B. LES ENJEUX DU PROTOCOLE DU 12 JANVIER 1999

La coopération industrielle et commerciale -et singulièrement le fonctionnement de Starsem- exigent l'importation fréquente en Russie de matériels de haute technologie provenant de France ou d'autres pays occidentaux, que ce soit pour les lancements eux-mêmes ou leur préparation, pour l'adaptation des lanceurs aux satellites ou pour la gestion des campagnes de lancement.

A cet effet, l'accord de 1996 posait le principe d'une exonération fiscale et douanière , mais il a donné lieu à des difficultés d'interprétation . Le protocole du 12 janvier 1999 a précisément pour objet de clarifier ces dispositions. Il doit permettre d'assurer une meilleure compétitivité aux partenariats industriels franco-russes.

1. Les difficultés liées à l'application du volet fiscal et douanier de l'accord de 1996

Lors de la négociation de l'accord du 26 novembre 1996, les dispositions douanières et fiscales n'avaient pu être totalement clarifiées.

L'article 9-1 de l'accord stipule que " les marchandises notamment les lanceurs, les satellites, les instruments et autres équipements, les supports de données, d'informations ou de technologies " importées de France en Russie, " dans le cadre de tout régime douanier prévu par la législation de la Fédération de Russie, pour un lancement effectué dans l'espace extra-atmosphérique à partir de pas de tirs utilisés par la Fédération de Russie, sont exemptés d'imposition et de tous droits et taxes dont la perception est effectuée par les autorités douanières ".

Par ailleurs, l'article 9-2 précise que " les autres aspects relatifs au passage des marchandises... peuvent faire l'objet d'un Protocole additionnel au présent accord ".

Depuis l'entrée en vigueur de l'accord de 1996, diverses difficultés sont apparues dans la pratique concernant l'interprétation de l'article 9, notamment au regard des besoins nouveaux suscités par l'évolution de l'industrie et des techniques spatiales.

Le comité des douanes russes n'a pas retenu l'interprétation extensive des dispositions d'exonération en faveur des marchandises nécessaires à l'adaptation du lanceur, à la préparation du lancement, à la gestion opérationnelle des campagnes de lancement, et des composants en provenance d'autres Etats de l'Union européenne et des Etats-Unis.

Selon l'exposé des motifs du projet de loi, " ces problèmes douaniers ont été aggravés par le caractère aléatoire et confus des procédures administratives appliquées par la Fédération de Russie ".

Il en a résulté des surcoûts importants liés aux frais de douane et de gestion des expéditions , ainsi qu'à l'allongement des délais . Les difficultés provenant de l'immobilisation des convois, des retards ou du zêle administratif excessif ont toutefois pu être limités grâce à la constitution par Starsem d'un réseau de sous-traitants habilités.

En perdurant, ces difficultés risquaient de se répercuter directement sur les coûts industriels et commerciaux et de pénaliser la compétitivité de Starsem sur le marché des lancements Il importait donc de rapidement remédier à cette situation. Tel est l'objet du protocole signé le 12 janvier 1999.

2. Le protocole du 12 janvier 1999

Les parties au Protocole rappellent dans son Préambule qu'elles souhaitent " assurer l'application efficace " de l'Accord du 26 novembre 1996, et établir des conditions favorables aux échanges de biens et services nécessités par la coopération bilatérale .

L'article 1 er stipule que l'objet du protocole est de " préciser les conditions d'exemption des droits et taxes dont la perception incombe aux autorités douanières, lors de la circulation des marchandises dans le cadre de la coopération objet de l'Accord ".

La nature des marchandises exonérées est définie par l'article 2.

Le terme " marchandises " désigne tout objet, toute substance ou matériaux naturel ou artificiel, tout produit livré ou fabriqué, y compris les équipements de contrôle et d'essais, ainsi que les technologies sous forme d'informations et de données renfermées sur des supports matériels et nécessaires à leur élaboration, à leur production ou à leur utilisation. Ce terme recouvre les autres informations et données sous toute forme matérielle, notamment :

- les logiciels et bases de données résultant de travaux d'étude, de recherche ou de mise au point ;

- les inventions ;

- les résultats des travaux d'expériences, de conception expérimentale et d'ingénierie ;

- le savoir-faire, y compris la documentation industrielle et les caractéristiques techniques ;

- les données relatives aux travaux de recherche, expériences et travaux de conception expérimentale et d'ingénierie.

L'expression " marchandises pour un lancement ", au sens de l'article 9 de l'accord, désigne également les marchandises nécessaires pour assurer un lancement.

Cette définition plus précise de l'étendue et de la nature des produits bénéficiant des exonérations doit permettre d'éviter à l'avenir toute difficulté d'interprétation.

L'article 3 pose le principe de l'exemption des droits et taxes pour ces marchandises.

L'article 4 étend l'exonération aux livraisons gratuites de marchandises dans le cadre de l'assistance technique et à certaines activités conjointes de recherche et de développement, notamment les études d'opportunité technique et financière et la réalisation de projets expérimentaux.

L'article 5 permettant l'admission en franchise de droits et taxes des biens en provenance d'Etats tiers , à condition que ces opérations soient confirmées par des accords entre le Centre national d'études spatiales et l'Agence spatiale russe, ou les organismes qu'ils auront désignés.

Le Protocole a été approuvé par la Douma et par le Conseil de la Fédération au mois de février 2000. Comme l'envisageait l'article 8, les autorités russes ont accepté d'appliquer par anticipation cette détaxation sur des marchandises importées par les sociétés françaises.

3. Les enjeux du protocole

Au-delà de son aspect extrêmement technique, ce protocole comporte des enjeux importants pour l'avenir de la position française sur le marché commercial du transport spatial , dominé par le lancement de satellites de télécommunications.

En effet, alors qu'Ariane répond au besoin de lancement des charges utiles de masse élevée, la question s'était posée, pour l'Europe, de disposer d'un lanceur plus adapté aux constellations de satellites en orbite basse. Deux solutions s'offraient alors : soit la construction d'un lanceur européen, à la rentabilité incertaine, soit l'utilisation, en partenariat, d'un lanceur existant. C'est cette deuxième option qui a été choisie.

Aux côtés du lanceur lourd d'Ariane, qui détient actuellement près de 60 % du marché des satellites de télécommunications géostationnaires, la France peut, grâce à Starsem, se positionner à moindre risque sur le segment des petits lanceurs.

Certes, les difficultés financières des premiers opérateurs de constellations (Globalstar, Iridium) et l'abandon de plusieurs projets, se traduisent par une sévère contraction du marché accessible et laissent planer un doute sur l'avenir commercial des petits satellites de télécommunication.

Pour autant, le maintien et le développement de l'offre Starsem demeurent pleinement justifiés. Il s'agit en effet, face à la concurrence des gammes de lanceurs américains, de pouvoir présenter une offre complémentaire à celle du lanceur lourd Ariane 5 afin de répondre à l'ensemble des besoins des clients. Il est également judicieux de tirer bénéfice des installations de Baïkonour, dont le seuil de rentabilité permet une faible cadence d'utilisation, et d'assurer une participation européenne à la commercialisation du lanceur Soyouz.

Dans cette perspective, le protocole du 12 janvier 1999 est de nature offrir, en terme de régime fiscal et douanier , un cadre stable et pérenne à la coopération franco-russe , et à lui permettre de ne pas être pénalisée par rapport aux coopérations conduites avec d'autres partenaires occidentaux.

Au delà des problèmes immédiats rencontrés par Starsem, le protocole a bien entendu une vocation plus générale à faciliter les projets de toutes les sociétés françaises appelées à coopérer avec la Russie dans le domaine spatial. Ce pourrait notamment être le cas d'Alcatel Space qui négocie actuellement avec le gouvernement russe la fourniture de nouveaux satellites de télécommunications.

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