3. Des annulations de crédits instructives

Au-delà de cette présentation générale, trois enseignements au moins peuvent être tirés des annulations de crédits réalisées par la loi de finances rectificative du 30 décembre 2000.

a) Des économies de constatation résultant de la bonne tenue de la conjoncture

Chaque année depuis trois ans, votre commission note que le gouvernement est en mesure de réaliser des « économies » grâce à la bonne tenue de la conjoncture qui permet de constater la non-consommation de crédits d'un montant substantiel.

Elle rappelle toutefois qu'une économie se définit comme « l'art de réduire les dépenses », et non comme le moyen de financer des économies : une économie n'est pas un redéploiement et doit se traduire par une diminution du niveau des dépenses, ce que n'a pas fait le collectif. Les redéploiements auxquels avait procédés le gouvernement étaient consécutifs à la constatation de crédits disponibles, en aucun cas à la conduite de réformes structurelles. Des exemples d'annulations de crédits le démontrent amplement.

Toutefois, votre commission avait alors considéré que le gouvernement ne pouvait se satisfaire de cette situation conjoncturelle favorable pour mener sa politique budgétaire, car il prenait le risque considérable de voir l'évolution des dépenses publiques lui échapper en cas de retournement de la conjoncture et de dégradation de la situation de l'emploi.

La situation actuelle confirme malheureusement cette analyse.

b) Des économies réalisées sur des dispositifs prioritaires du gouvernement

Le gouvernement avait réalisé d'importantes économies sur des dispositifs qu'il présentait comme les priorités de son action, ce qui ne laissait pas d'étonner et conduisait à s'interroger sur la sincérité du niveau des crédits inscrits en loi de finances initiale. Ne faut-il dès lors pas, en effet, voir dans la surévaluation des crédits initiaux sur certains chapitres la recherche d'un affichage budgétaire ?

Tel est le cas du budget de l'emploi , sur lequel ont été annulés 5,61 milliards de francs, dont 5,60 milliards de francs en dépenses d'intervention (titre IV).

• Le gouvernement réalisait ainsi des économies d'un montant de 3,51 milliards de francs sur les emplois-jeunes, soit environ 16 % des dotations initiales du chapitre 44-01, indiquant que, « bien que ce dispositif ait contribué à se développer et que de nouveaux postes aient été créés, les crédits ouverts en loi de finances initiale pour 2000 et les reports de 1999 dégagent un excédent qui ne sera pas consommé d'ici la fin de l'année ».

Les arguments auxquels il recourait pour justifier ces annulations n'ont alors guère paru pertinents à votre commission :

- il évoquait d'abord « un décalage entre les dates de création de postes et les embauches subventionnées, tout particulièrement dans le secteur public, ainsi qu'un taux de rotation des jeunes sur les postes entraînant des périodes de vacance et permettant de réaliser les ajustements proposés » ;

- ensuite, il expliquait que, « à ce phénomène s'ajoute la bonne tenue de l'économie, avec pour conséquence une raréfaction des candidats au dispositif ».

Dans les deux cas, il convenait de s'interroger sur le réalisme d'un objectif de 350.000 emplois-jeunes embauchés à la fin de l'année 2001, à moins que la question se pose plutôt sur la sincérité de cet objectif.

Cette interrogation était d'ailleurs confirmée par un constat similaire établi sur d'autres sections budgétaires supportant le financement d'emplois-jeunes, celle de l'enseignement scolaire par exemple.

Un nombre important de postes d'aides éducateurs ne sont pas pourvus

Le chapitre 36-71, doté de 2.184 millions de francs pour 2000, a connu l'annulation de 71,5 millions de francs et le virement de 154,3 millions de francs vers d'autres chapitres.

Ces montants, qui sont à rapprocher des crédits de rémunération des aides-éducateurs prévus pour l'an 2000 (1.193,4 millions de francs), suggèrent qu' un nombre important de postes d'aides-éducateurs ne sont pas pourvus .

Dans ces conditions, on peut s'interroger sur la pertinence de la hausse des crédits de rémunération des aides-éducateurs prévue dans le projet de loi de finances pour 2001 (+ 5,6 %, à 1.250,8 millions de francs).

Les dispositifs d'insertion des publics en difficulté permettaient également au gouvernement de réaliser d' importantes économies, d'un montant de 1,69 milliard de francs.

Ces économies résultaient, selon le gouvernement, « de l'amélioration de la conjoncture et du recul de l'exclusion », se manifestant par des flux d'entrées dans les dispositifs moindres que prévu.

Le budget de la santé et de la solidarité donnait également lieu à la réalisation de surprenants arbitrages de la part du gouvernement au regard des priorités qu'il affiche par ailleurs, les crédits qui devaient financer la couverture maladie universelle (CMU) venant finalement abonder les dépenses de RMI. Cette évolution montre bien, du reste, que l'amélioration de la situation du marché du travail s'accompagne d'une hausse des crédits destinés à « l'insertion par l'assistance ».

Les « surprenants » arbitrages du gouvernement sur le budget de la santé : financer le RMI avec les crédits de la couverture maladie universelle.

Le décret de virement du 8 novembre 2000 a annulé 749,5 millions de francs de crédits destinés à la couverture maladie universelle ce qui a permis de majorer de 200 millions de francs les crédits de l'allocation adultes handicapés (AAH), et de 520,7 millions de francs ceux du RMI et de l'allocation de parents isolés (API), ainsi que de dégager 5 millions de francs pour les bourses d'enseignement des professions sociales, et d'affecter 23,8 millions de francs au groupement d'intérêt public « Carte professionnel de santé » (6,4 millions de francs) et au contrat de développement de Wallis et Futuna (17,4 millions de francs).

Par ailleurs, l'arrêté du 15 novembre 2000 a annulé 1,037 milliard de francs de crédits, dont un milliard de francs au titre de la couverture maladie universelle.

Le jeu cumulé du décret de virement, de l'arrêté d'annulation et du collectif budgétaire a ainsi permis de réaliser 1,75 milliard de francs d'économies sur la couverture maladie universelle.

A l'inverse, les crédits de l'AAH ont progressé de 850 millions de francs (permettant d'apurer pour 400 millions de francs de dettes et de couvrir pour 450 millions les besoins apparus en cours d'exercice), ceux du RMI de 520 millions de francs (400 millions pour les dettes, 120 millions pour les besoins qui ne sont cependant pas soldés) et 400 millions pour l'API permettant de solder les dettes même si un doute subsiste sur les besoins réels pour 2000.

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