EXAMEN EN COMMISSION

Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Alain Lambert, président, en remplacement de M. Philippe Marini, rapporteur général , sur le projet de loi n° 13 (2001-2002), adopté par l'Assemblée nationale, portant règlement définitif du budget de 2000 .

En introduction, M. Alain Lambert, président , a indiqué qu'un projet de loi de règlement était toujours un constat fondé sur le contrôle a posteriori de l'exécution des lois de finances de l'année, c'est-à-dire un quitus comptable qui en aucun cas ne valait acceptation de la politique et des pratiques budgétaires du gouvernement, notamment pour l'année 2000, qu'il a qualifiée d'année des « occasions budgétaires manquées ».

S'agissant de la politique budgétaire mise en oeuvre en 2000, il a rappelé que la loi de finances initiale avait été modifiée, de manière assez exceptionnelle, par deux collectifs budgétaires. Il a d'abord évoqué le premier collectif budgétaire, en juin, qui consistait à tirer les conséquences de l'affaire de la « cagnotte » et à réévaluer avec retard le niveau des recettes fiscales et non fiscales, sans baisser pour autant le niveau du déficit - sur les 51,4 milliards de francs de recettes supplémentaires seulement 49 millions de francs, soit 0,098 % du total, avaient été affectés à la réduction du déficit budgétaire. Puis, il a indiqué que le second et traditionnel collectif de fin d'année avait réévalué le niveau des recettes fiscales de 40,6 milliards de francs et avait reporté 15 milliards de francs de recettes non fiscales sur 2001. Au total, le second collectif se traduisait donc par une nouvelle progression de la dépense et une réduction du déficit budgétaire de seulement 5,8 milliards de francs.

M. Alain Lambert, président, a ensuite évoqué la loi organique du 1er août 2001 modifiant l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 qui revalorise la portée concrète des projets de loi de règlement et, à travers elle, le nécessaire contrôle de l'exécution du budget. Il a parlé de « chaînage vertueux » entre la discussion de la loi de règlement n-1 et l'examen de la loi de finances n+1, en estimant que les débats pourraient ainsi gagner en cohérence, en efficacité et donc en intérêt.

Avant de revenir sur les principales évolutions des recettes, des dépenses et du solde d'ensemble du budget de l'Etat en 2000, il a rappelé les principales caractéristiques de la croissance économique ayant accompagné l'exécution budgétaire.

Alors que la croissance 2001 devrait être de l'ordre de 2 %, il a fait observer que l'année 2000 pouvait être considérée comme une année idéale, avec une croissance de 3,1 %. Cependant, il a estimé que 2000 était, d'une certaine façon, une croissance en trompe-l'oeil : si l'économie française a connu en 2000 une croissance soutenue, supérieure à son potentiel de 2 % à 2,5 % et à la prévision du Gouvernement en loi de finances initiale qui s'élevait à 2,8 %, il a observé que le rythme d'évolution infra-annuelle de la croissance s'était ralenti de 1999 à 2000, ce ralentissement semblant s'expliquer par le renchérissement des produits pétroliers, le prix du baril de pétrole ayant atteint en septembre 2000 son maximum depuis 1991.

M. Alain Lambert, président a donc estimé que les ressorts de la croissance n'avaient pas reposé sur les enchaînements imaginés par le gouvernement, qui avait notamment sous-estimé la progression de l'investissement des entreprises et surestimé la consommation des ménages. Il en a conclu que le gouvernement avait eu la chance de profiter d'une bonne conjoncture économique dont il s'était attribué la paternité, alors même que ses différentes composantes ne correspondaient pas à ce qu'il avait envisagé.

Dans le second volet de sa présentation, le président a indiqué que le budget de 2000 s'était caractérisé, comme au cours des deux années précédentes, par l'absence de volonté de maîtrise de la dépense publique et par le maintien d'une forte pression fiscale, dont témoignait le niveau toujours historiquement élevé des prélèvements obligatoires.

Il a rappelé que les recettes nettes du budget général avait augmenté de 1,1 % en 2000, soit un niveau plus faible que la moyenne sur 1996-2000 mais que l'évolution était très contrastée entre une faible progression des recettes fiscales nettes (+ 0,6 %) et un fort dynamisme des recettes non fiscales (+ 18,8 %).

Concernant les impôts directs, il a souligné que le dynamisme des recettes tendancielles avait été si fort en 2000 que l'impact des quelques aménagements de droits - baisse du taux des premières tranches du barème de l'impôt sur le revenu pour l'essentiel - s'était trouvé largement absorbé. Ainsi, l'augmentation de l'impôt sur le revenu jugée « exceptionnellement rapide » par la Cour des comptes en 1999 était restée dynamique en 2000, avec une hausse de 4,7 %. L'impôt sur les sociétés a également augmenté de 7,3 %, après une progression de 27,4 % en 1999. Les impôts directs ont en revanche ralenti, la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) nette n'ayant progressé que de 2,4 % en raison principalement de la baisse d'un point du taux normal de la TVA au 1er avril 2000. De même, la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP) a diminué de 1,5 % par rapport à 1999, en raison du mécanisme dit de « TIPP flottante ».

Au total, il a noté qu'après le niveau exceptionnellement élevé de prélèvements fiscaux en 1999, dénoncé par le Sénat - 70 % de l'augmentation de la richesse nationale avaient été captés par la sphère publique - l'année 2000 avait marqué une pause dans l'augmentation régulière des prélèvements. Mais il a fait observer que la très faible progression des recettes fiscales nettes s'expliquait surtout par le transfert de 45,2 milliards de francs de recettes fiscales, soit la quasi-totalité des droits sur les tabacs, à la sécurité sociale pour alimenter le fonds pour la réduction des charges salariales (FOREC) et donc essayer de « boucler » le financement des « 35 heures ».

Par ailleurs en 2000, il a fait observer que les recettes non fiscales ont progressé de 18,8 %, soit une augmentation de 32 milliards de francs, cette progression s'expliquant par les reports des opérations de rebudgétisation et par l'augmentation de presque toutes les rubriques desdites recettes. Le gouvernement a cependant choisi de reporter 18 milliards de francs de recettes non fiscales sur 2001, soit un montant légèrement supérieur à celui déjà non prélevé en 1999.

Au total, M. Alain Lambert , président, a déploré la modicité de la réduction du taux de prélèvements obligatoires, celui-ci restant le plus élevé jamais connu en France après celui de 1999 (respectivement 45,6 % et 45,2 % du PIB). Il a relevé que la triste exception fiscale française se perpétuait donc, au détriment de la compétitivité des entreprises et donc du pays.

Concernant les dépenses, le président a noté que le gouvernement avait atteint en l'an 2000 son objectif de quasi-stabilité des dépenses en volume mais que cet objectif n'avait été atteint que grâce à l'inflation, celle-ci ayant été de 1,6 %, annulant l'augmentation, identique, des dépenses nominales. Il a par ailleurs souligné que le gouvernement avait pris des libertés avec le principe de la permanence des méthodes budgétaires afin d'afficher le respect des engagements initiaux en excluant de son calcul le transfert de 39,5 milliards de francs de dépenses du budget de l'emploi vers le FOREC. Il en a conclu que la permanence des règles et méthodes comptables de l'Etat était nécessaire.

Ensuite, il a rappelé que la dépense budgétaire demeurait rigide en 2000.

Il ainsi indiqué que les dépenses du titre I « Dette publique et dépenses en atténuation de recettes » s'élevaient à 625,69 milliards de francs, en augmentation de 5,9 % par rapport à 1999. De même, les dépenses de fonctionnement progressent de 2,5 % et le poids des dépenses de fonction publique dans le budget général était passé de 41,6 % en 1999 à 42,2 % en 2000.

Dans le dernier volet de sa présentation, M. Alain Lambert, président, a indiqué que le déficit budgétaire en 2000 était toujours proche de 200 milliards de francs : fixé à - 215,3 milliards de francs par la loi de finances initiale, réduit à seulement - 209,7 milliards de francs par la seconde loi de finances rectificative, le solde général s'est élevé pour 2000 en exécution à - 191,2 milliards de francs, soit une diminution de près de 15 milliards de francs par rapport au solde exécuté en 1999. Exprimé au sens de la comptabilité nationale, l'Etat connaît cependant en 2000 un besoin de financement de 221 milliards de francs en très légère progression par rapport à celui de 1999, ce qui représente 2,41 % du PIB.

Le président a conclu que l'Etat restait en 2000 la seule collectivité publique déficitaire, en rappelant que les collectivités locales avaient dégagé une capacité de financement de 24,9 milliards de francs, la sécurité sociale de 54 milliards de francs et les organismes divers d'administration centrale de 15,9 milliards de francs. Il a cité les propos de la Cour des comptes dans son rapport sur l'exécution des lois de finances en 2000 : le niveau du déficit des administrations publiques est toujours trop important par rapport à celui de nos principaux partenaires européens. Enfin, il a ajouté que l'effort de réduction des déficits publics, et en premier lieu celui de l'Etat, devait incontestablement être amplifié et qu'il était regrettable que le gouvernement n'ait pas profité des surplus de recettes fiscales enregistrés en 2000 pour réduire le déficit budgétaire et donc l'endettement. La réduction des déficits est une question élémentaire de bonne gestion budgétaire, de compétitivité par rapport à nos principaux partenaires, mais aussi et surtout de solidarité inter-générationnelle.

En conclusion de cette présentation, le président a proposé, conformément à la tradition, de prendre acte de la traduction comptable de la gestion 2000 en adoptant le projet de loi de règlement pour 2000.

Un débat s'est alors ouvert.

M. Yves Fréville a évoqué la notion de déficit invisible en prenant l'exemple de la suppression de la vignette automobile, dont le coût, de 12 milliards de francs, était imputé sur le compte d'avances des collectivités locales et non pas sur le budget général. Il a par ailleurs regretté la faible consommation des crédits d'investissement de plusieurs ministères, dont les ministères de l'intérieur et de l'enseignement supérieur.

M. Jacques Oudin a souscrit aux observations de M. Yves Fréville sur le rythme de consommation des dépenses d'investissement et il a souhaité une plus grande transparence du budget de l'Etat.

M. Jacques Pelletier a regretté que les ministères dits « dépensiers » voient leurs crédits gelés et soient, dès le début de l'exercice budgétaire, dans l'incapacité de dépenser des crédits pourtant autorisés par la représentation nationale.

M. François Trucy a interrogé le président sur l'évolution du compte spécial du Trésor recevant les recettes de privatisations.

M. Alain Lambert, président, a remercié les intervenants en soulignant tout l'intérêt d'examiner le projet de loi de règlement 2000 avant l'examen du projet de loi de finances pour 2002. Il a rappelé à M. Yves Fréville que le besoin de financement de l'Etat s'élevait à 221 milliards de francs et constituait le seul indicateur reconnu par la Commission européenne.

En réponse à M. Jacques Oudin, il a souligné l'importance de faire apparaître plus clairement le taux de consommation des crédits d'investissement votés par le Parlement.

Il a ensuite répondu à M. Jacques Pelletier que les crédits d'investissement étaient trop souvent gelés puis annulés en raison du volume toujours plus important des crédits de fonctionnement et de la rigidité de ce type de dépense.

Enfin, il a rappelé que M. Paul Loridant, rapporteur spécial des comptes spéciaux du Trésor, établirait l'évolution du compte d'affectation spéciale des privatisations, répondant ainsi au souhait de M. François Trucy.

A l'issue de ce débat, la commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter l'ensemble des articles puis le projet de loi de règlement du budget de 2000 sans modification .

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