EXAMEN DES ARTICLES

Article premier
Champ de l'habilitation

Cet article a pour objet de définir la finalité et le champ de l'habilitation législative accordée au Gouvernement. Il énumère ainsi les différentes matières concernées par les projets d'ordonnance. La finalité des mesures envisagées étant la poursuite de l'actualisation et de l'adaptation du droit applicable outre-mer, les exigences fixées par la jurisprudence du Conseil constitutionnel relative à l'article 38 de la Constitution paraissent satisfaites.

Les matières sont les suivantes :

1° Transports intérieurs dans les départements de la Guadeloupe, de la Guyane et de la Martinique ;

Selon l'exposé des motifs, sont concernés uniquement les transports terrestres de personnes . S'agissant des transports fluviaux, importants en Guyane puisqu'ils assurent certains transports scolaires, leur situation a été réglée par la loi d'orientation pour l'outre-mer dans son article 20 qui prévoit un aménagement des conditions de capacité financière et professionnelle ainsi que des conditions relatives aux caractéristiques techniques des embarcations, un décret en Conseil d'Etat dont la parution est prévue mi-2001 devant en fixer les modalités d'application .

Actuellement, le réseau de transport public routier interurbain de personnes ne répond pas de manière satisfaisante aux besoins. Alors qu'à la Réunion, l'autorité départementale organisatrice a permis d'organiser la mise en concurrence, cela n'a pas été le cas dans les autres départements d'outre-mer. En raison de la carence des transports publics, de nombreux professionnels privés ont développé une offre de transport dite de " taxi collectif ".

La loi n° 99-899 du 25 octobre 1999 portant habilitation du gouvernement à prendre par ordonnances les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer autorisait le Gouvernement à prendre une ordonnance adaptant pour les départements d'outre-mer la législation relative aux transports intérieurs. Cette rubrique avait d'ailleurs été ajoutée lors du débat à l'Assemblée nationale à l'initiative de MM. Camille Darsières et Daniel Marsin.

En effet, le rapport Lise-Tamaya 1 ( * ) , soulignant les difficultés d'application de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques dite " loi Sapin " sur les modalités de délégation de services publics, appelait à un moratoire pour l'application de cette loi dans ce secteur.

Le projet d'ordonnance élaboré à cette occasion a été validé par la section des travaux publics du Conseil d'Etat en mars 2000, mais n'a pas reçu l'accord des collectivités locales, en raison de l'hostilité des transporteurs, et le Gouvernement a renoncé à le prendre dans le délai d'habilitation. Consulté par le Gouvernement, le Conseil d'Etat a rendu en septembre 2000 un avis estimant qu'une dérogation permanente à la " loi Sapin " serait contraire à l'article 73 de la Constitution mais jugeant cependant acceptable une dérogation provisoire à cette loi.

La concertation s'est poursuivie au plan local. Cette habilitation est donc identique à celle de 1999 et se base sur le projet d'ordonnance précédemment avalisé par le Conseil d'Etat. On peut d'ailleurs se demander si, face à ces difficultés, il n'aurait pas mieux valu procéder par un projet de loi et si un tel renouvellement d'habilitation pour un même sujet n'est pas contraire à l'exigence fixée par le Conseil constitutionnel de fixer une limite temporelle aux habilitations.

Il est prévu:

- la création d'un établissement public local à caractère administratif entre le département, la région, et les communes qui le souhaitent. Il se substituerait au département et à la région (ainsi qu'aux communes qui y auraient adhéré) dans leurs compétences relatives au transport public de personnes.

- Les recettes de l'établissement public pourraient être composées d'une part du Fonds d'Investissement Routier, des versements transports des communes membres de l'établissement public, de contributions des collectivités, du fonds de compensation pour la TVA (FCTVA), de subventions, éventuellement d'emprunts. Ses dépenses porteraient sur le remboursement des emprunts contractés, les subventions d'exploitation aux lignes déficitaires, les investissements nécessaires à l'organisation des transports et le fonctionnement de l'établissement public, ainsi que les aides au départ nécessaires à la réorganisation du secteur.

- Après la création de cet établissement public, les conventions de transport public de personnes faisant référence pourraient être prorogées pendant une certaine période dans l'attente d'une réorganisation du secteur des transports.

Une prorogation des autorisations ou concessions d'exploitation des lignes de transports publics routiers pendant une période maximale de 18 mois avait déjà été prévue dans la loi d'orientation pour l'outre-mer du 13 décembre 2000. Il s'agirait cette fois-ci d'une prorogation soumise à conditions.

- L'établissement public pourrait proposer l'adaptation aux départements d'outre-mer des critères d'accès à la profession de transporteur routier de personnes.

Une première adaptation a été prévue par la loi d'orientation pour l'outre-mer du 13 décembre 2000 s'agissant des taxis collectifs, dont la situation juridique était ambiguë. Les conditions de capacité professionnelle et de capacité financière pour les artisans exploitant personnellement un seul véhicule d'une capacité maximale de neuf places ont été assouplies, un décret en Conseil d'Etat devant en préciser les modalités d'application.

2° Extension aux territoires de la Polynésie française et des Iles Wallis et Futuna, à la Nouvelle-Calédonie et à Mayotte de la loi n° 86-912 du 6 août 1986 relative aux modalités d'application des privatisations

L'article 34 de la Constitution dispose que la loi fixe expressément les règles de transferts de propriété du secteur public au secteur privé. Or la loi du 6 août 1986 ne s'applique pas aujourd'hui en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, à Mayotte ni à Wallis et Futuna, ce qui interdit dans ces territoires toute cession éventuelle de sociétés dans lesquelles l'Etat ou les collectivités locales sont actionnaires.

Le Gouvernement envisage donc une extension de la loi de 1986, ce qui offrirait l'avantage d'y rendre désormais possibles des transferts de sociétés publiques dans les mêmes conditions et avec les mêmes garanties qu'en métropole. Ceci pourrait notamment contribuer à favoriser le développement de certains services ou de certaines entreprises d'économie mixte.

3° Extension aux territoires de la Polynésie française et des Iles Wallis-et-Futuna, à la Nouvelle-Calédonie et à Mayotte des dispositions législatives du code de l'aviation civile relatives à la sûreté et à la sécurité sur les aérodromes

Selon l'exposé des motifs, il est prévu d'étendre aux territoires d'outre-mer, à la Nouvelle-Calédonie et à Mayotte les articles L. 213-1, L. 282-8 et L. 321-7 du code de l'aviation civile.

En effet, la réglementation dans les domaines de la sûreté et de la sécurité sur les aérodromes relève de la compétence de l'Etat, comme l'a rappelé le Conseil d'Etat dans son avis du 16 mars 1999 sur la répartition des compétences entre l'Etat et la Polynésie française en matière de services de sauvetage et de sécurité incendie des aéronefs.

Or, si la France vient de traduire par un décret et un arrêté publiés au Journal Officiel du 11 janvier 2001 les nouvelles exigences de sécurité incendie imposées par l'OACI, les territoires d'outre-mer ne sont pour l'instant soumis à aucune obligation, alors même que ces règles ont vocation à s'appliquer à l'ensemble du territoire français. Ils ne s'inspirent à l'heure actuelle que par précaution de la réglementation antérieure issue d'un arrêté de 1979, qui est bien moins contraignante. En cas d'incendie d'aéronef sur un aérodrome des territoires d'outre-mer, l'Etat risque d'être mis en cause pour défaut de réglementation. Il en va de même en ce qui concerne la sécurité aviaire, champ dans lequel une nouvelle réglementation technique est en cours d'examen par le Conseil d'Etat.

L'application de l'ensemble des normes techniques et de sécurité à l'outre-mer nécessite donc l'extension de ces articles législatifs supports.

De plus, en l'absence d'extension de l'article L. 213-3 du code de l'aviation civile, ni l'Etat, sur ses aérodromes, ni les territoires, sur les autres aérodromes, ne disposent des moyens juridiques pour imposer la prise en charge opérationnelle de ces missions régaliennes par les exploitants d'aérodromes.

4° Conditions d'entrée et de séjour des étrangers en Nouvelle-Calédonie et leurs conséquences sur l'ensemble du territoire de la République

Cette ordonnance s'inscrit dans la lignée des ordonnances relatives aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers respectivement dans les îles Wallis et Futuna (n° 2000-371 du 26 avril 2000), en Polynésie française (n° 2000-372 du 26 avril 2000) et à Mayotte (n° 2000-373 du 26 avril 2000), prises sur le fondement de la loi d'habilitation n° 99-899 du 25 octobre 1999 et devant entrer en vigueur le 1 er mai 2001.

En 1999, la Nouvelle-Calédonie n'avait pu être incluse dans les ordonnances, car les textes relatifs à son nouveau statut n'avaient pas encore été adoptés. Il s'agit donc de remédier à cette situation.

Selon l'exposé des motifs, l'ordonnance devrait reprendre la plupart des dispositions de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France. Des adaptations seraient cependant prévues pour tenir compte du droit existant, des particularités géographiques et de l'organisation administrative et judiciaire de la Nouvelle-Calédonie.

La majeure partie du droit applicable repose encore sur le décret-loi du 13 juillet 1937, même si la loi n° 99-210 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie a étendu les dispositions de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relatives aux zones d'attente.

Les conditions d'octroi et de renouvellement des titres de séjour, la libre entrée des ressortissants communautaires et l'exigence de dispositions pénales réellement dissuasives en matière d'immigration clandestine devraient être rénovées ou introduites dans le droit applicable.

Ce projet doit donc contribuer à renforcer l'Etat de droit et à fournir aux autorités locales les moyens juridiques d'assurer la régulation et l'équilibre des flux migratoires.

En outre, quatre projets d'ordonnances concernent Mayotte.

S'agissant de Mayotte, le recours aux ordonnances est une pratique courante puisque, depuis la loi d'ordonnance n° 76-1212 du 24 décembre 1976 relative à l'organisation de Mayotte, le Gouvernement a été autorisé à huit reprises à légiférer par voie d'ordonnances 2 ( * ) . Plus d'une quarantaine d'ordonnances ont ainsi été prises, dans des domaines extrêmement variés, allant du régime fiscal et douanier à des dispositions en matière de droit pénal ou d'urbanisme et d'environnement.

En effet, l'extension pure et simple du régime en vigueur en métropole à Mayotte est exclue en raison de l'importance des particularismes locaux et du niveau de développement de la collectivité territoriale. Or une modernisation est d'autant plus nécessaire que Mayotte est régie par des règles disparates et souvent contradictoires : droit particulier musulman à la base du statut personnel, droit coutumier d'origine africaine ou malgache, éléments du droit en vigueur dans l'ancien territoire d'outre-mer comorien créé en 1957 et enfin droit métropolitain.

Par ailleurs, il faut noter que le projet de loi statutaire concernant Mayotte , qui est parallèlement en examen devant le Parlement, habilite dans son article 55 le Gouvernement à légiférer par ordonnances avant le 31 décembre 2002 dans les domaines suivants : dispositions de droit civil relatives aux personnes, à la propriété, aux contrats, aux obligations, aux privilèges, à la prescription et à la possession ; réforme de l'organisation judiciaire et statut des cadis ; modernisation du régime communal, coopération intercommunale et conditions d'exercice des mandats locaux (la coopération intercommunale et les conditions d'exercice des mandats locaux ayant été ajoutés par l'Assemblée nationale en première lecture à l'initiative du Gouvernement) ; modernisation et développement du service public de l'électricité ; protection, aménagement et mise en valeur de la zone " des cinquante pas géométriques " et enfin développement de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique (cette dernière rubrique ayant été ajoutée par l'Assemblée nationale en première lecture à l'initiative du rapporteur de la commission des Lois, M. Jacques Floch).

Il faut d'ailleurs s'interroger dès à présent sur l'ampleur d'une telle habilitation. En effet, les dispositions de droit civil relatives aux personnes, qui visent le statut de droit personnel inspiré par le droit coranique, posent de réels problèmes de constitutionnalité et de compatibilité avec des conventions internationales telles que la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme. Il s'agit donc d'un dessaisissement très grave du Parlement, qui devra faire l'objet d'une étude approfondie lors de l'examen du projet de loi sur le statut de Mayotte au Sénat.

Le présent projet de loi d'habilitation s'intéresse plus particulièrement aux questions de protection sociale, de formation et de développement économique, qui sont d'ailleurs étroitement liées.

5° Protection sanitaire et sociale à Mayotte en matière d'allocations et de prestations familiales, d'aide aux personnes âgées et handicapées, d'assurance vieillesse, de prise en charge des dépenses de santé et d'organisation des soins, de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles ; mesures d'organisation et d'administration correspondantes

A la suite de l'engagement pris par le Premier ministre dans son allocution devant le conseil général le 24 novembre 1994 de prendre en charge la santé publique à Mayotte, une convention de développement économique et social a été signée entre l'Etat et la collectivité territoriale de Mayotte en avril 1996.

L'ordonnance n° 96-1122 du 20 décembre 1996 qui en a résulté a opéré d'importantes réformes en matière de protection sociale. L'hôpital a ainsi été transformé en un établissement public de santé de droit commun, tandis qu'était instituée une cotisation santé limitée à la couverture des soins hospitaliers. Par ailleurs, la Caisse de Prévoyance Sociale (qui existe depuis 1977) a également été transformée en un organisme de droit privé doté de la personnalité morale et de l'autonomie financière, par analogie avec les caisses primaires d'assurance maladie et les caisses générales de sécurité sociale propres aux départements d'outre-mer. Cette caisse couvre les risques maladie et maternité, les accidents du travail et maladies professionnelles ainsi que les allocations familiales et depuis 1987 la vieillesse au profit des salariés de droit privé.

Elle connaît cependant des problèmes liés aux spécificités de la société mahoraise. La polygamie rend ainsi difficile la répartition des pensions de retraite tandis que l'absence d'état-civil n'est pas de nature à faciliter la distribution des prestations sociales.

Par conséquent, la protection sociale à Mayotte reste très incomplète. De nombreux Mahorais bénéficient d'une protection sociale faible, voire nulle, dans les domaines de l'enfance et de la famille, du handicap, de la retraite, et dans une moindre mesure dans celui de l'accès aux soins.

Le gouvernement a donc décidé une amélioration de la protection sociale, progressive et adaptée, en parallèle des mesures en faveur de l'emploi. Il ne s'agit pas de transposer les règles qui régissent la protection sociale en métropole, mais de tenir compte de la situation particulière de l'économie, du travail, des relations sociales.

Lors de son déplacement à Mayotte en janvier dernier, le Premier ministre M. Lionel Jospin avait annoncé une série de mesures d'ordre économique et social. Si aucun avant-projet d'ordonnance n'est encore disponible, les futures ordonnances devraient reprendre ces propositions, ainsi que celles évoquées au point 7 de " l'accord sur l'avenir de Mayotte " signé à Paris le 27 janvier 2000 prévoyant que le système de protection sanitaire et sociale sera adapté et modernisé.

L'exposé des motifs cite notamment l'instauration de structures de prévention relevant de l'action sanitaire et sociale et de la protection judiciaire de la jeunesse. Plus particulièrement seraient envisagées les mesures suivantes:

- la généralisation des allocations à toutes les familles

Actuellement les allocations familiales sont versées aux seuls salariés dès le premier enfant et plafonnées à quatre enfants. Ceci a pour conséquence paradoxale d'exclure les personnes les plus démunies et de contredire la politique de maîtrise de la natalité que la DASS mène dans en vue de limiter à trois le nombre d'enfants par femme. 7 000 familles en bénéficient actuellement sur 25 000 environ. Une extension progressive à d'autres catégories est envisagée, comme les non salariés, déclarés et cotisants. Il est également envisagé d'augmenter progressivement le niveau des allocations tout en les plafonnant à trois enfants. Des étapes pourraient être nécessaires, compte tenu de l'absence d'état-civil complet.

- l'augmentation de l'allocation de rentrée scolaire , complétée par une aide à l'achat des fournitures scolaires

- la mise en place de cantines scolaires

- l' augmentation significative de l'allocation minimale d'aide sociale des personnes handicapées et des personnes âgées les plus défavorisées , équivalent local du minimum vieillesse ou de l'allocation aux adultes handicapés.

A l'heure actuelle, les retraites servies par la Caisse de Prévoyance Sociale de Mayotte (secteur privé) sont de 1.300 F par mois à partir de 60 ans, celles servies par la Caisse de Retraite des Fonctionnaires de Mayotte étant de 2.400 F par mois à partir de 55 ans, tandis que l'aide sociale verse une allocation minimale de 420 F par mois aux personnes âgées ou handicapées ayant des revenus mensuels inférieurs à 600 F.

- l'amélioration de la couverture maladie et d'accès aux soins

Le remboursement de la médecine de ville pourrait être envisagé, ainsi que l'attribution d'indemnités journalières maladie pour les salariés. Une coordination des régimes en matière d'assurance maladie pour les Mahorais se rendant à la Réunion ou en métropole est également à l'étude.

6° Droit du travail et de l'emploi à Mayotte en matière d'aide à la création d'emplois, de maintien de l'exploitation agricole familiale, de formation, de création d'entreprise, d'instauration d'un régime d'indemnisation du chômage, de congé de maternité, d'organisation et de développement des activités d'utilité sociale

Le Gouvernement entend compléter et adapter le code du travail comme le prévoit le point 7 de l'accord sur l'avenir de Mayotte. L'ordonnance pourrait ainsi actualiser l'ordonnance n° 91-246 du 25 février 1991 modifiée relative au code du travail applicable à Mayotte et la compléter principalement par des dispositions relatives à l'emploi et à la formation professionnelle.

La priorité affichée est de développer les revenus d'activité, notamment pour permettre aux femmes seules d'assumer la charge des enfants. En effet, compte tenu de la situation mahoraise, du chômage massif, de la faiblesse de la culture du travail, de la proportion très élevée de jeunes n'ayant pas ou très peu travaillé, introduire massivement des revenus de transferts sociaux risquerait de conduire à un assistanat généralisé.

Les premières mesures prévoient :

- le lancement par le gouvernement d'une dynamique de négociation entre les partenaires sociaux pour la mise en place d'un régime d'indemnisation du chômage , aujourd'hui inexistant.

Mayotte connaît un taux de chômage très élevé (30% en novembre 2000). Compte tenu de la part des moins de quinze ans dans la population, la hausse du chômage a un caractère structurel du fait de l'arrivée sur le marché du travail d'une population nombreuse que les créations d'emplois ne sont pas en mesure d'absorber.

L'instauration d'un régime d'assurance chômage à Mayotte ne fait cependant pas l'unanimité et devrait être limité à l'indemnisation des pertes d'emploi (pour motif économique) de salariés ayant une certaine ancienneté, avec une indemnisation dégressive. A défaut, le coût de ce régime accroîtrait le coût salarial et aurait des effets économiques négatifs. Ainsi, le rapport élaboré par le groupe présidé par le préfet Bonnelle en 1998, insistant sur le fait que l'extension des avantages sociaux et l'adaptation du droit du travail devaient accompagner les modifications socio-économiques et non les précéder, se montrait réservé quant à son opportunité.

Il pourrait cependant être instauré un dispositif d'aide en cas de chômage partiel, notamment pour les activités subissant des variations conjoncturelles comme le bâtiment et les travaux publics.

- un développement des dispositifs d'aide à la création d'entreprises devrait également être encouragé.

La nécessité de développer l'emploi et l'activité dans le secteur non marchand (particulièrement s'agissant des femmes) est également évoquée. Une évolution des chantiers de développement local (tâches d'intérêt général destinées aux plus de 26 ans) vers des activités plus structurées, avec des durées plus longues (4 à 6 mois au lieu de 6 à 12 semaines) à l'instar de l'action menée dans les départements d'outre-mer par les agences d'insertion paraît souhaitable.

- est également annoncée la création d'un dispositif d'emploi-jeunes , inspiré de celui de la métropole, qui viserait en premier lieu à répondre à la demande d'encadrement et de développement des associations sociales, sportives et culturelles et des collectivités locales.

En définitive, le programme est extrêmement large, étant donné l'ampleur des besoins à Mayotte.

7° Règles applicables à l'exercice de l'activité des travailleurs indépendants, des agriculteurs et des pêcheurs à Mayotte

Le Gouvernement se propose de définir un régime des travailleurs indépendants, des agriculteurs et des pêcheurs à Mayotte afin d'assurer une sécurité juridique à l'exercice de ces professions et de définir les droits afférents.

En effet, les commerçants, artisans, exploitants agricoles (9.500 ménages agricoles recensés), principalement des femmes organisées en micro-exploitations, n'ont à l'heure actuelle aucun statut. Le cumul de deux, voire trois activités est fréquent : pêche, agriculture à des fins d'auto-consommation et petit commerce.

Il s'agit donc de doter ces personnes d'un statut, entraînant inscription à la chambre professionnelle et acquittement d'une cotisation sociale, même minimale et sur une base forfaitaire, afin de favoriser leur intégration dans le circuit de l'économie organisée et de les faire bénéficier de la protection sociale.

Si l'économie mahoraise est traditionnellement tournée vers une agriculture d'auto-subsistance, l'économie est en pleine mutation. Alors que l'agriculture, l'élevage et la pêche accueillaient en 1985 plus de 60% des actifs, -la notion d'actif étant par ailleurs difficile à cerner à Mayotte- , ce chiffre n'était plus que de 20% en 1997. Or, le maintien de l'exploitation agricole familiale doit être favorisé car elle assure l'autosuffisance alimentaire et une bonne répartition des activités et des habitants sur le territoire. A défaut, le risque serait d'assister à un exode rural massif et donc une concentration urbaine génératrice de problèmes majeurs. En effet, la forte poussée démographique et l'immigration ne permettent pas de créations d'emplois en nombre suffisant. La baisse du taux de couverture 3 ( * ) ces dernières années (de 75% en 1975 à moins de 5% aujourd'hui) montre les dangers auxquels est confrontée l'économie mahoraise du fait de l'essor mal maîtrisé de la société de consommation.

8° Statut des instituteurs à Mayotte

La convention de développement économique et social signée entre l'Etat et la collectivité territoriale de Mayotte le 5 avril 1995 a défini comme une priorité le développement de l'enseignement. Elle prévoit notamment un important programme d'amélioration de la qualification professionnelle des instituteurs, puisque beaucoup de ceux recrutés dans les années soixante-dix ont le niveau CM.2 et pour certains maîtrisent difficilement le français. La question de la formation des instituteurs est fondamentale en raison des besoins de recrutement. Chaque année, du fait d'une part d'une démographie galopante et d'autre part d'une forte immigration en provenance principalement des Comores, les besoins en recrutement d'instituteurs pour la seule collectivité territoriale de Mayotte sont, selon les services de la préfecture de Mayotte, égaux à ceux de l'ensemble de la métropole. De plus, le développement de Mayotte passe avant tout par la scolarisation de tous les enfants et un apprentissage précoce de la langue française, alors que 75% de la population n'est pas francophone.

C'est d'ailleurs le seul domaine pour lequel il existe un avant-projet d'ordonnance. Il prévoit de modifier l'ordonnance n° 96-782 du 5 septembre 1996 portant statut général des fonctionnaires de la collectivité territoriale, des communes et des établissements publics de Mayotte, afin de faire bénéficier les 1 200 instituteurs de Mayotte, fonctionnaires ou agents non titulaires territoriaux, soumis aux dispositions de l'ordonnance précitée, d'un statut particulier qui sera précisé par décret en Conseil d'Etat en matière de recrutement et de formation.

Une dérogation générale serait instituée afin d'éviter le recrutement initial par liste d'aptitude, inadapté à des fonctionnaires dont l'employeur unique sera la collectivité territoriale. L'objectif est de supprimer les micro-corps existants pour les instituteurs actuellement répartis en quatre catégories (six avec les non-titulaires) et de constituer un cadre unique d'instituteurs. Cette diversité de statuts entraîne en effet de grandes variations de salaires et une certaine frustration parmi le corps enseignant.

La présidence des commissions administratives partiaires serait soustraite au président du centre de gestion des cadres et donnée au préfet. Les instituteurs sont en effet du cadre territorial et leur gestion, en l'absence de modification du statut de la collectivité, demeure de la compétence du préfet, représentant de l'Etat et exécutif du conseil général. Cette compétence sera assumée par le président du conseil général à partir de 2004 si le projet de loi relatif au statut de Mayotte est adopté.

La formation des instituteurs étant un point fondamental, l'avant-projet d'ordonnance prévoit de créer un institut de formation des maîtres (IFM) exerçant les missions confiées en la matière pour les autres fonctionnaires mahorais au centre de gestion des cadres précité. Un institut existe depuis 1999 dans la commune de Dembeni et assume déjà ces missions, sans avoir cependant juridiquement le statut d'IFM. Il s'agit donc de remédier à cette situation juridiquement gênante alors que l'institut devrait compter rapidement 300 élèves-maîtres en formation initiale auxquels s'ajouteraient les instituteurs en stage de formation continue.

Le statut d'établissement public territorial s'inspirant de celui des ex-écoles normales a été retenu : le fait de lui accorder une autonomie tant pédagogique que financière devrait lui permettre de mener une politique originale en matière de formation.

Enfin, l'avant-projet d'ordonnance prévoit de corriger une erreur formelle contenue dans l'ordonnance (ventilation erronée des commissions administratives paritaires sur les " niveaux " hiérarchiques des cadres de fonctionnaires et non sur les cadres eux-mêmes).

Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 1 er sans modification.

Article 2
Consultation des assemblées locales

L'article 2 prévoit la consultation des différentes assemblées représentant respectivement les territoires, départements et collectivités territoriales sur les projets d'ordonnances les intéressant.

La procédure applicable en matière de consultation en vue d'étendre et d'adapter des dispositifs législatifs varie en fonction du type de collectivité : obligation de portée constitutionnelle pour les territoires d'outre-mer (article 74 de la constitution), obligation résultant d'une loi organique pour la Nouvelle-Calédonie (article 90 de la loi statutaire du 19 mars 1999, obligation résultant de la loi statuaire du 11 mai 1985 (article 24) pour Saint-Pierre-et-Miquelon.

En revanche, il s'agit pour Mayotte d'une simple faculté (article 10 de la loi du 24 décembre 1976), même si depuis la loi d'habilitation de 1979, la consultation est régulièrement intervenue. Le projet de loi sur le statut de Mayotte qui doit être examiné au Sénat en première lecture en juin prochain prévoit d'ailleurs de donner une base légale à cette consultation. L'article 2 prévoit que cet avis doit être émis dans le délai d'un mois.

De même, il faut souligner qu'à l'occasion de ce projet de loi d'habilitation a été faite la première application de l'obligation de consultation des assemblées locales des départements d'outre-mer introduite par la loi d'orientation pour l'outre-mer du 13 décembre 2000, s'agissant de la Guadeloupe, de la Martinique et de la Guyane.

Pour ces territoires, départements et collectivités, à l'exception de Mayotte, l'article 2 n'opère donc qu'un rappel sans portée normative.

Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 2 sans modification.

Article 3
Délais d'adoption des ordonnances
et de dépôt des projets de loi de ratification

Conformément aux prescriptions de l'article 38 de la Constitution qui n'autorise la délégation législative que " pendant un délai limité " et prévoit la caducité des ordonnances en l'absence de dépôt d'un projet de loi de ratification dans le délai défini par la loi d'habilitation, l'article 3 a pour objet de déterminer ce double butoir.

Ainsi que la précédente loi d'habilitation de décembre 1999, le projet de loi d'habilitation définit des périodes dont le point de départ est la date de promulgation de la loi d'habilitation. La première, d'une durée de neuf mois, correspond au délai avant l'expiration duquel le Gouvernement devra avoir pris les ordonnances envisagées ; la seconde, d'une durée de douze mois, correspond au délai imparti au Gouvernement pour déposer les projets de loi de ratification, à peine de caducité des ordonnances.

Observons qu'à l'instar des précédents dispositifs d'habilitation votés en 1998 et en 1999, l'article 3 fait référence à plusieurs projets de loi de ratification. Permettant un regroupement thématique des ordonnances pour examen par les commissions permanentes compétentes au fond, cette méthode devrait permettre d'assurer un meilleur contrôle du Parlement sur le contenu des ordonnances. La pratique n'a cependant malheureusement pas entériné ces bonnes intentions.

Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 3 sans modification.

*

* *

Votre commission des Lois vous propose d'adopter sans modification l'ensemble du projet de loi portant habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnances, les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer.

* 1 MM. Claude LISE et Michel TAMAYA : " Les départements d'outre-mer aujourd'hui : la voie de la responsabilité " 1999

* 2 lois du 24 décembre 1976, du 22 décembre 1979, du 23 décembre 1989, du 23 décembre 1991, du 2 janvier 1996, du 5 février 1996, du 6 mars 1998 et du 25 octobre 1999

* 3 c'est à dire le ratio importations / exportations

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