II. DES PROJETS DE REFORME DISCUTÉS

A. L'ÉTAT DES DÉBATS AU NIVEAU EUROPÉEN

1. Les points d'achoppement de la proposition de règlement instituant l'Autorité alimentaire européenne

Le Parlement européen s'est prononcé sur la proposition de règlement (E.1627) instituant l'Autorité alimentaire européenne en première lecture lors de sa séance plénière du 12 juin 2001.

Sur le fondement du rapport Whitehead présenté par la commission de l'environnement, de la santé publique et de la politique des consommateurs, il a adopté la proposition de règlement modifiée par plus de deux cents amendements.

Le conseil extraordinaire Marché intérieur, consommation et tourisme du 29 juin 2001 appellera les Etats membres à se prononcer sur cette proposition, sur laquelle ils ont travaillé de manière informelle depuis quelques mois de manière afin de parvenir à une position commune fin juin.

Quelques points de la proposition de règlement E.1627 restent en discussion au sein du Conseil et du Parlement européen. Les divergences majeures portent sur la mise en oeuvre concrète des grands principes que sont l'indépendance et la transparence de l'Autorité Alimentaire et sur la séparation entre l'évaluation et la gestion du risque.

La répartition des tâches d'analyse du risque

L'analyse du risque comprend trois volets relatifs à l'évaluation, la notification et la gestion du risque.

Un consensus sans faille s'est dessiné d'emblée pour séparer l'évaluation du risque de sa gestion et distinguer ainsi l'expertise scientifique de la responsabilité politique. En revanche, il n'est pas simple de déterminer sans erreur ce qui relève de l'évaluation et de la gestion : l'application du principe de séparation soulève donc quelques questions.

Au premier rang de ces questions figure l'attribution de la responsabilité du fonctionnement du système d'alerte rapide. Selon l'article 34 de la proposition initiale, c'est à l'Autorité que revient d'assurer le fonctionnement de ce système d'information immédiate des membres du réseau concernant tout risque « grave, direct ou indirect, pour la santé humaine lié à une denrée alimentaire ou à un aliment pour animaux ». La Commission considère dans son projet que cette gestion du système d'alerte rapide peut relever de l'évaluateur du risque, à savoir l'Autorité, sans empiéter sur les prérogatives des institutions politiques européennes chargées de la gestion du risque.

Plusieurs Etats membres considèrent que le seul fait d'évaluer le caractère d'urgence d'un risque ressort déjà de la gestion. La France en particulier s'oppose à ce que l'Autorité gère le système d'alerte rapide. C'est pourquoi elle plaide pour confier la responsabilité entière de la gestion du système d'alerte rapide à la Commission et rendre l'AAE destinataire de toutes les notifications véhiculées par le réseau d'alerte afin de la doter d'une vision globale sur les problèmes de sécurité alimentaire auxquels sont confrontés les Etats membres.

Par ailleurs, entre l'évaluation et la gestion des risques, la notification des risques peut être source de confusion. Elle est, aux termes de la proposition de règlement instituant l'Autorité, de la compétence partagée de l'Autorité et de la Commission. L'article 39 de la proposition de règlement prévoit en effet que l'AAE communique de sa propre initiative dans les domaines qui relèvent de sa mission, « sans préjudice des compétences dont dispose la Commission pour communiquer ses décisions sur la gestion des risques ».

Cette prérogative de l'Autorité est essentielle en ce qu'elle garantit à la fois sa transparence et son indépendance et donc contribue à accroître la sécurité alimentaire. Elle devra être utilisée raisonnablement afin d'éviter que l'excès d'information ne banalise les alertes. Elle peut, en outre, engendrer quelques difficultés dans la mesure où ses contours ne sont pas strictement définis et qu'un flottement dans la communication entre l'Autorité et la Commission serait préjudiciable à la bonne gestion du risque. C'est pourquoi il faudra veiller à ce que ces deux pôles de communication s'articulent en vue d'une politique cohérente évitant de semer le trouble inutilement dans l'esprit du consommateur.

Le degré de représentativité des Etats membres au sein du conseil d'administration

S'agissant du conseil d'administration, les Etats membres sont partagés entre deux exigences : la représentativité et l'indépendance.

L'article 24 de la proposition de la Commission, ne réserve que quatre sièges sur seize aux représentants des Etats membres nommés par le Conseil, ce qui a pu paraître insuffisant. Toutefois, pour des impératifs d'indépendance comme d'efficacité, il ne paraît pas souhaitable que le nombre de représentants du Conseil soit égal au nombre d'Etats membres.

C'est pourquoi une solution mixte pourrait être retenue, qui tend à accroître la représentativité sans nuire à l'efficacité. Au lieu que chacune des trois institutions politiques nomme quatre membres, douze représentants seraient nommés par le Conseil après avis du Parlement européen et sur proposition de la Commission. Quatre représentants des filières alimentaires (du producteur au consommateur) demeureraient présents. Les membres de ce conseil d'administration, au lieu de disposer d'un mandat de quatre ans renouvelable une fois, seraient, à l'issue du premier mandat de quatre ans, renouvelables par moitié tous les deux ans, ce qui assurerait une rotation permanente garantissant à tous les Etats membres une représentation équivalente.

L'étendue du mandat dévolu à l'Autorité

L'article 21 de la proposition de résolution propose d'entendre largement le champ de mission de l'Autorité, puisqu'il prévoit que ce champ couvre toute la chaîne alimentaire.

Outre les questions de sécurité alimentaire, il comprendrait les domaines de la santé et du bien-être des animaux, la protection des végétaux, l'évaluation des problèmes liés aux organismes génétiquement modifiés, ainsi que l'éducation nutritionnelle.

Des réserves subsistent sur le bien-fondé des missions de l'AAE en matière de santé animale et végétale et de bien-être des animaux. Ainsi, le rapporteur du parlement européen, M. Philip Whitehead, préconise de retrancher des compétences de l'Autorité les OGM et la santé animale et végétale, si ces questions n'ont pas de lien direct ou indirect avec la sécurité alimentaire. La France, quant à elle, reste favorable à un mandat étendu afin d'éviter les erreurs passées et de ne pas disperser l'expertise.

Le degré de transparence de l'Autorité en cas de divergence d'avis scientifiques

Il est prévu par l'article 29 de la proposition initiale que les sources potentielles de « conflits » d'avis scientifiques soient identifiées en amont par l'Autorité. Cette vigilance doit permettre à l'Autorité de s'assurer que toute l'information scientifique est bien partagée et que le désaccord de fond ne peut être résolu par la collaboration entre l'Autorité et l'organisme concerné et par la consultation du forum consultatif si cet organisme est national.

Si, malgré ces démarches, le conflit n'est pas levé, l'article 29 dispose que l'Autorité et l'organisme concerné doivent présenter un document commun clarifiant les points scientifiques de conflit.

Dans un tel schéma, le rôle de l'Autorité ne s'apparente donc pas à celui d'arbitre en dernier recours. Certains Etats membres le déplorent, préférant donner aux avis de l'Autorité une primauté sur les avis concurrents, à des fins de meilleure lisibilité. Le Parlement européen a également retenu un amendement en ce sens. D'autres, à l'instar de la France, restent toutefois attachés à la proposition initiale dont ils soulignent la plus grande transparence.

Les limites de la saisine

La restriction prévue par la Commission à l'article 28, excluant toute saisine dans un domaine relevant de la législation alimentaire communautaire, ne paraît pas légitime.

En effet, cette restriction limiterait considérablement le pouvoir de saisine du Parlement européen et des Etats membres puisque le champ de compétence de l'Autorité devrait, à terme, être entièrement couvert par la législation alimentaire.

Les modalités du financement

La proposition de règlement prévoit, dans son article 42, que les recettes de l'Autorité se composent de la contribution de la Communauté et, accessoirement, des « redevances éventuellement perçues par l'Autorité en rémunération des services dont elle assure la prestation ». Le financement prévu pour les trois prochains exercices de l'Autorité est exclusivement public ; en revanche, trois ans après la création de l'Autorité, la possibilité et l'opportunité d'instaurer des redevances qui seraient versées par les entreprises pour l'obtention d'une autorisation communautaire seront examinées. Si une telle option était alors retenue, des intérêts partisans seraient introduits et l'indépendance de l'Autorité pourrait s'en trouver diminuée.

La localisation de l'Autorité

Plusieurs villes sont candidates à l'accueil du siège de l'Autorité alimentaire européenne : Helsinki, Parme, Barcelone et Lille.

Les critères qui seront retenus pour l'attribution du siège sont au nombre de trois :

- une longue tradition dans le domaine de la sécurité alimentaire ;

- une infrastructure scientifique solide ;

- une accessibilité aisée.

Le Parlement européen a souhaité donner à la question du choix de la ville d'accueil un ton plus politique : en retenant l'amendement 188, il a exprimé sa préférence pour le siège localisé dans le pays comptant auprès de la Cour de Justice des Communautés Européennes le moins d'affaires en suspens pour violation présumée de la législation européenne. Cet amendement remet en cause le bien-fondé des candidatures française et italienne. Mais le gouvernement français ne laisse pas de soutenir la candidature de Lille, qui est une ville bien desservie et proche des institutions communautaires et qui peut compter sur l'important potentiel de recherche scientifique de la région Nord pour aider l'AAE à remplir au mieux ses mission.

2. La réforme de la réglementation relative à l'hygiène des denrées alimentaires

La proposition de réforme de la législation alimentaire européenne a été présentée au Conseil de l'agriculture du 17 juillet 2000, puis a fait l'objet d'un échange de vues au Conseil du marché intérieur, de la consommation et du tourisme  le 20 septembre 2000.

Depuis cette date, les travaux se poursuivent au sein du groupe des experts vétérinaires. Ils ont, jusqu'à présent, surtout concerné les deux propositions de règlements, relative aux règles d'hygiène générales et aux règles d'hygiène spécifiques aux denrées d'origine animale.

D'après les informations recueillies par votre rapporteur, les négociations avancent lentement, les arbitrages de nature technique se poursuivant alors qu'ils auraient dû être achevés lors de la présentation des projets de règlement au Conseil. Il semblerait, à cet égard, que la consultation en amont des services techniques nationaux par la Commission européenne n'ait pas été suffisamment approfondie. Il est regrettable que l'élaboration et la discussion de textes aussi importants pour la sécurité des consommateurs et les acteurs de la filière se déroulent dans de telles conditions.

Un certain nombre de points sensibles restent au centre des discussions.

S'agissant, en premier lieu, des modalités de l'enregistrement et de l'agrément des établissements du secteur alimentaire, certains Etats, en particulier la France, souhaitent une harmonisation communautaire des conditions d'agrément, ainsi qu'une prise en compte du fonctionnement de l'entreprise, et non de la simple conformité des locaux aux critères à remplir pour obtenir l'agrément.

La question de l'opportunité de faire figurer le numéro d'enregistrement ou d'agrément sur les denrées est également débattue, dans la mesure où la surcharge d'informations pourrait nuire à la lisibilité de l'étiquette, au détriment du consommateur.

Enfin, la portée des dérogations à accorder à certains petits établissements, notamment ceux soumis à des contraintes géographiques , ou réalisant des fabrications traditionnelles, est encore à définir. Se pose en particulier la question de savoir si ces dérogations ne doivent être octroyées que dans le cas où les denrées alimentaires sont destinées au seul marché local.

3. Les propositions de textes dans le domaine de l'alimentation animale

La proposition de directive 1999/29/CEE du 22 avril 1999 modifiée concernant les substances et produits indésirables dans l'alimentation animale a été adoptée à l'unanimité au conseil des ministres de l'agriculture du 19 juin 2001. Il en est de même pour la proposition de modification de la directive 95/53/CEE du 25 octobre 1995 relative aux contrôles officiels en alimentation animale.

Votre rapporteur se réjouit de ces avancées qui contribueront à sécuriser la production d'aliments pour animaux.

S'agissant de la proposition tendant à modifier la directive 79/373/CEE du 2 avril 1979 relative à la commercialisation des aliments composés, il existe actuellement un désaccord entre le Parlement européen, qui appuie le principe d'une liste exhaustive des ingrédients accompagnés de leur pourcentage d'incorporation en fonction du poids -ce qui constitue l'option dite « déclaration ouverte »- et le Conseil des ministres, qui propose comme disposition alternative une liste exhaustive des ingrédients classés par fourchette de taux d'incorporation -système de la « déclaration semi-ouverte ».

A l'occasion de l'examen de ce texte lors de sa session d'avril 2001, le Parlement européen a adopté un amendement demandant à la Commission européenne l'établissement d'une liste positive des matières premières utilisées en alimentation animale, pour le 31 décembre au plus tard. En réponse à cette demande, la Commission a annoncé le lancement d'une étude de faisabilité sur l'établissement d'une telle liste, à la suite de laquelle des propositions pourraient être formulées.

Votre rapporteur attendra avec intérêt la publication de cette étude.

L'examen du projet relatif aux règles sanitaires applicables aux sous-produits animaux a, quant à lui, été retardé par la décision 200/766/CE, prise par le Conseil le 4 décembre 2000, de suspendre l'utilisation des farines carnées dans l'alimentation animale.

Si ce moratoire, prévu initialement pour une durée de six mois, vient d'être prolongé au moins jusqu'au 1 er janvier 2002, la situation demeure ambiguë en raison du refus de prendre en compte l'incidence de la suspension des farines animales sur ce projet de texte. La volonté de le faire avancer est certes justifiée par la présence de dispositions importantes relatives au traitement des matières à risque exclues de la chaîne alimentaire. Cependant, l'appréhension du problème des farines comme une simple mesure de sauvegarde ayant vocation à figurer dans le règlement cadre sur les encéphalopathies spongiformes transmissibles (EST) fait douter de la volonté de certains Etats membres de pérenniser l'interdiction des farines dans l'alimentation animale.

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