CHAPITRE II
DISPOSITIONS RELATIVES
AU RÉGIME DISCIPLINAIRE DES MAGISTRATS

Article 9 bis (nouveau)
(art. 63 de l'ordonnance n°58-1270 du 22 décembre 1958)
Extension aux procureurs généraux près les cours d'appel
du pouvoir de saisine du conseil supérieur de la magistrature
aux fins de poursuites disciplinaires

Cet article, introduit par l'Assemblée nationale, suivant les propositions conjointes du Gouvernement et de sa commission des Lois, étend aux procureurs généraux près les cours d'appels et aux procureurs de la République près les tribunaux supérieurs d'appel le pouvoir de saisine du procureur général près la Cour de cassation , président de la formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente pour la discipline des magistrats du parquet. Actuellement, seul le Garde des Sceaux dispose de cette faculté, aux termes de l'alinéa premier de l'article 63 de l'ordonnance statutaire.

Votre commission des Lois ne peut que se réjouir de cette initiative qui constitue le pendant des propositions du Sénat concernant les poursuites disciplinaires à l'égard des magistrats du siège. Suivant les propositions de votre commission des Lois, un article 8 avait en effet été introduit en première lecture, adopté par la suite sans modification par l'Assemblée nationale, afin d'étendre aux premiers présidents de cour d'appel et présidents de tribunaux supérieurs d'appel, la saisine du Conseil supérieur de la magistrature, statuant comme conseil de discipline des magistrats du siège, précédemment réservée au Garde des Sceaux.

L'article 9 bis reprend en outre à l'identique pour les magistrats du parquet la proposition du Sénat, insérée dans le second alinéa de  l'article 8, qui précisait qu'une copie des pièces serait adressée au Garde des Sceaux qui pourrait alors demander une enquête à l'Inspection générale des services judiciaires.

L'extension de la saisine du CSM en matière disciplinaire avait déjà été suggérée dans le rapport de la Commission de réflexion sur la justice en 1997 60 ( * ) présidée par M. Pierre Truche, ainsi que dans le dernier rapport d'activité du Conseil supérieur de la magistrature, tant à l'égard des magistrats du siège que du parquet. L'avant-projet de loi organique relative au statut des magistrats avait également formulé des propositions en ce sens.

L'article 9 bis trouve les mêmes justifications que celles avancées par le Sénat lors de l'introduction de l'article 9 : favoriser une meilleure transparence dans la gestion des poursuites, responsabiliser les chefs de cour tout en rapprochant l'exercice de l'action disciplinaire des magistrats concernés.

Néanmoins votre commission attire votre attention sur la portée nécessairement limitée de cette mesure, compte tenu de la rédaction actuelle de l'article 65 de la Constitution. En effet, la formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l'égard des magistrats du parquet ne statue pas comme conseil de discipline. Elle ne rend qu'un avis au Garde des Sceaux, qui exerce seul le pouvoir disciplinaire. Ainsi, l'autorité dont la saisine est élargie ne détient pas elle-même le pouvoir disciplinaire. La modification introduite par l'Assemblée nationale ne produira donc vraisemblablement pas de bouleversement majeur dans la pratique de l'engagement des poursuites.

Au surplus, cette disposition sera d'une application délicate dans la mesure où les procureurs généraux et les procureurs de la République concernés, disposeront de la même faculté de saisine que le garde des Sceaux, tout en demeurant sous son autorité hiérarchique.

C'est d'ailleurs compte tenu de ces observations que votre commission des Lois n'avait pas proposé d'étendre l'extension de la saisine du CSM aux procureurs généraux près les cours d'appel.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 9 bis sans modification.

Article 9 ter (nouveau)
(art. 65 de l'ordonnance n°58-1270 du 22 décembre 1958)
Publicité des audiences du Conseil supérieur de la magistrature
émettant un avis sur les sanctions disciplinaires
à l'égard des magistrats du parquet

Cet article, inséré par l'Assemblée nationale, sur la proposition de sa commission des Lois, prévoit la publicité des audiences du Conseil supérieur de la magistrature émettant un avis sur les sanctions disciplinaires à l'égard des magistrats du parquet, à l'instar de l'article 9 introduit par le Sénat concernant la publicité des audiences du CSM statuant comme conseil de discipline des magistrats du siège et adopté conforme par les deux assemblées.

L'Assemblée nationale a estimé que, compte tenu de l'introduction par le Sénat de la publicité des audiences disciplinaires du Conseil supérieur de la magistrature statuant comme conseil de discipline à l'égard des magistrats du siège, il était souhaitable de garantir un régime identique aux magistrats du parquet et, partant, de renforcer l'unité du corps judiciaire.

L'introduction de ce principe avait été prévue par l'avant-projet de loi organique relative au statut des magistrats diffusé aux parlementaires en décembre 1999. Nonobstant la rédaction actuelle de l'article 65 de l'ordonnance statutaire qui dispose que " la formation du Conseil supérieur de la magistrature délibère à huis clos " , le Conseil supérieur de la magistrature a déjà en pratique consacré la publicité des audiences disciplinaires depuis 1996 61 ( * ) , afin de se conformer aux exigences posées par l'article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme, sous réserve de l'accord du magistrat poursuivi ainsi que de celui du directeur des services judiciaires.

La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme a adopté une conception très large du champ d'application de l'article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme, aux termes duquel " toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue publiquement par le tribunal qui décidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit sur le bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle " " . Elle considère en effet qu'il s'applique au contentieux en matière disciplinaire 62 ( * ) , mais a admis des exceptions notamment lorsqu'il s'agit de litiges concernant des agents publics participant à l'exercice de la puissance publique 63 ( * ) .

La jurisprudence du conseil d'Etat n'a pas consacré l'application de l'article 6-1 aux poursuites disciplinaires exercées contre les magistrats devant le CSM 64 ( * ) , a fortiori s'agissant des magistrats du parquet pour lesquels la formation compétente du CSM ne rend qu'un avis et ne constitue pas une juridiction au sens strict 65 ( * ) , mais un organe consultatif.

L'article 9 ter, comme l'article 9, tout en consacrant le régime de publicité des audiences disciplinaires, prévoit des exceptions au principe. Le huis clos est toujours possible pour des motifs tirés de la protection de l'ordre public, de la vie privée ou de circonstances spéciales de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice. Les suites données à l'avis restent les mêmes qu'actuellement, puisqu'une fois l'avis motivé émis par le CSM, celui-ci est transmis au Garde des Sceaux, ministre de la justice.

En revanche, l'article 9 ter ne précise pas que cet avis est rendu publiquement, à la différence de la décision du CSM rendue publiquement en ce qui concerne les poursuites disciplinaires exercées à l'encontre des magistrats du siège conformément à l'article 9. Néanmoins, dans la pratique, depuis 1995, une indication du contenu des décisions, et des avis, avec l'accord du Garde des Sceaux, ainsi que l'analyse de la faute disciplinaire et des motifs retenus 66 ( * ) sont annexés au rapport d'activité du CSM, afin d'assurer une meilleure connaissance de la " jurisprudence disciplinaire ".

Afin de garantir une meilleure transparence aux magistrats, votre commission des Lois approuve la consécration d'un principe qu'elle avait introduit à l'article 9. Elle se réjouit que l'Assemblée nationale ait suivi la volonté du Sénat de mettre en conformité le droit disciplinaire en vigueur avec la pratique retenue par le CSM et vous propose donc d'adopter l'article 9 ter sans modification.

Article additionnel après l'article 9 ter
(art.38 de la loi du 29 juillet 1938 sur la liberté de la presse)
Coordination d'une disposition de la loi sur la liberté de la presse avec le nouveau régime de publicité des audiences disciplinaires
du Conseil supérieur de la magistrature

Actuellement, le second alinéa de l'article 38 de la loi du 29 juillet 1938 sur la liberté de la presse prévoit l'interdiction de publier " aucune information relative aux travaux et délibérations du Conseil supérieur de la magistrature " , sous peine d'une amende de 25 000 francs.

Ces dispositions nécessitent une adaptation, compte tenu de des améliorations apportées au régime disciplinaire des magistrats, relatives à la publicité des débats consacrée, à l'article 9 pour les magistrats du siège 67 ( * ) et à l'article 9 ter pour les magistrats du parquet 68 ( * ) .

De surcroît, il convient de rappeler que le CSM, publie depuis 1995, en annexe de son rapport d'activité l'essentiel du contenu des décisions, et des avis, avec l'accord du Garde des Sceaux, ainsi que l'analyse de la faute disciplinaire et des motifs retenus 69 ( * ) .

Dans le souci de mettre en cohérence ces dispositions concernant la liberté de la presse avec le nouveau régime de transparence en matière disciplinaire, votre commission vous propose de supprimer toute interdiction de publier des informations relatives aux audiences publiques et aux décisions publiques du CSM à l'encontre des magistrats .

Votre rapporteur tient à souligner qu'en revanche, les avis du CSM concernant les magistrats du parquet, qui ne sont pas rendus publics, ne sont pas visés par la modification proposée.

En conséquence votre commission vous propose d'adopter un article additionnel après l'article 9 ter ainsi rédigé.

* 60 " La commission estime que le Conseil supérieur de la magistrature peut être saisi comme c'est actuellement le cas, par le Garde des Sceaux mais qu'il doit pouvoir l'être par les chefs de cour " p. 49, rapport de la Commission de réflexion sur la justice.

* 61 Avis rendu par la formation du CSM compétente à l'égard des magistrats du parquet du 11 juin 1996 : " un magistrat comparaissant devant le Conseil est fondé à demander l'application des dispositions de l'article 6-1 de la CEDH ".

* 62 Arrêts CEDH : Ringeisen du 16 juillet 1971 et Konig du 28 juin 1978.

* 63 Arrêt CEDH du 8 décembre 1999, Pellegrin/France.

* 64 Cf Arrêt Terrail 18 octobre 2000 : " les stipulations [de l'article 6-1] ne visent pas le régime disciplinaire applicable à des personnes qui comme c'est le cas pour les magistrats de l'ordre judiciaire participent par leurs fonctions à l'exercice de la puissance publique et à la sauvegarde des intérêts généraux de l'Etat. ".

* 65 A contrario dans l'arrêt " l'Etang " du 12 juillet 1969, le Conseil d'Etat a, au contraire, considéré que la formation compétente du CSM statuant comme conseil de discipline à l'égard des magistrats du siège " avait un caractère juridictionnel ".

* 66 Dans le rapport d'activité du CSM de 1999, les avis et les décisions rendues par le CSM , à l'exception des mesures d'interdiction temporaire des fonctions sont reproduites intégralement, de façon anonyme aux pages 169 à 181.

* 67 à l'initiative du Sénat.

* 68 à l'initiative de l'Assemblée nationale.

* 69 Dans le rapport d'activité du CSM de 1999, les avis et les décisions rendues par le CSM , à l'exception des mesures d'interdiction temporaire des fonctions sont reproduites intégralement, de façon anonyme aux pages 169 à 181.

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