peut être poursuivi pour négligence .

Le patient qui poursuit le médecin sur ce fondement ( 14 ( * ) ) doit établir que ce dernier a commis une faute en ne faisant pas preuve de la diligence requise : le niveau de diligence attendu est celui d'un médecin normalement qualifié et expérimenté, et exerçant la même spécialité. En outre, le patient doit prouver qu'il y a un lien de causalité entre cette faute et le dommage subi.

Selon la jurisprudence Bolam v. Friern Hospital Management Committee du 26 février 1957, le médecin peut s'exonérer de sa responsabilité en établissant " qu'il a agi conformément à une pratique jugée adéquate par un corps médical compétent d'experts dans ce domaine particulier de la médecine ". A l'inverse, la faute manifeste entraîne un renversement de la charge de la preuve. C'est alors au médecin défendeur de prouver qu'il n'a commis aucune faute.

Le patient qui n'est pas satisfait du traitement qu'il a reçu peut déposer une plainte orale ou écrite, et obtenir des explications, en utilisant la procédure de réclamation mise en place par le NHS en 1996 . Une fois cette voie épuisée, s'il n'est toujours pas satisfait, il peut saisir le médiateur spécialisé dans les affaires de santé . Ces deux options, si elles permettent une certaine reconnaissance de la responsabilité médicale, ne prévoient pas de mécanisme d'indemnisation.

Dans le secteur de la médecine privée, le médecin et son patient sont liés par un contrat, en vertu duquel le médecin s'engage à fournir au patient un service convenu moyennant finances. Le patient poursuit le médecin sur le fondement de sa responsabilité contractuelle et doit prouver que celui-ci n'a pas exécuté correctement l'obligation née du contrat.

2) Le régime d'indemnisation

L'action en justice est le seul moyen pour le patient d'obtenir la réparation financière de son préjudice.

Cependant, comme la procédure judiciaire est longue, onéreuse et relativement incertaine, la plupart des affaires ne parviennent pas devant les tribunaux. En outre, le contentieux médical est un domaine extrêmement complexe. Aussi, depuis juillet 1999, les patients bénéficiant de l'aide judiciaire ne peuvent recourir qu'à un avocat spécialisé et agréé par la commission qui gère les services de l'aide judiciaire.

Pour pallier ces inconvénients, la réforme de la procédure civile , qui est entrée en vigueur le 26 avril 1999, a mis en place un protocole préjudiciaire pour la résolution du contentieux médical .

Ce protocole tend à faciliter très tôt l'échange d'informations entre les parties, à encourager un règlement transactionnel et à permettre une gestion plus efficace des éventuelles suites judiciaires . Il expose les grandes étapes que les parties doivent suivre :

- délai de quarante jours pour obtenir copie du dossier médical ;

- rédaction d'une lettre détaillée exposant la plainte et contenant éventuellement une proposition de transaction ;

- ouverture d'un délai de trois mois à partir de la réception de cette lettre, au cours duquel aucune action en justice ne peut être intentée, la partie adverse devant apporter une réponse motivée et éventuellement offrir un règlement amiable.

De plus, ce protocole contient une série de recommandations à l'intention des parties, qui constitue, en quelque sorte, un code de bonne conduite. Ainsi, les professions de santé doivent disposer de personnes formées pour répondre à ces situations. Elles doivent également mettre en place des procédures de contrôle de la qualité des soins, de gestion des risques médicaux, et de compte rendu de tous les incidents survenus. Les patients et leurs conseillers, quant à eux, doivent faire état de leurs problèmes le plus rapidement possible, prendre le temps d'envisager toutes les solutions et faire savoir quand ils estiment la question réglée.

Les parties qui ne se soumettent pas aux exigences du protocole peuvent être sanctionnées par le juge (imputation des frais, refus d'un délai supplémentaire...) dans la phase judiciaire . En effet, si le règlement amiable échoue, l'affaire est portée devant les juridictions civiles et le juge apprécie le montant du dommage en se fondant sur les rapports des experts médicaux. Il indemnise le préjudice matériel présent et futur (perte de gains, frais supplémentaires...), ainsi que le préjudice moral. Les indemnités versées en réparation de ce dernier sont critiquées depuis plusieurs années pour la faiblesse de leur montant. Une commission de réforme juridique, mise en place en 1995 par le ministre de la Justice, a publié un rapport en avril 1999 préconisant leur augmentation. Le 23 mars 2000, la Cour d'appel a rendu une série de décisions dans lesquelles, si elle ne suit pas les observations chiffrées de la commission, elle juge cependant nécessaire d'augmenter d'environ un tiers ces compensations dans les cas les plus graves.

En outre, la médiation reste une voie ouverte aux parties. Pour qu'elles y recourent davantage, le ministère de la Santé a mené une expérience pilote de médiation au sein du NHS, dans deux régions d'Angleterre, entre 1995 et 1998, ce qui a donné lieu à la publication d'un rapport en janvier 2000. En trois ans, douze cas ont fait l'objet d'une médiation, onze sont parvenus à un accord, mais un seul a donné lieu à un arrangement financier.

L'INDEMNISATION DES VICTIMES D'ACCIDENTS THÉRAPEUTIQUES

SUÈDE

Les systèmes danois et suédois étant très proches et l'exemple danois ayant été analysé de façon assez détaillée, on ne trouvera ici que les dispositions législatives essentielles du système suédois.

La Suède fut le premier pays européen à séparer les notions de responsabilité médicale et de droit à compensation.

Devant l'impossibilité de légiférer sur ce sujet, le ministère de la Justice incita les conseils de comté, gestionnaires des hôpitaux, et les assureurs à conclure, en 1975 , un protocole d'indemnisation des accidents thérapeutiques, aux termes duquel ces derniers pouvaient, dans certains cas, être indemnisés en dehors de toute faute médicale.

La loi de 1996 relative à l'indemnisation des patients a remplacé le protocole lorsqu'elle est entrée en vigueur, le 1 er janvier 1997 (document n° 2).

Le régime suédois d'indemnisation des victimes d'accidents thérapeutiques est, dans une large mesure, comparable au régime danois.

Cependant, la loi suédoise oblige tous les prestataires de soins, y compris ceux du secteur privé, à contracter une assurance ad hoc.

De plus, les critères de recevabilité des demandes d'indemnisation ne sont pas tout à fait les mêmes.

L'article 6 de la loi, relatif au droit à indemnisation du préjudice subi par les patients, énonce :

" L'indemnisation du préjudice subi par les patients couvre les dommages corporels subis par les patients à condition qu'il existe une forte probabilité que le dommage ait été causé par :

" 1. un examen médical, des soins, un traitement ou tout autre acte comparable, dans la mesure où le dommage aurait pu être évité soit en exécutant différemment la méthode choisie, soit en choisissant une autre méthode disponible et pour laquelle une expertise médicale postérieure aurait conclu qu'elle aurait satisfait aux besoins d'une manière moins risquée pour la santé ;

" 2. un défaut dans l'instrument technique ou le matériel médical utilisé pour l'examen, pour les soins, pour le traitement ou pour tout autre acte comparable, ou dans l'utilisation incorrecte de cet instrument ou matériel ;

" 3. un diagnostic incorrect ;

" 4. la transmission de germes qui provoquent une infection suite à un examen, à des soins, à un traitement ou à tout autre acte analogue ;

" 5. un accident survenu dans le cadre d'un examen, de soins, d'un traitement ou de tout autre acte comparable, ou lors du transport du malade ou d'un incendie ou de tout autre dommage survenu dans l'utilisation de l'équipement médical ou sur les lieux de soins ;

" 6. la prescription ou la délivrance de médicaments contraire à des indications ou instructions.

" Lors de l'examen du droit à indemnisation dans les cas prévus aux points 1 et 3 ci-dessus, les critères de référence en vigueur doivent être ceux appliqués par un spécialiste expérimenté ou par tout autre professionnel expert dans ce domaine.

" Le droit à l'indemnisation dans le cas prévu au point 4 du même alinéa ne s'applique pas dans les cas où les circonstances sont telles que l'infection aurait normalement dû être tolérée. Il faut dans ce cas prendre en compte la nature et la gravité de la maladie ou de la blessure sur laquelle porte la mesure incriminée, l'état général de santé du patient, ainsi que les possibilités de prévoir l'infection ".

L'INDEMNISATION DES VICTIMES D'ACCIDENTS THÉRAPEUTIQUES

SUISSE

La responsabilité médicale est appréciée selon les règles du droit commun de la responsabilité et les dossiers d'indemnisation sont, en principe, réglés par les tribunaux.

Toutefois, afin de favoriser les transactions amiables, la Fédération des médecins helvétiques a institué, en 1982, deux bureaux d'expertises extrajudiciaires, qui mettent à la disposition des parties un réseau d'experts chargés d'établir si la responsabilité civile du médecin est engagée.

1) Le régime juridique de la responsabilité médicale

En l'absence de dispositions spécifiques, le droit commun de la responsabilité s'applique.

La relation entre patient et médecin est soumise aux règles des articles 394 et suivants du code des obligations, qui régissent le contrat de mandat . Le mandat est " un contrat par lequel le mandataire s'oblige, dans les termes de la convention, à gérer l'affaire dont il s'est chargé ou à rendre les services qu'il a promis ". Dans le domaine médical, l'intervention thérapeutique constitue l'objet du contrat.

Le mandataire est " responsable envers le mandant de la bonne et fidèle exécution du mandat ", ce qui exclut toute obligation de résultat.

Bien que le code des obligations pose le principe de la présomption de faute lorsqu'une obligation n'est pas exécutée ou ne l'est qu'imparfaitement, le patient qui veut établir la responsabilité du médecin doit apporter la preuve de la violation du contrat, c'est-à-dire du manque de diligence du médecin, ainsi que du dommage subi et du lien de causalité. En revanche, le médecin peut se disculper en établissant qu'aucune faute ne lui est imputable.

Si le médecin agit hors du cadre conventionnel, sa responsabilité délictuelle peut être engagée. Le patient doit alors prouver que le médecin a commis un acte illicite, c'est-à-dire un acte " qui viole des ordres ou défenses édictées pour la protection des droits atteints " et une faute, qui est définie comme un manque de diligence blâmable imputable à son auteur. Il doit aussi établir qu'il a subi un dommage et qu'il existe un rapport de causalité entre la faute et le dommage.

Ces actions permettent d'obtenir réparation du préjudice physique et, à un degré moindre, du préjudice moral.

La pratique médicale dans le secteur public (hôpitaux cantonaux) relève des règles cantonales sur la responsabilité de l'Etat et de ses agents. Chaque canton a la liberté d'aménager le régime de la responsabilité des fonctionnaires et employés publics pour les dommages qu'ils causent dans l'exercice de leurs fonctions.

2) Le mécanisme d'indemnisation

La Fédération des médecins helvétiques (FMH), qui regroupe environ 90 % du corps médical, a institué, en 1982, deux bureaux d'expertises extrajudiciaires , l'un pour la Suisse alémanique et le Tessin, et l'autre pour la Suisse romande. Ils siègent respectivement à Berne et à Lausanne. Ces bureaux mettent à la disposition des parties un réseau d'experts, qui sont chargés d'élucider le plus rapidement possible, avant un éventuel procès, les erreurs de diagnostic ou de traitement invoquées et de fournir ainsi les bases d'un arrangement amiable. Tout médecin membre de la FMH est tenu de se soumettre à ces procédures d'expertises . La FMH a édicté un règlement concernant l'expertise extrajudiciaire en cas de responsabilité civile du médecin (document n° 3)

La plupart du temps, le bureau d'expertises est saisi par le patient qui s'estime victime d'une faute médicale, mais il peut aussi l'être par le médecin soupçonné d'avoir commis une erreur, à moins que le patient ne s'y oppose. La saisine est exclue si une expertise a déjà été produite, si une procédure judiciaire est en cours, si un jugement a déjà été rendu, ou si le droit à d'éventuels dommages et intérêts est prescrit au moment de la requête ( 15 ( * ) ) . En outre, dans le cas où la responsabilité d'un tiers pourrait être mise en cause, celle du canton dans le cas d'un hôpital public par exemple, l'accord de ce tiers est requis.

Le bureau d'expertises de la FMH n'accepte cependant d'intervenir que si les conditions suivantes sont remplies :

" - le patient a subi ou subira une atteinte à sa santé en raison d'une faute présumée de diagnostic ou de traitement ;

" - le médecin conteste l'existence d'une faute diagnostique ou thérapeutique ;

" - il existe une certaine probabilité qu'une faute de diagnostic ou de traitement a réellement eu lieu ;

" - on peut supposer que l'expertise sur la faute présumée de diagnostic ou de traitement contribuera dans une large mesure à élucider le droit du patient d'invoquer la responsabilité civile de la partie adverse. "

Le bureau d'expertises de la FMH est en mesure d'apprécier ces conditions, dès qu'il est saisi. En effet, le patient requérant doit alors lui communiquer les documents et les informations qu'il détient, se tenir à sa disposition pour un examen médical, et libérer le médecin concerné du secret professionnel, à son égard comme à l'égard de toute partie à la procédure.

L'expertise est peu onéreuse, puisque le patient ne doit, en principe, acquitter, que les frais d'ouverture du dossier, d'un montant de 500 CHF (soit environ 2 000 FRF). Dans les cas qui lui paraissent douteux, la FMH peut réclamer une avance de frais de 2 000 CHF, qui n'est pas restituée si l'expertise confirme les doute initiaux ou si le requérant refuse de coopérer.

L'expert est désigné par le bureau d'expertises en accord avec, d'une part, le patient ou ses ayants cause, ainsi que le médecin concerné, et, d'autre part, l'assureur de ce dernier.

L'expert a de larges pouvoirs d'investigation : il vérifie si le dossier est complet et le fait compléter si nécessaire. Il peut convoquer le patient pour une consultation ou avoir un entretien avec ses proches, si celui-ci est décédé.

La procédure est contradictoire : l'expert donne à toutes les parties l'occasion de s'exprimer et recueille l'avis de l'assureur du médecin. De plus, les parties peuvent lui transmettre, par l'intermédiaire du bureau d'expertises, des questions qu'elles sont tenues, dans la mesure du possible, d'élaborer en commun, et qui sont rédigées selon un schéma élaboré par la FMH.

L'expert se prononce exclusivement sur l'existence d'une faute de diagnostic ou de traitement qui a causé ou qui causera des dommages à la santé du patient. Il n'évalue pas l'importance du préjudice.

L'expertise est assez rapide, puisque le rapport, rédigé sur la base d'un canevas établi par la FMH, est transmis sous pli fermé dans un délai de trois à quatre mois au bureau d'expertises, qui le remet immédiatement aux parties.

Les parties ne sont pas liées par les conclusions de l'expert. Cependant, dans la très grande majorité des cas, celles-ci servent de base à un arrangement amiable. En cas d'échec de la procédure extrajudiciaire, elles peuvent aussi être utilisées devant un tribunal.

* *

*

Seule une minorité de patients a recours à ces expertises extrajudiciaires : entre 1982 et fin 1998, ces bureaux ont traité un peu plus de 2 000 dossiers. Une faute thérapeutique ou de diagnostic a été révélée dans un peu moins de 30 % des cas.

L'indépendance de ces bureaux, ainsi que la rapidité et l'objectivité de leurs conclusions sont unanimement reconnues.

L'INDEMNISATION DES VICTIMES D'ACCIDENTS THÉRAPEUTIQUES

ANNEXE

Statistiques relatives au fonctionnement de l'assurance des patients au Danemark (1)

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

Affaires soumises à l'Association pour l'assurance des patients

178

840

1269

1658

2111

2575

2405

2790 (2)

Décisions rendues par l'Association pour l'assurance des patients

52

555

933

1433

2099

2361

2446

2613

Indemnités accordées (en millions de couronnes)

0

5,67

21,83

65,37

83,51

101,06

115,12

127,51

Saisines de la commission de recours

0

70

187

341

568

700

850

790

(1) Ces chiffres proviennent du rapport d'activité pour 1999 de l'Association pour l'assurance des patients.

(2) L'augmentation par rapport à l'année précédente résulte de l'adoption en 1999, d'une loi spécifique, relative à l'indemnisation des dommages provoqués par le ciment Boneloc, utilisé pour certaines prothèses de genou et de hanche.

Répartition des indemnités en fonction de leur montant

Montant de l'indemnité

Pourcentage

Inférieure à 10 000 couronnes

3,7 %

Compris entre 10 000 et 50 000

57,8 %

Compris entre 50 000 et 100 000

15,2 %

Compris entre 100 000 et 250 000

8,8 %

Compris entre 250 000 et 500 000

6,7 %

Compris entre 500 000 et 1 000 000

5,2 %

Supérieure à 1 000 000

2,6 %

Dans environ 75 % des cas, l'indemnisation est inférieure à 100 000 couronnes (soit environ 90 000 FRF).

L'INDEMNISATION DES VICTIMES D'ACCIDENTS THÉRAPEUTIQUES

LISTE DES TEXTES ANALYSÉS

Document n° 1

Danemark - Loi n° 228 du 24 mars 1997 sur l'assurance des patients et loi n° 395 du 2 juin 1999 la modifiant (langue originale)

Document n° 2

Suède - Loi n° 799 de 1996 relative à l'indemnisation des patients (langue originale)

Document n° 3

Suisse - Règlement de la Fédération des médecins helvétiques concernant l'expertise extrajudiciaire en cas de responsabilité civile du médecin

TABLEAU COMPARATIF

___

Textes en vigueur

___

Texte de la proposition de loi

___

Conclusions de la Commission

___

Proposition de loi relative à l'indemnisation de l'aléa médical et à la responsabilité médicale

Proposition de loi relative à l'indemnisation de l'aléa médical et à la responsabilité médicale

TITRE I er

TITRE I er

DE L'INDEMNISATION DE L'ALÉA MÉDICAL

DE L'INDEMNISATION DE L'ALÉA MÉDICAL

Article 1 er

Article 1 er

Il est inséré, après l'article L. 321-3 du code de la sécurité sociale, un article L. 321-4 ainsi rédigé :

Sans modification

" Art. L. 321-4. - L'assurance maladie prend en charge la réparation de l'intégralité du dommage subi par un patient, ou par ses ayants droits en cas de décès, à l'occasion d'un acte ou de soins médicaux dès lors que la juridiction compétente aura établi que :

" - aucune faute n'a été commise à l'occasion de l'acte ou des soins médicaux ;

" - le dommage est sans lien avec l'état du patient ou son évolution prévisible ;

" - et que ce dommage est grave et anormal.

" Le montant du préjudice est fixé par la juridiction compétente.

" Si la situation économique de l'intéressé le justifie et si sa demande n'apparaît pas sérieusement contestable, le juge peut ordonner une dispense de consignation pour l'expertise. Cette dispense doit être sollicitée par l'intéressé. "

Article 2

Même en l'absence de faute, les établissements de santé sont responsables vis-à-vis des patients qu'ils accueillent des dommages résultant d'infections nosocomiales. En cette matière, les organismes sociaux bénéficient d'un recours sur la base de la faute prouvée.

Article 2

Même ...

... santé publics et privés sont responsables ...

... prouvée.

Article 3

Article 3

Les actions tendant à mettre en cause la responsabilité des médecins ou des établissements de santé à l'occasion d'actes ou de soins médicaux se prescrivent par dix ans. Le délai court à compter de la consolidation du dommage.

Les actions ...

... de santé publics et privés à l'occasion ...

... du dom-mage.

Article 4

Article 4

Dans l'ordre judiciaire ou administratif, l'expertise en responsabilité médicale est confiée à des médecins experts figurant sur une liste nationale établie par un Collège de l'expertise en responsabilité médicale.

Sans modification

Ce Collège est composé de magistrats des deux ordres de juridiction, de représentants de la Conférence des doyens, du Conseil national de l'ordre des médecins, des associations de malades et de personnalités qualifiées.

Peuvent être inscrits sur la liste nationale les médecins justifiant des compétences médicales nécessaires et d'une évaluation périodique des connaissances et pratiques professionnelles. L'inscription vaut pour une durée renouvelable de cinq ans.

Le Collège de l'expertise en responsabilité médicale peut, après une procédure contradictoire, radier de la liste un expert dont les qualités professionnelles se sont révélées insuffisantes ou qui a manqué à ses obligations déontologiques ou d'indépendance.

Les modalités d'application de cet article sont fixées par décret en Conseil d'Etat.

Les dispositions du premier alinéa de cet article entreront en vigueur six mois après la publication du décret instituant le Collège de l'expertise en responsabilité médicale.

TITRE II

TITRE II

DE L'AMÉLIORATION DU RÈGLEMENT DES LITIGES EN RESPONSABILITÉ MÉDICALE

DE L'AMÉLIORATION DU RÈGLEMENT DES LITIGES EN RESPONSABILITÉ MÉDICALE

Article 5

Article 5

Il est créé, dans chaque région, une Commission régionale de conciliation ayant pour mission de faciliter le règlement amiable des litiges entre usagers du système de soins et les professionnels et établissements de santé.

Sans modification

La Commission régionale de conciliation est composée de représentants des usagers, des professionnels et établissements de santé ainsi que de personnalités qualifiées. Elle est présidée par un magistrat de l'ordre judiciaire ou par un magistrat administratif. Elle peut être saisie par tout usager, médecin ou établissement de santé.

Code civil

Lorsqu'elle l'estime nécessaire, la commission peut recourir à l'expertise et peut exiger la communication de tout document, médical ou non.

Art. 2044. - La transaction est un contrat par lequel les parties terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître.

Les accords obtenus devant la commission valent transaction au sens de l'article 2044 du code civil.

Ce contrat doit être rédigé par écrit.

La commission peut aussi, avec l'accord des parties, rendre des sentences arbitrales.

Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret en Conseil d'Etat.

Article 6

Les médecins et sages-femmes libéraux ou salariés ainsi que les établissements de santé sont tenus de souscrire une assurance de responsabilité à raison de leur activité. La même obligation s'impose, pour leurs fautes personnelles détachables du service, aux médecins et sages-femmes exerçant leur activité dans les établissements publics de santé.

Article 6

Sans modification

Article 7

Article 7

Les dépenses résultant de la présente loi sont compensées par l'augmentation à due concurrence des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Supprimé

* 1 Ce qui amène à préférer la formulation  " aléa médical " à la formulation " aléa thérapeutique " plus restrictive.

* 2 Cf. Pierre Sargos, " L'aléa thérapeutique devant le juge judiciaire ", in JCP La Semaine juridique Edition générale , n° 5, 2 février 2000, pp. 189-193.

* 3 Cf. Christian Larroumet, " L'indemnisation de l'aléa thérapeutique ", in Recueil Dalloz , 1999, Cahier chronique, pp. 33-37.

* 4 Cf. Etienne Gouesse, " Réflexions sur l'aléa thérapeutique et son indemnisation ", in Petites affiches , 25 janvier 2000, n° 17, pp. 10-21.

* 5 Frédéric Thiriez, " La jurisprudence " Bianchi " : symbole ou réalité ", in Droit administratif , Editions du Juris-Classeur, janvier 2001 ; pp. 9-10.

* 6 Il s'agit de :

- d'une artériographie (comme dans l'affaire Bianchi) ayant entraîné une hémiplégie droite sévère avec aphasie sérieuse (IPP 70 %) ;

- d'une chimionucléolyse ayant provoqué une réaction allergique entraînant d'importantes séquelles neurologiques (IPP 80 %) ;

- d'une intervention chirurgicale sur une scoliose dorsale ayant provoqué une paraplégie (IPP 85 %).

* 7 IGAS-IGSJ, Rapport sur la responsabilité et l'indemnisation de l'aléa thérapeutique, septembre 1999, 16/99.

* 8 Il faut noter que l'assurance maladie finançant les établissements hospitaliers par la dotation globale, elle prend déjà à sa charge, de manière indirecte, l'indemnisation de l'aléa médical survenu dans ces établissements.

* 9 On rappellera à cet égard que la Fédération nationale des compagnies d'experts judiciaires avait formulé dès 1999, à la demande de la Chancellerie, des propositions de réforme de l'expertise judiciaire, propositions qui , à ce jour, sont restées lettre morte.

* (10) La charge de la preuve est cependant renversée dans certains cas dont les principaux sont les suivants : négligence grossière, mauvais fonctionnement d'un appareil, défaut d'organisation dans l'hôpital.

* (11) Elles sont moins nombreuses que les Länder, car celle qui est compétente pour l'Allemagne du Nord correspond à neuf Länder (Berlin, Brandebourg, Brême, Hambourg, Mecklembourg-Poméranie occidentale, Basse-Saxe, Saxe-Anhalt, Schleswig-Holstein et Thuringe).

* ( 12 ) Lors du débat parlementaire, cette restriction a été justifiée par le fait que seulement 10 % des accidents médicaux avaient lieu dans le secteur privé.

* (13) Seuls, les dommages postérieurs à la date d'entrée en vigueur de la loi initiale, c'est-à-dire au 1 er juillet 1992, sont indemnisables.

* (14) Il poursuit également l'employeur de celui-ci, sur le fondement de la responsabilité du fait d'autrui.

* (15) Le délai de prescription est de cinq ans en matière contractuelle tandis que, en matière délictuelle, il est de un an après que le patient a eu connaissance du préjudice et de son auteur, et de dix ans après la survenue du dommage.

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