Rapport n° 5 (2001-2002) de M. Philippe RICHERT , fait au nom de la commission des affaires culturelles, déposé le 10 octobre 2001

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N° 5

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2001-2002

Annexe au procès-verbal de la séance du 10 octobre 2001

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires culturelles (1) sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, APRÈS DÉCLARATION D'URGENCE, relatif aux musées de France ,

Par M. Philippe RICHERT,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Jacques Valade, président ; MM. Xavier Darcos, Ambroise Dupont, Pierre Laffitte, Mme Danièle Pourtaud, MM. Ivan Renar, Philippe Richert, vice-présidents ; MM. Alain Dufaut, Philippe Nachbar, Philippe Nogrix, Jean-François Picheral, secrétaires ; MM. Jean Arthuis, François Autain, Mme Marie-Christine Blandin, MM. Louis de Broissia, Jean-Claude Carle, Jean-Louis Carrère, Gérard Collomb, Yves Dauge, Mme Annie David, MM. Fernard Demilly, Christian Demuynck, Jacques Dominati, Jean-Léonce Dupont, Louis Duvernois, Daniel Eckenspieller, Mme Françoise Férat, MM. Bernard Fournier, Jean François-Poncet, Jean-Noël Guérini, Michel Guerry, Marcel Henry, Jean-François Humbert, André Labarrère, Serge Lagauche, Robert Laufoaulu, Jacques Legendre, Serge Lepeltier, Pierre Martin, Jean-Luc Miraux, Bernard Murat, Mme Monique Papon, MM. Jack Ralite, Victor Reux, René-Pierre Signé, Michel Thiollière, Jean-Marc Todeschini, Jean-Marie Vanlerenberghe, Marcel Vidal, Henri Weber.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : 2939 , 3036 et T.A. 669

Sénat : 323 (2000-2001)

Culture.

EXPOSÉ GENERAL

Mesdames, Messieurs,

Nous sommes enfin saisis de la réforme, depuis longtemps annoncée mais maintes fois repoussée, de l'ordonnance du 13 juillet 1945 portant organisation provisoire des musées des beaux-arts et nous ne pouvons que féliciter le gouvernement d'avoir fait aboutir un projet de loi que nous attendions depuis près de dix ans.

Cependant nous regretterons que l'urgence ait été déclarée par le gouvernement et que nous ne puissions bénéficier des délais accordés par la navette pour améliorer un texte décevant à bien des égards.

Ce texte ne participe pas à l'évidence du même souffle que les décisions des assemblées révolutionnaires ordonnant, en réaction à la vague iconoclaste, de « préserver et de conserver honorablement les chefs d'oeuvres des arts, si dignes d'occuper honorablement les loisirs d'un peuple libre », à la suite desquelles furent créés le conservatoire national des arts et métiers, le muséum d'histoire naturelle et le muséum central des arts installé au Louvre.

Loin de redéfinir les ambitions d'une politique nationale des musées, le projet de loi a comme principale conséquence de permettre à l'État de renforcer son autorité sur les musées.

En privilégiant une approche administrative de l'action conduite par l'Etat en ce domaine, le statut de « musée de France » proposé ne correspond à l'évidence ni aux mutations qu'ont connues les musées depuis les années 1970 ni aux acquis de la décentralisation.

Cette appréciation, que certains ne manqueront pas de qualifier de sévère, a été partagée par l'Assemblée nationale qui, dans un souci bien compris de protection du patrimoine national, a complété le projet de loi par une série de dispositions financières destinées, d'une part, à relancer le mécénat en faveur des musées et, d'autre part, à donner à l'État les moyens nécessaires à l'enrichissement des collections muséographiques.

Si les mesures proposées sont perfectibles, votre commission s'est félicitée de ces initiatives qui remédient à une lacune patente du projet de loi, qui laissait croire que le seul moyen de garantir la pérennité des collections était de s'arc-bouter sur les acquis du passé plutôt que d'assurer pour l'avenir, dans une perspective dynamique, les moyens de leur enrichissement.

Toutefois, au delà de cet aspect financier, le projet de loi adopté par l'Assemblée nationale conserve encore nombre des défauts du texte présenté par le gouvernement. Votre commission s'attachera à les gommer en freinant la tentation centralisatrice qui a inspiré le projet de loi mais également en favorisant une modernisation des modes de gestion des collections muséographiques.

I. UNE RÉFORME LONGUEMENT MÛRIE MAIS PEU ABOUTIE

A. ACTUALISER LE CADRE LÉGISLATIF APPLICABLE AUX MUSÉES

1. Prendre en compte une nouvelle conception du musée

Le projet de loi, qui nous est soumis, présente au moins un mérite, celui d'engager une réforme maintes fois repoussée.

En effet, l'élaboration de ce texte depuis longtemps annoncé, a connu une genèse longue et semble-t-il difficile au sein des services du ministère de la culture.

Une première tentative de réforme avait échoué : en effet, le projet de loi relatif aux musées, aux établissements publics territoriaux à vocation culturelle et aux restaurateurs du patrimoine déposé au Sénat le 21 janvier 1993 n'a jamais été inscrit à l'ordre du jour de la Haute Assemblée.

Depuis, les avant-projets et les ministres de la culture se sont succédés sans que le Parlement ait été saisi d'un nouveau texte.

Ce processus traduit sans doute la difficulté d'élaborer un cadre législatif unique, applicable à l'ensemble des musées, cela pour deux raisons : d'une part, l'absence d'une autorité unique exerçant la tutelle sur les musées relevant de l'Etat, et, d'autre part, l'importance prise en ce domaine par les initiatives des collectivités locales.

A l'évidence, le projet de loi qui nous est soumis prend acte de l'évolution qu'ont connu au cours des dernières années les musées plus qu'il n'inaugure une politique nouvelle.

En effet, les musées ont connu depuis les années 1970 une mutation profonde qui a conduit à modifier profondément leur place dans la vie culturelle de la Nation.

A la faveur des nombreux chantiers de rénovation et de la création de nouvelles institutions, s'est imposée une conception modernisée du musée, marquant l'aboutissement d'une volonté politique, née dès les années 1930 et relancée dans l'immédiat après-guerre, de faire des musées non seulement des instruments de conservation du passé mais également des lieux d'éducation ouverts à tous, vecteurs privilégiés d'une politique active de démocratisation culturelle. Cette conception s'est traduite tant dans les projets architecturaux que dans la présentation des collections.

Parallèlement, le champ couvert par les collections muséographiques s'est étendu à de nouvelles disciplines permettant de saisir l'histoire dans ses dimensions sociales, économiques ou techniques. Ainsi, par exemple, dans la voie ouverte par Georges-Henri Rivière et Henri Rivet à travers la création du musée des arts et traditions populaires, ont été créés nombre d'éco-musées ou de musées de sociétés.

A l'effort de l'Etat, engagé notamment dans le cadre des grands travaux, s'est ajouté le mouvement issu de la décentralisation qui a réveillé l'intérêt des collectivités locales pour leurs musées, intérêt quelque peu endormi depuis le XIXe siècle, période pendant laquelle les dépôts de l'Etat, relayés par l'activité déployée par les sociétés savantes, avaient permis d'essaimer la notion de musée, telle que définie pendant la Révolution, à travers l'ensemble du territoire.

Cette évolution qui n'a pas été propre à la France, la plupart des pays occidentaux connaissant également un renouveau de leurs musées, a rencontré la faveur du public.

Entre 1973 et 1997, dernière année connue, la proportion de Français fréquentant les musées est passée de 27  % à 33  %. Traduction d'une plus grande ouverture des musées, on relèvera notamment la progression de la fréquentation des jeunes de 15 à 19 ans, qui est passée de 38  % en 1989 à 44  % en 1997.

L'ensemble des musées français représentait une fréquentation annuelle estimée entre 52 et 53 millions de visiteurs en 2000. Les seuls musées nationaux accueillaient, la même année, 14 millions de visiteurs, contre 3 millions en 1960 et 5,7 millions en 1987.

2. Un cadre législatif mal adapté

Le développement sans précédent qu'ont connu les musées ne s'est pas accompagné d'une refonte du cadre législatif et réglementaire qui leur est applicable.

Les textes qui les régissent apparaissent aujourd'hui à la fois très hétérogènes et, pour certains d'entre eux, obsolètes.

En l'absence de règles qui leur soient communes, les musées de l'Etat et de ses établissements publics sont soumis aux textes réglementaires, décrets ou arrêtés, qui les instituent. On relèvera que certains d'entre eux sont régis par les seules règles de l'autorité dont ils dépendent : c'est le cas notamment des musées qui constituent de simples services de la collectivité publique propriétaire tels les trois musées que gèrent la Bibliothèque nationale de France (musée des arts du spectacle, musée de l'Opéra et musée du Cabinet des médailles) ou encore des musées d'université ou des nombreux musées de tradition militaire.

Les statuts de ces musées diffèrent profondément en fonction du ministère de tutelle mais également de leur mode d'organisation, selon qu'ils sont ou non dotés de la personnalité morale.

Ainsi, au sein des seuls musées nationaux, dont la liste est fixée par décret en vertu de l'article 3 de l'ordonnance n° 45-1546 du 13 juillet 1945 portant organisation provisoire des musées des beaux-arts, on recense vingt-deux institutions administrées directement par la direction des musées de France et cinq musées constitués sous forme d'établissements publics à caractère administratif pour des raisons liées à l'histoire de chaque institution, comme les musées Jean-Jacques Henner ou Gustave Moreau, ou à la volonté de leur autorité de tutelle de conférer un statut autonome aux plus prestigieux d'entre eux.

S'agissant des musées des collectivités locales et des musées privés, s'applique, outre un décret de 1948 1 ( * ) qui ne concerne que les seuls musées de sciences naturelles, l'ordonnance du 13 juillet 1945. Ce texte à vocation provisoire codifiait l'organisation administrative très simple des musées français qui s'était mise en place dès le XIXe siècle en confiant à la direction des musées de France, alors sous l'autorité du ministre de l'éducation nationale, l'administration des musées nationaux appartenant à l'Etat mais également un contrôle sur les musées qui ne lui appartenaient pas.

Cependant, l'ordonnance de 1945, qui a repris pour l'essentiel les principes définis dans des textes de 1941, ne s'applique qu'aux musées des beaux-arts, dont son article 2 donne toutefois une définition assez large : « toute collection permanente et ouverte au public d'oeuvres présentant un intérêt artistique, historique ou archéologique », qu'ils appartiennent « soit à des collectivités publiques autres que l'Etat, soit à toute autre personne morale ».

Ces musées sont répartis en deux catégories, d'une part, les musées classés -au nombre de 33- qui sont pour la plupart les héritiers des musées de province créés sous le Consulat et, d'autre part, les musées contrôlés -soit plus de 1 100 institutions. La distinction essentielle entre ces deux catégories réside dans la nature du contrôle qu'exerce l'Etat à leur endroit, plus étroit pour la première que pour la seconde.

En effet, à l'origine, l'ordonnance prévoyait que les conservateurs des musées classés étaient des fonctionnaires de l'Etat et que ces institutions étaient inspectées au moins une fois par an par les services d'inspection de l'Etat, alors que, bien que prévoyant dans son article 13 que les règles relatives à la qualification des personnels scientifiques des musées classés et contrôlés étaient définies par décret, elle n'imposait pas à ces derniers de telles contraintes, se bornant à désigner les services compétents pour procéder à leur inspection.

Au delà de ces différences, l'ordonnance de 1945 définit les modalités du contrôle exercé par l'Etat sur ces institutions, qu'elles soient classées ou contrôlées.

L'article 7 instaure un régime de déclaration pour tout projet de création d'un musée, la sanction de la méconnaissance de cette obligation étant la possibilité pour l'autorité de tutelle, alors le ministre de l'éducation nationale -aujourd'hui celui chargé de la culture- de prescrire la fermeture du musée. Le ministre approuve, en vertu de l'article 8, le règlement et la fixation des droits d'entrée tandis que l'article 9 impose à ces musées, préalablement à toute acquisition, de recueillir son avis.

Or, force est de constater que, du moins pour les musées appartenant à des collectivités territoriales, les lois de décentralisation ont rendu caduques beaucoup de ces dispositions.

Si la distinction entre musées classés et musées contrôlés a encore un sens aujourd'hui, notamment parce que la loi du 22 juillet 1983 a maintenu la possibilité de mise à disposition des collectivités territoriales de conservateurs du patrimoine de l'Etat pour exercer leurs fonctions dans les musées classés, les articles prévoyant les modalités du contrôle exercé par l'Etat sont pour la plupart abrogés de fait et, en tout état de cause, demeurent inappliqués.

Cependant, bien qu'elles aient reconnu aux collectivités territoriales compétence pour financer et organiser leurs musées, les lois de décentralisation n'ont pas pour autant été l'occasion de clarifier les modalités de la tutelle exercée par l'Etat sur ces institutions.

En effet, l'article L. 1423-1 du code général des collectivités territoriales soumet les musées des collectivités territoriales « au contrôle technique de l'Etat » mais le décret en fixant les modalités n'a jamais été pris par les différents gouvernements qui se sont succédé depuis lors.

Interrogé sur ce point par votre rapporteur, les services du ministère de la culture ont estimé que cet article ne constituait pas une base légale suffisante pour édicter un décret susceptible de porter atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales.

Au delà des musées gérés par des collectivités territoriales, on rappellera que l'ordonnance de 1945 s'applique à près de 150 musées privés, constitués pour la plupart d'entre eux sous la forme associative, qui se caractérisent également par une grande hétérogénéité de statuts.

Si on ne peut guère que constater le caractère obsolète et lacunaire de l'ordonnance de 1945, il faut bien admettre que ce texte a permis d'accompagner le développement qu'ont connu les musées au cours de ces dernières années.

Si elle n'a guère donné à la direction des musées de France les moyens de jouer le rôle d'impulsion qui lui a été assigné par les textes à l'égard des musées de l'Etat ne relevant pas de sa tutelle, l'organisation administrative conçue en 1945 a incontestablement favorisé la mise en place de rapports fructueux entre les musées territoriaux et les services de l'Etat et n'a en aucun cas freiné les progrès de la décentralisation culturelle en ce domaine.

Par ailleurs, bien que son champ d'application soit formellement limité aux seuls musées des Beaux-Arts, l'ordonnance n'a pas constitué un obstacle à la diversification des collections muséographiques ; on en voudra pour preuve l'inscription sur la liste des musées contrôlés de nombreux musées à vocation technique ou sociologique.

Au terme de ses travaux, votre rapporteur s'est interrogé sur l'opportunité de refondre entièrement un texte qui constituait un cadre à la fois souple et efficace en permettant de ne pas imposer des règles uniformes à l'ensemble des institutions muséographiques qui se caractérisent, on le rappellera au risque de lasser, par leur très grande diversité.

Il est apparu à votre rapporteur que les lacunes du droit des musées et la difficulté de concevoir une politique en ce domaine à l'échelon national résidaient plus dans l'extrême diversité des règles applicables aux musées relevant de l'Etat que dans le caractère obsolète de l'ordonnance de 1945 elle-même et dans la nécessité de réactualiser les conditions d'exercice de la tutelle de l'Etat sur les musées territoriaux et les musées privés.

B. UN PROJET DE LOI DÉCEVANT

1. Affirmer la vocation culturelle des musées

• Une préoccupation déjà ancienne

Au premier rang des trois objectifs poursuivis par le projet de loi figure la volonté de « placer le public au coeur de la vocation du musée ».

Pour louable qu'elle soit, cette préoccupation n'est pas nouvelle. L'exposé des motifs de l'ordonnance de 1945 lui assignait déjà, en des termes certes quelque peu datés, de « fixer les règles indispensables pour assurer la continuité (...) du contrôle et de l'aide de l'Etat qui sont la condition du relèvement de nos collections provinciales, appelées à jouer un rôle important de décentralisation artistique et d'éducation des populations de la France libérée ». Ces ambitions n'ont rien perdu de leur actualité.

Plus récemment, l'article premier de la loi de programme sur les musées n° 78-727 du 11 juillet 1978 précisait que la politique des musées devait « promouvoir une décentralisation et une répartition harmonieuse des réalisations sur le territoire national et permettre à tous la communion avec les témoins de la création artistique et culturelle ».

Les investissements réalisés depuis une trentaine d'années ont contribué à traduire dans la réalité ces principes en permettant aux musées de s'ouvrir au public et de développer leurs missions de médiation culturelle. A cette évolution, a contribué également un investissement plus important que par le passé des conservateurs dans les actions de diffusion culturelle. Comme le note M. Jacques Sallois, ancien directeur des musées de France dans un ouvrage qui leur est consacré 2 ( * ) : « En quelques années, l'image que les Français se font de la fréquentation des musées s'est aussi profondément transformée que celle que les musées se font d'eux-mêmes ».

A l'aune des progrès accomplis en ce domaine, les dispositions du projet de loi, de faible portée pratique, n'apparaissent guère novatrices.

• Des dispositions très modestes

Cet objectif de démocratisation ne se traduit, en effet, qu'à travers deux dispositions, d'une part l'énoncé à l'article 4 des missions des musées de France et, d'autre part, la définition par l'article 6 des principes généraux de leur politique tarifaire.

A la différence de l'ordonnance de 1945, le projet de loi ne se contente pas de définir les musées à travers leurs collections, mais énonce dans son article 4 les missions qui leur sont assignées.

Ces missions sont au nombre de quatre. Outre les fonctions de conservation du patrimoine et de contribution aux progrès de la connaissance, les musées ont pour obligation de rendre « leurs collections accessibles au public le plus large et de (les) exposer dans des espaces adaptés » ainsi que de « concevoir et de mettre en oeuvre des actions d'éducation et de diffusion visant à assurer l'égal accès de tous à la culture ».

L'article 4 prévoit que l'Etat, au titre du contrôle scientifique et technique qu'il exerce sur les musées de France, peut diligenter des missions d'inspection afin de vérifier que ces missions sont remplies.

Compte tenu de la définition très vague qu'en donne le projet de loi, on voit mal comment pourront être sanctionnés les manquements des musées à leurs missions, à moins de faire prévaloir une conception du contrôle de l'Etat qui ne serait guère compatible tant avec le principe de libre administration des collectivités territoriales qu'avec la liberté de gestion dont doivent jouir en vertu de leurs statuts les musées privés.

En prévoyant que les droits d'entrée des musées de France sont fixés de manière à favoriser l'accès du public le plus large aux collections, les dispositions de l'article 6 participent du même genre législatif. Là encore, le projet de loi n'apporte pas grand chose, la plupart des musées ayant d'ores et déjà pris l'initiative de mettre en place une modulation tarifaire destinée à élargir leurs publics.

Sur ce point, votre rapporteur ne contestera pas le souci du gouvernement de laisser les musées qui ne relèvent pas de l'Etat libres d'arrêter leurs tarifs et donc de déterminer les moyens d'ouvrir leurs collections au plus grand nombre, moyens qui diffèrent d'une institution à l'autre en fonction de son rayonnement, de la nature de ses collections ou de sa fréquentation.

Par ailleurs, il convient de souligner que les tarifs ne constituent pas le seul levier pour démocratiser l'accès aux musées. Les analyses plus fines de l'impact des mesures tarifaires pratiquées dans les musées nationaux, en particulier la gratuité dominicale une fois par mois, soulignent l'effet d'aubaine qui leur est attaché, l'augmentation de la fréquentation ne s'accompagnant pas automatiquement d'une diversification des publics.

La seule innovation introduite par le projet de loi réside dans la généralisation de la gratuité d'accès pour les mineurs de dix-huit ans à l'ensemble des musées relevant de l'Etat, mesure jusque là limitée aux musées nationaux et qui aurait pu être appliquée en l'absence de disposition législative spécifique.

En ce domaine, le projet de loi fait preuve d'une grande prudence, se contentant de prévoir une disposition de portée très limitée. A titre de comparaison, on rappellera qu'en Grande-Bretagne, a été récemment instauré un principe de gratuité pour l'ensemble des musées publics.

Il faut sans doute voir dans cette circonspection les effets des contraintes budgétaires qui pèsent sur les musées. On est donc loin d'une remise en cause de portée générale de la disposition de la loi de finances pour 1922 instaurant un droit d'entrée dans les musées nationaux qui avait été, lors des débats à la Chambre des députés, fort contestée au nom des principes républicains.

2. La définition de nouvelles relations entre l'Etat et les musées

Sur cet aspect du projet de loi, l'appréciation portée par votre rapporteur sera plus sévère.

En effet, le texte présenté par le gouvernement, au prétexte de fédérer et de rééquilibrer les relations entre l'Etat et les musées, favorise une uniformisation administrative qui ignore les acquis de la décentralisation.

Abrogeant les dispositions de l'ordonnance du 13 juillet 1945, le projet de loi substitue aux catégories qu'elles prévoyaient une appellation unique « musée de France », qui aura vocation à s'appliquer à l'ensemble des institutions muséographiques dont les collections présentent un intérêt public.

• Un régime fondé sur la libre adhésion ?

Cette appellation sera attribuée à la demande de la personne morale propriétaire des collections par le ministre de la culture, après avis d'une instance consultative nouvelle, le Conseil des musées de France.

Reprenant en cela à son compte la pratique administrative mais également la définition donnée par le Conseil international des musées (ICOM 3 ( * ) ) du musée en tant qu'« institution sans but lucratif », le projet de loi réserve cette appellation aux collections appartenant à l'Etat, à une personne morale de droit public ou à une personne morale de droit privé à but non lucratif.

Ce régime se veut en rupture avec la logique de l'ordonnance de 1945 selon laquelle c'était l'Etat qui définissait le champ de son contrôle. En effet, l'article 3 fonde l'application du régime prévu par le projet de loi sur la libre adhésion de la personne morale propriétaire des collections.

Toutefois, il convient de souligner que la procédure prévue par l'article 3 n'aura vocation à s'appliquer qu'à un petit nombre d'institutions, à savoir celles qui ne sont aujourd'hui ni classées ni contrôlées ou celles qui seront créées après l'entrée en vigueur de la loi.

En effet, par le jeu des dispositions transitoires prévues à l'article 14, les musées nationaux, les musées de l'Etat créés par décret ainsi que les musées actuellement classés recevront l'appellation dès la publication de la loi. S'agissant des musées contrôlés -soit plus de 1 100 institutions- ils deviendront « musées de France » à l'issue d'un délai d'un an à compter de la publication de la loi, ce délai permettant au ministre ou au propriétaire des collections de s'opposer, dans des conditions strictement encadrées, à l'attribution du label. Cependant, ces cas d'opposition seront très rares. En conséquence, le régime prévu par le projet de loi devrait s'appliquer automatiquement à l'ensemble des musées actuellement soumis au contrôle de l'Etat.

Faut-il en conclure, pour cette raison, que le texte ne modifie guère le droit existant ? Votre rapporteur ne le pense pas. En effet, l'appellation « musée de France » soumet les institutions à qui elle est octroyée à un contrôle de l'Etat plus contraignant que celui prévu par l'ordonnance de 1945, qui avait été largement écorné par les lois de décentralisation.

A cet égard, le statut proposé aux musées par le projet de loi apparaît comme le moyen pour l'Etat, et plus particulièrement pour les services du ministère de la culture, de restaurer une autorité mise à mal.

Le projet de loi permet, en effet, aux services du ministère de la culture d'exercer un contrôle très minutieux, voire tatillon, sur les musées des collectivités territoriales et les musées privés.

Ce contrôle n'est plus seulement qualifié de « technique » comme le prévoyait l'article L. 1423-1 du code général des collectivités territoriales mais également de « scientifique ». Les dispositions de l'ordonnance de 1945 encore en vigueur sont reprises. Ainsi, dans l'esprit de son article 13, l'article 5 du projet de loi prévoit que les compétences exigées des responsables scientifiques des musées de France seront définies par décret en Conseil d'Etat. A l'image de ce que prévoyait l'article 9 de l'ordonnance de 1945 pour les musées classés et contrôlés, les acquisitions des musées de France devront être précédées d'un avis de l'Etat, avis qui ne sera plus formellement émis par le ministre mais par les services du ministère de la culture.

Par ailleurs, le projet de loi va au delà, en conférant à l'Etat la responsabilité de définir les qualifications exigées des professionnels auxquels seront confiés les travaux de restauration des biens appartenant aux musées de France (article 11) ou encore les conditions de prêt et de dépôt de leurs collections (article 10). De même, il pose de nouvelles contraintes administratives en soumettant les restaurations, comme les acquisitions, à un avis des services de l'Etat dont on perçoit au demeurant mal le fondement dans la mesure où il ne lie pas le propriétaire et où il sera émis par les directions régionales des affaires culturelles, qui ne disposent pas des compétences qui auraient pu justifier leur consultation.

La création d'une nouvelle instance consultative, le Conseil de musées de France, dont l'objet est, selon les termes de l'exposé des motifs, de « fédérer les différentes familles de musées », ne constitue pas un moyen de se prémunir contre les risques d'un renforcement des prérogatives de l'Etat, le projet de loi ne lui permettant guère d'affirmer son indépendance.

Le Conseil consulté essentiellement dans le cadre des procédures d'octroi de l'appellation, mais dont les avis ne lient pas l'autorité administrative, devrait compter, selon les informations fournies à votre rapporteur, entre 30 et 40 membres, au sein desquels les responsables scientifiques des musées occuperont une place prépondérante. Cette composition en alourdissant son fonctionnement et en conférant un caractère largement formel à ses délibérations, risque fort d'en faire un alibi commode destiné à conférer une plus grande légitimité aux décisions des services.

La volonté de fédérer l'ensemble des musées de France se traduit en pratique par un statut uniforme et contraignant, mal adapté à la diversité des institutions muséographiques. On voit mal quel profit pourront tirer les musées de ce label. Le texte se borne à définir les obligations des musées sans préciser celles de l'Etat. Tout au plus, peut-on imaginer que le ministère de la culture n'apportera son soutien qu'aux musées ayant obtenu l'appellation ? A cet égard, ce système risque de reproduire les dérives auxquelles a donné lieu l'application de la loi du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques. En effet, aujourd'hui, si l'Etat multiplie les décisions de classement, les moyens budgétaires dont il dispose ne lui permettent plus de subventionner les travaux comme par le passé et le classement se résume aujourd'hui à imposer aux propriétaires des charges financières et des contraintes administratives.

En effet, au-delà des réticences de principe qu'appelle un dispositif qui opère une « recentralisation » de la politique des musées, votre rapporteur s'est interrogé sur les moyens dont disposera le ministère de la culture pour réaliser ses ambitions en ce domaine en l'absence d'un renforcement de ses effectifs et de ses crédits budgétaires, d'autant plus qu'en l'état actuel des textes, la direction des musées de France peine déjà à assurer sa mission de contrôle.

A cet égard, la disposition la plus édifiante du projet de loi consiste sans doute dans le régime de protection des oeuvres menacées de péril prévu par l'article 12 qui confie à l'Etat la responsabilité de veiller à l'intégrité des collections des musées de France. Compte tenu de la situation particulièrement alarmante de certains musées de l'Etat, à l'image du Muséum national d'histoire naturelle ou encore du musée des monuments français, on voit mal comment un tel mécanisme pourra être mis en oeuvre.

Ce souci de conforter les prérogatives de l'Etat est d'autant plus contestable que le projet de loi n'ébauche aucune évolution s'agissant de la gestion des musées nationaux, dont les lacunes ont pourtant été soulignées à maintes reprises, et notamment par la Cour des comptes dans le cadre d'un rapport public particulier publié en février 1997 4 ( * ) .

Par ailleurs, il ne confère pas non plus à la direction des musées de France les moyens d'exercer un rôle de direction et d'impulsion sur les musées de l'Etat, autres que les musées nationaux. En effet, le projet de loi sur ce point ne modifie guère l'organisation administrative résultant de l'ordonnance de 1945 dans la mesure où il maintient ces musées sous leurs tutelles ministérielles spécifiques.

3. Renforcer le régime de protection applicable aux collections des musées

Dans le souci d'en garantir l'intégrité et d'en assurer la pérennité, le projet de loi définit le statut des collections des musées de France.

En ce domaine, le texte tend à renforcer les garanties existantes telles qu'elles résultent des textes, s'agissant des musées appartenant à des collectivités publiques, ou de la pratique administrative, s'agissant des musées privés.

Au bénéfice de l'affirmation d'un principe d'inaliénabilité, a été écartée une conception plus moderne et plus dynamique de la gestion des collections, conception qui aurait certes exigé une remise en question d'une des règles fondamentales de gestion des collections muséographiques.

• L'affirmation d'une inaliénabilité absolue des collections publiques

En l'état actuel du droit et en l'absence de règles qui leur soient propres, dans la mesure où elles sont la propriété d'une personne publique et sont affectées à l'usage du public ou à l'exécution d'un service public, les collections muséographiques appartiennent au domaine public de la collectivité propriétaire, ce qui emporte comme conséquence leur imprescriptibilité et leur inaliénabilité.

Il s'agit de l'application des règles de droit commun de la domanialité publique qui figurent, pour les biens appartenant à l'Etat, à l'article L. 52 du code du domaine de l'Etat et, pour les biens appartenant aux collectivités territoriales, à l'article L. 1311-1 du code général des collectivités territoriales.

En disposant que les collections publiques sont inaliénables, l'article 8 du projet de loi va au delà et affirme un principe d'inaliénabilité de portée absolue.

En effet, le projet de loi accorde à ces collections au regard de l'intérêt qu'elles représentent pour la Nation une protection supplémentaire et spécifique par rapport à celle attribuée à l'ensemble des biens composant le domaine public en faisant de leur caractère inaliénable la conséquence non pas de leur affectation à l'usage du public ou à un service public mais de leur nature même de collections muséographiques.

A la différence des premiers dont l'appartenance au domaine public n'est pas irrévocable et dépend du maintien de leur affectation, les collections muséographiques ne pourront être déclassées.

Afin d'éviter toutefois de figer à l'excès les collections publiques, l'article 8 prévoit un dispositif permettant à une personne publique de transférer la propriété de tout ou partie de ses collections à une autre personne publique si cette dernière s'engage à en maintenir l'affectation à un musée de France, situation qui jusqu'ici supposait une décision de déclassement.

Un tel dispositif consacre un mode de gestion des musées qui sanctuarise leurs collections en vue de les transmettre inchangées aux générations futures. Il s'agit là à l'évidence d'une conception très conservatrice qui ne tient compte ni de la diversification des collections ni de l'évolution de la conception du musée.

En effet, si un tel principe se conçoit aisément pour les musées des beaux-arts, domaine où les réévaluations et les relectures historiques sont fréquentes, il se justifie moins pour des institutions à vocation scientifique ou technique dont les collections doivent tenir compte des progrès de la connaissance. Par ailleurs, le musée ne se réduit plus désormais à la seule mission de conservation ; cette évolution conjuguée à une certaine spécialisation des collections muséographiques, résultat de leur multiplication, exige des conservateurs une conception plus dynamique de leurs collections, qui peut impliquer des cessions dans la perspective d'accroître leur cohérence. Au-delà, ce principe d'inaliénabilité soulève des interrogations sur sa compatibilité avec le principe de libre administration des collectivités territoriales dans la mesure où il impose une contrainte de gestion très forte à leurs musées.

• Le statut des collections privées : des garanties excessives ?

Les règles prévues par le projet de loi pour assurer la pérennité des collections des musées de France privés participent d'une conception, dont votre rapporteur ne pourra que souligner le caractère largement dépassé, selon laquelle l'Etat est le seul gardien du patrimoine national.

L'article 8, qui n'est guère contestable lorsqu'il leur étend le bénéfice des règles de l'imprescriptibilité et de l'insaisissabilité, limite, de manière excessive, les possibilités de cession de ces collections en prévoyant un statut de quasi-inaliénabilité.

En effet, l'article 3 exige pour l'octroi de l'appellation « musée de France » à ces institutions la présence dans leurs statuts d'une clause d'affectation irrévocable de leurs collections à la présentation au public. L'article 8 en définit la portée en précisant que leurs propriétaires ne pourront les céder, en tout ou partie, à titre gratuit ou onéreux, qu'aux personnes publiques ou aux personnes morales de droit privé à but non lucratif qui se seront engagées au préalable à maintenir l'affectation de ces collections à un musée de France.

Le projet de loi enserre donc la gestion des musées dans un cadre très strict, qui leur interdit de se défaire sur le marché de biens appartenant à leurs collections pour faire face à leurs besoins de fonctionnement, pour engager des investissements ou encore pour renforcer la cohérence de ces collections.

Par ailleurs, en restreignant les possibilités de cessions aux seuls musées, l'article 8 dévalue le patrimoine des musées privés : en effet, les cessions qu'il prévoit ne se feront pas au prix du marché.

En forçant le trait, on pourrait analyser ce dispositif comme condamnant à terme tout musée privé à être intégré dans les collections publiques.

Certes, il est toujours possible de justifier un tel dispositif par le fait que les musées privés auront consenti à cette diminution de leurs droits de propriété en sollicitant le label et qu'aujourd'hui, en pratique, les statuts des musées associatifs comportent des clauses comparables.

Cependant, il n'encouragera guère les musées privés à solliciter l'attribution du label « musée de France » et, à ce titre, ne pourra que freiner le partenariat entre les institutions publiques et les structures issues de l'initiative privée. S'illustre là la difficulté qu'éprouvent les conservateurs et, au delà, la direction des musées de France à concevoir d'autres modes de gestion d'une collection muséographique mais également leur réticence à encourager la création de musées privés qui, s'ils se multipliaient, risque à vrai dire écarté par le projet de loi, seraient susceptibles d'éclipser les collections publiques.

On se heurte ici à une des limites d'une action en faveur de la relance du mécénat ; les services de l'Etat ne conçoivent la contribution de la sphère privée à la politique des musées que strictement encadrée. En encourageant ce tropisme, le projet de loi ne participe guère d'une volonté de rénover la politique des musées.

Cette critique est accentuée par le fait que le projet de loi ne traite des collections que pour en garantir l'intégrité, ne prévoyant aucune disposition permettant d'accroître les moyens dont disposent les musées pour enrichir leurs fonds. Le texte s'arc-boute sur le passé sans garantir l'avenir.

II. LA POSITION DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE : COMBLER LES LACUNES DU PROJET DE LOI

A. RÉÉQUILIBRER LES RELATIONS ENTRE L'ÉTAT ET LES MUSÉES DE FRANCE

Lors des débats à l'Assemblée nationale, s'est faite jour la préoccupation de veiller à ce que l'appellation « musée de France » ne se traduise pas par un renforcement excessif des prérogatives de l'Etat sur les musées territoriaux et les musées privés.

Mais les modifications introduites par l'Assemblée nationale n'atténuent qu'à la marge les effets centralisateurs de la nouvelle organisation administrative des musées voulue par le gouvernement.

1. Préciser les conditions de retrait de l'appellation

L'Assemblée nationale a souhaité préciser les conditions de retrait de l'appellation.

En effet, l'article 3, s'il précise les conditions d'octroi de l'appellation, ne prévoit pas les modalités de son retrait. En l'absence de dispositions expresses, ce retrait ne pourrait donc intervenir, en application du principe du parallélisme des procédures, que dans le cas où la conservation et la présentation au public des collections cessent de revêtir un intérêt public, hypothèse qui vraisemblablement ne se vérifiera que rarement.

Dans la logique d'un label librement consenti, l'Assemblée nationale a complété la rédaction de l'article 3, contre l'avis du gouvernement, afin de prévoir deux cas : d'une part, le retrait de l'appellation par l'Etat et, d'autre part, le retrait à l'initiative du propriétaire.

Si ces dispositifs permettent d'atténuer le caractère irrévocable de la qualité « musée de France », ils n'en sont pas pour autant satisfaisants.

S'agissant du retrait à l'initiative du ministère de la culture, deux procédures sont envisagées : celle où les collections perdent leur intérêt public, qui ne sera que peu appliquée mais qui mérite toutefois d'être prévue, et celle où le propriétaire ne remplit pas ses obligations légales, dont on ne voit guère l'intérêt. En effet, quels sont les avantages à attendre d'un retrait-sanction ? Si les carences du propriétaire résultent de difficultés rencontrées dans la gestion du musée, il semblerait plus judicieux alors pour assurer la pérennité des collections que l'Etat lui apporte son soutien technique ou financier. Dans le cas où le non-respect de la loi résulte de la mauvaise volonté du propriétaire, prévoir le retrait de l'appellation semble la pire des solutions : ce dernier est alors incité à se dégager de ses obligations puisqu'il suffit qu'il y manque pour ne plus y être soumis.

Le principe de retrait de l'appellation à l'initiative des propriétaires doit figurer dans la loi ; toutefois la procédure prévue par l'Assemblée nationale encourt plusieurs griefs. La demande de retrait peut être formulée un an après l'octroi de l'appellation, délai qui semble un peu court et de nature à favoriser les demandes de label fondées par la seule perspective des avantages, fiscaux notamment, qui pourraient y être attachés. Par ailleurs, elle ne précise pas si le ministre dispose ou non d'une compétence discrétionnaire pour retirer l'appellation.

2. Un contrôle de l'Etat négocié ?

A l'occasion de l'examen de l'article 4 du projet de loi, relatif au contrôle exercé par l'Etat sur les musées de France, M. Alfred Recours, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale, estimait nécessaire « de renforcer la clarification des relations entre l'Etat et les musées décentralisés ».

Sur sa proposition, mais contre l'avis du gouvernement, l'Assemblée nationale a souhaité compléter la rédaction de cet article afin de prévoir que pour les musées dont les collections n'appartiennent pas à l'Etat ou à un de ses établissements publics, l'attribution de l'appellation « musée de France » est suivie de la signature d'une convention entre l'Etat, le musée et la personne morale propriétaire.

L'objet de cette convention est très large puisqu'elle doit préciser les conditions de réalisation des missions énoncées par le projet de loi et de mise en oeuvre des dispositions de la loi.

Cette disposition va dans le bon sens en tempérant le caractère uniforme du modèle imposé par le projet de loi et en ouvrant la voie à une application différenciée de ses dispositions en fonction de la spécificité de chacun des musées de France.

Toutefois, elle risque de produire des effets contraires à ceux escomptés. En effet, en imposant une obligation de contracter, alors que le label a été attribué, et qu'il est de facto irrévocable, du moins pour les musées classés et contrôlés existants, les collectivités territoriales risquent de se retrouver dans une situation peu favorable à l'élaboration de relations contractuelles équilibrées dans la mesure où elles ne disposeront pas de la possibilité de les rompre et où les musées souhaitant obtenir le soutien de l'Etat sous une forme ou sous une autre, laisseront les services de l'Etat imposer leurs conditions.

Par ailleurs, ces conventions ne pourront pas écarter l'application des dispositions de la loi relatives au contrôle exercé par l'Etat qui, il importe de le souligner, n'ont pas été assouplies par l'Assemblée nationale.

B. ENCOURAGER LA MODERNISATION DE LA GESTION DES MUSÉES

1. Mieux définir la mission de service public des musées

Comme l'a souligné plus haut votre rapporteur, si l'exposé des motifs fixe au projet de loi comme objectif de placer le public au coeur du musée, force est de constater qu'il ne trouve guère sa traduction dans ses dispositions.

Dans la perspective de combler cette lacune, l'Assemblée nationale a introduit, avec des bonheurs divers, des dispositions destinées à doter les musées des moyens leur permettant d'assumer leur mission de diffusion culturelle.

On regrettera que ces dispositions conduisent pour la plupart d'entre elles à imposer aux musées des contraintes administratives nouvelles, qui ne les aideront guère à remédier à l'insuffisant développement de leur action éducative.

Au rang de ces dispositions, figure l'extension du champ de l'article 5 aux responsables des activités culturelles des musées de France qui devront, comme les conservateurs, présenter des qualifications définies par décret en Conseil d'Etat. En effet, est-il opportun de figer la définition des compétences de ces personnels qui doivent avant tout faire preuve d'une capacité de renouvellement et d'un esprit d'initiative que ne pourront garantir ni l'existence de corps spécifiques ni l'exigence de diplômes, dont on imagine au demeurant mal la nature, compte tenu de la diversité de la formation des personnels actuellement en poste comme de la nécessité de disposer d'un vivier de compétences aussi large que possible ? Par ailleurs, une telle disposition ne permettra pas en tout état de cause de surmonter l'obstacle que constitue le manque de personnels dont souffrent actuellement les musées. S'agissant des collections publiques, si des corps nouveaux sont créés, on peut craindre que les recrutements soient peu nombreux pour des raisons budgétaires. Pour les musées privés, les contraintes financières demeureront inchangées.

De même, l'Assemblée nationale a introduit à l'article 6 une disposition obligeant chaque musée de France à disposer d'un service des publics. Mais l'organe crée-t-il la fonction ? Par ailleurs, cette disposition crée une charge supplémentaire qui, pour certains musées de dimensions modestes, semble disproportionnée avec le bénéfice à en attendre.

L'Assemblée nationale a également tenu à faire mention dans le projet de loi du rôle joué par les sociétés d'amis de musées en introduisant un article 6 bis donnant la possibilité aux musées « d'établir, sous forme de convention, des relations de partenariat avec les personnes morales de droit privé à but non lucratif qui se fixent pour objet de contribuer au soutien et au rayonnement des musées de France ». Cette disposition n'apporte pas grand chose dans la mesure où, en l'absence de dispositions législatives, de telles conventions pouvaient déjà être signées. Votre rapporteur souhaite cependant qu'elle puisse encourager l'action de ces associations qui apportent souvent une contribution déterminante au rayonnement des musées, mais soit également l'occasion de clarifier les relations entre ces dernières et les institutions qu'elles soutiennent.

Par ailleurs, l'Assemblée nationale a adopté des dispositions qui, si elles constituent des mesures d'affichage dépourvues de réelle portée normative, traduisent le souci de voir les musées assumer l'ensemble des missions que leur assigne la loi.

Ainsi, l'article 5 bis et l'article 6 quater visent, respectivement, à encourager l'établissement de conventions de coopération entre les musées de France et les établissements publics de recherche ou d'enseignement supérieur et à favoriser la constitution de réseaux géographiques, scientifiques et culturels entre les musées de France, objectifs dont votre rapporteur soulignera la pertinence.

2. Assouplir le statut des collections publiques

L'exception au principe d'inaliénabilité des collections publiques prévue par l'Assemblée nationale pour les oeuvres d'art contemporain est sans doute une des dispositions les plus controversées du texte qui nous est transmis.

Suivant les propositions de sa commission des affaires culturelles, familiales et sociales et de M. Michel Herbillon, mais contre l'avis du gouvernement, l'Assemblée nationale a complété l'article 8 du projet de loi afin de préciser que « les oeuvres des artistes vivants (entrées dans les collections publiques) ne deviennent inaliénables qu'à l'issue d'un délai de trente ans à compter de l'acquisition ».

Selon les auteurs de l'amendement, cette disposition vise, d'une part, à remédier « au problème de l'encombrement des réserves des musées » et, d'autre part, à « f avoriser la création contemporaine en permettant aux oeuvres de « tourner » plus aisément et aux musées d'en acquérir davantage plutôt que de se voir pénalisés par un encombrement interdisant l'achat de nouvelles oeuvres d'autres artistes contemporains ».

Cette disposition présente incontestablement le mérite d'avoir ouvert un débat jusque là occulté par les services de l'Etat et le corps des conservateurs au nom de l'intégrité des collections muséographiques.

Votre rapporteur estime souhaitable pour sa part de remettre en cause le principe d'infaillibilité des décisions d'acquisition.

Sans préconiser une révolution et un changement brutal des règles du jeu, il convient de réfléchir à une alternative à l'inaliénabilité des collections publiques, qui conduit à les figer pour l'éternité. Quelles que soient les garanties dont elles sont entourées, l'erreur est indissociable des décisions d'acquisition.

Certes, certains arguent que ces cessions conduiraient les conservateurs à peser sur le marché mais leurs acquisitions ont le même effet, et personne n'y trouve à redire, surtout s'agissant de la création contemporaine.

Par ailleurs, comme l'a déjà souligné plus haut votre rapporteur, pour certaines collections à vocation technique ou scientifique, l'inaliénabilité constitue une réelle entrave à leur gestion.

Toutefois, l'exception prévue par l'Assemblée nationale ne semble guère satisfaisante car c'est peut être dans le domaine contemporain que l'inaliénabilité se justifie le plus.

En effet, les revirements du goût, déjà fréquents pour des oeuvres plus anciennes, sont la règle pour l'art contemporain. Le risque est donc de voir les musées se défaire d'oeuvres qui n'auraient plus la faveur du public à des prix forcément bas, ce qui aurait une incidence négative sur la cote des artistes alors qu'elles sont susceptibles, quelques années plus tard, de connaître une nouvelle appréciation.

Par ailleurs, l'argument fondé sur l'encombrement des réserves ne tient guère car, s'il est valable pour les fonds régionaux d'art contemporain (FRAC), qui ne sont pas visés par le projet de loi, il ne l'est pas pour les musées qui, malheureusement, ne possèdent que peu d'oeuvres contemporaines.

3. Simplifier le régime des fondations d'entreprise

A l'initiative du gouvernement, a été introduit par l'Assemblée nationale un article 18 qui procède à un assouplissement bienvenu du régime des fondations d'entreprise.

Renvoyant à l'examen des articles pour leur analyse détaillée, votre rapporteur indiquera que ses dispositions reprennent pour l'essentiel les préconisations de l'étude conduite à la demande du Premier ministre par le Conseil d'Etat en 1998 5 ( * ) , en procédant à un toilettage dix ans après son adoption de la loi du 4 juillet 1990 qui a complété la loi du 23 juillet 1987 afin d'y introduire un statut des fondations d'entreprise.

La modification essentielle proposée par le projet de loi consiste dans la suppression de l'obligation de constituer une dotation initiale comme condition de la création d'une fondation d'entreprise. En effet, cette exigence empruntée au statut des fondations reconnues d'utilité publique ne se justifie pas dans la mesure où l'article 19-7 de la loi de 1987 prévoit que les versements représentant les engagements pluriannuels de la fondation sont garantis par une caution bancaire.

Les autres dispositions prévues par l'article 18 procèdent d'un souci de simplification administrative qui devrait permettre de faciliter la gestion des fondations d'entreprise, qui, on le rappellera, sont encore peu développées et n'interviennent que rarement dans le domaine culturel.

C. RENFORCER LES MOYENS D'ACQUISITION DES MUSÉES

Comme le soulignait M. Alfred Recours au cours de la discussion générale, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales « a voulu élaborer (...) un plan fiscal pour soutenir les musées de France », plan que semble-t-il la ministre de la culture n'avait pas pu ou voulu proposer.

Les dispositions fiscales introduites par l'Assemblée nationale poursuivent deux objectifs : d'une part, favoriser le mécénat en faveur des musées et, d'autre part, dégager de nouvelles recettes pour l'acquisition des biens culturels faisant l'objet d'un refus de certificat en vertu de l'article 7 de la loi du 31 décembre 1992 6 ( * ) .

1. Relancer le mécénat

L'Assemblée nationale a souhaité saisir l'occasion de l'examen du projet de loi pour tenter de relancer le mécénat culturel dont l'atonie constitue une particularité française.

Les mesures fiscales adoptées par l'Assemblée nationale qui figurent aux articles 15 bis à 15 sexies se répartissent en deux catégories, en fonction de leur finalité : en premier lieu, celles visant à faire bénéficier les musées de France des avantages fiscaux prévus pour les dons effectués au profit d'organismes d'intérêt général par les articles 200 et 238 bis du code général des impôts et, en second lieu, celles destinées à assouplir les dispositifs destinés à inciter les entreprises à acquérir des oeuvres d'art.

S'agissant des premières, les articles nouveaux, au mieux ne modifient pas le droit existant et, au pire, le compliquent.

En effet, la réduction d'impôt pour les dons effectués par des particuliers comme la déductibilité des dons effectués par les entreprises prévues respectivement par les articles 200 et 238 bis du code général des impôts bénéficient, en l'état actuel des textes, aux musées, quels que soient leurs statuts.

La rédaction retenue par l'article 15 bis afin de prévoir expressément le cas des dons effectués à l'Etat sous forme d'oeuvres soulève plus de difficultés qu'elle n'en résout alors même que ces dons étaient déjà éligibles à l'avantage prévu par l'article 200 du code général des impôts, comme au demeurant les dons effectués au profit de souscriptions ouvertes pour financer l'achat d'oeuvres d'art destinées à enrichir les collections d'un musée, visés par l'article 15 ter. En effet, elle prévoit des conditions plus restrictives pour l'octroi de l'avantage fiscal et introduit une confusion sur le régime fiscal de ces dons.

L'article 15 sexies tend à compléter l'article 238 bis du code général des impôts, afin de prévoir que les dons effectués par des entreprises dans le cadre de souscriptions sont éligibles au régime de déductibilité qu'il prévoit pour les dons effectués au profit des fondations ou associations reconnues d'utilité publique. Mais il aurait pour effet de compliquer encore les modalités d'application de cet article aux dons versés aux musées en ajoutant au critère lié au statut du musée, un nouveau critère fondé sur la nature du don.

A l'évidence, ces modifications risquent par la confusion qu'elles introduisent dans des dispositifs jusque là très simples et de portée générale, de produire un effet contraire à celui escompté, en décourageant les donateurs.

Au delà, l'Assemblée nationale a tenté de rendre plus attractifs les articles 238 bis OA et 238 bis AB qui visent respectivement à inciter les entreprises à acheter des oeuvres d'art en vue de les donner à l'Etat et à constituer des collections d'art contemporain.

L'article 15 quater modifie la rédaction de l'article 238 bis AB pour diminuer la durée d'amortissement fiscal des sommes consacrées à l'achat d'oeuvres d'artistes vivants qui, déjà réduite à dix ans en 1993, est désormais portée à 5 ans. On peut s'interroger sur l'impact d'une telle disposition. Certes, elle accroît significativement le montant de l'avantage fiscal procuré mais elle ne permettra sans doute pas de surmonter la réticence des entreprises, en dépit du caractère déjà très favorable de ce régime, à constituer des collections d'art contemporain.

Par ailleurs, l'article 15 quinquies simplifie le mécanisme de l'article 238 bis OA qui prévoit pour les entreprises qui achètent des oeuvres en vue de les donner à l'Etat la possibilité de déduire du montant de leur bénéfice imposable leur valeur d'acquisition. En effet, est supprimée l'obligation faite à l'entreprise de présenter au public l'oeuvre ainsi acquise, obligation qui s'avérait particulièrement contraignante. Il s'agit là d'une mesure de simplification bienvenue mais qui à elle seule ne devrait pas inciter les entreprises à recourir plus souvent à ce dispositif, qu'elles jugent très compliqué.

A l'évidence, ces dispositions ne sont guère de nature à accroître significativement la contribution du mécénat à l'enrichissement des musées.

Cette analyse conduit donc à donner tout son sens aux mécanismes adoptés par l'Assemblée nationale afin d'accroître les ressources budgétaires destinées à l'acquisition des trésors nationaux.

2. Dégager les ressources nécessaires à l'acquisition des trésors nationaux

Avec le souci de répondre au lancinant problème de l'insuffisance des crédits destinés à assurer le maintien sur le territoire national de notre patrimoine, auquel le projet de loi déposé par le gouvernement n'apportait pas de solution, l'Assemblée nationale a institué un prélèvement de 1 % sur le produit brut des jeux dans les casinos afin de dégager des recettes fiscales supplémentaires pour financer l'acquisition des trésors nationaux.

Votre rapporteur se félicite de cette initiative destinée à permettre au dispositif législatif de protection du patrimoine national institué par la loi de 1992 de fonctionner dans des conditions satisfaisantes en remédiant à l'insuffisance chronique des crédits d'acquisition du ministère de la culture et aux dysfonctionnements des mécanismes de financement des achats d'oeuvres d'art par les musées, qu'il s'agisse du fonds du patrimoine ou du système de mutualisation organisé par la Réunion des musées nationaux.

Toutefois, votre rapporteur soulignera les limites d'un tel dispositif.

La première réside dans les dispositions de l'article 18 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 qui réserve au gouvernement l'initiative de l'affectation de recettes à certaines dépenses.

Certes, l'article 15 octies prévoit le dépôt sur le bureau des assemblées d'un rapport du gouvernement « étudiant la possibilité d'affecter une partie des recettes issues du produit brut des jeux dans les casinos sur un compte d'affectation spécial destiné à financer l'acquisition des trésors nationaux ». Mais cette disposition ne permet que d'afficher dans la loi l'objet de ce nouveau prélèvement.

En effet, l'Assemblée nationale, si elle a pu créer une nouvelle imposition ne peut, sans l'accord du gouvernement, procéder à l'affectation de son produit aux dépenses d'acquisition d'oeuvres d'art, et encore moins en prévoir le cadre comptable.

La seconde tient dans le montant des sommes susceptibles d'être ainsi dégagées.

Le rapporteur de l'Assemblée nationale avait estimé à 600 millions de francs le rendement du prélèvement institué par l'article 15 septies. Il semble nécessaire de revoir cette évaluation. En effet, d'après les informations communiquées par le ministère des finances, le produit brut des jeux dans les casinos s'élevait en 2000 à 11,3 milliards de francs. En supposant que le prélèvement s'applique à la fois aux produits des jeux traditionnels et aux produits des machines à sous, les recettes dégagées par ce prélèvement avoisineraient donc 113 millions de francs. Cette estimation tempère les critiques qui pourraient être formulées sur l'opportunité d'une augmentation inconsidérée des crédits d'acquisition. Par ailleurs, ce prélèvement, en permettant un quasi-doublement des crédits d'acquisition destinés aux musées, qui passeraient ainsi de 160 millions de francs à 270 millions de francs, s'avère adapté au montant qu'il est nécessaire de dégager pour acquérir les trésors nationaux.

III. LES MODIFICATIONS PROPOSÉES PAR VOTRE COMMISSION

La mutation qu'ont connue les musées au cours des trois dernières décennies exigeait sans doute que le cadre législatif fixé par l'ordonnance du 13 juillet 1945 soit adapté aux nouvelles contraintes de leur gestion et à la diversification de leurs collections.

Au delà, il convenait de tenir compte des acquis de la décentralisation qui imposait de revoir la logique de ce texte selon laquelle l'Etat définit lui-même le champ de son contrôle.

Cependant, force est de constater que le projet de loi ne prend pas ces exigences en compte ; la réforme proposée par le gouvernement déçoit car elle ne réalise pas une rénovation en profondeur de l'organisation administrative des musées.

Les aménagements proposés par l'Assemblée nationale, s'ils ont certes permis de combler certaines lacunes du projet de loi, ne permettent pas d'infléchir cette appréciation.

A. FREINER LA TENTATION CENTRALISATRICE

L'Assemblée nationale n'a modifié qu'à la marge le champ du contrôle exercé par l'Etat sur les musées de France.

A cet égard, votre commission a estimé nécessaire de restreindre les prérogatives dévolues à l'autorité administrative afin de prendre en compte la diversité des institutions muséographiques mais également de renforcer le caractère contractuel de l'appellation « musées de France » afin de garantir que le statut proposé par la loi ne soit pas imposé par l'Etat mais librement consenti par les musées.

1. Limiter le contrôle de l'Etat

? L'article 4 du projet de loi donne une définition très large car très vague du contrôle « scientifique et technique » exercé par l'Etat sur les musées de France, définition que l'Assemblée nationale n'a pas modifiée.

Afin d'éviter qu'en l'absence de précisions législatives, le pouvoir réglementaire ne retienne une conception extensive, votre commission vous proposera de limiter ce contrôle aux seules modalités prévues par la loi. La rédaction très générale retenue par le texte transmis par l'Assemblée nationale risquait, en effet, de conduire pour les musées territoriaux à une « recentralisation » qui n'est pas plus souhaitable que réalisable et pour les musées privés, à une mainmise des services de l'Etat sur leur gestion incompatible avec leur statut.

Par ailleurs, votre commission a estimé nécessaire de limiter les prérogatives confiées à l'Etat par la loi afin de circonscrire le contrôle qu'il exercera sur les musées de France. C'est en ce domaine une conception pragmatique de la politique des musées qui a guidé votre commission. En effet, compte tenu des difficultés qu'éprouve d'ores et déjà, la direction des musées de France à assurer la gestion des musées nationaux, il ne semble pas opportun de multiplier les sujétions imposées aux musées, sujétions qui en l'absence d'un renforcement des moyens dont dispose en ce domaine le ministère de la culture risquent au mieux de ne pas être appliquées et au pire de se traduire par des formalités administratives sans objet.

Votre commission a donc souhaité supprimer les dispositions imposant aux musées des contraintes infondées.

C'est le cas de l'article 10 prévoyant qu'un décret en conseil d'Etat fixe les règles des prêts et des dépôts des collections des musées de France. S'il est légitime que l'Etat détermine les modalités des prêts et dépôts de ses propres collections, ce qui est déjà le cas aujourd'hui à travers les dispositions du décret du 3 mars 1981, votre rapporteur considère que les collectivités locales et a fortiori les personnes privées doivent demeurer libres de fixer les règles auxquelles doivent obéir ces procédures pour des oeuvres dont elles sont propriétaires. De même, l'article 7 soumettant toute acquisition à l'avis des services de l'Etat apparaît injustifié surtout si l'on considère les garanties de compétences que doivent présenter les responsables scientifiques en vertu de l'article 5.

Votre commission vous proposera également de supprimer l'obligation faite aux musées par l'article 6 d'établir et de transmettre aux services de l'Etat des informations et des données statistiques relatives à leur fréquentation, disposition qui aurait plus sa place dans une circulaire.

De même, elle considère comme injustifié qu'au nom de l'objectif de démocratisation culturelle soit imposé aux musées de disposer d'un service des publics ou que soient définies par décret les qualifications exigées des professionnels auxquels sera confiée la responsabilité de leurs activités culturelles. De telles dispositions ne sont pas de nature à remédier aux difficultés auxquelles ils se heurtent dans le développement de leur mission de médiation culturelle.

S'agissant des procédures consultatives prévues par le projet de loi, votre commission ne conteste pas l'intérêt de permettre aux musées de s'entourer d'avis éclairés préalablement aux décisions de restauration. Mais elle a toutefois considéré que ces avis devaient émaner d'une autorité offrant des garanties de compétences mais également d'indépendance.

A cet égard, elle vous proposera de substituer à l'article 11 à l'avis des services de l'Etat, celui d'instances scientifiques. S'il ne convient pas de fixer dans la loi la composition et les modalités de fonctionnement de ces instances, votre rapporteur exprimera toutefois le souhait qu'elles existent à l'échelon régional mais également national et qu'en leur sein soient prévues, certes, la présence de conservateurs mais également celle, en nombre suffisant, d'experts indépendants.

La création du Conseil des musées de France procède du souci légitime de conférer une plus grande légitimité aux décisions du ministre en instituant une instance consultative destinée à représenter l'ensemble des acteurs de la politique conduite dans le domaine des musées.

Toutefois, ni les compétences dévolues par le projet de loi à cette instance ni sa composition, telle du moins qu'elle ressort des avant-projets de décret, ne sont de nature à garantir sa représentativité et son indépendance.

Votre commission vous proposera donc de fixer dans la loi la composition de cette instance afin de ne pas la réduire au rôle de chambre d'enregistrement des décisions de la direction des musées de France.

Partant du constat qu'un organe consultatif composé d'un effectif restreint est plus à même de fonctionner de manière indépendante, votre commission vous proposera que cette instance, outre son président, un député et un sénateur, comprenne 16 membres répartis, dans le souci de garantir sa représentativité, entre quatre collèges d'importance égale : représentants de l'Etat, des collectivités territoriales, professionnels des musées et personnalités qualifiées. Une telle composition plus conforme à sa vocation lui permettra de se démarquer des instances consultatives à vocation scientifique.

Afin de renforcer son autorité, votre commission vous proposera également de prévoir, dès lors que le projet de loi impose la consultation lors de la procédure d'attribution ou de retrait de l'appellation « musée de France » que ses avis lieront l'administration, avis qui, par ailleurs, seront publiés.

Par ailleurs, elle substituera à l'appellation « Conseil des musées de France », celle de « Haut conseil des musées de France », plus conforme au rôle qui lui est assigné.

2. Renforcer le caractère contractuel du label

L'article 3 du projet de loi précise que l'appellation « musée de France » est attribuée par le ministre de la culture à la demande du propriétaire des collections.

Ce dispositif se veut donc fondé sur la libre adhésion des propriétaires de collections au statut proposé par le projet de loi, en garantissant que l'appellation ne pourra être imposée par l'Etat.

Toutefois, comme votre rapporteur l'a déjà souligné, l'article 3 ne constituera pas la procédure la plus courante pour l'octroi du label.

En effet, les musées de France ont vocation essentiellement à regrouper, d'une part, les musées de l'Etat les plus importants, c'est-à-dire les musées nationaux et les musées créés par décret, et, d'autre part, les musées actuellement classés et contrôlés. Interrogée sur la nature des institutions susceptibles de se voir attribuer le label, la direction des musées de France a indiqué à votre rapporteur que si elle envisageait des ajustements à la marge, elle ne souhaitait pas véritablement modifier le champ de sa tutelle.

Or, pour ces institutions, l'appellation « musée de France » sera attribuée non pas en vertu de l'article 3, qui garantit le consentement de l'institution labellisée aux contraintes du régime prévu par la loi mais en application des dispositions prévues par l'article 14.

Votre commission ne contestera pas le mécanisme que prévoit cet article pour les musées classés qui bénéficieront dès la publication de la loi de l'appellation « musée de France » dans la mesure où ces institutions, pour des raisons liées à l'histoire, à la richesse de leurs collections et à leur rayonnement qui dépasse bien souvent leur collectivité de rattachement, constituent, avec les musées nationaux, le coeur du patrimoine muséographique de la Nation.

En revanche, la procédure prévue pour les musées contrôlés procède d'une logique régalienne mal venue. Le projet de loi précise que ces musées se verront accorder la qualité de « musée de France » à compter du premier jour du treizième mois suivant la publication de la loi, sous réserve d'une possibilité d'opposition, très strictement encadrée, de la part de l'Etat ou des propriétaires de leurs collections. Si l'article 14 dispose que dans le cas de musées privés, le ministre fait droit aux demandes d'opposition, il prévoit un mécanisme très différent pour les musées territoriaux, peu conforme au demeurant avec le principe de libre administration des collectivités territoriales : l'autorité administrative pourra passer outre la demande d'opposition par décret en Conseil d'Etat , à la seule condition toutefois que le Conseil des musées de France ait donné un avis favorable, ce qui ne semble pas une grande contrainte compte tenu de la composition que prévoit le gouvernement pour cette instance.

Dans la mesure où l'appellation « musée de France » implique une extension des prérogatives de l'Etat par rapport à ce que prévoit l'ordonnance de 1945, il semble nécessaire de prévoir un régime plus souple, laissant aux musées contrôlés le choix de leur futur statut.

Votre commission vous proposera donc de retenir un dispositif laissant aux musées contrôlés l'initiative de la demande et ne permettant pas à l'autorité administrative de leur imposer le statut « musée de France » : l'appellation leur sera tacitement accordée à l'issue d'un délai fixé par décret, sauf si dans ce délai le ministre leur notifie une décision de refus prise dans les formes prévues par l'article 3, à savoir après avis conforme du Haut Conseil des musées.

Cette procédure s'inscrit dans la logique voulue par le projet de loi d'un statut librement consenti, le régime d'attribution tacite permettant de ne pas prolonger les délais d'attribution du label en cas d'afflux de demandes.

• Préciser les modalités de retrait du label

Votre commission a partagé le souci de l'Assemblée nationale de prévoir dans la loi les modalités de retrait de l'appellation « musée de France ».

Toutefois, elle n'a pas souhaité retenir le principe d'un retrait décidé par l'autorité administrative en cas de manquement d'un musée à ses obligations légales, le remède lui apparaissant pire que le mal.

En revanche, elle a estimé nécessaire de préciser les conditions de retrait de l'appellation à la demande des propriétaires. Le dispositif qu'elle vous proposera d'adopter prévoit que le label devant être fondé sur la libre adhésion des musées, le ministre disposera d'une compétence liée et ne pourra en conséquence s'opposer à une demande de retrait. En effet, si le ministre disposait en ce domaine d'une compétence discrétionnaire, il est à craindre que le label soit de facto irréversible. Toutefois, la demande de retrait ne pourra intervenir qu'à l'issue d'un délai de quatre ans à compter de l'attribution de l'appellation afin d'encourager des demandes de label motivées par la seule perspective de bénéficier des avantages qui pourraient y être attachés. Par ailleurs, si le musée a bénéficié de concours financiers publics, l'appellation ne pourra être retirée par le ministre que sur avis conforme du Haut Conseil des musées de France.

B. DYNAMISER LA GESTION DES COLLECTIONS MUSÉOGRAPHIQUES

1. Le statut des collections

En prévoyant une exception au principe d'inaliénabilité des collections publiques pour les oeuvres d'art contemporain, l'Assemblée nationale a eu le mérite d'ouvrir un débat que les responsables de la politique nationale des musées ont toujours esquivé.

Au cours des nombreuses auditions auxquelles il a procédé en vue de l'examen du projet de loi, votre rapporteur a pu constater que les mentalités n'étaient pas prêtes à accepter une évolution de ce principe sacro-saint qui a comme corollaire, il faut le rappeler, celui de l'infaillibilité des décisions d'acquisition, ce qui laisse songeur sur la capacité du corps des conservateurs à se remettre en question.

Rares sont les voix qui s'élèvent pour réclamer un droit au repentir.

Sur cette question, les nombreux exemples de relectures historiques -qui n'ont pas manqué d'être cités par les personnalités entendues par votre rapporteur - incitent évidemment à la prudence.

Toutefois, parmi les autres arguments avancés, figure également la crainte de voir les collections publiques -et en particulier celles des collectivités territoriales- mises à l'encan par les élus. Votre rapporteur ne pourra que s'en étonner dans la mesure où le renouveau actuel des musées résulte bien d'une volonté politique et que, si les musées de province ont pu se développer et se rénover, c'est en grande partie grâce au regain d'intérêt des collectivités territoriales pour leur patrimoine.

Au-delà de ces observations, il convient d'éviter de retenir des solutions trop systématiques, qui pourraient mettre en péril la pérennité de certaines collections muséographiques. A cet égard, la disposition adoptée par l'Assemblée nationale qui institue en quelque sorte un doute légal sur l'art contemporain ne paraît pas pertinente.

Convaincue qu'une collection meurt dès qu'elle se fige, votre commission vous proposera donc comme alternative à l'inaliénabilité absolue proposée par le projet de loi de s'en tenir aux règles de droit commun de la domanialité publique, ce qui, à l'évidence, ne pourra être interprété comme iconoclaste, mais présente le mérite de ne pas clore le débat, en laissant aux conservateurs le soin de le conduire.

En effet, soumettre les collections publiques aux règles de droit commun de la domanialité publique permet de conserver une certaine souplesse en ménageant la possibilité de déclassements.

Dans le souci d'éviter des déclassements injustifiés, le dispositif proposé soumet ces décisions à l'avis d'instances scientifiques.

S'agissant du statut prévu pour les collections privées, votre commission a modifié très sensiblement le dispositif proposé par le gouvernement et adopté par l'Assemblée nationale.

Les paragraphe III de l'article 8 instaure, en effet, un principe de semi-inaliénabilité qui constitue une entorse très significative au droit de propriété des musées privés sur leurs collections. S'il est présenté comme consacrant la pratique actuelle, ce statut ne permet guère d'encourager pour l'avenir la création de musées privés -qui peuvent constituer, comme le montrent les exemples étrangers, un facteur essentiel d'enrichissement du patrimoine national.

Soucieuse de ne pas enserrer les collections privées dans des contraintes comparables à celles des musées publics, votre commission a estimé, en ce domaine, nécessaire de réduire la portée de ce statut protecteur, en prévoyant que la clause d'affectation irrévocable à la présentation au public exigée pour l'octroi du label ne devait concerner que les seules oeuvres acquises avec le concours de l'Etat ou d'une collectivité territoriale. Il semble, en effet, légitime d'éviter que les subventions publiques ne permettent aux musées privés de réaliser des plus-values sur les oeuvres qu'elles ont contribuées à acquérir.

Cette modification met-elle pour autant en péril l'intégrité des collections privées labellisées ?

Cela ne devrait pas être le cas pour celles constituées sous forme de fondations ou d'associations reconnues d'utilité publique. En cas de dissolution ou de liquidation de ces organismes, on rappellera que les procédures de dévolution sont prévues par leurs statuts, statuts approuvés par l'autorité administrative qui, dans ce cadre, peut veiller à ce qu'elle reviennent à des institutions muséographiques. S'agissant des fondations, si les collections font partie de la dotation initiale, elles sont statutairement inaliénables.

Enfin, rien n'interdit à l'Etat et à ces musées, quel que soit leur statut, de conclure au cas par cas des conventions prévoyant l'inaliénabilité ou l'affectation irrévocable à un musée de France de telle ou telle oeuvre ou partie des collections.

A cet égard, votre rapporteur s'est demandé si plutôt que de vouloir encadrer par la loi la gestion des musées privés, solution très maladroite, il n'aurait pas été plus opportun de privilégier la voie contractuelle ou encore d'inciter les nombreux musées constitués sous forme associative à demander la reconnaissance d'utilité publique.

2. Inciter à une modernisation de la gestion des collections nationales

Comme l'a déjà souligné votre rapporteur, le projet de loi présenté par le gouvernement ne comporte aucune disposition ouvrant la voie à une réforme des modalités de gestion des collections nationales.

Les difficultés rencontrées en ce domaine sont pourtant connues et ont été maintes fois analysées. On se contentera d'évoquer les dysfonctionnements de la Réunion des musées nationaux et les dérives du mécanisme de mutualisation du droit d'entrée au profit des dépenses d'acquisition, les obstacles rencontrés par la direction des musées de France pour assurer, au-delà des institutions relevant de sa tutelle, la mise en oeuvre d'une politique nationale des musées ou encore les inconvénients résultant de la gestion directe des musées nationaux par cette direction.

A l'évidence, ces questions relèvent du domaine réglementaire ou exigent des réformes internes du ministère de la culture. Sans prétendre empiéter sur les compétences du gouvernement en la matière, votre commission a estimé toutefois souhaitable à tout le moins que l'Etat s'applique à lui-même les contraintes qu'il impose aux musées territoriaux et aux musées privés.

Votre commission vous proposera donc d'étendre à l'ensemble des musées de France certaines des dispositions qui dans le texte adopté par l'Assemblée nationale ne concernaient que les institutions ne relevant pas de l'Etat.

Ainsi, les musées de l'Etat bénéficieront de la possibilité prévue à l'article 4 de conclure avec leur autorité de tutelle des conventions précisant les conditions de réalisation de leurs missions et de mise en oeuvre des dispositions prévues par la loi.

De même, sont étendues à l'ensemble des musées de France les dispositions de l'article 11 destinées à garantir la qualité des restaurations : on voit mal en effet pourquoi les collections de l'Etat ne bénéficieraient pas des garanties prévues pour celles des musées territoriaux ou privés, à savoir la nécessité de faire précéder toute restauration de la consultation d'une autorité éclairée et l'obligation de recourir à des professionnels qualifiés.

C. ACCROÎTRE L'EFFICACITÉ DES MESURES FISCALES PROPOSÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

1. Clarifier les dispositions relatives au mécénat

Votre commission vous proposera, en premier lieu, de simplifier les dispositions introduites par l'Assemblée nationale afin d'adapter les mécanismes prévus par les articles 200 et 238 bis du code général des impôts aux dons effectués au profit des musées.

En effet, si l'article 15 ter prévoyant l'éligibilité des dons effectués dans le cadre d'une souscription ouverte pour financer l'achat d'oeuvres ou d'objets destinés à enrichir les collections d'un musée de France ne soulève pas de difficultés d'application, ce n'est pas le cas de l'article 15 bis relatif aux dons en nature à l'Etat.

Dans la mesure où son objectif est satisfait par la rédaction actuelle de l'article 200 du code général des impôts, votre commission vous proposera de le supprimer.

S'agissant de l'article 238 bis du code général des impôts relatif à la déductibilité des dons effectués par les entreprises, votre commission a souhaité substituer à la rédaction proposée par l'Assemblée nationale une disposition de portée générale prévoyant un régime uniforme de déductibilité pour l'ensemble des dons faits au profit des musées de France. Ces dons bénéficieront des plafonds de déductibilité applicables aux dons versés à des fondations ou associations reconnues d'utilité publique, soit 3,25 %o du chiffre d'affaires.

Enfin, par coordination avec la suppression par l'Assemblée nationale de l'obligation de présentation au public des oeuvres acquises par les entreprises en vue d'être données à l'Etat, votre commission vous proposera de supprimer les dispositions de l'article 238 bis OA du code général des impôts qui ouvrait aux entreprises, dans des conditions strictement encadrées, la possibilité de déposer ces oeuvres auprès de certaines collectivités publiques. Dans la mesure où l'entreprise n'est plus contrainte de présenter ces oeuvres au public avant leur remise à l'Etat, ces dispositions qui limitaient, au demeurant, les bénéficiaires de ces dépôts ne se justifient plus.

2. Tirer parti du prélèvement supplémentaire sur le produit brut des jeux dans les casinos

Votre rapporteur a souligné l'intérêt mais également les limites de la création d'un prélèvement supplémentaire de 1 % sur le produit brut des jeux dans les casinos destiné à dégager des ressources nouvelles pour l'acquisition des trésors nationaux.

Ayant souligné à maintes reprises la nécessité d'accroître les crédits d'achat des musées au sein du budget du ministère de la culture, votre commission n'a pu qu'en approuver le principe.

Cependant, force est de constater que si l'accroissement des prélèvements sur le produit brut des jeux dans les casinos est certain, l'augmentation à due concurrence des crédits du ministère de la culture demeure hypothétique et, en l'absence d'un cadre comptable spécial qui ne peut être créé qu'à l'initiative du gouvernement, dépendra des arbitrages réalisés lors de chaque exercice par le projet de loi de finances.

Pour cette raison, sans remettre pour autant en cause l'article 15 octies prévoyant un rapport du gouvernement au Parlement étudiant les possibilités d'affectation de ce prélèvement, votre commission vous proposera d'adopter deux dispositions fiscales visant à inciter les entreprises à acquérir ou à aider l'Etat à acquérir des oeuvres frappées d'une interdiction d'exportation, dispositions dont le prélèvement sur les casinos constituerait en quelque sorte le gage.

Jusqu'à présent, les mécanismes destinés à inciter les entreprises à contribuer à l'enrichissement des collections nationales ou au maintien du patrimoine sur le territoire national n'ont guère produit de résultats satisfaisants. En dépit de leur caractère attractif, les articles 238 bis OA et 238 bis AB sont très rarement mis en oeuvre. Au delà d'une réticence proprement française à investir dans l'art, les entreprises considèrent ces dispositifs comme trop complexes et peu lisibles.

Pour répondre à ces deux objections, votre commission a privilégié des dispositifs simples, puissamment incitatifs mais très ciblés dans la mesure où ils n'ont vocation à s'appliquer qu'aux oeuvres ayant fait l'objet d'un refus de certificat.

La procédure fixée par la loi du 31 décembre 1992 modifiée par la loi du 10 juillet 2000 7 ( * ) a permis, notamment grâce à la consultation de la commission prévue par son article 7, de définir des critères stables et cohérents. Les décisions de refus de certificat sont, en effet, limitées aux oeuvres majeures qui constituent des éléments essentiels du patrimoine national. Les entreprises n'auront donc pas de doutes sur la qualité et la valeur des oeuvres à l'acquisition desquelles elles contribuent.

Votre commission vous proposera donc d'adopter deux articles visant à prévoir, d'une part, le cas où les entreprises effectuent un don au profit de l'Etat en vue de l'acquisition d'un trésor national et, d'autre part, celui où les entreprises acquièrent pour leur propre compte une oeuvre ayant cette qualité.

Ces mesures qui consistent en une réduction d'impôts devraient constituer un levier efficace permettant au ministère de la culture de mobiliser rapidement les fonds nécessaires à l'achat de ces oeuvres et donc de garantir un fonctionnement efficace du dispositif de protection du patrimoine national prévu par la loi du 31 décembre 1992. Les améliorations apportées à ce dispositif en 2000, à l'initiative du Sénat, prendront ainsi tout leur sens en permettant d'encadrer la mise en oeuvre des dispositifs fiscaux proposés par votre commission.

EXAMEN DES ARTICLES

Article premier

Champ d'application de l'appellation « musée de France »

I. Texte du projet de loi

Cet article définit le champ d'application de l'appellation « musée de France » en précisant les conditions que doivent remplir les musées y prétendant. On notera au passage le caractère quelque peu désuet de la dénomination retenue même si on comprendra le souci du gouvernement de s'inspirer de l'intitulé de la direction compétente au ministère de la culture pour conduire la politique de l'Etat en ce domaine.

Il convient de préciser que cet article n'a pas pour vocation de définir la notion de musée en général mais d'énoncer les conditions nécessaires pour qu'un musée puisse recevoir l'appellation « musée de France ». Cette nouvelle catégorie se substitue aux anciennes catégories de musées instituées par l'ordonnance de 1945 mais a également vocation à s'appliquer à des musées qui n'entraient pas dans son champ d'application.

Seront inclus dans cette catégorie :

-  non seulement les musées nationaux mais également l'ensemble des musées de l'Etat créés par décret, quelque soit leur ministre de tutelle ;

- les musées actuellement « classés » en application de l'ordonnance de 1945 ou du décret n°48-734 du 27 avril 1948 relatif à l'organisation du Service national de muséologie des sciences naturelles;

- les musées actuellement « contrôlés » en vertu des mêmes textes, sous réserve d'une procédure d'opposition dont les modalités sont précisées à l'article 14 ;

- les musées appartenant à l'Etat qui ne sont pas créés par décret, à des collectivités locales ou à des personnes morales de droit privé sans but lucratif, qui ne sont actuellement ni classés ni contrôlés qui demanderaient l'obtention du label.

Les conditions d'obtention du label sont au nombre de deux;

- la première réside dans la nature de la personne morale dont relève le musée ;

- la seconde a trait à la qualité des collections.

On rappellera que l'article 2 de l'ordonnance du 13 juillet 1945 définissait le musée comme « toute collection permanente et ouverte au public d'oeuvres présentant un intérêt artistique, historique ou archéologique ».

Selon les termes de l'exposé des motifs, la définition du musée proposée par le projet de loi se veut « à la fois plus précise et plus englobante ». Cet objectif ambitieux, quelque peu contradictoire dans ses termes, n'est que partiellement atteint car si elle peut prétendre au second de ces qualificatifs, l'exigence de précision est moins perceptible.

? La nature de l'institution

Se démarquant de l'ordonnance de 1945, le projet de loi désigne sous le vocable de musée non pas la collection elle-même mais l'« institution culturelle et scientifique » qui a pour objet de la conserver et de l'exposer.

Si cette rédaction est inspirée par le souci louable de souligner la double vocation des musées, à la fois patrimoniale et de diffusion culturelle, et partant de ne pas réduire le musée à la seule dimension de ses collections, il aurait sans doute été plus opportun d'intégrer cette préoccupation dans l'énoncé des missions du musée qui figure désormais à l'article 1 er bis.

Le terme d'« institution culturelle et scientifique » ne renvoie à aucune catégorie juridique précise. Faut-il comprendre que l'appellation ne peut être accordée qu'à une entité dotée de la personnalité morale ? Ce n'est certainement pas le cas dans la mesure où la plupart des musées publics, qu'ils relèvent de l'Etat ou des collectivités locales, sont gérés en régie directe.

De même, si l'on comprend et approuve la volonté du gouvernement de souligner le caractère non lucratif de ces institutions en réservant le bénéfice de l'appellation à celles « relevant » de l'Etat, d'une personne morale de droit public -collectivité territoriale ou établissement public- ou d'une personne morale de droit privé à but non lucratif -association ou fondation-, on s'interrogera à bon droit sur la nature exacte du lien juridique auquel ce terme fait référence. Ainsi, une fondation d'entreprise doit-elle être ou non considérée comme « relevant » d'une entreprise ?

Il serait sans doute plus simple de considérer que ne peuvent bénéficier de l'appellation « musée de France » que les musées dont les collections appartiennent à l'Etat, aux collectivités publiques ou à une personne morale de droit privé à but non lucratif. Ce critère de propriété des oeuvres, que cet article n'aborde au demeurant que de manière confuse, présenterait le mérite de la clarté.

De surcroît, cette référence à la propriété des oeuvres écarterait le risque de voir le label refusé à un musée dont les collections appartiendraient à une collectivité publique ou à une personne morale de droit privé sans but lucratif au prétexte que sa gestion serait assurée par une personne morale à but lucratif, dans le cadre, par exemple d'une délégation de service public.

? La qualité des collections

Selon les termes du projet de loi, le second critère de l'attribution de l'appellation réside dans l' « intérêt public » qui s'attache à la conservation et à la présentation des collections.

Par cette formule à portée générale, le projet de loi dépasse le champ de l'ordonnance de 1945 qui ne s'appliquait qu'aux musées des beaux-arts définis comme les musées dont les collections présentaient « un intérêt artistique, historique et archéologique ».

Si en retenant cette rédaction de portée très générale, le projet de loi tire les conséquences de la diversification des collections muséographiques à laquelle on a assisté au cours des dernières années, on soulignera toutefois que l'ordonnance de 1945 n'a pas freiné cette évolution, ses dispositions ayant été interprétées avec souplesse : on en citera pour preuve l'inscription sur la liste des musées contrôlés de nombreux musées à vocation technique ou d'écomusées.

La définition donnée par le projet de loi d'une collection reprend les termes de l'ordonnance de 1945 en exigeant un caractère permanent tout en la complétant afin de préciser qu'elle peut regrouper des biens mobiliers ou des biens immobiliers. Cette précision, qui exclut les spécimens vivants d'histoire naturelle, ne doit pas créer de confusion sur la consistance des collections dans lesquelles ne sont pas inclus les bâtiments qui les abritent.

II. Texte adopté par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté à cet article deux amendements rédactionnels qui ne dissipent pas les ambiguïtés du texte du projet de loi.

Le premier vise à définir l'activité des musées de France comme la présentation de collections au public, la fonction de conservation découlant de cette mission de diffusion culturelle alors que le texte initial du projet de loi précisait que ces derniers avaient pour objet de « conserver et d'exposer au public » ces collections.

Le second reprend la précision relative à la propriété des collections sous la forme d'un alinéa additionnel.

III. Position de la commission

Votre commission vous propose d'adopter un amendement tendant à une nouvelle rédaction de cet article afin de préciser que :

- ne pourront bénéficier de l'appellation de musée de France que les musées dont les collections appartiennent à l'Etat, à une personne morale de droit public ou à une personne morale de droit privé sans but lucratif. Ce critère se substitue à la notion floue retenue par le texte adopté par l'Assemblée nationale qui peut introduire une confusion entre le gestionnaire du musée et le propriétaire des collections ;

- que l'appellation est attribuée à une collection et non à une « institution scientifique et culturelle », notion qui ne renvoie à aucune catégorie juridique précise. La rédaction proposée retient par ailleurs une définition de la notion de collection plus proche des termes de l'ordonnance de 1945, votre rapporteur estimant que l'objet de cet article n'est pas d'énoncer les missions des musées de France mais de préciser les conditions nécessaires pour qu'un musée puisse recevoir l'appellation « musée de France ».

Article 1er bis

Missions permanentes des musées de France

I. Texte adopté par l'Assemblée nationale

Cet article introduit par l'Assemblée nationale reprend l'énoncé des missions des musées de France dans les termes qui figuraient à l'article 4 du projet de loi relatif au contrôle scientifique et technique de l'Etat.

Ces missions auxquelles l'Assemblée nationale confère un caractère « permanent » sont au nombre de quatre ; elles traduisent l'évolution du rôle joué par les musées, qui ne sont plus désormais réduits à la seule dimension d'institutions patrimoniales dont la vocation est la conservation des collections mais se voient attribuer un rôle éminent en matière de diffusion et de démocratisation de la culture.

Les musées de France doivent donc exercer :

- une mission patrimoniale en conservant et en enrichissant leurs collections ;

- une mission d'accueil du public en rendant accessibles les collections au plus grand nombre et en les exposant « dans des espaces adaptés » -ce qui semble aller de soi ;

- une mission éducative et culturelle en mettant en oeuvre des actions visant à assurer l'égal accès de tous à la culture, ce qui pourrait apparaître comme une déclinaison de la mission précédente ;

- une mission scientifique en contribuant aux progrès de la connaissance et de la recherche ainsi qu'à leur diffusion. Le texte précise que pour satisfaire cet objectif, les musées doivent assurer aux personnes se livrant à des recherches scientifiques l'accès à leurs collections afin que ces dernières puissent profiter non seulement aux équipes scientifiques des musées mais également à l'ensemble de la communauté des chercheurs. Dans certains cas, par exemple pour les collections à caractère scientifique, comme celles relevant de la tutelle du ministère de l'éducation nationale, la tentation s'est, en effet, manifestée chez les responsables de musées de limiter l'accès de leurs collections.

L'Assemblée nationale a précisé que les modalités de réalisation de ces missions sont formalisées dans un document retraçant le projet scientifique et culturel du musée, disposition qui ne figurait pas à l'article 4 du projet de loi.

II. Position de la commission

? Votre rapporteur n'a pu qu'approuver, pour ambitieuse qu'elle soit, la définition des missions des musées de France.

Outre deux amendements rédactionnels , votre rapporteur vous proposera d'adopter un amendement tendant à supprimer l'obligation faite aux musées d'assurer, dans le cadre de leur mission scientifique, l'accès des chercheurs à leurs collections. En effet, si l'intention qui a présidé cette rédaction est louable, il ne faudrait pas qu'une telle disposition ait pour effet de contraindre les musées à assurer sans restriction l'accès des chercheurs à leurs fonds. Dans un souci bien compris de la protection des collections, il semble plus opportun de laisser aux musées eux-mêmes le soin d'apprécier dans quelle mesure et sous quelles conditions elles peuvent être mises à disposition des scientifiques.

? Votre rapporteur s'est également interrogé sur la pertinence de faire mention dans la loi du projet scientifique et culturel.

Certes, l'élaboration d'un projet scientifique et culturel constitue une exigence imposée progressivement par l'Etat aux musées à la faveur des créations ou des projets de rénovation. Toutefois, ces projets, s'ils peuvent être débattus avec l'Etat, constituent des documents à vocation interne à caractère évolutif, et qui, en tout état de cause, ne peuvent être revêtus d'une quelconque valeur normative.

S'il est souhaitable qu'en pratique, de tels documents existent, les imposer par la loi ne semble pas nécessaire.

Par ailleurs, on voit mal ce qui les distinguera des conventions prévues à l'article 4 par l'Assemblée nationale, conventions dont l'objet est de « préciser les conditions de réalisation des missions énoncées à l'article 1 er bis ».

Votre commission vous proposera donc un amendement de suppression du dernier alinéa de cet article.

Article 2

Conseil des musées de France

I. Commentaire du texte du projet de loi

Cet article crée une nouvelle instance consultative auprès du ministre chargé de la culture dont la vocation est, selon les termes de l'exposé des motifs, d'être « un organe représentatif au niveau national de la variété des musées, chargé de veiller à la cohérence globale de la politique en ce domaine, notamment par le biais de la procédure d'attribution de l'appellation de musée de France ».

? Un organe représentatif ?

Siégeront au sein de cette instance :

- des représentants de l'Etat qui comprendront des représentants du ministère de la culture comme des autres ministères exerçant une tutelle sur des musées, à savoir essentiellement le ministère de l'éducation nationale et le ministère de la défense ;

- des représentants des collectivités territoriales ;

- des « professionnels des musées », terminologie approximative qui, selon les éléments de réponse fournis par le gouvernement, vise essentiellement les conservateurs, qu'ils relèvent de la fonction publique de l'Etat ou de la fonction publique territoriale, et les personnels en charge de la restauration des oeuvres d'art ;

- des personnalités qualifiées, au titre desquelles pourraient être vraisemblablement désignés des professeurs d'histoire de l'art, des experts, des collectionneurs, des marchands ou des représentants de la société civile.

D'après les indications données à votre rapporteur sur les dispositions du décret précisant la composition de ce Conseil, cette instance devrait compter entre 30 et 40 membres. Contrepartie de sa représentativité, cet effectif risque d'alourdir le fonctionnement de cette instance, qu'il sera difficile de convoquer très régulièrement, et de conférer à ses délibérations un caractère largement formel. A cet égard, un effectif restreint permettrait sans doute plus aisément à cette instance d'apparaître comme une « haute autorité » de la politique des musées.

Par ailleurs, au delà de leur nombre, la répartition des sièges entre les différents collèges n'est pas précisée dans la loi. Certes, une telle disposition, est de caractère réglementaire. Mais on peut penser aussi que le rôle joué par le Conseil dépendra pour une large part de sa capacité à se démarquer des positions des services de l'Etat, et plus particulièrement de la direction des musées de France. Une place prépondérante accordée aux responsables scientifiques des musées conjuguée à un effectif pléthorique risque de faire du Conseil un alibi commode destiné à conférer une plus grande légitimité aux décisions de l'administration. De ce point de vue, la représentation des collectivités locales, et dans une moindre mesure celle des personnalités qualifiées, apparaît déterminante pour permettre au Conseil d'affirmer son indépendance et de ce fait sa légitimité.

? Des compétences consultatives

Les compétences reconnues par le projet de loi au Conseil des musées de France sont exclusivement consultatives.

Le Conseil peut être consulté et formuler des recommandations sur toute question relative aux musées de France.

Au delà de cette compétence générale, le Conseil est obligatoirement consulté :

- lors de l'attribution ou du retrait de l'appellation « musée de France » dans le cadre des procédures prévues aux articles 3 et 14 ;

- à l'occasion d'un transfert de la propriété de tout ou partie des collections d'un musée entre personnes publiques, dont la possibilité est ouverte à l'article 8 ;

- dans le cadre du transfert de la propriété des dépôts d'oeuvres appartenant à l'Etat aux musées territoriaux lorsque ces dépôts sont conservés dans un musée relevant d'une collectivité territoriale autre que celle initialement désignée par l'Etat, hypothèse prévue à l'article 9 ;

- lors de l'édiction par l'Etat de mesures de sauvegarde des collections d'un musée de France dans le cadre de la procédure fixée à l'article 12.

Sous réserve des innovations introduites par le projet de loi, le rôle attribué au Conseil des musées de France devrait s'apparenter à celui exercé par la commission des musées de province créée par le décret du 31 août 1945 portant application de l'ordonnance relative à l'organisation provisoire des musées des Beaux-Arts. En effet, si cette instance a vu son importance décroître avec la décentralisation, elle est demeurée un vecteur essentiel d'orientation de la politique conduite par l'Etat à l'égard des musées classés et contrôlés, notamment en tant qu'organe de concertation.

En effet, hormis cette commission, les organes consultatifs de la direction des musées de France n'ont qu'une vocation scientifique :

- le comité consultatif des musées nationaux régi par le décret n° 90-1027 du 14 novembre 1990, dont la plupart des membres appartiennent au corps des conservateurs, peut être consulté sur toute question relative à la gestion et au fonctionnement scientifique des musées mais a pour compétence principale de se prononcer sur les acquisitions des musées nationaux ;

- le conseil artistique des musées nationaux s'il exerce sur les acquisitions des musées nationaux un rôle comparable, se distingue du comité consultatif par sa composition qui fait une large place aux personnalités extérieures aux musées, collectionneurs et amateurs ;

- le conseil artistique des musées classés et contrôlés, composé pour la quasi-totalité de ses membres de conservateurs, donne un avis sur les acquisitions des musées classés et contrôlés.

Par ailleurs, ces instances ne sont compétentes qu'à l'égard des musées relevant de la tutelle de la direction des musées de France.

II. Texte adopté par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale, outre un amendement rédactionnel, a apporté deux modifications à cet article.

En premier lieu, elle a précisé la notion énigmatique de « professionnels des musées » afin d'indiquer qu'elle comprend « notamment » les personnels visés aux articles 5 et 11 du projet de loi. Ces personnels sont :

- d'une part, les responsables des activités scientifiques et culturelles des musées ou les personnes disposant de titres considérés par le décret prévu à l'article 5 comme équivalents ;

- d'autre part, les spécialistes de la restauration des collections muséographiques mentionnés à l'article 11.

En second lieu, l'Assemblée nationale a prévu que siégeraient au Conseil, au titre des personnalités qualifiées, des représentants d'associations représentatives du public, afin notamment de prévoir une représentation es qualité des associations d'amis de musée qui, pour certaines d'entre elles, contribuent de manière déterminante au rayonnement et à la politique d'acquisition des musées.

III. Position de la commission

Votre rapporteur partage le souci de conférer une plus grande légitimité aux décisions du ministre en instituant une instance consultative assurant la représentation de l'ensemble des acteurs de la politique conduite dans le domaine des musées.

Toutefois, il considère que la rédaction de cet article ne permet de garantir ni la représentativité de cette instance ni son indépendance. Son fonctionnement pâtira de ses effectifs pléthoriques, le risque principal étant de réduire son rôle à celui de chambre d'enregistrement des décisions de l'administration.

• Afin d'éviter ce risque et de garantir l'indépendance de cette instance, votre rapporteur vous proposera d'adopter un amendement visant à préciser la composition de ce conseil, en limitant le nombre de ses membres et en prévoyant l'équilibre entre les différents collèges le composant.

Partant du constat qu'un organe consultatif composé d'un nombre réduit de membres est plus à même de fonctionner de manière indépendante, cet amendement fixe à dix-neuf le nombre de ses membres. Dans le souci de garantir sa représentativité, ce conseil comprendra, outre son président, un député et un sénateur, quatre collèges d'importance égale composés respectivement de représentants de l'Etat, des collectivités territoriales, des professionnels des musées et de personnalités qualifiées, au nombre desquelles figureront un représentant d'associations représentatives du public. Une telle composition qui est de nature à la distinguer des commissions consultatives à vocation scientifique permettra de dynamiser le fonctionnement de cette instance, que votre commission vous propose de dénommer Haut Conseil des musées de France afin d'affirmer plus clairement sa vocation.

• Afin de renforcer son autorité, votre commission vous proposera d'adopter un amendement prévoyant la publicité des avis de ce conseil. De même, elle vous proposera de prévoir aux articles 3 et 14 une procédure d'avis conforme pour l'attribution et le retrait de l'appellation « musée de France ».

• Par ailleurs, votre commission vous proposera d'adopter deux amendements de forme au deuxième alinéa de cet article, l'un d'ordre rédactionnel et l'autre destiné à tenir compte de la nouvelle dénomination de Haut Conseil des musées de France.

Article 3

Modalités d'attribution et de retrait de l'appellation « musée de France »

I. Texte du projet de loi

Cet article précise les modalités d'attribution de l'appellation « musée de France ».

• L'initiative de la demande : un statut librement consenti ?

La décision d'octroi du label est prise à la demande du propriétaire des collections par le ministre chargé de la culture et, lorsque la nature des collections l'exige, le ministre intéressé, après avis du Conseil des musées de France.

Le régime du label se veut fondé sur la libre adhésion des propriétaires de collections, cette procédure garantissant que l'appellation ne pourra être imposée par l'État.

Toutefois, il convient de rappeler que cette garantie ne joue qu'à la marge dans la mesure où les dispositions transitoires de l'article 14 prévoient l'octroi automatique, dès la publication de la loi, de l'appellation « musée de France » aux musées nationaux, aux musées classés et aux musées de l'État créés par décret et, pour les musées contrôlés, un dispositif différent mais dont l'effet sera comparable. Pour ces derniers, l'appellation sera attribuée à l'issue d'un délai d'un an à compter de la publication, ce délai permettant au ministre ou au propriétaire des collections de s'opposer, dans des conditions strictement encadrées, à l'attribution du label. Or, selon les informations données par le ministère de la culture, ces cas d'opposition devraient être très rares et la quasi-totalité de ces musées devraient devenir « musées de France ».

La procédure prévue par cet article ne s'appliquera donc en fait qu'aux musées existants qui ne sont pour l'heure ni classés ni contrôlés ainsi qu'aux nouveaux musées qui seraient créés après la promulgation de la loi.

• Une large marge d'appréciation laissée à l'administration

La marge d'appréciation laissée à l'administration pour l'octroi du label est très étendue dans la mesure où l'article premier ne pose que deux conditions à son attribution, la première liée à la nature juridique du propriétaire des collections -qui doit être soit l'Etat, soit une personne morale de droit public- établissement public ou collectivité territoriale-, soit une personne morale de droit privé sans but lucratif -et la seconde liée à l'intérêt public de la collection.

S'agissant de cette dernière, le ministre dispose d'une grande latitude et sa décision ne pourra faire l'objet de la part du juge administratif que d'un contrôle au titre de l'erreur manifeste d'appréciation. Sur ce point, le projet de loi s'inspire de la rédaction de la loi de 1913 qui ouvre la possibilité de classer un bien dès lors que sa conservation présente un intérêt public.

Il est à souhaiter que pour l'application de la loi sur les musées, l'administration dégage une doctrine stable et responsable.

En effet, une multiplication sans limite des musées « labellisés » musée de France risquerait de priver cette appellation de toute signification et se traduirait par une extension des prérogatives de l'État sur des institutions qu'il ne pourrait pas plus contrôler que soutenir, le label se réduisant alors pour les musées à l'assujettissement à de nouvelles contraintes administratives.

D'après les informations fournies à votre rapporteur, le nombre de musées de France avoisinera le millier, ce qui devrait recouvrir les limites de l'ensemble actuellement composé des musées nationaux, des musées d'État créés par décret en dehors de ces derniers et des musées actuellement classés et contrôlés, des ajustements modestes pouvant intervenir à la marge. A l'évidence, le projet de loi ne bouleversera pas la donne sur ce point.

Le projet de loi ne prévoit de formalités spécifiques pour l'octroi du label que pour le propriétaires privés. Ces derniers doivent présenter un inventaire des collections, qui fera l'objet de mesures de publicité, et justifier l'absence de sûretés réelles grevant les biens qui la composent, précaution nécessaire puisqu'ils deviendront insaisissables à compter de l'attribution du label ; par ailleurs, le statut de la personne morale propriétaire doit comporter une clause prévoyant l'affectation irrévocable de ces biens à la présentation au public. Cette dernière disposition tire la conséquence du statut d'aliénabilité limitée prévu par le paragraphe III de l'article 8 du projet de loi prévoyant que les biens des musées de France dont les collections appartiennent à des personnes morales de droit privé à but non lucratif ne peuvent être cédées qu'aux personnes publiques ou aux personnes morales de droit privé à but non lucratif qui s'engagent à maintenir l'affectation de ces biens à un musée de France.

II. Texte adopté par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a complété cet article afin de préciser les modalités de retrait de l'appellation.

En l'absence de précisions dans la loi, le retrait de l'appellation ne pourrait résulter que de la disparition du caractère d'intérêt public des collections. Cette hypothèse n'étant probablement que très rarement réalisée, l'octroi de l'appellation revêtirait un caractère irrévocable.

Les amendements adoptés par l'Assemblée nationale, contre l'avis du gouvernement, prévoient deux procédures de retrait, l'une à l'initiative de l'Etat et la seconde à l'initiative de la personne morale propriétaire des collections.

Le pénultième alinéa de l'article 3 prévoit que l'appellation peut être retirée par le ministre de la culture après avis du Conseil des musées de France lorsque le musée ne remplit pas les missions qui lui sont imposées par l'article 1 er bis ou lorsque la collection perd son caractère d'intérêt public. Si l'on peut admettre le retrait dans ce dernier cas qui, on l'a dit, est très hypothétique, et qui aurait été possible en l'absence de dispositions expresses, on perçoit mal l'intérêt d'un retrait destiné à sanctionner une inexécution ou une mauvaise exécution des obligations prévues par la loi. Si cet état de fait résulte de difficultés rencontrées par le musée dans sa gestion, il semblerait plus judicieux alors pour assurer la pérennité des collections que l'État prenne les mesures nécessaires pour soutenir son action. Dans le cas où le non-respect de la loi résulte de la mauvaise volonté du propriétaire, le remède semble pire que le mal. Le propriétaire est alors incité à se dégager de ses obligations puisqu'il suffit d'y manquer pour ne plus y être soumis.

En ce qui concerne le retrait de l'appellation à l'initiative du propriétaire des collections, votre rapporteur approuve le souci de l'Assemblée nationale de conférer à ce label le caractère de statut librement consenti. Toutefois, la rédaction retenue est imprécise. En effet, si le texte reconnaît au propriétaire la possibilité de demander le retrait de l'appellation, il reste muet sur les compétences du ministre dans cette hypothèse : faut-il comprendre que le ministre dispose d'une compétence discrétionnaire sous réserve de la consultation du Conseil des musées de France, à l'image de ce qui est prévu par le projet de loi pour l'attribution du label ou bien, au contraire, qu'il dispose d'une compétence liée, ce qui accentuerait le caractère contractuel du label ? Enfin, on peut se demander si le délai à compter duquel le propriétaire peut demander le retrait du label fixé à un an minimum après son obtention ne favorise pas des demandes de label justifiées par le seul souci de bénéficier d'avantages financiers ou plus vraisemblablement fiscaux, les propriétaires étant assurés de pouvoir très rapidement se libérer des contraintes qu'il implique.

III. Position de la commission

Votre commission vous propose d'adopter cinq amendements à cet article.

• Le premier permet de prévoir que l'appellation peut être accordée à plusieurs musées relevant de propriétaires différents afin que des réseaux de musée puissent en bénéficier en tant que tels.

• Le deuxième tend à conférer un plus grand rôle à l'instance créée par l'article 2 dans la procédure d'attribution du label en prévoyant une procédure d'avis conforme.

• Deux autres amendements précisent les modalités de retrait de l'appellation :

- L'État ne pourra retirer l'appellation que dans le cas où la conservation ou la présentation au public des collections ne présentent plus d'intérêt public.

Il s'agit d'un simple parallélisme avec la procédure d'attribution de l'appellation. Pratiquement, ces décisions de retrait seront rares. Néanmoins, on ne peut exclure une telle hypothèse.

- S'agissant du retrait de l'appellation à l'initiative du propriétaire des collections, votre commission n'a pas souhaité exclure cette possibilité, notamment pour les musées privés pour lesquels le statut proposé par la loi emporte des restrictions très significatives pour l'exercice de leur droit de propriété. Le label devant être fondé sur la libre adhésion des propriétaires, il importe que le ministre ne puisse s'opposer à leur demande. Si le ministre disposait en la matière d'une compétence discrétionnaire, il est à craindre que le label soit de facto irrévocable. Toutefois, il convient d'allonger le délai à partir duquel les propriétaires de collections peuvent demander le retrait du label, en le portant de un an à quatre ans, afin de décourager des demandes d'attribution du label motivées par la seule perspective de bénéficier des avantages financiers et surtout fiscaux qui y sont attachés. Par ailleurs, votre commission a souhaité prévoir des conditions plus strictes de retrait dans le cas où le musée a reçu des concours publics : l'appellation ne pourra être retirée par le ministre que sur avis conforme du Haut Conseil des musées de France.

• Enfin, votre commission vous proposera d'adopter un amendement de coordination avec le dispositif proposé à l'article 8 limitant le principe de semi-aliénabilité des collections privées aux seuls biens acquis avec le concours de l'Etat ou d'une collectivité territoriale : la clause statutaire d'affectation irrévocable à l'usage du public, exigée des musées privés sollicitant le label, ne concernera pas l'ensemble des collections mais ces seuls biens.

Article 4

Contrôle scientifique et technique de l'Etat sur les musées de France

I. Texte du projet de loi

Au delà de la mention, à la valeur législative incertaine, de la possibilité pour les musées de France de bénéficier du « conseil et de l'expertise » de ses services, cet article pose le principe d'un contrôle scientifique et technique de l'Etat sur ces derniers.

L'attribution du label a donc pour effet principal d'étendre les prérogatives de l'Etat au delà de ses limites actuelles.

En effet, pour l'heure, outre les musées dont les collections lui appartiennent, l'Etat exerce sa tutelle sur les seuls musées classés et contrôlés dans des conditions au demeurant mal définies, faute de texte réglementaire en précisant les modalités.

L'ordonnance de 1945 précise les domaines dans lesquels s'exerce le contrôle de l'Etat sur les musées :

- tout projet de création de musée est déclaré à la direction des musées de France ; faute de cette déclaration, le ministre peut prescrire la fermeture du musée (article 7) ;

- le règlement intérieur et la fixation des droits d'entrée sont approuvés par le ministre (article 8) ;

- les acquisitions à titre gratuit et onéreux font l'objet d'un avis préalable du ministre (article 9) ;

- les musées classés et contrôlés sont inspectés par les services du ministère de la culture (articles 12 et 14) ;

- les règles relatives à la qualification des personnels scientifiques des musées classés et contrôlés sont fixées par décret (article 13).

S'agissant des musées des collectivités territoriales, si les lois de décentralisation ont rendu obsolètes bon nombre de ces dispositions, seuls les articles 9, 12, 13 et 14 pouvant encore s'appliquer, elles n'ont pas été l'occasion de clarifier les modalités de la tutelle exercée par l'Etat sur ces musées.

En effet, bien que l'article L. 1423-1 du code général des collectivités territoriales soumette l'activité des musées territoriaux au « contrôle technique de l'Etat », le décret en fixant le contenu n'a jamais été pris.

Interrogé sur les raisons de cette carence par votre rapporteur, les services du ministère ont estimé que cette disposition ne constituait pas une base légale suffisante pour édicter un décret susceptible de porter atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales. Sans être convaincu par cette explication, votre rapporteur rappelle que la loi pas plus que le décret ne permettra de limiter la portée de ce principe à valeur constitutionnelle. Par ailleurs, il a été tenté de se demander dans quelle mesure le souci d'affirmer le pouvoir de tutelle de l'Etat sur l'ensemble des musées et non seulement ceux des collectivités territoriales ne constituait pas le principal voire le seul objectif de ce projet de loi.

Cette analyse apparaît d'autant plus fondée que le champ du contrôle, non seulement « technique », comme le qualifiaient les lois de décentralisation, mais également « scientifique » est défini le plus largement possible par le projet de loi : les inspections diligentées par l'Etat sont susceptibles de porter sur la totalité des missions des musées de France. Votre rapporteur ne reviendra pas sur l'analyse de ces missions, dont l'énoncé très général figure désormais à l'article 1 er bis du texte adopté par l'Assemblée nationale.

Cette rédaction n'interdit donc pas que le décret ne retienne une conception de la tutelle qui aille au delà des seules modalités prévues par le projet de loi, qui permettent déjà à l'Etat d'exercer un contrôle très minutieux sur les musées de France (définition des compétences des personnels de conservation -article 5- et de restauration -article 11 ; avis préalable sur les projets d'acquisition et de restauration -articles 7 et 11 ; édiction des conditions de prêt et de dépôt des collections -article 10 ; possibilité de prendre des mesures conservatoires en cas de mise en péril des collections -article 12).

Cette perspective difficilement acceptable pour les musées privés qui jusqu'ici n'étaient assujettis à la tutelle de l'Etat que pour ceux classés ou contrôlés aux termes de l'ordonnance de 1945, ne l'est pas plus pour les musées dont les collections appartiennent aux collectivités territoriales.

Même si l'on admet que le label n'est accordé qu'à la demande des propriétaires des collections, le projet de loi apparaît comme le moyen pour l'Etat de renforcer ses prérogatives au delà de ce que prévoient aujourd'hui l'ordonnance de 1945 et les lois de décentralisation.

II. Texte adopté par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a modifié cet article sur deux points.

En premier lieu, elle a renvoyé l'énoncé des missions permanentes des musées de France à l'article 1 er bis, sans pour autant modifier le champ du contrôle scientifique et technique de l'Etat.

En second lieu, elle a complété cet article afin de prévoir que pour les musées dont les collections n'appartiennent pas à l'Etat ou à l'un de ses établissements publics, l'attribution de l'appellation est suivie de la signature d'une convention entre l'Etat, le musée et la personne morale propriétaire des collections afin de préciser les conditions de réalisation des missions énoncées à l'article 1 er bis et de mise en oeuvre des dispositions de la loi.

Cette introduction dans le projet de loi de la contractualisation qui n'a pas recueilli l'accord du gouvernement, vise selon M. Alfred Recours, rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale, « à renforcer la clarification des relations entre l'Etat et les musées décentralisés » en précisant « comment le musée entend remplir les missions qui lui sont fixées ; comment l'administration de la culture assurera son contrôle et son soutien ; comment la personne morale propriétaire des collections organisera ses rapports avec le musée et l'administration de la culture ».

A l'évidence, il s'agit là de tempérer le caractère centralisateur du projet, en laissant à la convention plutôt qu'au décret le soin de définir les modalités du contrôle exercé par l'Etat.

III. Position de la commission

• Votre commission a estimé indispensable de circonscrire l'étendue du contrôle de l'Etat sur les musées de France en adoptant un amendement le limitant aux seules modalités prévues dans le projet de loi. La rédaction trop générale adoptée par l'Assemblée nationale risque de conduire pour les musées territoriaux à une recentralisation qui n'est ni souhaitable ni réalisable compte tenu de la faiblesse des moyens dont dispose l'Etat pour exercer son pouvoir de tutelle et, pour les musées privés, à une mainmise des services de l'Etat qui ne serait guère compatible avec leur statut.

• S'agissant de la généralisation des conventions passées entre l'Etat, les musées et les propriétaires de collection, votre rapporteur estime nécessaire d'encourager une politique de contractualisation permettant de déterminer les engagements des différents partenaires, politique déjà largement mise en oeuvre dans la pratique au fur et à mesure des projets de création de nouveaux musées ou de rénovation des institutions existantes.

Toutefois, la rédaction retenue par l'Assemblée nationale, qui rend obligatoire ces conventions, ne va pas sans soulever un certain nombre de difficultés.

L'obligation de contracter, si elle vise à accentuer le principe d'un label non pas imposé par l'Etat mais consenti par les propriétaires des musées, risque dans la pratique d'aboutir à une situation défavorable à ces derniers : il y a, en effet, à craindre que la négociation soit fort déséquilibrée et que les musées souhaitant obtenir le soutien de l'Etat, sous une forme ou sous une autre, ne laissent les services de l'Etat imposer leurs conditions.

En outre, on peut s'interroger sur les conséquences d'un échec des négociations engagées ou plus simplement de l'absence de négociations. Faut-il comprendre que les obligations prévues par la loi ne s'appliqueraient alors pas ?

De plus, une telle procédure semble très lourde à mettre en place, du moins dans les premiers mois d'application de la loi pendant laquelle les services de l'Etat ne pourront conduire les négociations nécessaires à l'établissement de ces conventions avec l'ensemble des musées labellisés.

Par ailleurs, on peut regretter que ces conventions ne concernent que les musées des collectivités locales et les musées privés. Dans le souci de parvenir à une meilleure gestion des musées de l'Etat et plus particulièrement des musées nationaux, il semblerait opportun de favoriser une telle pratique qui permettrait de responsabiliser leurs gestionnaires. Ces derniers souffrent en effet de leur absence d'autonomie, situation qui résulte de la réticence de la direction des musées de France à se défaire d'un pouvoir de gestion directe, incompatible avec le processus de déconcentration, et qui réduit sa capacité à se consacrer à sa mission d'orientation et d'impulsion.

Compte tenu de cette analyse, votre commission a adopté un amendement visant, d'une part, à conférer aux conventions entre l'Etat et les musées de France un caractère facultatif, et non obligatoire comme le prévoyait le texte adopté par l'Assemblée nationale et, d'autre part, à étendre cette possibilité de contractualisation à l'ensemble des musées de France.

Article 5

Responsabilité scientifique des musées de France

I. Texte du projet de loi

Dans le souci légitime d'assurer dans les meilleures conditions la conservation et la mise en valeur des collections, cet article vise à réserver la responsabilité scientifique des musées de France à des professionnels présentant des qualifications définies par décret en Conseil d'Etat.

En pratique, cet article étend à l'ensemble des musées de France, quels que soient leur propriétaire et leur statut, une règle qui ne prévalait jusqu'ici que pour les musées de l'Etat et les musées classés et contrôlés. On rappellera que l'article 13 de l'ordonnance de 1945 confie au pouvoir réglementaire la définition des règles relatives à la qualification de l'ensemble des personnels scientifiques des musées classés et contrôlés, quel que soit leur statut.

Actuellement, ces règles résultent des décrets instituant les corps et les cadres d'emplois des fonctions publiques de l'Etat et des collectivités territoriales chargés de la conservation du patrimoine qui précisent que leurs membres ont vocation à exercer des responsabilités scientifiques et techniques dans ces établissements.

La responsabilité scientifique des musées classés et contrôlés a donc vocation à être confiée à un conservateur appartenant soit au corps d'Etat des conservateurs du patrimoine, soit au cadre d'emploi des conservateurs territoriaux du patrimoine. Toutefois, on rappellera que dans les musées classés, cette fonction est exercée par des fonctionnaires de l'Etat. L'ordonnance de 1945 le prévoyait expressément ; les lois de décentralisation ont prévu un système de mise à disposition dérogatoire aux règles générales de la fonction publique auquel, au demeurant, l'article 15 du projet de loi met fin.

Si les corps de conservation de l'Etat et des collectivités territoriales sont distincts, leur recrutement et leur formation sont dans les faits très comparables.

S'agissant du corps d'Etat des conservateurs du patrimoine, le recrutement s'effectue par le biais d'un concours organisé par l'Ecole nationale du patrimoine. Les candidats reçus, nommés conservateurs stagiaires, suivent au sein de cette école une formation d'une durée de dix-huit mois à l'issue de laquelle ils sont titularisés et affectés en fonction de la nature des études qu'ils ont effectuées au sein de l'Ecole du patrimoine.

En ce qui concerne le cadre d'emploi territorial, les candidats se présentent à un concours organisé par le Centre national de la fonction publique territoriale, en réalité très comparable à celui de l'Ecole du patrimoine, dans l'une et l'autre des spécialités suivantes : archéologie, archives, inventaire, musée. Ce concours n'aboutit pas à un recrutement mais à l'inscription sur une liste d'aptitude valable deux ans, leur recrutement dépendant d'une nomination faite par l'autorité territoriale. Une fois recrutés, les stagiaires suivent une formation comparable aux conservateurs du corps d'Etat dispensée au sein de l'Ecole du patrimoine.

Les règles habituelles de mobilité s'appliquent à ces corps. Cependant, force est de constater qu'elle est encore peu pratiquée, ce que l'on ne peut que déplorer, tant un échange entre personnels d'Etat et personnels des collectivités territoriales semble nécessaire pour l'enrichissement des connaissances scientifiques comme pour une dynamisation des méthodes de gestion des collections.

S'agissant des musées privés et des musées territoriaux qui ne sont ni classés ni contrôlés, aucune règle spécifique ne s'impose pour la désignation du responsable scientifique des collections. Si des conservateurs du corps d'Etat ou du cadre d'emploi territorial peuvent dans certains musées assumer ces fonctions, dans bien d'autres, compte tenu notamment de leurs dimensions, les conservateurs ne bénéficient pas d'emplois permanents et sont souvent des bénévoles.

Cette situation impose de faire preuve de discernement dans la définition des qualifications professionnelles exigées des conservateurs des musées de France : dans les faits, des exigences réglementaires trop strictes dictées par un souci de professionnaliser la gestion scientifique des musées, risqueraient de priver purement et simplement nombre de musées de conservateurs.

Par ailleurs, votre rapporteur ne peut que souligner l'intérêt de permettre dans les musées nationaux comme dans les autres musées de France la nomination de responsables scientifiques qui, tout en présentant les qualifications professionnelles indispensables, n'appartiendraient pas aux corps des conservateurs. Cette ouverture semble justifiée par la définition des missions des musées proposée par le projet de loi, qui met en exergue leurs responsabilités culturelles et éducatives, et par la nécessité de pallier l'absence de mobilité au sein du corps des conservateurs.

D'après les informations fournies par le gouvernement, le décret prévoirait les dispositions suivantes :

- s'agissant des musées appartenant à une personne publique, la responsabilité scientifique des collections sera confiée aux personnels appartenant aux corps ou aux cadres d'emplois des fonctions publiques de l'Etat et des collectivités territoriales chargés de la conservation du patrimoine. Toutefois, pourront être également désignées des personnes qui n'appartiennent pas à ces corps mais qui exercent de telles responsabilités à la date de publication de la loi, afin d'éviter que des musées soient privés de leur conservateur, ainsi que les personnes inscrites sur la liste d'aptitude de conservateur de musée contrôlé avant 1991 et qui ont assuré pendant cinq ans au moins la responsabilité des activités scientifiques au sein d'une institution spécialisée dans un des domaines couverts par les musées de France ;

- en ce qui concerne les musées privés, outre les professionnels susceptibles d'exercer dans un musée appartenant à une personne publique, pourront être désignées les personnes titulaires d'un diplôme national sanctionnant un diplôme de second cycle dans une des disciplines représentées au sein des musées de France mais également les personnes qui exercent ou ont exercé dans un délai de cinq ans la responsabilité scientifique d'un tel musée ainsi que les personnes qui ont été inscrites sur la liste d'aptitude aux fonctions d'attachés de conservation.

Si ce système ne limite pas aux seuls corps des fonctions publiques de l'Etat et des collectivités territoriales chargés de la conservation du patrimoine le vivier dans lequel pourront puiser les propriétaires des musées de France et permet notamment de consolider les situations acquises, il n'ouvre guère la voie à une diversification des « profils » des conservateurs de musées. Votre rapporteur ne peut que le regretter, estimant que l'ouverture de cette profession à des compétences plus variées permettrait de renouveler les méthodes de gestion des musées dans le sens voulu par la loi d'une meilleure prise en compte des attentes du public. A cet égard, l'introduction dans les textes réglementaires d'un système de validation des acquis professionnels apparaît nécessaire.

L'article 5 du projet de loi n'impose toutefois pas que soit désigné dans chacun des musées de France un conservateur remplissant ces conditions. Rien d'interdira à une collectivité publique de désigner un conservateur pour assurer la responsabilité scientifique de plusieurs musées. Cette solution, déjà appliquée avec succès, permet d'apporter une réponse adaptée à la situation particulière de musées territoriaux de dimension et de fréquentation modestes, dans l'intérêt bien compris des finances publiques.

II. Texte adopté par l'Assemblée nationale

Sur proposition de sa commission des affaires culturelles, familiales et sociales et avec l'avis favorable du gouvernement, l'Assemblée nationale a étendu le champ d'application de cet article en précisant qu'outre les personnels scientifiques, les responsables culturels devraient également présenter des qualifications définies par décret en Conseil d'Etat.

Cette disposition a été justifiée par le constat de l'insuffisant développement des activités de médiation culturelle des musées qui, selon le rapporteur, résulterait d'un manque de personnels compétents et, dans une moindre mesure, de l'inadaptation des corps de la fonction publique d'Etat et des cadres d'emploi de la fonction publique territoriale à ces tâches spécifiques.

Ce constat est particulièrement sensible pour les musées nationaux dont les services culturels, peu étoffés au regard du nombre de visiteurs, comptent essentiellement des agents recrutés par le biais de mises à disposition ou de détachements ou encore par voie contractuelle. En effet, les conservateurs, dont la formation ne les prépare guère à exercer ces fonctions, sont affectés quasi exclusivement à des emplois scientifiques et le nombre des postes ouverts au concours d'ingénieur des services culturels, créé en 1999, est encore sans rapport avec les besoins.

S'agissant des musées des collectivités territoriales, si les obstacles statutaires sont moindres grâce aux spécificités des cadres d'emplois de la fonction publique territoriale qui prévoient pour les attachés de conservation une option « médiation culturelle », les obstacles résident essentiellement dans l'insuffisance des moyens en personnels des musées.

S'il partage la préoccupation de voir se développer l'action culturelle et éducative des musées, votre rapporteur s'est longuement interrogé sur la pertinence de la solution apportée par l'Assemblée nationale aux difficultés rencontrées.

Si cet article peut inciter le pouvoir réglementaire à créer des corps spécifiques destinés à assurer les missions de médiation, on peut toutefois douter de l'opportunité de figer les compétences des personnels qui y sont affectés. Ces missions exigent des qualités professionnelles, une capacité de renouvellement et un esprit d'initiative que ne pourront garantir ni l'existence de corps spécifiques ni l'exigence de diplômes, dont on imagine mal, au demeurant, la nature, compte tenu de la diversité de la formation des personnels actuellement en poste comme de la nécessité de veiller à entretenir un vivier de compétences aussi large que possible.

Par ailleurs, une telle exigence ne permettra pas en tout état de cause de surmonter l'obstacle que constitue le manque de moyens dont souffrent actuellement les musées, qui les contraint à se concentrer sur l'essentiel, à savoir la conservation des collections, au détriment de leurs tâches éducatives et culturelles. Si des corps et des concours spécifiques sont créés, on peut craindre que les recrutements soient peu nombreux pour des raisons budgétaires.

Enfin, une telle règle, si elle peut à la limite se concevoir pour les musées les plus importants, semble trop rigide pour l'écrasante majorité d'entre eux.

III. Position de la commission

Compte tenu de ces observations, votre commission vous propose d'adopter à cet article un amendement tendant à revenir au texte initial du projet de loi.

Article 5 bis

Partenariat entre les musées et les établissements publics
de recherche et d'enseignement

I. Texte adopté par l'Assemblée nationale

Cet article introduit par l'Assemblée nationale, en dépit de l'avis défavorable du gouvernement, a pour objet d'inciter l'Etat à promouvoir l'établissement de relations contractuelles entre les musées de France et les établissements publics de recherche ou d'enseignement supérieur.

Inspirée par une préoccupation dont la légitimité est certes incontestable, une telle disposition rentre toutefois dans la catégorie des mesures d'affichage. Dépourvue de portée normative, elle n'introduit aucune obligation nouvelle pour les musées, quel que soit leur statut, et les établissements publics de recherche ou d'enseignement supérieur qui peuvent d'ores et déjà établir entre eux des relations contractuelles destinées à préciser les modalités d'une éventuelle collaboration.

Par ailleurs, la rédaction de cette disposition n'est pas exempte d'une certaine maladresse. Il semblerait préférable de laisser les musées, comme les organismes de recherche et les établissements publics d'enseignement supérieur qui disposent en vertu des lois de 1982 8 ( * ) et de 1984 9 ( * ) d'une large autonomie, maîtres de leurs relations de collaboration scientifique. On voit mal au demeurant de quels instruments disposera l'Etat pour inciter ces institutions à les développer.

Enfin, votre rapporteur s'est demandé s'il n'aurait pas été plus pertinent d'évoquer cette question -à supposer qu'il faille l'évoquer- dans le cadre de la constitution de réseaux scientifiques et culturels prévue à l'article 6 quater.

II. Position de la commission

Votre commission vous propose d'adopter un amendement supprimant cet article au bénéfice d'une modification de la rédaction de l'article 6 quater destinée à inclure les établissements de recherche et d'enseignement supérieur au sein des « réseaux géographiques, scientifiques ou culturels » constitués par les musées de France dont il traite.

Article 6

Fixation des tarifs des musées de France et informations
statistiques relatives à la fréquentation

I. Texte du projet de loi

Les dispositions de cet article sont hétérogènes ; les premier et troisième alinéas concernent les modalités de fixation des tarifs des musées de France tandis que le deuxième alinéa précise les modalités de récolement des informations statistiques concernant leur fréquentation.

? Les modalités de fixation des tarifs des musées de France

L'objet de l'article est double ; le premier alinéa affirme un principe général applicable à l'ensemble des musées de France et le troisième alinéa étend à l'ensemble des musées de France relevant de l'Etat le principe de gratuité d'accès pour les mineurs de dix-huit ans, déjà appliqué dans les musées nationaux.

- Un principe général à la valeur juridique incertaine

Cet article précise que les droits d'entrée des musées de France sont fixés de manière à « favoriser l'accès du public le plus large aux collections », objectif qui constitue au demeurant une de leurs missions aux termes de l'article 4 du projet de loi.

Cette disposition, dont nul ne songera à contester la légitimité, devra être mise en oeuvre dans des conditions compatibles avec le principe d'égalité constitutionnellement garanti ; les différences de traitement entre les visiteurs des musées devront être justifiées par l'intérêt général ou par des différences de situation.

La portée de ce principe demeure toutefois largement imprécise et laisse en pratique une grande marge de manoeuvre aux musées. On soulignera qu'il n'impose pas en lui-même l'obligation de moduler les tarifs entre les différentes catégories d'usagers et ne définit en aucun cas celles qui doivent être favorisées.

Par ailleurs, le projet de loi ne précise pas la sanction de ce principe. S'agissant des musées de l'Etat, il reviendra aux ministères de tutelle de veiller au respect de cet objectif qui demeure toutefois assez vague pour permettre aux musées d'en faire une application différenciée, ce qui ne constitue pas a priori un inconvénient selon votre rapporteur mais prive en réalité de portée la disposition législative.

S'agissant des musées territoriaux, le principe de libre administration des collectivités locales vient limiter encore la portée de la disposition proposée.

Les collectivités locales sont libres de déterminer les tarifs d'entrée dans leurs musées. Les lois de décentralisation ont abrogé de fait l'article 8 de l'ordonnance de 1945 précisant que la fixation des droits d'entrée doit être approuvée par le ministre compétent. L'Etat ne disposera donc pas des moyens de veiller à l'application de ce principe.

Pour les musées privés, il semble qu'une disposition législative aussi imprécise ne pourra guère limiter la liberté dont ils jouissent pour fixer leur tarif, liberté qui découle naturellement de leur statut de droit privé. Sauf à pratiquer des droits d'entrée proprement prohibitifs, hypothèse peu réaliste si ces musées veulent attirer des visiteurs, il n'est guère envisageable comme le laissent entendre les termes du rapport de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale que l'Etat puisse exercer une réelle influence sur leur politique tarifaire, sauf à faire prévaloir une conception du contrôle technique qui semble excéder l'esprit du projet de loi.

Toutefois, ces observations méritent d'être nuancées dans la mesure où l'écrasante majorité des musées nationaux et des musées classés et contrôlés mènent d'ores et déjà une politique tarifaire visant à favoriser l'accès de toutes les catégories de publics à leurs collections. Les effets de cette modulation des droits d'entrée, qui se traduit par des exonérations pures et simples ou des réductions pour certaines catégories d'usagers, dépendent évidemment du niveau général des tarifs pratiqués, qui demeurent très variables d'un musée à l'autre. A la décharge du projet de loi, on se félicitera de la prudence d'une disposition qui laisse les musées et les collectivités dont ils relèvent libres de déterminer les moyens d'ouvrir leurs collections au plus grand nombre. En effet, les politiques tarifaires doivent être adaptées à la spécificité de chaque musée en fonction de son rayonnement, de la nature de ses collections et de l'ampleur de sa fréquentation.

- La consécration du principe de gratuité de l'accès des mineurs de dix-huit ans à l'ensemble des musées de France relevant de l'Etat

Outre le principe général posé à l'alinéa premier pour l'ensemble des musées de France, cet article consacre dans la loi le principe d'exonération du droit d'entrée dans les collections permanentes pour les mineurs de dix-huit ans, déjà applicable dans les musées nationaux, tout en l'étendant à l'ensemble des musées de France relevant de l'Etat.

Cette mesure concerne au minimum la totalité des musées créés par décret, qui bénéficieront automatiquement de l'appellation « musée de France » aux termes de l'article 14 de ce projet de loi. Le coût financier d'une telle mesure est évalué par l'étude d'impact accompagnant le projet de loi à 13,5 millions de francs pour les musées relevant du ministère de l'éducation nationale et à 2,5 millions de francs pour les musées relevant du ministère de la défense.

On soulignera que cette exonération n'est pas de portée générale puisqu'elle ne concerne que le droit d'entrée donnant accès aux collections permanentes et non les droits à acquitter pour visiter les expositions temporaires, qui sont souvent plus élevés que les premiers.

Le projet de loi n'a pas retenu pour les musées relevant de l'Etat le principe général de gratuité, principe qui a été récemment instauré en Grande-Bretagne pour l'ensemble des musées publics et dont la pertinence n'a pas été encore débattue en France, sans doute pour des raisons liées aux obstacles budgétaires auxquels se heurte sa mise en oeuvre.

Cependant, il convient de souligner que dans la pratique, les exonérations de droits d'entrée ne concernent pas seulement les mineurs mais également d'autres catégories (handicapés). Selon les informations fournies par les services du ministère de la culture, sur les 15,4 millions d'entrées enregistrées par l'ensemble des musées nationaux, près du tiers des visiteurs, soit 4,4 millions bénéficiaient d'une mesure de gratuité.

L'impact des exonérations est bénéfique pour la fréquentation des musées. Ainsi, l'extension de la gratuité du premier dimanche de chaque mois à l'ensemble des musées nationaux a engendré une augmentation significative de la fréquentation estimée pour 2000 à près de 300 000 visites. En revanche, les conséquences de la gratuité sur l'élargissement des publics demeurent encore incertaines, ces mesures de modulation tarifaire engendrant incontestablement un effet d'aubaine pour certains visiteurs.

? Le récolement des informations statistiques relatives à la fréquentation des musées de France

Au troisième alinéa de cet article, figure une disposition qui aurait vocation à figurer au mieux dans une circulaire et plus vraisemblablement dans une note de service, précisant que les musées de France établissent et transmettent aux services de l'Etat des statistiques relatives à leur fréquentation. S'il ne peut que soutenir les efforts accomplis par la direction des musées de France pour développer l'instrument statistique Muséostat et surmonter les obstacles administratifs auxquels se heurte sa mise en oeuvre, votre rapporteur estime qu'ils ne peuvent justifier l'insertion d'une telle disposition dans la loi.

II. Position de l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté, sur proposition de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, une nouvelle rédaction de cet article. Au delà de modifications de forme, qui pour certaines d'entre elles constituent des améliorations, cette rédaction vise à compléter le texte du projet de loi afin de préciser que chaque musée de France dispose d'un service des publics qui aurait en charge « les actions d'accueil des publics, de diffusion, d'animation et de médiation ».

Cette disposition vise à remédier à l'insuffisant développement des activités de médiation des musées, constat déjà évoqué et que nul ne contestera.

Toutefois, votre rapporteur s'interrogera une nouvelle fois sur la pertinence de la solution adoptée au regard de l'objectif poursuivi.

Au delà des observations inévitables sur l'absence de caractère législatif d'une telle disposition qui, traitant de l'organisation administrative interne des musées, relève plus vraisemblablement du statut de chacun d'entre eux, votre rapporteur s'est interrogé sur la nécessité d'imposer une telle obligation à l'ensemble des musées de France, quelle que soit leur taille, même si le texte prévoit que ce service pourra être commun à plusieurs institutions.

Une telle disposition semble traduire l'espoir que l'organe créera la fonction. Or, il ne suffit pas qu'un musée se dote d'un service de médiation pour que se développe son action en ce domaine et qui plus est qu'elle soit couronnée de succès. La détermination d'un conservateur peut être plus efficace que la création d'un tel service.

Là encore, la diversité des situations commande la prudence ; imposer aux musées une charge financière nouvelle à ce titre ne semble pas justifié et en l'absence de moyens humains et financiers supplémentaires, ces services ne pourront prétendre qu'à une existence factice.

III. Position de la commission

Compte tenu de ces observations, votre commission vous propose d'adopter deux amendements de suppression des deuxième et troisième alinéas de cet article qui visent respectivement à imposer à chaque musée de France, d'une part, la création d'un service des publics et, d'autre part, la transmission d'informations statistiques relatives à la fréquentation.

Article 6 bis

Conventions entre les musées de France et les personnes morales
de droit privé à but non lucratif ayant pour objet de
contribuer à leur soutien et à leur rayonnement

I. Texte adopté par l'Assemblée nationale

Cet article additionnel apparaît comme une mesure d'affichage, certes fondée sur des préoccupations légitimes, mais sans réelle portée normative et dont la mise en oeuvre dépendra de la bonne volonté des différents acteurs de la politique des musées.

Il ouvre, en effet, la possibilité aux musées de France de conclure des conventions avec des personnes morales de droit privé à but non lucratif qui se fixent pour objet de contribuer à leur soutien et à leur rayonnement, en bref les associations d'amis de musées. Cette disposition adoptée par l'Assemblée nationale afin de reconnaître le rôle joué par ces associations, n'apporte en réalité pas grand chose dans la mesure où cette possibilité est déjà ouverte par la faculté de contracter dont disposent les musées, pour ceux dotés de la personnalité morale, ou la collectivité dont ils relèvent, pour ceux qui en sont dépourvus. Ainsi, a été signée en 1998 une convention entre l'établissement public du Louvre et la Société des amis du Louvre.

Les associations d'amis de musées, dont le rayonnement et les moyens d'action demeurent très hétérogènes, apportent une contribution souvent décisive à l'action des musées qu'elles soutiennent.

Faute de disposer de données d'ensemble, on rappellera que des sociétés d'amis existent auprès des deux-tiers des musées nationaux. Aux côtés de la plus importante d'entre elles et de la plus ancienne qu'est la Société des amis du Louvre, riche de plus de 70 000 adhérents, figurent des associations plus récentes et plus modestes qui s'engagent dans une politique active de mécénat, à l'image de la Société des amis du musée Guimet.

Le soutien financier apporté par ces associations permet aux musées de disposer de moyens supplémentaires pour conduire leur politique d'acquisition et apparaît à ce titre souvent décisif dans un contexte budgétaire contraint. La Société des amis du musée du Louvre, au cours des cinq dernières années, aura contribué à l'enrichissement de ses collections pour un montant de 98 millions de francs. On citera en exemple de son action la contribution de 19,5 millions de francs apportée pour l'achat du portrait par David de Juliette de Villeneuve, oeuvre d'une valeur totale de 35 millions de francs déclarée trésor national au sens de la loi de 1992, acquise pour le musée en 1997.

Au delà de cet aspect financier, les associations d'amis peuvent prendre une part active à la vie des musées, notamment pour ceux de taille modeste, en conduisant des actions de médiation culturelle, voire même en assurant l'ouverture des collections au public lorsque les personnes d'accueil et de surveillance font défaut.

II. Position de la commission

Dans un pays comme la France, marqué par l'atonie du mécénat, les initiatives des sociétés d'amis méritent d'être reconnues et encouragées.

Ces associations constituent un lien précieux entre la société civile et les musées, qui, à la différence des institutions muséographiques anglo-saxonnes, pâtissaient encore jusqu'à une date récente d'un certain isolement dû notamment à l'absence de dialogue entre les conservateurs, les collectionneurs et les mécènes.

Toutefois, votre rapporteur souhaite que si les conventions visées à cet article encouragent l'action des associations d'amis de musées, elles permettent également de clarifier les relations entre ces dernières et les institutions qu'elles soutiennent.

Comme l'a souligné un rapport récent de la Cour des Comptes 10 ( * ) , faute pour l'Etat de s'être véritablement préoccupé d'organiser et d'orienter les initiatives prises par des personnes privées en faveur des collections publiques, aucun principe clair permettant d'établir des relations équilibrées dans le respect des intérêts respectifs de l'Etat et de ses partenaires privés n'a pu être dégagé, ce qui, dans certains cas, a pu déboucher sur des « pratiques ambiguës, voire irrégulières ».

Il est sans doute souhaitable qu'à l'occasion de la signature de ces conventions, les responsabilités respectives des musées et des associations soient bien définies, afin d'éviter une confusion des rôles. Les associations d'amis n'ont pas pour mission d'administrer les musées et de supporter le coût des missions que leur attribuent la loi et leurs statuts. De même, les musées ne doivent pas consentir à ces associations des facilités excessives au regard de la contribution qu'elles apportent.

La Cour des Comptes avait, en conclusion de ses observations, recommandé qu' « aucune relation ne soit plus établie avec des associations hors d'un cadre conventionnel précis ». L'article introduit par l'Assemblée nationale répond à cette préoccupation qui, longtemps, et on le regrettera, n'a pas été partagée par les services du ministère de la culture, la Réunion des musées nationaux n'ayant fait part que récemment à ces associations de son souhait d'uniformiser les avantages qui leur sont accordés par les musées et de les recentrer sur les activités des institutions qu'elles soutiennent.

Compte tenu de ces observations, votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 6 ter

Rapport sur les incidences financières de l'extension
de la gratuité d'accès des mineurs de dix-huit ans
à l'ensemble des musées de France

I. Position de l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a introduit cet article additionnel afin de permettre au Parlement de disposer d'éléments d'information, d'une part, sur les incidences financières de l'extension de la gratuité d'accès des mineurs de dix-huit ans à l'ensemble des musées nationaux et, d'autre part, sur la possibilité de prévoir pour l'ensemble des musées de France l'accès gratuit aux collections permanentes une fois par mois. Cette information, qui prendrait la forme d'un rapport remis au Parlement au plus tard un an après l'entrée en vigueur de la présente loi étudierait également les éventuels mécanismes de compensation financière susceptibles d'être mis en oeuvre au profit des collectivités territoriales.

II. Position de la commission

Votre rapporteur estime opportun de réfléchir à une éventuelle extension des mesures de gratuité à l'ensemble des musées de France.

Toutefois, il considère qu'il revient aux collectivités locales et aux musées privés d'apprécier la politique tarifaire la plus opportune pour favoriser un élargissement de leurs publics. Une telle position s'avère conforme au principe de libre administration des collectivités locales et à la nécessité de respecter la liberté de gestion des personnes privées.

La modulation des droits d'entrée ne constitue qu'un des moyens dont disposent les musées pour assurer leurs missions éducatives et culturelles ; la mise en place de tarifs attractifs ne doit pas exonérer les musées de rechercher d'autres voies d'action en ce domaine : développement des relations avec les établissements scolaires, mise en place d'itinéraires de visites spécifiques pour les personnes handicapées par exemple.

Enfin, une généralisation de la gratuité -dont l'efficacité en termes de démocratisation reste, on le répète à nouveau, à prouver- conduit inévitablement à limiter la marge de manoeuvre financière des musées et à réduire leur autonomie budgétaire, en les contraignant à recourir de plus en plus largement à des subventions des collectivités publiques, voire même pour les musées privés à compromettre leur ouverture au public.

Votre commission vous proposera donc de supprimer cet article.

Article 6 quater

Constitution de réseaux géographiques, scientifiques
ou culturels entre les musées de France

I. Position de l'Assemblée nationale

Cet article additionnel introduit par l'Assemblée nationale impose à l'Etat d' « encourager et de favoriser la constitution de réseaux géographiques, scientifiques ou culturels entre les musées de France ».

Au delà du caractère contestable d'une telle mesure qui peut apparaître comme une injonction faite par le Parlement au gouvernement, sa portée normative apparaît en tout état de cause limitée.

On peut se demander dans quelle mesure l'Etat peut favoriser la mise en place de tels réseaux. C'est en effet grâce à des initiatives individuelles de conservateurs que sont nés les réseaux existants. Il y a fort peu de chances que, dans un domaine où chaque institution demeure attachée à sa spécificité, des collaborations imposées par l'Etat puissent réellement se développer. Par ailleurs, on voit mal de quels instruments peuvent disposer les services de l'Etat pour susciter la création de réseaux, notamment à l'égard des musées des collectivités territoriales et des musées privés.

Toutefois, il convient de souligner la pertinence des préoccupations qui ont justifié son adoption.

En effet, ces collaborations restent embryonnaires en raison des difficultés qu'éprouvent les musées de l'Etat à se défaire de la relation exclusive qu'ils entretiennent avec leur autorité de tutelle et les autres musées, à briser un isolement imposé par des particularismes locaux ou par la spécificité de leurs collections.

Cette situation est regrettable compte tenu de l'intérêt scientifique et culturel que représentent les réseaux existants qu'ils privilégient une collaboration thématique, comme celle qui a justifié la création du groupe CAC 40 réunissant des musées d'art contemporain ou de la fédération nationale des écomusées et musées de société, ou une coopération territoriale.

II. Position de la commission

Votre commission vous propose d'adopter à cet article un amendement tendant à préciser que peuvent participer à ces réseaux des établissements d'enseignement supérieur et de recherche.

Votre rapporteur estime, en effet, nécessaire que de telles collaborations puissent se développer et se généraliser. Ce constat est partagé ; un ancien directeur des musées de France, dans un ouvrage récent 11 ( * ) , soulignait que l' « organisation scientifique des musées doit être simultanément mise à profit pour les ouvrir plus largement sur le monde de la recherche et de l'université ».

Article 7

Acquisitions des musées de France ne relevant pas de l'Etat
ou de l'un de ses établissements publics

I. Texte du projet de loi

Cet article soumet les acquisitions des musées de France ne relevant pas de l'Etat ou de l'un de ses établissements publics à l'avis préalable des services de l'Etat.

Jusqu'à présent, les textes en vigueur ne prévoyaient qu'une procédure d'avis pour les musées classés et contrôlés. L'article 9 de l'ordonnance de 1945 précise, en effet, que « l'acquisition d'une oeuvre d'art, l'acceptation définitive d'un don ou d'un leg d'oeuvres d'art par un des musées classés ou contrôlés doivent être précédées d'un avis du ministère de l'éducation nationale ».

La procédure prévue par les textes réglementaires, inspirée par le souci de s'assurer grâce à la consultation d'un organe collégial que les biens dont l'acquisition est envisagée sont dignes d'entrer dans les collections, est calquée sur celle applicable aux musées nationaux.

On rappellera que les acquisitions des musées nationaux sont soumises à l'avis de deux organes : d'une part, le comité consultatif des musées nationaux, composé pour l'essentiel de conservateurs, et, d'autre part, le conseil artistique des musées nationaux, dont la composition fait une large place à des personnalités extérieures choisies en raison de leurs compétences, collectionneurs, experts et marchands. Dans la pratique, ces deux organes saisis successivement ne se contredisent quasiment jamais et leur avis sont toujours suivis par le ministre.

Pour les musées classés et contrôlés, la procédure est moins lourde ; seul est consulté préalablement à la décision du ministre le conseil artistique des musées classés et contrôlés dont la composition et les modalités de fonctionnement fixés par le décret n° 82-107 du 28 janvier 1982 sont très proches de ceux du conseil artistique des musées nationaux.

En outre, les acquisitions de quelque importance faisant le plus souvent l'objet d'une demande de subvention, elles sont examinées par la commission des musées de province, si la subvention est demandée directement à la direction des musées de France, mais également par les fonds régionaux d'acquisitions des musées lorsqu'un financement régional est sollicité.

Le projet de loi étend donc la procédure d'avis préalable à l'ensemble des musées qui ne relèvent pas de l'Etat ou de ses établissements publics, dès lors qu'ils ont reçu l'appellation « musée de France », y compris les musées qui n'étaient jusqu'ici ni classés ni contrôlés.

Cette disposition apparaît comme la traduction de la volonté de l'Etat de garantir son contrôle sur les collections des musées.

Toutefois, comme dans le régime actuellement applicable aux musées classés et contrôlés, l'avis, s'il est obligatoire, ne liera pas la personne morale dont relève le musée concerné par le projet d'acquisition.

A la différence de l'ordonnance de 1945, le projet de loi précise que l'avis est donné non plus par le ministre mais par les services de l'Etat. D'après les informations fournies par le ministère de la culture, cette procédure ferait l'objet d'une large déconcentration, l'avis étant rendu par le directeur régional des affaires culturelles.

II. Position de l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.

III. Position de la commission

Votre rapporteur s'est interrogé sur l'opportunité de cette procédure consultative comme sur ses conséquences pratiques.

Malgré l'éminence de leurs connaissances, les directeurs régionaux des affaires culturelles ne disposent pas toujours des connaissances nécessaires pour émettre un avis éclairé sur les acquisitions de l'ensemble des musées d'une région. On rappellera, par ailleurs, que toutes les DRAC ne comportent pas un conseiller « musée ». Enfin, la faiblesse des moyens en personnels des services déconcentrés du ministère de la culture laisse craindre des retards dans le traitement des dossiers, retards peu compatibles avec le bon déroulement des procédures d'acquisition, qui concernent en pratique bon nombre d'objets de valeur modeste.

En outre, le principe de libre administration des collectivités locales comme la liberté de gestion dont jouissent les musées privés en vertu de leurs statuts conduisent à répondre par la négative. C'est à elles seules que revient la responsabilité de disposer de leur patrimoine.

Enfin, il convient en ce domaine de s'en remettre aux conservateurs qui disposent pour apprécier de l'opportunité des qualifications nécessaires, qualifications qui seront définies par décret comme le prévoit l'article 5.

Compte tenu de ces observations, votre commission vous propose d'adopter un amendement tendant à supprimer cet article.

Article 8

Statut des collections des musées de France

I. Texte du projet de loi

Afin d'en assurer la protection, cet article définit le statut juridique des collections des musées de France.

S'agissant des collections publiques, ce statut va au-delà des règles de droit commun de la domanialité publique, en affirmant un principe d'inaliénabilité absolue des biens les composant.

Par ailleurs, le projet de loi fixe pour les collections privées des règles qui diffèrent assez significativement de l'état actuel du droit, en limitant le droit de propriété des musées sur leurs collections dans le souci d'en préserver l'intégrité et d'en garantir la pérennité.

• Le régime applicable aux collections des musées appartenant à des personnes publiques

En l'état actuel du droit et en l'absence de dispositions spécifiques, dans la mesure où les collections publiques sont la propriété d'une personne publique et sont affectées à l'usage du public ou à l'exécution d'un service public, elles appartiennent au domaine public de la collectivité propriétaire, ce qui emporte comme conséquence leur imprescriptibilité et leur inaliénabilité.

S'agissant des biens appartenant à l'Etat, l'article L. 52 du code du domaine de l'Etat dispose, en effet, que « les biens du domaine public sont inaliénables et imprescriptibles ». Aux musées territoriaux, s'appliquent les dispositions de l'article L . 1311-1 du code général des collectivités territoriales qui précisent : « les biens du domaine public des collectivités territoriales, de leurs établissements publics et de leurs groupements sont inaliénables et imprescriptibles ».

Ces règles ne constituent au demeurant que la formalisation de solutions jurisprudentielles. Ainsi, l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 3 janvier 1846, Bibliothèque royale c/ Charron considérait qu' « en principe les ouvrages, manuscrits, plans, autographes et autres objets précieux, faisant partie de la Bibliothèque royale sont inaliénables et imprescriptibles, comme appartenant au domaine public ». De même, un arrêt de la Cour de Cassation du 17 juin 1896, Jean Bonnin c/ villes de Mâcon et de Lyon avait écarté l'application de l'article 2279 du code civil pour des livres et manuscrits appartenant à la commune au motif que ces biens « qui sont la partie constitutive et essentielle d'une bibliothèque dépendant du domaine public, appartiennent nécessairement à ce même domaine (...) qui est inaliénable et imprescriptible ».

- l'imprescriptibilité

Le paragraphe I de cet article réaffirme cette règle et l'étend à l'ensemble des musées de France, y compris donc à des biens dont les propriétaires sont des personnes privées.

Si l'extension de la règle de l'imprescriptibilité à ces biens constitue une innovation, le projet de loi ne fait que consacrer le droit existant pour les collections publiques, l'imprescriptibilité étant une conséquence de l'inaliénabilité.

On rappellera que l'imprescriptibilité en faisant obstacle à l'application des articles 2279 et 2280 12 ( * ) du code civil, qui instaurent un mécanisme acquisitif au bénéfice du possesseur de bonne foi, met les musées à l'abri d'aliénations involontaires résultant de la perte ou du vol en leur permettant de récupérer le bien, sans limite de temps et sans aucune indemnité, à supposer qu'il ait été retrouvé, ce qui est, dans l'hypothèse du vol, malheureusement rarement le cas.

- l'inaliénabilité

Le paragraphe II de cet article dispose que les collections publiques sont inaliénables.

La sanction de ce principe est la nullité des ventes et des échanges portant sur des biens appartenant au domaine public, rappelée par le paragraphe IV de cet article.

Cette disposition du projet de loi, qui, en première analyse, peut apparaître redondante par rapport aux dispositions du code du domaine de l'Etat et du code général des collectivités territoriales, va en réalité au-delà en consacrant un principe d'inaliénabilité absolue des collections publiques.

En effet, la règle de l'inaliénabilité du domaine public au sens où l'entendent les textes existants, est une règle relative dans la mesure où l'appartenance au domaine public n'est pas irrévocable. Cela résulte du fondement même du principe d'inaliénabilité, à savoir l'affectation : ce n'est pas la nature des biens appartenant au domaine public qui fait obstacle à l'aliénation mais leur affectation. En effet, un bien peut être déclassé lorsqu'il s'avère que l'affectation à l'usage du public ou du service public n'est plus fondée et, dès lors, être aliéné. En pratique, de telles décisions ont été évidemment extrêmement rares, s'agissant de collections muséographiques.

Le projet de loi accorde donc aux collections publiques une protection supplémentaire et spécifique par rapport à celle attribuée à l'ensemble des biens du domaine public en consacrant, au regard de l'intérêt qu'elles présentent pour la Nation, un principe absolu d'inaliénabilité qui s'oppose à tout déclassement, inaliénabilité qui résulte non pas de l'affectation des biens mais de leur nature même. On relèvera au passage que les collections des musées publics ne disposant pas de l'appellation « musée de France » ne bénéficieront que du régime de domanialité publique de droit commun.

Toutefois, dans un souci de bonne gestion des collections ce principe d'inaliénabilité est tempéré par un assouplissement destiné à renforcer son efficacité.

Le deuxième alinéa du paragraphe II prévoit, en effet, un dispositif permettant à une personne publique de transférer, à titre gratuit, la propriété de tout ou partie de ses collections à une autre personne publique si cette dernière s'engage à en maintenir l'affectation à un musée de France.

Le transfert de propriété sera approuvé par le ministre chargé de la culture et, le cas échéant, par le ministre intéressé, après avis du Conseil des musées de France. Sont exceptés de cette possibilité de transfert les biens acquis par une collectivité publique à la suite d'un don ou d'une dation en paiement en vertu des articles 1131 et 1716 du code général des impôts.

Ce mécanisme original ouvre la possibilité à une collectivité qui ne peut plus ou ne souhaite plus assumer la charge de ses collections de les remettre à une autre collectivité. En l'état actuel du droit, il convient de désaffecter le patrimoine du musée au motif qu'il ne présentait plus d'intérêt public pour la collectivité propriétaire pour ensuite le réaffecter en expliquant quel intérêt majeur il représentait pour la collectivité « repreneuse », ce qui, à l'évidence, n'était guère satisfaisant. Faute d'une disposition expresse, le principe d'inaliénabilité posé par la loi interdirait de procéder à de tels déclassements.

• Le régime applicable aux collections des musées de France appartenant à des personnes morales de droit privé

C'est sans doute sur ce point que le projet de loi apparaît comme le plus novateur.

- En premier lieu, il applique à ces collections deux règles protectrices qui ne bénéficiaient jusqu'ici qu'aux collections publiques à savoir l'imprescriptibilité et l'insaisissabilité .

Le paragraphe I de cet article applique à ces collections la règle de l'imprescriptibilité. Une telle disposition mettant les musées privés à l'abri des aliénations involontaires, apparaît tout à fait justifiée. C'est le même souci d'assurer une meilleure protection de ces musées qui a inspiré l'extension à leurs collections du champ d'application de la procédure de restitution des biens culturels prévue par la loi du 3 août 1995 13 ( * ) auquel procède le paragraphe VII de l'article 16.

Par ailleurs, le dernier alinéa du paragraphe IV de cet article dispose que ces collections sont insaisissables à compter de la publication de la décision attribuant l'appellation « musée de France ».

- En second lieu, le paragraphe III limite les possibilités de cession de ces collections en instaurant un statut de quasi-inaliénabilité .

L'article 3 du projet de loi prévoyait déjà comme condition à l'octroi de l'appellation « musée de France » la présence dans les statuts de ces musées d'une clause d'affectation irrévocable de leurs collections à la présentation au public. L'article 8 en précise la portée : leurs propriétaires ne pourront les céder, en tout ou partie, à titre gratuit ou onéreux, qu'aux personnes publiques ou aux personnes morales de droit privé à but non lucratif qui se sont engagées au préalable à maintenir l'affectation de ces collections à un musée de France. Le projet de loi prévoit que ces cessions ne pourront intervenir qu'après approbation du ministre chargé de la culture et, le cas, échéant, du ministre intéressé, après avis du Conseil des musées de France. Le paragraphe IV précise que toute cession effectuée en violation de ce principe est nulle et que les actions en nullité peuvent être exercées à toute époque par l'Etat ou le propriétaire de la collection.

II. Position de l'Assemblée nationale

Sur proposition de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, mais contre l'avis du gouvernement, l'Assemblée nationale a modifié très sensiblement la portée du principe d'inaliénabilité des collections publiques affirmé par le paragraphe II de cet article précisant que « les oeuvres des artistes vivants ne deviennent inaliénables qu'à l'issue d'un délai de trente ans à compter de l'acquisition ».

Cette disposition retardant pour certaines catégories d'oeuvres l'application des règles de la domanialité publique renoue avec une pratique autrefois en vigueur. Il a en effet longtemps existé pour les oeuvres d'art contemporain un système de « période de consolidation ». Ainsi, les pièces entrées au XIXe siècle au musée du Luxembourg faisaient l'objet, cent ans après la naissance de leur auteur, d'un nouvel examen pour déterminer si elles devaient être définitivement versées dans les collections publiques ou plutôt affectées à d'autres services dotés de règles de gestion plus souples permettant d'éventuelles cessions.

Votre rapporteur a souhaité apprécier la pertinence de cette disposition au regard des deux motifs ayant justifié son adoption, à savoir le souci d'éviter une asphyxie des musées face à un nombre d'oeuvres sans cesse croissant et la volonté d'offrir aux conservateurs la possibilité de réviser l'opportunité de leurs décisions d'achat.

Si certains musées sont confrontés à des difficultés de gestion de leurs collections, ce n'est pas semble-t-il en raison du nombre pléthorique d'oeuvres contemporaines. Si un tel problème se pose, c'est essentiellement dans les Fonds régionaux d'art contemporain (FRAC) qui ne sont pas visés par la loi. A l'évidence, la disposition adoptée par l'Assemblée nationale ne correspond pas à un besoin des musées.

Par ailleurs, on peut se demander -interrogation sacrilège- s'il convient de remettre en cause le principe d'infaillibilité des décisions d'acquisition, principe qui conduit en quelque sorte à « sanctuariser » les collections publiques.

Votre rapporteur est bien conscient que l'histoire de l'art et des sensibilités commandent en ce domaine une grande prudence. Les jugements portés sur la valeur d'une oeuvre varient selon les époques.

Toutefois, à son sens, cette prudence ne doit pas aboutir à figer les collections. N'est-il pas excessif de considérer qu'un conservateur aurait toujours raison quand il achète et toujours tort quand il vend ? Votre rapporteur est tenté de le croire. Quelles que soient les garanties dont elle est entourée, l'erreur est indissociable de la décision d'acquisition. La gestion d'une collection ne peut se réduire à une stricte mission de conservation et pour certains types de collections doit être un exercice dynamique, impliquant des cessions, cessions qui au demeurant sont susceptibles de favoriser un enrichissement des collections, en permettant l'achat d'autres oeuvres.

L'exception au principe d'inaliénabilité pour les oeuvres d'artistes vivants est-elle pour autant pertinente ?

Votre rapporteur considère que la possibilité de repentir accordée aux responsables de collections publiques doit être de portée générale, la limiter à ces seules oeuvres reviendrait à instaurer un doute légal sur le talent des artistes comme sur la compétence des conservateurs dans un domaine où, plus que dans tout autre, il faut laisser à l'avenir les moyens de juger de l'opportunité des décisions d'acquisitions. A cet égard, il semblerait plus prudent de renforcer le contrôle des décisions d'acquisition que de faciliter les cessions, qui risquent au demeurant de conduire les musées à enregistrer des moins-values, ce qui constituerait d'ailleurs pour le ministre des finances un argument imparable pour justifier une réduction des crédits d'acquisition. En effet, il est peu probable que les musées se séparent d'oeuvres ayant connu une appréciation spectaculaire. A l'évidence, le montant comme le volume des acquisitions des musées en matière d'art contemporain ne justifient pas les inconvénients d'une telle entorse au principe d'inaliénabilité.

III. Position de la commission

Outre un amendement de coordination terminologique, votre commission vous proposera d'adopter deux amendements , l'un visant à limiter la portée du principe d'inaliénabilité des collections publiques et l'autre modifiant le statut prévu par le projet de loi pour les collections des musées privés dans le souci de mieux garantir leur droit de propriété.

? Au travers des nombreuses auditions auxquelles il a procédé, votre rapporteur a constaté qu'à la différence de certains pays occidentaux, tels que la Grande-Bretagne, les responsables scientifiques des musées, dans leur grande majorité, comme les services de l'Etat, ne semblent pas prêts à remettre en cause le principe d'inaliénabilité des collections publiques.

Toutefois, il estime nécessaire de ne pas figer les collections publiques. La rareté des crédits d'acquisition comme la richesse des collections des musées l'imposent. Il est regrettable de ne pas permettre à un musée de se défaire de certaines pièces pour pouvoir acquérir d'autres oeuvres complétant utilement son fonds. La diversité des collections publiques, qui ne se réduisent pas aux beaux-arts, l'exige également : des musées à objet technique ou scientifique, par exemple les musées d'histoire naturelle, ne peuvent réduire leur mission de conservation à une simple accumulation. Il convient de permettre à ces musées de sortir de leur inventaire des biens sans valeur parce qu'existant en de multiples exemplaires ou en raison de la détérioration de leur état de conservation.

Votre commission vous proposera donc d'adopter un amendement qui, sans remettre en cause le principe d'inaliénabilité, permet de conserver une certaine souplesse dans sa mise en oeuvre afin de ménager, en application des règles de droit commun de la domanialité publique, une possibilité de déclassement.

Toutefois, dans le souci d'éviter des déclassements injustifiés ou par trop hâtifs, le dispositif proposé soumet ces décisions à l'avis d'instances scientifiques consultatives qui seraient également compétentes pour se prononcer sur les restaurations.

Il ne convient pas dans la loi de préciser la composition et les modalités de fonctionnement de ces instances. Composées de conservateurs mais également d'experts indépendants, ces commissions pourraient être constituées à l'échelon national et régional.

? S'agissant du statut prévu pour les collections des musées privés, les dispositions du projet de loi constituent une entorse très significative au droit de propriété des personnes privées, principe constitutionnellement garanti. Certes on peut arguer que ces restrictions du droit de propriété sont librement consenties par le propriétaire lui-même lorsqu'il sollicite le label.

Toutefois, il y a fort à craindre que cette conséquence du label ne dissuade les collections privées d'entrer dans le champ des musées de France et donc entrave un développement du partenariat entre les institutions publiques et les structures issues de l'initiative privée, pourtant nécessaire de l'aveu de tous. Une telle disposition illustre la difficulté pour les services de l'Etat de concevoir l'existence de collections privées de grande ampleur aux côtés des musées publics, et donc d'un autre mode de gestion d'une collection muséographique. Elle traduit la crainte des conservateurs de voir un jour les musées publics éclipsés par les initiatives privées.

Limiter trop strictement les possibilités pour les musées privés d'aliéner leurs collections risque de les figer au détriment de leur enrichissement voire de leur survie. Pourquoi interdire à un musée privé de se défaire d'une oeuvre pour en acheter une autre afin d'accroître la cohérence des collections ? Il s'agit là d'un acte courant voire nécessaire pour tout collectionneur privé.

Votre rapporteur estime que la disposition figurant au paragraphe III de l'article 8 compromet gravement le développement des musées privés, en les condamnant à terme à être englobés dans les collections publiques.

Votre commission vous proposera donc d'adopter un amendement visant à limiter la portée du principe d'affectation irrévocable à un musée de France aux seuls biens acquis avec le concours de l'Etat ou d'une collectivité territoriale. Il semble, en effet, nécessaire d'éviter que les subventions publiques ne soient utilisées par les musées privés pour réaliser des plus-values sur les oeuvres qu'elles auraient permis d'acquérir.

Cette modification met-elle en péril l'intégrité des collections privées labellisées ?

Cela ne devrait pas être le cas pour les musées privés constitués sous forme de fondations ou d'associations reconnues d'utilité publique. En cas de liquidation ou de dissolution de ces organismes, on rappellera que les procédures de dévolution sont prévues par leurs statuts, statuts approuvés par l'autorité administrative qui, dans ce cadre, peut veiller à ce que les collections reviennent à des institutions muséographiques. S'agissant des fondations, si les collections font partie de la dotation initiale, elles sont de ce fait inaliénables.

Enfin, rien n'interdit à l'Etat et à ces musées, quel que soit leur statut, de conclure au cas par cas des conventions prévoyant l'inaliénabilité ou l'affectation irrévocable à un musée de France de telle ou telle oeuvre.

Article additionnel après l'article 8

Inventaire des collections des musées de France

Dans le souci de garantir une bonne gestion des collections des musées de France, cet article additionnel vise à préciser que leurs collections font l'objet d'une inscription sur un inventaire, qui permettra d'en établir la consistance et d'en préserver l'intégrité.

Le statut protecteur prévu par le projet de loi au profit des collections des musées de France justifie cette précaution qui, si elle constitue un principe de base de la muséographie, mérite d'être affirmée dans la loi compte tenu des errements qu'on a pu constater dans la tenue des inventaires, y compris des musées nationaux.

Le rapport précité de la Cour des comptes avait souligné les graves insuffisances de la gestion administrative des collections des musées nationaux résultant de l'absence de directives générales édictées par la direction des musées de France mais également d'un manque de rigueur dans la tenue des inventaires.

La Cour avait, en effet, relevé le caractère imprécis ou incomplet des inventaires des musées nationaux, l'absence de récolements systématiques et exhaustifs mais également une application erratique des dispositions réglementaires qui régissent les dépôts, situation qui conduisait à constater qu'un grand nombre d'oeuvres qui devaient se trouver dans les collections des musées nationaux avaient purement et simplement disparu.

A la suite du rapport, avait été créée une commission de récolement des dépôts d'oeuvres d'art 14 ( * ) dont la mission, initialement prévue pour durer trois ans, a été prolongée jusqu'au 31 décembre 2002, compte tenu de l'étendue de la tâche à accomplir qui résulte tant de la richesse des collections nationales que des lacunes de leur gestion.

A cet égard, afin d'éviter que ne se renouvellent les errements du passé, le dispositif proposé par votre commission prévoit qu'il sera procédé tous les dix ans au récolement des collections.

Votre rapporteur est conscient de l'effort qu'impose cette disposition pour dégager au sein des musées de France les effectifs et les moyens nécessaires, qui, jusque là, faisaient défaut.

Un tel effort est pourtant nécessaire pour assurer une protection efficace des collections mais également pour justifier un éventuel accroissement des moyens d'acquisition des musées.

Article 9

Transfert de la propriété des oeuvres des collections nationales mises en dépôt dans des musées territoriaux avant le 7 octobre 1910

I. Texte du projet de loi

Cet article pérennise les dépôts de l'Etat dans les musées territoriaux en transférant aux collectivités territoriales la propriété des biens des collections nationales qui leur ont été confiés avant le 7 octobre 1910, date du premier texte ayant posé les principes régissant ces dépôts.

Cette disposition consacre la permanence de dépôts déjà anciens qui apparaissent, pour la plupart, comme des envois fondateurs autour desquels ont pu se constituer les collections des musées de province. Les oeuvres concernées sont environ au nombre de 5 000.

Jusqu'à présent, aucun transfert de propriété comparable n'avait été consenti par l'Etat, seules les pratiques d'inventaire ayant jusqu'ici pris acte du caractère permanent et en quelque sorte irrévocable de certains dépôts.

Cette mesure confirme la compétence des responsables territoriaux sur des oeuvres qui, il faut l'avouer, sont depuis longtemps considérées comme la propriété de la collectivité locale dont relève le musée bénéficiaire du dépôt, situation qui s'explique par le fait que pendant très longtemps, les mises en dépôt ne comportaient aucune indication de durée, inconvénient corrigé par les textes successifs édictés pour clarifier les modalités de dépôt des oeuvres, et en particulier le décret du 3 mars 1981 15 ( * ) qui régit aujourd'hui les dépôts des musées nationaux.

Ce seront les musées de province les plus importants qui profiteront essentiellement de cette mesure qu'il s'agisse des musées de Grenoble, de Caen ou de Lyon, institutions prestigieuses dès leur création qui ont bénéficié au début du XIXe siècle d'envois significatifs de l'Etat répartissant ainsi la manne des confiscations révolutionnaires et des conquêtes napoléoniennes.

Ce transfert de propriété concerne les oeuvres « des collections nationales » et non seulement celles appartenant aux musées de l'Etat. Cette rédaction permettra ainsi de transférer à la ville d'Aix-en-Provence la propriété d'un nombre important d'oeuvres d'Ingres qui y ont été déposées par le Fonds national d'art contemporain.

Toutefois, cette mesure ne concernera que les oeuvres conservées à la date de publication de la loi dans un musée classé et contrôlé en application de l'ordonnance de 1945 à condition que lui soit attribuée l'appellation « musée de France », condition que l'on pourrait qualifier de superfétatoire dans la mesure où les musées concernés par ces transferts sont pour l'essentiel des musées classés qui, en vertu de l'article 14 du projet de loi, se verront automatiquement attribuer cette appellation.

La collectivité territoriale peut s'opposer au transfert de propriété. Cependant, l'argument de la charge financière que représente un tel transfert ne pourra guère être soulevé par les collectivités dans la mesure où, en vertu des textes en vigueur, elles devaient déjà supporter les frais de toute nature occasionnés par le dépôt.

Le transfert de propriété n'interviendra qu'après récolement afin d'éviter toute incertitude sur la consistance et l'affectation des biens concernés.

Sont exceptés du champ de cette mesure les biens donnés ou légués à l'Etat dans le souci de respecter la volonté des légataires ou donateurs.

Enfin, le projet de loi précise les modalités du transfert de propriété dans l'hypothèse où, en raison des hasards de l'histoire, l'oeuvre est conservée dans un musée relevant d'une collectivité différente de celle initialement désignée, en confiant à l'autorité administrative le soin de désigner la collectivité affectataire après avis du Conseil des musées de France.

II. Texte adopté par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale n'a apporté à cet article que des modifications rédactionnelles mineures.

III. Position de la commission

Votre rapporteur vous proposera d'adopter cet article sous réserve d'un amendement de coordination destiné à tenir compte de la modification de l'intitulé du Conseil des musées de France qui devient, dans la rédaction adoptée par votre commission à l'article 2, le Haut Conseil des musées de France.

Article 10

Prêts et dépôts des collections des musées de France

I. Texte du projet de loi

Cet article précise que les modalités de prêt et de dépôt des biens appartenant aux collections des musées de France sont définies par décret en Conseil d'Etat.

S'ils constituent les vecteurs indispensables d'une politique active de diffusion et de mise en valeur des collections d'un musée, les prêts et dépôts d'oeuvres répondent à deux objectifs différents.

Les dépôts visent à assurer une répartition plus équilibrée des collections, les institutions les plus riches contribuant par ce biais à enrichir les fonds de musées plus modestes. C'est par ce biais au demeurant qu'ont été créés au début du XIXe siècle les musées de province, constitués pour les plus importants d'entre eux autour de dépôts d'oeuvres appartenant aux collections du musée du Louvre.

En pratique, ces dépôts concernent donc essentiellement des oeuvres appartenant aux collections des musées nationaux et bénéficient aux musées classés et contrôlés ou à quelques institutions jugées digne d'intérêt.

A la différence des dépôts qui sont en quelque sorte une aide du riche au pauvre, les prêts permettent aux oeuvres de circuler entre les musées notamment dans le cadre d'expositions temporaires les présentant dans une perspective thématique ou dans le cadre d'une rétrospective consacrée à un artiste, les musées les plus prestigieux s'appuyant alors souvent sur les richesses d'institutions plus modestes.

A la différence du prêt par nature et par vocation temporaire, les dépôts ont dans de nombreux cas abouti à ce que les oeuvres ainsi mises à disposition en viennent à être considérées comme la propriété de l'institution dépositaire, situation dont l'article 9 du projet de loi tire les conséquences.

Depuis, des textes successifs se sont efforcés de clarifier et d'encadrer les modalités de prêt et de dépôt. Toutefois, ces règles aujourd'hui prévues par le décret n° 81-240 du 3 mars 1981 ne concernent que les musées nationaux.

En vertu de ce texte, les prêts décidés par le ministère de la culture après avis du comité consultatif des musées nationaux peuvent bénéficier « à des personnes publiques ou à des organismes de droit privé à vocation culturelle, agissant sans but lucratif » pour l'organisation d'expositions temporaires à caractère culturel. Leur octroi, soumis à la souscription par le bénéficiaire d'une assurance couvrant les risques de vol, de perte ou de dégradation, impose à l'institution bénéficiaire d'accepter 16 ( * ) , pendant la durée du prêt, le contrôle de la direction des musées de France.

Les dépôts « consentis en vue d'une exposition au public » obéissent à des règles comparables s'agissant des bénéficiaires comme de l'autorité compétente pour les accorder. Le décret de 1981 précise les garanties que doivent présenter les institutions bénéficiaires en termes de personnels de conservation et de sécurité des oeuvres. Les dépôts sont consentis pour une période de cinq ans renouvelable. A la différence des prêts, la souscription d'un contrat d'assurance n'est pas obligatoire. Une telle obligation, en raison de la charge financière qu'elle représente, ne pourrait en pratique que très rarement être assumée par les musées qui bénéficient de dépôts.

S'agissant des musées nationaux, et plus généralement des musées appartenant à l'Etat, le projet de loi ne devrait guère modifier cette réglementation.

En revanche, il exige que soient édictées des dispositions réglementaires pour les musées de France ne relevant pas de l'Etat.

Pour l'heure, en l'absence de dispositions spécifiques les concernant, le décret de 1981 est en pratique appliqué aux musées classés et contrôlés.

S'ils peuvent bénéficier de prêts et de dépôts des musées nationaux, les musées des collectivités locales n'étant ni classés ni contrôlés comme les musées privés ne sont assujettis à aucune obligation en ce domaine et sont libres de déterminer contractuellement les conditions dans lesquelles ils peuvent mettre à disposition d'autres institutions leurs collections.

D'après les indications fournies à votre rapporteur les décrets visés par cet article auraient pour objet de déterminer les préconisations techniques minimales destinées à garantir l'intégrité des oeuvres.

S'il estime indispensable que l'Etat détermine les règles auxquelles doivent obéir ces procédures pour les oeuvres qui lui appartiennent, ce qui ne nécessite pas l'introduction d'une disposition spécifique dans la loi, votre rapporteur considère que les collectivités locales et a fortiori les personnes privées doivent demeurer libres de fixer les règles auxquelles doivent obéir ces procédures pour des oeuvres dont elles sont propriétaires.

Force est de constater que, jusqu'à présent, en l'absence de réglementation, la pratique de prêts et dépôts par les musées autres que les musées classés et contrôlés n'a pas mis en péril l'intégrité de leurs collections.

Par ailleurs, ces contraintes réglementaires nouvelles au-delà de leur caractère injustifié risquent fort de ne pouvoir être appliquées de manière satisfaisante, les services de l'Etat ne disposant pas des moyens d'en assurer le respect, sauf à prendre le risque de compromettre la bonne gestion des collections.

II. Texte adopté par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a complété cet article en accordant au Conseil des musées de France compétence pour étudier « les conditions de circulation, d'échange et de prêt des oeuvres d'art entre musées bénéficiant de l'appellation « musée de France ».

On voit mal de quelle manière cette disposition permettra d'atteindre l'objectif qui justifiait son introduction, à savoir une circulation plus dynamique des oeuvres dans la perspective d'un approfondissement de la décentralisation culturelle.

Ce rôle d'étude confié au Conseil des musées de France qui s'inscrit au demeurant dans les compétences générales de cette instance telles qu'elles sont définies par l'article 2 ne devrait pas déboucher sur des améliorations significatives en ce domaine, les propriétaires des collections demeurant seuls compétents pour consentir les prêts et dépôts. C'est essentiellement aux musées nationaux, souvent jaloux de leurs chefs-d'oeuvre qu'il revient de consentir un effort susceptible d'accroître le rayonnement -et la fréquentation- des musées de province. Systématiques au cours du XIXe siècle, les dépôts se sont faits au cours du XXe siècle plus rares. Si les dépôts et les prêts constituent un piètre remède à l'insuffisance des crédits d'acquisition dégagés par l'Etat en faveur des musées de province, on regrettera toutefois que ne soit pas conduit en ce domaine par le ministère de la culture une politique plus systématique.

III. Position de la commission

Votre rapporteur vous propose d'adopter un amendement de suppression de cet article.

Article 11

Restauration des collections des musées de France ne relevant pas de l'Etat ou de l'un de ses établissements publics

I. Texte du projet de loi

Cet article précise les conditions dans lesquelles seront conduites les opérations de restauration des collections des musées de France qui ne relèvent pas de l'Etat ou de l'un de ses établissements publics.

Dans le souci de garantir l'intégrité de leurs collections, cet article, à l'image de l'article 7 relatif aux acquisitions, confère à l'Etat de larges prérogatives pour exercer un contrôle sur la politique de conservation des musées de France, prérogatives dont il ne disposait pas jusque-là.

En l'état actuel du droit, les musées n'appartenant pas à l'Etat étaient libres de décider tant de l'opportunité des opérations de restauration de leurs collections que de leurs modalités de réalisation. Le choix du restaurateur était effectué en général par le conservateur, sous réserve du respect des règles du code des marchés publics pour les institutions relevant de personnes publiques.

Le projet de loi soumet les opérations de restauration à l'avis préalable des services de l'Etat. Cet avis qui revêt un caractère consultatif et ne lie pas le propriétaire des collections pourra porter tant sur l'opportunité de la restauration que sur ses modalités de réalisation et, d'après les indications fournies par le ministère de la culture, serait donné par ses services déconcentrés au vu du cahier des charges des projets de restauration.

Par ailleurs, cet article dispose que les restaurations devront être effectuées sous la direction des conservateurs par des spécialistes présentant des qualifications définies par décret.

II. Position de l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.

III. Position de la commission

La restauration des collections apparaît comme un aspect essentiel de la mission de conservation dévolue aux musées par le projet de loi.

L'évolution des techniques en renforçant le caractère scientifique de ces opérations et en accentuant leur complexité dans bien des cas impose à l'évidence de soumettre les professionnels auxquels elles sont confiées à une sélection de plus en plus stricte, notamment en exigeant des titres attestant de leurs qualifications.

A cet égard, votre rapporteur ne contestera pas la disposition du deuxième alinéa de cet article qui impose aux musées de France ne relevant pas de l'Etat de recourir à des restaurateurs présentant des qualifications définies par décret dans la mesure où ce texte permettra de reconnaître la diversité de ce secteur d'activité, en retenant des critères fondés sur l'expérience professionnelle. En effet, un énoncé trop restrictif des qualifications risquerait de se traduire par un rétrécissement du vivier d'artisans au sein duquel peuvent puiser les conservateurs, préjudiciable à la conduite des opérations de restauration.

D'après les indications fournies par les services du ministère de la culture, ce risque devrait être écarté ; les textes réglementaires ayant retenu des critères assez larges, ce qui semble sage dans un domaine où ce ne sont guère les diplômes qui garantissent les compétences.

En effet, d'après les avants-projets de décret communiqués à votre rapporteur, les travaux de restauration pourront être confiés non seulement aux titulaires d'un diplôme de second cycle de l'enseignement supérieur délivré dans le domaine de la préservation et de la restauration du patrimoine mais également aux personnes dont les acquis professionnels auront été validés dans les conditions prévues par l'article 17 de la loi n° 84-52 du 26 janvier 1984 sur l'enseignement supérieur ainsi qu'aux personnes ayant, au cours des cinq années précédant la publication de la loi, restauré des biens appartenant à un musée national, classé ou contrôlé, et qui auraient été habilités à cet effet par le ministre de la culture.

En revanche, dans la mesure où un décret définira les qualifications des professionnels auxquels les musées feront appel, on peut s'interroger sur l'opportunité de prévoir pour les décisions de restauration une procédure consultative, qui, en première analyse, peut apparaître comme une contrainte imposée aux conservateurs, injustifiée au regard des compétences qui sont les leurs, compétences que définit d'ailleurs un décret en vertu de l'article 5 du projet de loi.

Là encore comme pour les acquisitions, votre rapporteur estime qu'il n'est pas inutile d'imposer aux propriétaires des collections des consultations pour s'assurer de l'opportunité des opérations envisagées et de la méthodologie à retenir, à condition que les avis recueillis offrent les garanties de compétence nécessaires. A cet égard, la consultation d'une instance scientifique semblerait plus pertinente que la consultation des DRAC.

Les DRAC, auxquelles le projet de loi attribue compétence pour émettre un avis sur les restaurations des musées de France, ne disposent pas, à l'évidence, des capacités d'expertise nécessaires et leurs avis, qui, dans la plupart des cas, se borneront à avaliser les décisions des conservateurs, risquent fort d'apparaître comme une formalité administrative inutile, susceptible d'alourdir la gestion des collections et de retarder la conduite des opérations de restauration.

Au delà de ces observations, votre rapporteur s'est interrogé sur l'opportunité d'étendre le champ de cet article aux musées relevant de l'Etat.

En effet, ces derniers confient bon nombre de leurs opérations de restauration à des professionnels libéraux, les agents appartenant aux corps des chefs de travaux d'art ou des techniciens d'art ne pouvant suffire à la tâche et, pour certaines opérations, ne présentant pas le savoir faire nécessaire.

Le ministère de la culture avait déjà manifesté la volonté d'encadrer le choix des conservateurs : ainsi, un avis du ministre de la culture du 14 avril 1986 instituait un examen sur épreuves en vue de sélectionner des restaurateurs susceptibles d'exécuter des travaux pour le service de restauration des peintures des musées nationaux. Or, cette décision a été annulée par le conseil d'Etat (CE, 26 juillet 1996, association des restaurateurs d'art et d'archéologie de formation universitaire), le ministre de la culture ne tenant d'aucun texte le pouvoir de réglementer la procédure de passation de commandes publiques de travaux de restauration d'oeuvres d'art.

En l'absence de dispositions législatives, il est à craindre que ne puissent être définies par voie réglementaire les qualifications que doivent présenter les restaurateurs auxquels peuvent recourir les musées nationaux.

Par ailleurs, compte tenu de l'importance des restaurations dans la politique de conservation des collections, votre rapporteur estime nécessaire de prévoir pour les musées relevant de l'Etat, comme pour les musées territoriaux ou privés, que les restaurations seront précédées de la consultation d'une instance scientifique.

Compte tenu des ces observations, votre commission vous propose d'adopter un amendement tendant à une nouvelle rédaction du premier alinéa de cet article afin :

- d'inclure dans le champ d'application de cet article les musées de France relevant de l'État ;

- et de substituer à l'avis préalable des services de l'Etat l'avis des instances scientifiques consultatives prévues à l'article 11.

Article 12

Protection des collections menacées de péril

I. Texte du projet de loi

Décalquant les dispositions de la loi du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques, et en particulier de l'article 26 relatif aux objets classés en péril, cet article instaure un régime de protection des collections permettant à l'Etat de se substituer à leur propriétaire lorsque ce dernier ne veut ou ne peut prendre les mesures de sauvegarde jugées indispensables par l'administration.

Ce régime ne s'appliquerait qu'aux biens faisant partie de collections n'appartenant pas à l'Etat, ce qui ne ressort pas clairement de sa rédaction.

A cet égard, compte tenu de l'état de déshérence dans lequel se trouve bon nombre de musées relevant de l'Etat, votre rapporteur s'interroge sur les moyens dont disposera l'Etat pour exercer les prérogatives que lui confèrent cet article. Rarement appliqué en matière d'objets mobiliers classés, un tel dispositif risque de l'être encore moins pour les musées. De surcroît, à la différence des biens classés au titre de la loi de 1913, les menaces qui pèsent sur les collections relèvent plus des difficultés financières auxquelles sont confrontées les musées pour en assurer la conservation et la présentation du public que de la négligence de leurs propriétaires.

A l'évidence, dans les cas visés par cet article, il semblerait plus opportun que l'Etat dégage les moyens nécessaires pour soutenir le musée. Recourir trop systématiquement à la solution préconisée par le projet de loi constituerait un moyen peu coûteux d'enrichir les collections nationales en profitant de l'impécuniosité des musées ne relevant pas de l'Etat.

Votre rapporteur se bornera donc à une analyse succincte du dispositif prévu par cet article qui vraisemblablement ne sera que très rarement mis en oeuvre.

Le projet de loi reconnaît à l'Etat compétence pour mettre en demeure, par décision motivée, le propriétaire d'un bien faisant partie d'une collection d'un musée de France menacé de péril de prendre toutes dispositions pour remédier à cette situation. Si le propriétaire ne se conforme pas à cette mise en demeure, l'Etat peut ordonner les mesures conservatoires utiles, notamment le transfert provisoire dans un lieu offrant les garanties voulues, qui sera en pratique sans doute un autre musée.

Sauf urgence, ces décisions sont prises après avis du Conseil des musées de France créé par l'article 2 du projet de loi.

A l'image de ce que prévoit le dernier alinéa de l'article 26 de la loi de 1913, lorsqu'un bien a été transféré hors du musée où il se trouvait, son propriétaire peut, à tout moment, obtenir son retour à son emplacement d'origine dès lors qu'il justifie que les conditions exigées sont réalisées.

Les frais occasionnés par ces mesures de sauvegarde sont supportés par le propriétaire et l'Etat, sans que la part incombant à ce dernier puisse excéder 50 % de leur coût. Dans le régime de protection des meubles classés menacés de péril, -qui s'appliquait, on le notera, aux seuls biens appartenant à des collectivités publiques- la loi de 1913 disposait que les mesures conservatoires étaient prises aux frais de l'Etat. S'agissant du dispositif de sauvegarde prévu par l'article 9-1 de la loi de 1913 applicable aux immeubles, quel que soit leur propriétaire, la part de la dépense supportée par l'Etat ne pouvait être inférieure à 50 %.

II. Position de l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté à cet article un amendement dont la rédaction ne semble pas correspondre à l'intention exprimée par ses auteurs lors de l'examen en séance.

En effet, à l'initiative de M. Bernard Outin et des membres du groupe communiste, le premier alinéa de cet article a été complété afin de préciser que le régime de protection pouvait s'appliquer non seulement lorsque la conservation ou la sécurité d'un bien faisant partie d'une collection d'un musée de France était mise en péril mais également lorsque l'était son exposition au public.

Or, M. Bernard Outin lors de la présentation de l'amendement a exprimé son souhait que cet article « s'applique également dans le cas où l'exposition au public pourrait être de nature à mettre en péril les biens ou collections ». (Débats AN, 3è séance du 10 mai 2001, p. 2846).

Cette préoccupation légitime pouvait être satisfaite par la rédaction initiale du projet de loi dans la mesure où l'application de ces dispositions est conditionnée à une situation de péril, la cause de cette situation étant indifférente.

La rédaction adoptée par l'Assemblée aboutit à étendre le champ de ce régime de protection au cas où un bien ne peut pas être présenté au public, ce qui semble abusif. En effet, l'objet de cet article est de protéger l'intégrité matérielle des collections. S'engager dans la voie ouverte par cette rédaction risque d'aboutir à des situations litigieuses, dans lesquelles la légitimité de l'intervention des services de l'Etat pourrait apparaître comme moins évidente.

III. Position de la commission

Outre un amendement procédant à une coordination terminologique, votre commission vous propose d'adopter un amendement revenant sur ce point à la rédaction du projet de loi.

Article 13

Sanctions pénales en cas d'usurpation
de l'appellation « musée de France »

I. Texte du projet de loi

Cet article vise à protéger l'appellation « musée de France » en réprimant le fait pour le dirigeant ou le fondateur d'une institution à laquelle elle n'a pas été accordée « d'utiliser ou de laisser utiliser cette appellation dans l'intérêt de cette institution ».

Il s'agit là d'une disposition très classique. On citera, à titre d'exemple, l'article 20 de la loi du 23 juillet 1987 sur le mécénat qui protège les dénominations de fondation ou de fondation d'entreprise ou encore l'article 14 de la loi du 2 juillet 1996 qui sanctionne l'usurpation de la dénomination « fondation du patrimoine ».

Le projet de loi prévoit que ce délit est puni d'une amende de 15 000 euros, soit environ 100 000 francs.

Le troisième alinéa de cet article précise que les personnes morales peuvent être déclarées responsables pénalement de ce délit dans les conditions prévues aux articles 121-2 et 131-38 du code pénal. On rappellera que l'article 121-2 pose le principe de la responsabilité pénale des personnes morales des infractions commises pour leur compte par leurs organes et leurs dirigeants. L'article 131-38 dispose que le taux maximum de l'amende applicable aux personnes morales est égal au quintuple de celui prévu pour les personnes physiques par la loi qui réprime l'infraction.

II. Position de l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.

III. Position de la commission

Bien que sceptique sur la probabilité d'un tel délit qui ne pourrait guère être commis que dans la perspective d'attirer les donateurs en faisant miroiter les avantages fiscaux prévus par le projet de loi en faveur des musées de France, votre rapporteur vous propose d'adopter conforme cet article.

Article 14

Dispositions transitoires

I. Texte du projet de loi

Cet article précise les conditions dans lesquelles seront appliquées les dispositions de la présente loi aux musées nationaux, aux musées de l'Etat dont le statut est fixé par décret et aux musées classés et contrôlés en vertu de l'ordonnance de 1945, existants à la date de sa publication.

Le paragraphe I prévoit une procédure d'attribution automatique de l'appellation « musée de France » pour les musées les plus importants tandis que le paragraphe II, pour les musées classés, pose un principe d'octroi de droit de l'appellation à l'issue d'un délai d'un an à compter de la publication de la loi, tout en introduisant deux souplesses, l'une destinée à permettre aux propriétaires des collections de s'opposer à l'octroi de l'appellation et l'autre laissant au ministre la possibilité d'effectuer en quelque sorte un tri entre ces institutions, après avis du Conseil des musées de France.

La procédure d'octroi automatique prévue au paragraphe I concerne les trois catégories de musées dont les collections présentent incontestablement un intérêt public :

- les musées nationaux ;

- les musées contrôlés ;

- et les musées dont le statut est fixé par décret.

Les musées nationaux dont la liste est établie par un décret du 31 août 1945, maintes fois modifié depuis, sont au nombre de 34. D'importance inégale puisqu'à côté de musées comme le Louvre, figurent des institutions plus modestes, à l'image du musée Eugène Delacroix ou du musée Gustave-Moreau. Traditionnellement gérés de manière très centralisée par la direction des musées de France, ces musées sont pour la plupart dépourvus de la personnalité morale. Cependant, les inconvénients de la gestion directe de ces musées par la direction des musées de France ont justifié dès le milieu des années 1980 diverses mesures de déconcentration destinées à leur conférer une plus grande autonomie de gestion. Toutefois, ce mouvement demeure limité, seuls deux musées ayant été érigés en établissements publics à caractère administratif, à savoir le Louvre en 1993 et Versailles en 1995. Votre rapporteur souligne, pour le regretter, que l'élaboration du présent projet de loi ne s'est pas accompagné au sein de la DMF d'une réflexion sur les voies d'une évolution des modalités de la tutelle de cette direction sur les musées nationaux.

Les musées de l'Etat créés par décret , à la différence des musées nationaux, ne relèvent pas tous de la tutelle de la direction des musées de France. Certains sont placés sous la tutelle d'une autre direction du ministère de la culture qu'il s'agisse de la direction de l'architecture et du patrimoine (musée des monuments français), de la direction de l'administration générale (musée national d'art moderne) ou même de la direction de la musique, de la danse et des spectacles (musée de la musique). Par ailleurs, bon nombre de ces institutions relèvent d'autres ministères, et en particulier du ministère de l'éducation nationale, à l'image du Muséum national d'histoire naturelle, et du ministère de la défense. L'octroi de l'appellation « musée de France » n'entraînera guère de modification sur le statut de ces musées dans la mesure où leur tutelle continuera à être exercé par les ministères dont ils dépendent en vertu de leur décret institutif. A cet égard, le projet de loi ne permettra pas de renforcer la cohérence de la politique de l'Etat dans le domaine des musées puisqu'il ne confie pas à la DMF des moyens nouveaux pour être associée à la gestion des musées sur lesquels elle n'exerce pas de tutelle directe. Pour utile que soit la création du Conseil des musées de France, elle ne pourra pas remédier à cette difficulté.

Enfin, l'appellation « musée de France » sera également accordée automatiquement aux musées classés en vertu de l'ordonnance du 13 juillet 1945, au nombre de 38, mais également, en l'absence de précisions du projet de loi sur ce point, en vertu du décret n° 48-734 du 27 avril 1948 relatif à l'organisation du Service national de muséologie des sciences naturelles, ce qui représente 11 établissements. Pour ces derniers, l'octroi de l'appellation n'aura pas d'influence sur l'autorité compétente pour exercer le contrôle scientifique et technique, à savoir le muséum national d'histoire naturelle.

Dans une rédaction quelque peu maladroite, le paragraphe II précise les conditions d'octroi de l'appellation « musée de France » aux musées contrôlés au sens de l'ordonnance de 1945 sur les musées des beaux-arts mais également du décret du 27 avril 1948 précité relatif aux musées de sciences naturelles.

On rappellera que, comme les musées classés, ces musées, soit 1 043 institutions, relèvent pour l'essentiel des collectivités territoriales, les musées privés étant seulement au nombre de 150.

Le premier alinéa du paragraphe II pose un principe : ces musées se verront accorder l'appellation « musée de France » à compter du premier jour du treizième mois suivant la publication de la présente loi », cela semble-t-il en l'absence même de décision formelle du ministre de la culture. La rédaction du projet de loi, sur ce point imprécise, est motivée par le souci de permettre une application rapide de la loi et d'éviter de multiplier les décisions ministérielles d'octroi du label dans la mesure où la quasi totalité des musées classés ont vocation à devenir « musées de France ».

Toutefois, à la différence des institutions visées au paragraphe I de cet article, cette décision, en quelque sorte implicite, n'est pas automatique dans la mesure où le propriétaire des collections ou le ministre de la culture peuvent, dans certaines conditions strictement encadrées, s'opposer à l'octroi de l'appellation.

- l'opposition formulée par l'autorité administrative

Le quatrième alinéa du paragraphe II de cet article permet au ministre de la culture, après avis du Conseil des musées de France, de s'opposer par décision motivée à ce qu'un musée contrôlé reçoive l'appellation. En l'absence de précisions du texte sur ce point, cette décision devrait être fondée sur les critères énoncés par les articles 1er et 1er bis définissant l'objet et les missions des musées de France.

Par ailleurs, le deuxième alinéa du paragraphe II prévoit également la possibilité pour le ministre de la culture de s'opposer à une demande d'obtention immédiate du label avant l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la réception de la demande sans toutefois prévoir de procédure spécifique.

Ces dispositions ont pour vocation de permettre au ministère de la culture d'effectuer un « tri » entre les musées contrôlés, qui, pour certains, ne satisfont pas aux exigences de la loi, qu'il s'agisse de l'intérêt des collections ou des conditions dans lesquels ils sont administrés. Toutefois, d'après les informations communiquées à votre rapporteur, les cas d'opposition ministérielle seront exceptionnels.

- l'opposition formulée par le propriétaire des collections

Cette opposition ne peut être formulée que dans un délai de douze mois à compter de la publication de la loi.

Le troisième alinéa du paragraphe II prévoit une procédure différente selon que le propriétaire des collections est une personne morale de droit privé sans but lucratif ou une personne morale de droit public.

Dans le premier cas, l'autorité administrative ne peut qu'y faire droit.

Dans le second cas, il peut être passé outre à l'opposition du propriétaire des collections par décret en Conseil d'Etat à la condition que le Conseil des musées de France ait donné un avis favorable à l'octroi du label. Cette procédure qui, en dépit de ces précautions de forme, constitue une entorse au principe de libre administration des collectivités locales est motivée par le souci de faire bénéficier les collections qui le méritent du statut protecteur attaché à l'appellation « musée de France ». Une telle disposition n'était guère envisageable s'agissant des collections privées dans la mesure où elle aurait été contraire au principe constitutionnel garantissant le droit de propriété.

Enfin, le paragraphe II prévoit des mesures transitoires, la loi ne s'appliquant aux musées contrôlés qu'à l'expiration d'un délai d'un an à compter de la publication de la loi et dans le cas de demande d'obtention immédiate de l'appellation ou d'opposition à son octroi jusqu'à la notification de l' « acte » attribuant ou refusant l'appellation ou de « l'acte » faisant droit à l'opposition.

II. Position de l'Assemblée nationale

Au-delà d'amendements procédant à des coordinations terminologiques ou de précision, l'Assemblée nationale, sur proposition du gouvernement, a modifié sur deux points la rédaction du quatrième alinéa du paragraphe II de cet article qui précise les conditions dans lesquelles l'autorité administrative peut s'opposer à l'octroi de l'appellation à un musée contrôlé.

En premier lieu, l'Assemblée nationale a conféré au Conseil des musées de France plutôt qu'au ministre de la culture l'initiative de l'opposition à l'attribution du label. Votre rapporteur s'étonne de cette modification, proposée par le gouvernement, au nom d'un souci de cohérence alors même que c'est le ministre de la culture qui demeure compétent pour s'opposer à une demande d'obtention immédiate du label. Si l'on peut comprendre et approuver la volonté de renforcer l'autorité de cette instance, on regrettera cette dissymétrie.

En second lieu, l'Assemblée nationale a distingué la proposition d'opposition qui doit s'inscrire dans un délai identique à celui prévu pour l'opposition des propriétaires, soit un an à compter de la publication de la loi, et la décision du ministre qui pourra intervenir au-delà de ce délai.

III. Position de la commission

? S'agissant du paragraphe I de cet article, votre rapporteur estime justifiée la procédure d'octroi automatique de l'appellation « musée de France » aux institutions qu'il vise, institutions, au demeurant relativement peu nombreuses, qui constituent par la richesse de leurs collections le coeur du patrimoine muséographique de la Nation, qu'elles soient la propriété de l'Etat ou d'une collectivité locale. Dans ce cas, le contrôle exercé par les services de l'Etat induit par l'appellation se justifie. Votre commission ne vous proposera que d'adopter un amendement de précision rédactionnelle.

? En revanche, les conditions prévues par le paragraphe II pour l'octroi du label aux musées contrôlés, sur lesquels, on le rappellera, le contrôle de l'Etat était jusqu'ici très lâche, soulèvent diverses questions.

Dans la mesure où l'appellation « musées de France » implique un renforcement des prérogatives de l'Etat sur ces institutions, il semble nécessaire de prévoir un régime plus souple, laissant une part plus large à la volonté des propriétaires, notamment dans le souci d'un meilleur respect du principe de libre administration des collectivités territoriales.

Par ailleurs, sa rédaction peut appeler des critiques. Les procédures prévues s'avèrent très complexes et l'articulation entre les différentes décisions de l'autorité administrative apparaît peu claire.

Votre commission vous propose donc d'adopter un amendement tendant à une nouvelle rédaction du paragraphe II de cet article.

Cette nouvelle rédaction prévoit que les musées contrôlés demandent au ministre de la culture l'attribution du label, label qui leur est tacitement accordé à l'issue d'un délai fixé par décret sauf si, dans ce délai, ce dernier leur notifie une décision de refus du label. Cette décision ne pourra être prise qu'après avis conforme du Haut Conseil des musées de France. Cette procédure, conforme à la logique de l'article 3 qui prévoit les conditions générales d'octroi du label, confère aux musées classés l'initiative de solliciter le label, ce qui aura pour conséquence que ce statut ne sera accordé qu'aux institutions qui le souhaitent et qui, en connaissance de cause, en acceptent les obligations. Par ailleurs à la différence de ce que prévoyait le texte adopté par l'Assemblée nationale, ce dispositif ne permet pas à l'autorité administrative d'imposer le statut de « musée de France » à une institution relevant d'une personne publique. Enfin, il ne retient pas la procédure d'obtention immédiate. En effet, cette procédure ne semble pas justifiée compte tenu des délais dans lesquels paraîtront les textes réglementaires d'application de la loi.

Article 15

Mise à disposition de personnels scientifiques d'Etat
pour exercer des fonctions dans les musées classés

I. Texte du projet de loi

Cet article vise à mettre fin, à l'issue d'un délai de trois ans à compter de la promulgation de la présente loi, aux mises à disposition de personnels scientifiques de l'Etat auprès des musées classés relevant des collectivités locales.

L'intérêt porté par l'Etat à ces musées, considérés comme les plus importants, conduisait dans la logique de l'ordonnance de 1945 à confier les postes de conservateurs de ces institutions à des fonctionnaires d'Etat (article 10), l'Etat prenant en charge leur traitement mais exigeant en contrepartie de la collectivité bénéficiaire une participation aux dépenses engagées à ce titre (article 11).

Si les lois de décentralisation ont abrogé ces dispositions, elles ont toutefois maintenu la possibilité de mise à disposition de conservateurs d'Etat dans les musées classés.

Ainsi, par dérogation à l'article 41 17 ( * ) de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, « des personnels scientifiques de l'Etat peuvent être mis à la disposition des collectivités territoriales pour exercer leurs fonctions dans les musées classés ». Un dispositif comparable a été retenu pour les archives départementales et les bibliothèques territoriales.

C'est aujourd'hui près d'une trentaine de conservateurs du patrimoine du corps d'Etat qui sont ainsi mis à la disposition des collectivités territoriales. Cette pratique, si elle représente un avantage financier pour les collectivités territoriales et peut être considérée comme une aide de l'Etat aux musées de province, n'est guère satisfaisante. Mal perçu par les agents des cadres d'emplois territoriaux, ce système se heurte, par ailleurs, aux difficultés rencontrées par l'Etat pour pourvoir ces postes.

Reprenant ce constat à son compte, la commission pour l'avenir de la décentralisation présidée par M. Pierre Mauroy, dans son rapport remis au Premier ministre le 17 octobre 2000, estimait nécessaire d'y mettre fin. Sa proposition n° 28 suggérait de substituer aux mises à disposition une dotation destinée à « permettre un recrutement dans les cadres d'emplois territoriaux de conservateurs ».

Le projet de loi reprend donc cette préconisation mais ne prévoit pas de mécanisme de compensation financière.

Selon les informations communiquées à votre rapporteur, le coût de cette mesure correspond à un transfert de charge vers les collectivités évalué à 11 millions de francs. Au transfert de crédits par le biais de la dotation globale de décentralisation proposé par la commission dite « Mauroy », qui exigerait une disposition législative, serait préféré un abondement des crédits déconcentrés du titre IV de la direction des musées de France.

II. Position de l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté cet article sous réserve d'une modification rédactionnelle.

III. Position de la commission

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 15 bis
(article 200 du code général des impôts)

Réduction d'impôt pour les dons à l'Etat effectués sous forme
d'oeuvres d'art, de livres, d'objets de collection
ou de documents de haute valeur historique

I. Position de l'Assemblée nationale

Cet article introduit par l'Assemblée nationale avec l'avis favorable de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales vise à compléter l'article 200 du code général des impôts relatif au régime de réduction d'impôts des dons versés par des particuliers à des organismes d'intérêt général par un alinéa prévoyant une réduction d'impôt sur le revenu pour les « dons à l'État effectués sous forme d'oeuvres d'art, de livres, d'objets de collection ou de documents de haute valeur historique et artistique ». Ces dons ouvriraient droit à une réduction d'impôt sur le revenu égal à 50 % du montant de leur montant dans la limite de 6 % du revenu imposable.

II. Position de la commission

• Cette disposition semble compliquer plus que simplifier le régime des dons faits aux musées.

La réduction d'impôt au titre des dons prévue par l'article 200 du code général des impôts est accordée aux contribuables qui effectuent des dons et versements au profit d'oeuvres ou d'organismes d'intérêt général ou reconnus d'utilité publique, notamment celles présentant « un caractère culturel » ou « concourant à la mise en valeur du patrimoine artistique ».

Dans ce cadre, les activités des musées sont donc d'ores et déjà au nombre des domaines visés par l'article 200, dès lors que leurs collections sont ouvertes au public. On soulignera que ce régime de réduction d'impôts s'applique aux musées de l'État et de ses établissements publics mais également aux musées appartenant à des collectivités territoriales ou à des organismes d'intérêt général.

Les dons ouvrant droit à l'avantage fiscal peuvent revêtir la forme de versements en espèces mais aussi de dons en nature, par exemple la remise d'oeuvres d'art ou de tout autre objet de collection.

La réduction d'impôt est, dans ce cas, égale à 50% du montant du don dans la limite de 6% du revenu imposable du donateur.

L'objectif poursuivi par cet article est d'ores et déjà satisfait par l'application des dispositions en vigueur du code général des impôts.

• Par ailleurs, la modification à laquelle procède cet article introduit une confusion dans la mesure où elle ne vise que les dons faits à l'État, ce qui pourrait créer un doute sur l'application du régime prévu par l'article 200 du code général des impôts aux dons effectués au profit des musées des collectivités territoriales et des musées appartenant à des organismes d'intérêt général.

• De plus s'agissant des dons faits à l'État, le dispositif introduit par l'Assemblée nationale est plus restrictif que celui actuellement en vigueur puisqu'il soumet l'avantage fiscal à l'obtention de l'agrément prévu par l'article 1716 bis du code général des impôts relatif aux dations. Cette procédure, très encadrée, est sans aucun doute bien plus contraignante pour les donataires comme pour les institutions bénéficiaires que les règles d'évaluation qui sont aujourd'hui appliquées pour l'octroi de la réduction d'impôts au titre des dons en application de l'article 200 du code général des impôts. La mesure aurait donc un effet contraire à celui recherché en décourageant les mécènes et en instaurant un filtre pour l'enrichissement des musées par ce biais.

• Enfin, faute d'avoir procédé à une modification du 5 de l'article 200 du code général des impôts, le texte ne fixe pas les conditions de justification des dons faits à l'État dans ce cadre.

Compte tenu de ces observations, votre commission vous propose d'adopter un amendement de suppression de cet article.

Article 15 ter
(article 200 du code général des impôts)

Réduction d'impôt pour les dons et versements effectués
dans le cadre de souscriptions nationales ouvertes pour financer
l'achat d'objets d'art destinés à rejoindre les collections
d'un musée de France accessibles au public

I. Position de l'Assemblée nationale

Cet article, introduit par l'Assemblée nationale sur proposition du gouvernement afin de répondre à une préoccupation de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, vise à compléter les dispositions de l'article 200 du code général des impôts afin de préciser que « les dons effectués au profit de souscriptions nationales ouvertes pour financer l'achat d'objets ou d'oeuvres d'art destinés à rejoindre les collections d'un musée de France accessibles au public » bénéficient de la réduction d'impôt prévu par cet article pour les dons et versements effectués au profit d'organismes d'intérêt général.

II. Position de la commission

Cette précision s'avère largement superfétatoire dans la mesure où les dons effectués dans le cadre de telles souscriptions -dans les faits fort rares- sont d'ores et déjà éligibles à la réduction d'impôt prévue par l'article 200 du code général des impôts, comme le sont au demeurant l'ensemble des dons fait aux musées, indépendamment de leur finalité.

A l'image de l'article 15 bis, cette disposition ne modifie en rien le droit en vigueur. Toutefois, la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale présente l'inconvénient de ne viser que les souscriptions nationales, créant ainsi un doute sur le régime fiscal des versements effectués dans le cadre de souscriptions lancées à l'échelle locale.

Compte tenu de ces observations, votre commission vous proposera un amendement visant à remédier à cette maladresse rédactionnelle.

Article 15 quater
(Article 238 bis AB du code général des impôts)

Réduction de la durée d'amortissement par les entreprises
de leurs achats d'oeuvres d'art contemporain

I. Position de l'Assemblée nationale

Cet article introduit par l'Assemblée nationale, à l'initiative de M. Michel Herbillon, avec l'avis favorable de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales mais contre l'avis du gouvernement, vise à améliorer le dispositif prévu par l'article 238 bis AB du code général des impôts.

On rappellera que cet article permet aux entreprises qui achètent des oeuvres originales d'artistes vivants et les inscrivent sur un compte d'actif immobilisé de déduire du résultat imposable de l'exercice d'acquisition et des neuf années suivantes, par fractions égales une somme égale à leur prix d'acquisition.

Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale vise à réduire de dix ans à cinq ans la durée pendant laquelle ces sommes pourront être déduites, ce qui a pour effet d'accroître l'avantage prévu à ce titre.

Cette durée avait déjà été portée de vingt ans à dix ans par l'article 42 de la loi n° 93-1853 du 30 décembre 1993 portant loi de finances rectificative pour 1993, sans pour autant entraîner une réelle modification du comportement des entreprises qui ne recourent que rarement à ce dispositif en raison de leur réticence à constituer des collections d'art contemporain.

II. Position de la commission

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 15 quinquies
(article 238 bis OA du code général des impôts)

Suppression de l'obligation de présentation au public des oeuvres

I. Position de l'Assemblée nationale

Cet article introduit par l'Assemblée nationale sur proposition de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, avec l'avis favorable du gouvernement, assouplit le régime prévu par l'article 238 bis OA du code général des impôts.

On rappellera qu'en vertu de cet article, les entreprises sont autorisées à déduire du montant de leur bénéfice imposable dans les limites prévues à l'article 238 bis du code général des impôts 18 ( * ) , la valeur d'acquisition des « oeuvres d'art, des livres, des objets de collection ou des documents de haute valeur artistique ou historique » dont l'offre de donation à l'Etat a été acceptée.

Parmi les conditions posées par cet article pour l'application de cette disposition, figurait notamment l'obligation faite à l'entreprise d'exposer l'oeuvre au public durant la période séparant l'acceptation du don de la remise de l'oeuvre à l'Etat.

En effet, si elle peut être satisfaite par le dépôt de l'oeuvre auprès d'une collectivité territoriale ou d'un établissement public à caractère scientifique, culturel ou professionnel, l'instruction fiscale précise que dans les autres cas, « le bien doit être situé dans un lieu effectivement accessible au public » . Ce lieu ne doit pas « être réservé aux seuls salariés ou aux seuls clients de l'entreprise, ou à une partie d'entre eux. Quelque soit la modalité d'exposition, le public doit être informé du lieu d'exposition et de sa possibilité d'accès au lieu. L'entreprise devra donc organiser l'information appropriée du public, par des indications attractives sur le lieu même de l'exposition et par tous les moyens promotionnels adaptés à l'importance de l'oeuvre (campagnes d'affiches, annonces dans la presse, messages radiophoniques ou télévisés) ».

Cette obligation s'avère donc particulièrement contraignante pour les entreprises alors même qu'il s'agit d'oeuvres destinées à être exposées dans les collections publiques.

Votre rapporteur ne peut que se féliciter de cette mesure bienvenue de simplification.

II. Position de la commission

Votre commission vous propose d'adopter cet article sous réserve d'un amendement tendant à abroger, corrélativement à la suppression par l'Assemblée nationale de l'obligation de présentation au public, les dispositions du 6 de l'article 238 bis OA qui encadraient les modalités de dépôt de l'oeuvre auprès d'une collectivité territoriale ou d'un établissement public à caractère scientifique, culturel ou professionnel.

Il n'y a plus lieu de fixer dans la loi les conditions de ces dépôts qui constituaient une alternative à l'exposition au public au sein de l'entreprise, cela d'autant que l'article 238 bis OA définissait de manière restrictive les établissements susceptibles d'en bénéficier.

La faculté de placement en dépôt pourra toujours être mise en oeuvre dans un cadre conventionnel, notamment au profit de musées relevant de l'Etat ou de personnes morales de droit privé sans but lucratif.

Article 15 sexies
(article 238 bis du code général des impôts)

Eligibilité des sommes versées au titre d'une participation à une souscription nationale ouverte pour financer l'achat d'objets ou d'oeuvres d'art destinés à rejoindre les collections d'un musée de France

I. Position de l'Assemblée nationale

Cet article introduit par l'Assemblée nationale, contre l'avis du gouvernement, complète la rédaction de l'article 238 bis du code général des impôts qui fixe le régime des dons faits par les entreprises à des organismes d'intérêt général afin de prévoir que les sommes versées dans le cadre de souscriptions nationales ouvertes pour enrichir les collections d'un musée de France sont éligibles au régime de déductibilité qu'il prévoit pour les dons effectués au profit des fondations ou associations reconnues d'utilité publique qui sont déductibles, on le rappellera, dans la limite de 3,25 %o de leur chiffre d'affaires.

II. Position de la commission

La rédaction retenue par l'Assemblée nationale a pour effet de compliquer le régime des dons faits aux musées par des entreprises en prévoyant des limites de déductibilité différente selon la nature du don selon qu'il s'agit ou non d'une contribution à une souscription nationale.

Cette difficulté s'ajoute à celle induite par l'état actuel du droit qui prévoit des limites de déductibilité différentes selon la nature du musée.

Les limites de déductibilité telles qu'elles résultent de l'adoption de l'article 15 sexies se présenteraient de la manière suivante :

Nature des dons

Contribution à une souscription nationale

Autres dons

Musées constitués sous forme d'associations ou de fondations reconnues d'utilité publique

3,25 %o

3,25 %o

Autres musées

3,25 %o

2,25 %o

Or, on voit mal la légitimité de cette distinction qui s'effectue au détriment des musées appartenant à des personnes publiques.

Votre commission vous propose donc d'adopter un amendement tendant à une nouvelle rédaction de cet article afin de prévoir un régime de déductibilité uniforme pour l'ensemble des dons effectués au profit des musées de France.

Article 15 septies

Prélèvement de 1  % sur le produit brut des jeux dans les casinos

I. Position de l'Assemblée nationale

Cet article introduit par l'Assemblée nationale, à l'initiative de M. Michel Herbillon, avec l'accord de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, mais contre l'avis du gouvernement, institue un prélèvement de 1  % sur le produit brut des jeux dans les casinos afin de dégager des recettes fiscales supplémentaires destinées à financer l'acquisition des trésors nationaux.

Faute de pouvoir prévoir dans la loi l'affectation de ces recettes aux dépenses d'acquisition, l'Assemblée nationale a « contourné » les règles d'irrecevabilité de l'ordonnance du 2 janvier 1959 par l'insertion d'un article 15 octies prévoyant que le gouvernement remettra au Parlement avant le 31 décembre 2001, un rapport « dans lequel il étudiera la possibilité d'affecter une partie des recettes issues du produit brut des jeux dans les casinos sur un compte d'affectation spéciale destiné à financer l'acquisition de trésors nationaux ».

Cette initiative, dont votre rapporteur soulignera plus loin les limites, est justifiée par la nécessité d'accroître les moyens budgétaires dont dispose le ministère de la culture pour acquérir les biens ayant fait l'objet d'un refus de certificat en application de la loi n° 92-1477 du 31 décembre 1992 relative aux produits soumis à certaines restrictions de circulation et à la complémentarité entre les services de police, de gendarmerie et de douane.

Votre commission a maintes fois souligné, que ce soit au cours des débats budgétaires ou à l'occasion de l'examen de la loi du 10 juillet 2000 modifiant la loi de 1992, que l'efficacité du dispositif législatif de protection du patrimoine national dépendait de la capacité du ministère de la culture à mobiliser les crédits nécessaires à l'acquisition des « trésors nationaux ».

Etablissant un équilibre entre, d'une part, les exigences de protection de notre patrimoine et, d'autre part, les droits des propriétaires et le principe de libre circulation des biens, la loi de 1992 prévoit que l'Etat peut refuser à un bien présentant « un intérêt majeur pour le patrimoine national au point de vue de l'histoire, de l'art et de l'archéologie » le certificat autorisant l'exportation. Ce refus, valable trente mois depuis la loi du 10 juillet 2000, ne peut être renouvelé à l'issue de ce délai.

La logique de la loi de 1992 voulait qu'en cas de refus du certificat, l'administration dans le délai de validité du certificat tire les conséquences de l'interdiction d'exportation, en entamant une procédure de classement, s'il s'agissait d'un bien mobilier ou d'archives, en le revendiquant s'il s'agissait d'un bien culturel maritime ou d'un objet découvert à l'occasion de fouilles archéologiques, ou encore en l'achetant pour le faire entrer dans les collections publiques. Ce dispositif s'est révélé dans les faits peu efficace dans la mesure où, comme la Cour de Cassation l'a rappelé dans un arrêt du 20 février 1996 19 ( * ) , la loi du 31 décembre 1913 prévoit que, lorsqu'il est effectué sans le consentement du propriétaire, le classement d'un objet mobilier peut « donner lieu au paiement d'une indemnité représentative du préjudice résultant (pour ce dernier) de l'application de la servitude de classement d'office ».

Un revirement de jurisprudence étant peu probable en raison du caractère incontestable du fondement de cette indemnisation et une modification de la loi de 1913 ne pouvant guère être envisagée compte tenu de l'interprétation dégagée par le Conseil constitutionnel du principe d'égalité devant les charges publiques, l'Etat n'a donc guère d'autre possibilité pour retenir les trésors nationaux que de les acheter.

La loi du 10 juillet 2000, votée à l'initiative du Sénat, a certes perfectionné ce dispositif législatif en permettant d'éviter le cas absurde où l'Etat alors même qu'il disposerait des crédits nécessaires ne pourrait acquérir le bien du fait du refus du propriétaire de vendre. Toutefois, elle ne l'a pas rendu plus opérant, faute pour le ministère de la culture d'avoir pu dégager les moyens budgétaires nécessaires pour acquérir les oeuvres qui font l'objet d'un refus de certificat.

Depuis 1992, le montant des crédits consacrés aux acquisitions n'a pas fait l'objet de réévaluation alors même que les crédits du titre IV ont connu une progression significative, notamment lors des dernières années. Ainsi, entre 1998 et 2001, la part des crédits affectés aux commandes publiques et aux achats d'oeuvres d'art au sein du titre IV est passée de 5,5  % à 4,9  %.

Par ailleurs, le fonctionnement des mécanismes destinés à financer les achats des musées ne s'avère guère satisfaisant.

La Réunion des musées nationaux, à laquelle la loi fixe pour objet, grâce aux produits de sa dotation initiale complétée de dons et de legs et de la perception des droits d'entrée dans les musées, de contribuer à l'enrichissement des collections nationales, a été amenée à réduire sa participation aux acquisitions. En effet, les versements des musées nationaux au titre des droits d'entrée ont été utilisés pour faire face aux déficits générés par les missions annexes de cet établissement que sont l'organisation d'expositions temporaires et des activités industrielles et commerciales gérées par son propre compte ou au profit des musées nationaux. Du fait d'une diversification hasardeuse de cet établissement, le système de mutualisation qui est à l'origine de sa création ne profite plus guère aux musées nationaux, qui continuent toutefois à lui reverser les produits de leurs droits d'entrée. En 2000, les musées nationaux versaient 200 millions de francs à la RMN au titre des droits d'entrée alors que celle-ci ne contribuait que pour 62 millions de francs à leurs acquisitions.

Les mécanismes budgétaires ne sont guère plus efficaces.

Au delà de l'affectation, depuis 1998, de près de 40  % de ses crédits à la constitution des collections du futur musée des Arts premiers, le fonds du patrimoine, dont le montant reste fixé depuis 1999 à 105 millions de francs, est utilisé pour financer des actions sans rapport avec son objet initial. A titre d'exemple, en 2000, il a permis d'acquérir des oeuvres d'art contemporain au bénéfice de la délégation aux arts plastiques et de financer une commande publique destinée à l'Orangerie des Tuileries et en 2001, il a fait l'objet d'une mesure de transfert au bénéfice de la RMN d'un montant de 10 millions de francs afin de financer le coût de la gratuité dans les musées nationaux le premier dimanche de chaque mois.

Compte tenu de ces dérives, le budget d'acquisition des musées au sein des crédits du ministère de la culture s'élevait en 2000 à environ 160 millions de francs, soit près de 140 millions de francs pour les musées nationaux et 20 millions de francs pour les musées de province.

A l'évidence, ces sommes sont insuffisantes pour permettre l'acquisition des oeuvres qui se sont vues refuser le certificat, sauf à privilégier leur achat au détriment de toutes autres acquisitions courantes, ce qui ne peut être envisagé.

En effet, bien qu'enregistrant des variations significatives d'une année sur l'autre, la valeur des oeuvres dont les refus de certificat arrivent à échéance s'élève en moyenne annuelle à 200 millions de francs. Depuis l'entrée en vigueur de la loi de 1992, la valeur totale des trésors nationaux acquis s'élève à 304 millions de francs, financés par l'Etat à hauteur de 174 millions de francs. Cela se passe de commentaire.

Ce constat est d'autant plus affligeant que les refus de certificat ne sont décidés qu'avec parcimonie et ne frappent qu'un nombre très restreint d'oeuvres. Depuis 1992, seules 95 oeuvres ont fait l'objet d'une telle décision alors que le ministère de la culture est saisi de près de 5 000 demandes de certificats par an.

Aujourd'hui, la valeur totale des trésors nationaux faisant l'objet d'un refus de certificat s'élève à 274 millions de francs. Parmi les biens dont le refus de certificat est expiré, qui n'ont pas été acquis par l'Etat, on citera une oeuvre de Degas, la duchesse de Montejasi et ses filles Elena et Camilla, ou encore le tableau de Cézanne, le jardinier Vallier, estimés respectivement à 200 et 250 millions de francs. Au regard de cette situation, le prélèvement prévu par l'Assemblée nationale sur le produit brut des jeux dans les casinos constituera un moyen de desserrer la contrainte qui pèse sur les décisions d'achat, même si son produit devait s'avérer moins élevé qu'on l'eut escompté lors des débats à l'Assemblée nationale ; d'après les informations communiquées à votre rapporteur, le produit brut des jeux s'élevait en 2000 à 11,3 milliards de francs. En supposant que le prélèvement s'applique à la fois aux produits des jeux traditionnels et aux produits des machines à sous, les recettes dégagées par ce prélèvement supplémentaire s'élèveraient donc à environ 113 millions de francs, ce qui représente un quasi-doublement des crédits d'acquisition destinés aux musées et paraît adapté au montant des trésors nationaux à acquérir.

II. Position de la commission

Votre commission vous propose d'adopter cet article conforme.

Ayant souligné à maintes reprises la nécessité d'accroître les crédits d'acquisition des musées, votre commission ne peut qu'approuver le principe du prélèvement institué par l'Assemblée nationale même si l'affectation des recettes supplémentaires ainsi dégagées à l'achat de trésors nationaux demeure aléatoire.

Article 15 octies

Rapport sur l'affectation du prélèvement supplémentaire de 1  % sur le produit brut des jeux au financement de l'acquisition de trésors nationaux

I. Position de l'Assemblée nationale

L'affectation de recettes à certaines dépenses ne pouvant résulter que d'une disposition d'une loi de finances, d'origine gouvernementale, l'Assemblée nationale, si elle a pu créer une nouvelle imposition, ne pouvait en affecter le produit aux dépenses d'acquisition d'oeuvres d'art du ministère de la culture.

Toutefois, dans le souci d'afficher dans la loi l'objet de l'accroissement du taux de prélèvement sur le produit brut des jeux dans les casinos, l'Assemblée nationale a introduit un article additionnel prévoyant le dépôt sur le bureau des assemblées d'un rapport du gouvernement étudiant la possibilité d'affecter une partie des recettes issues du produit brut des jeux dans les casinos sur un compte d'affectation spéciale destiné à financer l'acquisition de trésors nationaux soumis à une interdiction provisoire d'exportation.

II. Position de la commission

Si cet article permet de justifier le prélèvement institué à l'article 15 septies, il ne constitue en aucun cas une garantie de l'affectation des recettes supplémentaires à l'achat de biens faisant l'objet d'un refus de certificat.

Quelles que soient les conclusions du rapport ou l'intention du législateur, c'est au gouvernement et à lui seul d'édicter par voie réglementaire ou de proposer dans le cadre d'un projet de loi de finances une disposition prévoyant cette affectation et précisant son cadre comptable.

Si l'accroissement des prélèvements sur le produit brut des jeux dans les casinos est certain, l'augmentation à due concurrence des crédits d'acquisition du ministère de la culture demeure hypothétique, et, en l'absence de la création d'un compte d'affectation spéciale, dépendra des arbitrages budgétaires réalisés chaque année à l'occasion de la préparation du projet de loi de finances.

Pour ces raisons, ne souhaitant pas mettre en doute le souhait du ministère des finances de favoriser l'enrichissement du patrimoine national et la détermination du ministère de la culture à faire de cet objectif une priorité, votre commission vous proposera d'adopter cet article conforme.

Toutefois, elle vous proposera d'adopter deux dispositions fiscales visant à inciter les entreprises à acquérir ou à aider l'Etat à acquérir des oeuvres frappées d'une interdiction d'exportation, dispositions dont le coût pour le budget de l'Etat pourrait être précisément compensé par le prélèvement institué à l'initiative de l'Assemblée nationale.

Article additionnel après l'article 15 octies

Réduction d'impôt sur les sociétés ou d'impôt sur le revenu
au titre des dons effectués par les entreprises à l'Etat
en vue d'acquérir des trésors nationaux

Les dispositifs actuels destinés à inciter les entreprises à acheter des oeuvres d'art pour leur propre compte ou pour les donner à l'Etat ne sont guère utilisés et ne peuvent être considérés comme des instruments utiles et efficaces au regard de l'objectif d'enrichissement des collections nationales.

Il s'agit essentiellement de l'article 238 bis du code général des impôts qui précise le régime des dons versés par les entreprises au profit des organismes d'intérêt général et de l'article 238 bis OA du code général des impôts qui concerne le cas de l'achat d'une oeuvre par une entreprise dont l'offre de donation à l'Etat a été acceptée. Ces dispositifs prévoient une déductibilité de ces dons dans la limite de 2,25 %o du chiffre d'affaires, limite qui, en pratique, n'est jamais atteinte.

Il apparaît donc que, bien que potentiellement attractifs, ils sont perçus comme peu lisibles et trop complexes par les entreprises françaises, déjà peu portées par tradition au mécénat, à la différence de leurs homologues anglo-saxonnes.

A l'évidence, seul un dispositif simple et puissamment incitatif pourrait conduire les entreprises à se départir de leur prudence en ce domaine. Le caractère incontestable de l'objectif poursuivi, à savoir le maintien sur le territoire national des oeuvres majeures de notre patrimoine, justifie une mesure spécifique.

Le dispositif proposé par votre commission prévoit un mécanisme de réduction d'impôt sur les sociétés ou d'impôt sur le revenu pour les entreprises au titre des dons qu'elles effectuent au profit de l'Etat en vue de l'acquisition d'un trésor national.

Ces dons ouvriraient droit à une réduction d'impôt égale à 75  % de leur montant.

L'initiative de cette procédure très novatrice reviendrait à l'Etat dans la mesure où les offres de dons ne pourraient être présentées par les entreprises que dans le cas où l'Etat a fait une offre d'achat au propriétaire d'un bien faisant l'objet d'un refus de certificat. Les entreprises ne pourraient donc, par leur offre de don, contraindre l'Etat à se porter acquéreur.

Par ailleurs, le dispositif prévoit un encadrement très strict de ces dons qui devront être agréés par le ministre de l'économie et des finances après avis de la commission prévue par la loi de 1992.

La consultation de cette commission, qui se prononce, on le rappellera, sur les refus de certificat, permettra de s'assurer de l'intérêt que présente l'achat pour les collections nationales mais également de disposer d'une contre-expertise sur le prix proposé par l'Etat ou fixé par des experts conformément à la procédure prévue par la loi du 10 juillet 2000.

L'agrément du ministère des finances permettra de vérifier la réalité de l'offre de don et notamment les garanties offertes par l'entreprise donatrice.

Enfin, le dispositif proposé prévoit la faculté de mettre en dépôt l'oeuvre dans un musée de France. Il est, en effet, hautement souhaitable que les trésors nationaux ainsi acquis ne bénéficient pas exclusivement aux musées de l'Etat, et en particulier aux musées nationaux.

Article additionnel après l'article 15 octies

Réduction d'impôt sur les sociétés ou d'impôt sur le revenu au titre
des achats de trésors nationaux par des entreprises

Dans la perspective de favoriser le maintien sur le territoire d'oeuvres présentant un intérêt majeur pour le patrimoine national, votre commission estime également nécessaire d'inciter les entreprises à acheter pour leur propre compte des trésors nationaux en leur accordant un avantage fiscal sous la forme d'une réduction d'impôt sur les sociétés ou d'impôt sur le revenu d'un montant suffisamment significatif pour qu'il puisse exercer un véritable effet de levier, soit 40 % du montant du prix d'achat.

Ce dispositif n'aura vocation à s'appliquer que dans l'hypothèse où l'Etat ne souhaite pas acheter le bien. En effet, il convient d'éviter que l'offre d'achat de l'Etat ne soit concurrencée par celle d'une entreprise.

Par ailleurs, il comporte des garanties afin d'éviter qu'une fois acquis grâce à une réduction d'impôt, le bien ne soit vendu à l'étranger. L'entreprise devra s'engager à consentir au classement du bien comme monument historique en application de l'article 16 de la loi du 31 décembre 1913. On rappellera que le classement interdit l'exportation du bien.

Par ailleurs, pour se prémunir contre une utilisation abusive de ce dispositif, à l'évidence très favorable aux entreprises, il est prévu que le bien ne pourra être vendu qu'à l'issue d'un délai de dix ans à compter de l'acquisition par l'entreprise. Une telle disposition conjuguée au classement qui, en supprimant la possibilité de vendre sur le marché international, entraîne mécaniquement une dépréciation du bien, prémunit contre les risques de voir les entreprises recourir à ce dispositif en vue de réaliser des plus-values sur les oeuvres acquises.

Enfin, le bien appartenant au patrimoine national, ce qui justifie au demeurant l'octroi d'un avantage fiscal, l'entreprise aura pour obligation de placer en dépôt le bien dans un musée de France durant une période d'au moins dix ans.

A l'image de ce que prévoit le dispositif relatif aux dons faits à l'Etat, la réduction d'impôt est subordonnée à l'agrément du ministre de l'économie et des finances qui consulte au préalable la commission prévue par l'article 7 de la loi du 31 décembre 1992.

Article additionnel après l'article 15 octies

Exonération de la taxe sur les objets d'art

Cet article additionnel a pour objet d'étendre à l'ensemble des musées de France l'exonération de la taxe sur les objets d'art prévue par l'article 150 V bis du code général des impôts dont sont aujourd'hui d'ores et déjà exonérées les ventes « à un musée national, à un musée classé ou contrôlé par l'Etat ou une collectivité locale ».

Article 16

Coordination

I. Texte du projet de loi

Cet article procède à la modification ou à l'abrogation de divers textes législatifs afin de tenir compte des dispositions nouvelles introduites par le projet de loi.

• Le paragraphe I de cet article modifie l'article 11 de la loi n° 87-571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat afin d'étendre à l'ensemble des musées de France le bénéfice de cette disposition qui prévoit pour les musées nationaux et les musées classés en application de l'ordonnance du 13 juillet 1945 la possibilité de recevoir des oeuvres en dépôt de personnes privées.

• Le paragraphe II coordonne avec les dispositions du projet de loi la rédaction de l'article L. 1423-1 du code général des collectivités territoriales en limitant aux seuls musées territoriaux ayant reçu l'appellation « musée de France » le champ du contrôle de l'Etat sur ces institutions, qui concernait jusqu'ici l'ensemble des musées des collectivités territoriales, cela du moins théoriquement faute de dispositions réglementaires d'application.

• Tirant les conséquences de l'abrogation de l'ordonnance du 13 juillet 1945, le paragraphe III abroge les articles L. 1423-3 et L. 1423-4 du code général des collectivités territoriales.

On rappellera que l'article L. 1423-3 prévoyait que le classement d'un musée territorial ne pouvait être modifié sans consultation de la collectivité dont il relevait. L'article L. 1423-4 précisait que les musées territoriaux étaient soumis aux dispositions de l'ordonnance du 13 juillet 1945.

• Le paragraphe IV modifie l'article L. 2541-1 du code général des collectivités territoriales relatif aux départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, qui prévoyait que les articles L. 1423-4 et L. 1423-5 ne s'y appliquaient pas : la référence à l'article L. 1423-4 est supprimée, cet article étant abrogé ; par ailleurs, est enfin étendue à ces départements l'article L. 1423-5 qui offre aux départements et aux communes la possibilité de demander que leurs musées soient dotés de la personnalité civile par décret en Conseil d'Etat.

• Le paragraphe V abroge l'ordonnance du 13 juillet 1945, à l'exception de son article 3 qui précise que les musées nationaux dont la liste est établie par décret rendu sur proposition du ministre de l'éducation nationale et du ministre des finances sont placés sous l'autorité du ministre de l'éducation et administrés par le directeur des musées de France ou placés sous la tutelle de ce ministre. Le maintien de cet article à la rédaction obsolète dans une loi ne permet pas toutefois de lui conférer une valeur législative. S'agissant d'une disposition relative à l'organisation des services de l'Etat, elle revêt un caractère réglementaire et pourra être modifiée par décret pris après avis du Conseil d'Etat, conformément aux dispositions de l'article 37 de la Constitution.

• Le paragraphe VI modifie la loi n° 92-1477 du 31 décembre 1992 relative aux produits soumis à certaines restrictions de circulation et à la complémentarité entre les services de police, de gendarmerie et de douane afin d'étendre à l'ensemble des biens faisant partie des collections des musées de France la qualité de trésor national, que leur propriétaire soit une personne morale de droit public ou une personne morale de droit privé.

Jusqu'à présent, cette qualification ne concernait que les collections publiques, les biens appartenant à des musées privés pouvant toutefois faire l'objet d'un refus de certificat lorsqu'ils présentaient, au sens de la loi, « un intérêt majeur pour le patrimoine national au point de vue de l'histoire, de l'art ou de l'archéologie ». Cette modification a donc comme conséquence d'interdire purement et simplement l'exportation des biens appartenant aux collections des musées, quel que soit leur intérêt intrinsèque.

• Le paragraphe VII précise la rédaction de l'article 11 de la loi n° 95-877 du 3 août 1995 portant transposition de la directive 93/7 du 15 mars 1993 du Conseil des Communautés européennes relative à la restitution des biens culturels ayant quitté illicitement le territoire d'un Etat-membre afin d'étendre le champ d'application de la procédure de restitution aux collections des musées de France appartenant à une personne morale de droit privé.

• Le paragraphe VIII complète l'article 322-2 du code pénal afin d'étendre la protection contre le vandalisme aux collections des musées de France.

Cette adjonction s'avère maladroite dans sa rédaction et partiellement inutile dans la mesure où le quatrième alinéa (3°) de cet article inclut d'ores et déjà dans les biens protégés à ce titre les « objet (s) conservé (s) ou déposé (s) dans des musées, bibliothèques ou archives appartenant à une personne publique, chargée d'un service public ou reconnue d'utilité publique ».

II. Position de l'Assemblée nationale

Outre un amendement de forme, l'Assemblée nationale a complété la rédaction proposée par le paragraphe II pour l'article L. 1423-1 du code général des collectivités territoriales afin de prévoir la possibilité pour les groupements de collectivités d'organiser et de financer des musées, musées susceptibles évidemment de recevoir l'appellation prévue par la loi.

III. Position de la commission

Votre commission vous propose d'adopter cet article sous réserve de deux amendements .

• Le premier vise à modifier la rédaction proposée par le paragraphe VIII de cet article pour étendre le champ d'application de l'article 322-2 du code pénal. Il convient, en effet, pour parvenir à cet objectif, de compléter la rédaction du quatrième alinéa de cet article plutôt que de créer une nouvelle catégorie de biens protégés, catégorie qui, comme on l'a souligné, fait double emploi avec celle visée dans son quatrième alinéa.

• Dans le souci de faciliter leurs acquisitions, le second étend aux musées de France appartenant à une personne morale de droit privé sans but lucratif le bénéfice du droit de préemption que l'Etat peut exercer sur toute vente publique d'oeuvre d'art, en vertu de l'article 37 de la loi du 31 décembre 1921 portant fixation du budget général de l'exercice 1922.

On rappellera que depuis la loi n° 87-571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat, cette procédure bénéficie aux collectivités locales qui peuvent y avoir recours pour leur acquisition, en particulier celles destinées à enrichir leurs collections muséographiques. On soulignera également que, d'ores et déjà, une personne morale de droit privé sans but lucratif peut demander à l'Etat d'exercer cette prérogative : il s'agit de la Fondation du patrimoine en vertu de l'article 8 de la loi du 2 juillet 1996 20 ( * ) .

Article 17

Application à Mayotte

I. Texte du projet de loi

Cet article précise que la loi s'appliquera à Mayotte, collectivité régie par le principe de spécialité territoriale.

La loi ne peut être étendue à la Polynésie française et à la Nouvelle-Calédonie dans la mesure où, dans ces territoires, la politique culturelle relève de la compétence des autorités locales.

II. Position de l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.

III. Position de la commission

Votre commission vous propose d'adopter conforme cet article.

Article 18

Assouplissement du régime des fondations d'entreprise
prévu par la loi n° 87-571 du 23 juillet 1987
sur le développement du mécénat

I. Position de l'Assemblée nationale

Cet article introduit par l'Assemblée nationale sur proposition du gouvernement modifie la loi n° 87-571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat afin d'assouplir sur plusieurs aspects le régime des fondations d'entreprise dans le souci de lever certains des obstacles qui s'opposent à leur développement.

Avant d'analyser les modifications prévues par cet article, votre rapporteur rappellera brièvement les grands traits du régime des fondations d'entreprise.

Les fondations d'entreprise ont été créées par la loi n° 90-559 du 4 juillet 1990 21 ( * ) modifiant la loi du 23 juillet 1987 afin de pallier l'absence de structure juridique adaptée au développement durable du mécénat d'entreprise.

Bien que destiné à remédier aux rigidités excessives du statut des fondations reconnues d'utilité publique, le régime des fondations d'entreprise lui emprunte nombre de traits. Ainsi, à l'image des fondations reconnues d'utilité publique, elles sont constituées en vue d'une « oeuvre d'intérêt général », et se caractérisent par le caractère irrévocable des apports, l'article 19-12 de la loi de 1987 précisant qu'en cas de dissolution, les ressources non employées et la dotation sont attribuées à un ou plusieurs établissements publics ou reconnus d'utilité publique dont l'activité est analogue à celle de la fondation d'entreprise dissoute. Leur création est autorisée par l'autorité administrative. Leur régime de constitution s'avère cependant plus souple dans la mesure où l'autorisation est accordée à l'échelon déconcentré dans le cadre d'un régime d'approbation tacite.

Ces institutions se distinguent toutefois sur plusieurs points des fondations reconnues d'utilité publique. Elles ont un caractère temporaire : l'article 19-2 de la loi du 23 juillet 1987 précise qu'elles sont créées pour une durée déterminée qui ne peut être inférieure à cinq ans, durée qui peut être prorogée pour une durée au moins égale à cinq ans. Par ailleurs, elles jouissent d'une capacité juridique moins étendue ; la loi dispose notamment qu'elles ne peuvent acquérir ou posséder d'immeubles de rapport ni exercer les droits de vote attachés aux actions des sociétés fondatrices ou contrôlées par elles, détenir ni, limitation essentielle, recevoir des dons ou des legs.

Cependant, comme le note le Conseil d'Etat dans une étude intitulée « rendre plus attractif le droit des fondations » 22 ( * ) , malgré les indéniables avantages consentis aux fondations d'entreprise, celles-ci n'ont connu depuis leur création qu'un développement relativement limité. Reconnaissant que cette situation était « largement imputable à une conjoncture économique difficile » , l'étude n'excluait pas qu'elle tienne également aux lourdeurs du statut prévu par la loi de 1987.

On soulignera avant de les analyser que les modifications apportées à ce statut par cet article reprennent pour partie les propositions d'amélioration formulées alors par le Conseil d'Etat.

• La suppression de l'exigence d'une dotation initiale

Cet article propose de modifier l'article 19 de la loi de 1987 définissant la fondation d'entreprise afin de supprimer l'obligation de dotation initiale. On rappellera qu'en l'état actuel du droit, la loi exigeait que les fondateurs, d'une part, apportent une dotation initiale, proportionnelle aux engagements pris dans le cadre du programme d'action pluriannuel et, d'autre part, s'engagent à effectuer les versements correspondants à ce programme, versements garantis par une caution bancaire.

L'exigence d'une dotation initiale, empruntée au statut des fondations reconnues d'utilité publique, ne se justifie guère pour les fondations d'entreprise créées pour une durée déterminée : contrairement aux premières, ces fondations n'ont pas à assurer la pérennité par les revenus de leur dotation. De surcroît, dans la mesure où l'article 19-7 de la loi de 1987 prévoit que les versements des sommes représentant les engagements pluriannuels sont garantis par une caution bancaire , la dotation initiale apparaît comme une contrainte injustifiée.

Afin de tirer les conséquences de la suppression de cette obligation, cet article prévoit diverses mesures transitoires et de coordination.

Le 4° de cet article modifie la rédaction de l'article 19-6 de la loi de 1987 afin de substituer à son dispositif actuel, qui définit le montant minimal de la dotation initiale, une mesure transitoire : les fondations d'entreprise créées antérieurement à la date de publication de la présente loi sont autorisées à consacrer les fonds de leur dotation initiale aux dépenses prévues par leur nouveau programme d'action pluriannuel.

Par coordination, le 5° de cet article modifie la rédaction des articles 19-8 et 19-2 qui, pour le premier, énumère les ressources des fondations d'entreprise et, pour le second, précise les conditions de dissolution des fondations d'entreprise.

• Un allègement des contrôles pesant sur les fondations d'entreprise

Le 1° de cet article supprime le deuxième alinéa de l'article 19-9 de la loi de 1987 qui faisait obligation aux fondations d'entreprise dont les ressources dépassent un seuil défini par décret d'établir en sus de leur bilan, de leur compte de résultat et de l'annexe, une situation de l'actif réalisable et du passif exigible, un compte de résultat prévisionnel, un tableau de financement et un plan de financement.

Cette disposition est apparue particulièrement lourde, génératrice de contraintes administratives peu justifiées au regard de l'objectif de transparence.

• Une simplification de la procédure applicable en cas de majoration du programme d'action pluriannuel

Le 2° de cet article prévoit un allègement des conditions dans lesquelles peut être décidée une augmentation du montant du programme d'action pluriannuel. Jusqu'à présent, dans la mesure où le montant des sommes versées par les fondateurs figurait dans les statuts, leur augmentation exigeait que soit engagée une procédure de modification des statuts, procédure susceptible d'être considérée comme dissuasive. Pour remédier à cet inconvénient, l'article 19-1 est modifié afin de préciser que la majoration du programme pluriannuel est déclarée sous la forme d'un simple avenant aux statuts. La modification proposée abroge également, par coordination avec la suppression de l'obligation de constituer une dotation initiale, la disposition imposant dans ce cas de compléter cette dernière.

• La réduction de la durée de prorogation des fondations d'entreprise

La disposition prévue par le 3° de cet article est de portée modeste dans la mesure où elle se borne à assouplir la règle applicable en cas de prorogation d'une fondation afin de rabaisser de cinq à trois ans la durée de cette dernière.

N'est pas modifiée la règle selon laquelle les fondations d'entreprise sont créées pour une durée minimale de cinq ans, règle qui semble ne pas être contestée.

• L'abrogation de l'article 20-1 de la loi du 23 juillet 1987 relatif au conseil national des fondations

L'article 20-1 de la loi de 1987 créait un conseil national des fondations, instance chargée de « rassembler et de diffuser des informations relatives aux fondations ; d'établir un rapport annuel à ce sujet et de proposer aux pouvoirs publics des actions tendant au développement du mécénat des fondations ».

Un décret du 30 septembre 1991 a défini la composition du nouvel organisme, qui devait comporter deux collèges, le premier formé de représentants de l'Etat, d'un sénateur, d'un député, de trois magistrats et de représentants des principaux ministères compétents et le second de personnalités qualifiées désignées par le Premier ministre.

Or, ce conseil n'a jamais été constitué. Cet article tire donc les conséquences de cette situation en abrogeant la disposition législative le créant. S'il regrette qu'une disposition adoptée par le Parlement soit restée lettre morte, votre rapporteur doute qu'une telle instance aurait été susceptible d'assurer une représentation efficace des fondations auprès des pouvoirs publics. Un organe créé à l'initiative des dirigeants de ces dernières indépendamment des structures administratives constituerait sans doute une meilleure tribune.

II. Position de la commission

Votre rapporteur se félicite de l'adoption de mesures destinées à simplifier le régime des fondations d'entreprise. Ces mesures bienvenues, qui relèvent d'un souci de simplification administrative, recueillent l'assentiment des représentants des fondations.

Votre commission vous proposera d'adopter à cet article un amendement d'ordre rédactionnel.

* *

*

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours d'une réunion tenue le 10 octobre 2001 sous la présidence de M. Jacques Valade, président , la commission a examiné le rapport de M. Philippe Richert sur le projet de loi n° 323 (2000-2001), adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relatif aux musées de France .

A la suite de l'exposé du rapporteur, un large débat s'est instauré.

M. Ivan Renar s'est félicité que soit enfin engagée la réforme de l'ordonnance du 13 juillet 1945 relative aux musées des beaux-arts. Il a rappelé que ce texte ancien continuait à s'appliquer alors que les musées avaient beaucoup évolué grâce aux efforts conjugués de l'État, des collectivités territoriales et du corps des conservateurs pour devenir des centres culturels et artistiques remarquables. Il a fait observer qu'en constituant les collections qui seront transmises aux générations futures, les musées travaillaient pour l'éternité. Il a regretté que le projet de loi, à la différence du texte déposé en 1993, ne propose pas de statut légal pour les musées, soulignant à ce titre l'intérêt que représentait la proposition de loi relative à la création d'établissements publics de coopération culturelle, adoptée à l'unanimité par le Sénat le 14 juin dernier et en instance devant l'Assemblée nationale. De même, il a déploré que le projet de loi déposé par le gouvernement ne comportât pas de volet financier.

Évoquant la question de la politique tarifaire, il a estimé souhaitable qu'elle ne soit pas décrétée au niveau national mais arrêtée par chaque collectivité territoriale en fonction des priorités de sa politique culturelle et sociale. Il a souligné que les mesures tarifaires devaient concerner non seulement l'accès aux collections permanentes mais également aux expositions temporaires. Il s'est par ailleurs inquiété des effectifs insuffisants des corps et cadres d'emploi des conservateurs et du niveau insuffisant de leur rémunération.

En ce qui concerne les modes de gestion des collections, il a rappelé qu'un musée qui n'achetait pas était un musée mort. Par ailleurs, il s'est déclaré préoccupé par l'exception au principe de l'inaliénabilité des collections publiques introduite par l'Assemblée nationale pour les oeuvres d'artistes vivants. Si cette disposition avait été en vigueur dans le passé, des chefs d'oeuvres auraient ainsi sans doute été vendus. Par ailleurs, une telle disposition risque de conduire les conservateurs à influer sur le marché de l'art. Il a estimé nécessaire que le Sénat débatte de cette question.

Évoquant le prélèvement de 1 % sur le produit brut des jeux, il a souhaité que puisse être étudiée la possibilité d'une contribution de la Française des jeux aux acquisitions des musées.

Il a regretté que l'effort des collectivités locales en faveur de la culture scientifique et technique ne soit pas soutenu par l'État.

Enfin, il a plaidé pour une politique systématique de prêts et dépôts des collections des musées nationaux au profit des musées territoriaux, notamment afin de favoriser l'organisation des expositions temporaires, aujourd'hui très onéreuses en raison des coûts de transport et d'assurance.

M. Jacques Legendre , après s'être félicité de son dépôt, a estimé nécessaire d'aborder avec prudence l'examen d'un texte élaboré par la direction des musées de France, qui apparaissait plus comme un renforcement les prérogatives de l'État que comme un encouragement pour les musées à prendre des initiatives.

Il s'est interrogé sur la pertinence de faire précéder d'un avis les acquisitions des musées de France, décision qui devrait relever de la seule responsabilité de leurs conservateurs.

En ce qui concerne les ventes de biens faisant partie d'une collection d'un musée, il a indiqué que de telles aliénations, dont le principe ne devait pas être écarté, devraient être exceptionnelles et entourées de garanties afin d'éviter des spéculations hasardeuses. Il convient d'écarter une exception à l'inaliénabilité fondée sur l'ancienneté des oeuvres telle que celle adoptée par l'Assemblée nationale au profit d'une disposition de portée plus générale.

Il a estimé que le souci de préserver l'intégrité des collections exigeait également de prévoir dans la loi une procédure destinée à garantir la qualité des restaurations.

M. Pierre Laffitte a fait part de son étonnement face au caractère jacobin du projet de loi, notant toutefois qu'il s'inscrivait dans la logique des pratiques administratives des services du ministère de la culture. Il a estimé que certaines de ses dispositions étaient inacceptables au regard de l'effort engagé par les collectivités territoriales pour leurs musées. Il a observé que les mécènes étaient souvent plus disposés à encourager un musée territorial qu'une institution nationale.

Soulignant la nécessité de faire bénéficier les musées privés des avantages fiscaux prévus par la projet de loi, il a cité en exemple la Fondation Maeght qui, sans subvention publique, équilibre son budget grâce à une gestion rigoureuse et aux recettes dégagées par l'organisation d'expositions itinérantes et conduit une politique active de diffusion culturelle.

Enfin, après avoir fait part de ses inquiétudes face aux conséquences économiques du prélèvement sur le produit brut des jeux dans les casinos, il a souhaité que la contribution d'autres formes de jeux à l'enrichissement des collections muséographiques puisse être étudiée.

M. Xavier Darcos s'est étonné de la volonté hégémonique de la direction des musées de France et s'est inquiété à ce titre des conséquences pratiques de l'article 5 du projet de loi prévoyant qu'un décret fixe les qualifications requises des responsables scientifiques des musées de France.

Il a estimé que compte tenu des lourdeurs inhérentes au fonctionnement des services de l'État, ce texte faisait peser des contraintes administratives très lourdes sur la gestion des musées et de leurs collections. Les collectivités locales qui ont une meilleure connaissance des attentes du public doivent demeurer libres de définir leur politique muséographique.

Au-delà de l'intérêt de procéder à une rénovation du dispositif juridique applicable aux musées, il a estimé que le projet de loi pourrait emporter des conséquences préjudiciables tant sur la gestion par les collectivités locales de leurs collections que sur la fonctionnalité des musées et imposait, par ailleurs, à la Direction des Musées de France une tâche de contrôle sans rapport avec les moyens dont elle disposait.

Enfin, il s'est interrogé sur le rôle réservé par le projet de loi aux sociétés d'amis de musées.

M. Ambroise Dupont s'est inquiété des moyens prévus pour assurer la pérennité des musées privés à l'image des nombreux musées du souvenir créés sur les sites historiques de la bataille de Normandie. Approuvant les propos de M. Jacques Legendre, il a regretté la réticence des musées nationaux à encourager une plus grande circulation de leurs collections qui constituerait pourtant un atout pour l'aménagement culturel du territoire. Enfin, il a regretté que le prélèvement prévu par le projet de loi concerne les casinos, secteur ayant des incidences économiques significatives, plutôt que les activités de la Française des jeux, dont le bénéfice revient à l'État.

M. Michel Thiollière s'est interrogé sur les contreparties financières de l'appellation « musée de France » pour les collectivités locales, notamment dans le cadre des contrats de plan. Il s'est demandé dans quelle mesure la création de ressources fiscales affectées n'inciterait pas l'État à diminuer les crédits budgétaires consacrées aux acquisitions. Enfin, il a souligné l'intérêt d'une mise en réseau des musées, en particulier pour assurer une meilleure circulation des oeuvres, évoquant la possibilité par ce biais de favoriser des échanges entre les collections.

En réponse aux intervenants, M. Philippe Richert s'est déclaré convaincu de la nécessité de laisser les musées libres de déterminer les principes de leur politique tarifaire afin de respecter la spécificité de chaque institution ; ces principes pourraient être arrêtés dans le cadre des conventions signées entre l'État et les musées visées à l'article 3 du projet de loi.

Il a estimé que l'exception à la règle de l'inaliénabilité introduite par l'Assemblée nationale n'était pas opportune dans la mesure où l'art contemporain était sans doute le domaine où le risque de voir remise en cause l'intégrité des collections était le plus grand. Il a indiqué qu'il proposerait à la commission de s'en tenir aux règles de la domanialité publique. Ces règles permettent des déclassements qu'il convient d'entourer de garanties, en prévoyant la consultation d'instances scientifiques.

Évoquant la possibilité d'instituer une contribution de la Française des jeux aux dépenses d'acquisition des trésors nationaux, il a fait observer que, d'après les enquêtes réalisées auprès des joueurs, la création d'un jeu consacré au patrimoine ne permettant de dégager que de faibles résultats, seule était envisageable l'institution d'un prélèvement supplémentaire sur les recettes de la Française des jeux.

Il a relevé que les amendements proposés aux articles fiscaux introduits par l'Assemblée nationale permettraient de faire bénéficier l'ensemble des musées de France des dispositifs destinés à encourager le mécénat.

Il a fait part de sa volonté d'éviter que le projet de loi ne permette une mainmise de l'État sur les musées dont il n'est pas propriétaire, en particulier les musées territoriaux. De même, il importe de ne pas assimiler les musées privés aux collections publiques, notamment en limitant le statut protecteur prévu par le texte pour leurs collections.

Il a souligné que l'attribution de l'appellation « musée de France » n'impliquait aucun engagement financier de l'État.

Enfin, il a indiqué que les sociétés d'amis de musées, représentées au sein du Haut Conseil des musées de France, pourraient signer des conventions avec les musées au rayonnement desquels elles contribuent.

La commission a ensuite procédé à l'examen des articles au cours duquel sont intervenus, outre le président et le rapporteur , Mme Marie-Christine Blandin , MM. Xavier Darcos , Yves Dauge , Jacques Legendre , Philippe Nogrix , Ivan Renar , Michel Thiollière et Jean-Marie Vanlerenberghe .

Après avoir adopté les amendements proposés par son rapporteur, la commission a adopté le projet de loi ainsi modifié.

* 1 Décret n° 48-734 du 27 avril 1948 relatif à l'organisation du service national de muséologie des sciences naturelles.

* 2 Les musées de France, Presses universitaires de France

* 3 Article 9 des statuts du Conseil international des musées

* 4 Les musées nationaux et les collections nationales d'oeuvres d'art.

* 5 « Rendre attractif le droit des fondations ».

* 6 Loi n° 92-1477 du 31 décembre 1992 relative aux produits soumis à certaines restrictions de circulation et à la complémentarité entre les services de police, de gendarmerie et de douane.

* 7 La loi n° 2000-643 du 10 juillet 2000 relative à la protection des trésors nationaux et modifiant la loi n° 92-1477 du 31 décembre 1992 relative aux produits soumis à certaines restrictions de circulation et à la complémentarité entre les services de police, de gendarmerie et de police.

* 8 Loi n° 82-610 du 15 juillet 1982 d'orientation et de programmation pour la recherche et le développement technologique de la France.

* 9 Loi n° 84-52 du 26 janvier 1984 sur l'enseignement supérieur.

* 10 Rapport public particulier : Les musées nationaux et les collections nationales d'oeuvres d'art, février 1997.

* 11 Jacques Sallois, Les musées de France, collection « Que sais-je ? », presses universitaires de France (1997).

* 12 L'article 2279 dispose qu' : « En fait de meubles, la possession vaut titre. Néanmoins celui qui a perdu ou auquel il a été volé une chose peut la revendiquer pendant trois ans à compter du jour de la perte ou du vol, contre celui dans les mains duquel il la trouve, sauf à celui-ci son recours contre celui duquel il la tient ».

L'article 2280 précise les conditions d'indemnisation du possesseur de bonne foi d'un objet perdu ou volé : « Si le possesseur actuel de la chose volée ou perdue l'a achetée dans une foire ou dans un marché, ou dans une vente publique, ou d'un marchand vendant des choses pareilles, le propriétaire originaire ne peut se le faire rendre qu'en remboursant au possesseur le prix qu'elle lui a coûté ».

* 13 Loi n° 95-877 du 3 août 1995 portant transposition de la directive 9317 du 15 mars 1993 du conseil des communautés européennes relatives à la restitution des biens culturels ayant quitté illicitement le territoire d'un Etat membre.

* 14 Décret n° 96-750 du 20 août 1996 portant création d'une commission de récolement des dépôts d'oeuvres d'art.

* 15 Décret n° 81-240 du 3 mars 1981 relatif aux prêts et dépôts d'oeuvres des musées nationaux : le maintien du dépôt doit être confirmé par une décision qui intervient avant l'expiration d'un délai maximum de cinq ans.

* 16 À l'exception des prêts consentis aux musées appartenant à l'Etat, l'Etat étant son propre assureur.

* 17 Cet article précise que « la mise à disposition d'un fonctionnaire d'Etat ne peut avoir lieu qu'en cas de nécessité de service avec l'accord du fonctionnaire et au profit d'une administration d'Etat ou d'un établissement public de l'Etat ».

* 18 soit 2,25%o de leur chiffre d'affaires.

* 19 Cass. 1 ère civ., 20 février 1996 ; Agent judiciaire du Trésor c/Walter.

* 20 Loi n° 96-950 du 2 juillet 1996 relative à la Fondation du patrimoine.

* 21 Loi n° 90-559 du 4 juillet 1990 créant les fondations d'entreprise et modifiant les dispositions de la loi n° 87-571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat relatives aux fondations.

* 22 Etude adoptée les 27 et 28 novembre 1998.

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