B. POUR SUPPRIMER LE RISQUE

Alors que l'Etat jouit de la faculté d'exproprier les édifices susceptibles d'être victimes d'un risque naturel « majeur », et ceux menacés par un risque minier, le maire est investi par la loi de la compétence nécessaire pour exercer, outre la police générale des fléaux naturels, la police spéciale des immeubles menaçant ruine.

1. Le pouvoir d'expropriation de l'Etat au titre de la prévention des risques

a) L'expropriation résultant de risques naturels « majeurs »
(1) Le régime de l'expropriation

Afin de sauvegarder les populations menacées par des risques naturels « majeurs », la loi n° 95-101 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement a prévu que la procédure d'expropriation pourrait être utilisée pour dédommager les propriétaires des biens exposés à ce risque. Son article 11 précise que cette procédure est susceptible d'être mise en oeuvre « lorsqu'un risque prévisible de mouvement de terrain, d'avalanches ou de crue torrentielle menace gravement des vies humaines ». Elle concerne « les biens exposés à ce risque ». Dès lors que les moyens de sauvegarde et de protection des populations s'avèrent plus coûteux que l'expropriation, celle- ci peut être menée à bien. Un fond de prévention des risques naturels majeurs est chargé de financer, dans la limite de ses ressources, les indemnités d'expropriation (article 13 de la loi n° 95-101 précitée).

On notera que cette procédure est réservée, parmi les risque naturels, à ceux qui sont qualifiés de « majeurs ». Ainsi, un effondrement de terrain qui trouve son origine dans une activité humaine ne saurait, quand bien même lui aussi « menacerait, gravement des vies humaines », en l'état du droit, relever de la procédure précitée.

Il convient ici de lever une équivoque. L'exécutif soutient deux thèses contradictoires. A Paris, par la voix du ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement, il considère que les effondrements de cavités souterraines peuvent faire l'objet de la procédure d'indemnisation des dommages causés par des catastrophes naturelles 8 ( * ) . Il en va tout autrement sur le terrain : l'état de catastrophe naturelle n'est reconnu que lorsque les phénomènes d'effondrements sont suffisamment proches dans le temps d'une cause bien identifiée et trouvant sa source dans un événement naturel, tel que des pluies torrentielles qui entraînent des effondrements « en cascade ». Un effondrement isolé, n'ouvre pas droit à cette procédure qui n'intéresse, de facto, que des dommages subis simultanément par un nombre suffisant de personnes.

(2) Les moyens du fonds pour la prévention des risques et leur utilisation

Selon les informations dont dispose votre rapporteur, depuis l'entrée en vigueur de la loi « Barnier », seule d'une cinquantaine de demandes d'expropriation ont été déposées par les préfets .

Elles concernent pour la plupart des risques naturels de faible étendue, intéressant une à dix propriétés au maximum, à l'exception de deux dossiers, de plus grande ampleur :

- les « Ruines de Séchilienne », dans l'Isère, (94 habitations, des constructions et des terrains sur une superficie de 85 hectares, exposés au glissement de terrain) ;

- le « massif de l'Hautil », dans les Yvelines et le Val d'Oise, (47 propriétés menacées d'effondrement de carrières souterraines abandonnées).

Votre rapporteur constate que le nombre des dossiers adressés à l'administration centrale par les préfets demeure très faible , puisqu'il s'élevait à : dix demandes en 1996, treize en 1997 neuf en 1998, cinq en 1999, quatre en 2000, et quatre également au cours du premier semestre 2001.

Il serait souhaitable que les services déconcentrés soient plus soucieux de proposer l'expropriation aux propriétaires intéressés. Il semble, en effet, que cette procédure soit mal connue des services de l'Etat eux mêmes qui attendent parfois, selon le témoignage de personnalités rencontrées par votre rapporteur, que les intéressés sollicitent le bénéfice de l'expropriation. Cette pratique n'est nullement conforme à la lettre de la loi « Barnier » qui ne prévoit nullement que les victimes de dommages doivent manifester le désir d'être expropriées pour être bénéficiaires de ce régime.

Votre rapporteur a d'ailleurs, obtenu de Madame la ministre de l'aménagement du territoire une réponse relative à l'utilisation des crédits du fonds de prévention des risques naturels qui est manifestement contraire à la pratique observée sur le terrain. A titre d'illustration, cette réponse figure en annexe II à la fin du présent rapport, en regard des refus opposés par les services déconcentrés et les assureurs aux demandes des intéressés.

Selon les informations dont dispose votre rapporteur, au 1 er août 2001, quinze procédures d'expropriation pour risque naturel majeur ont fait l'objet d'une déclaration d'utilité publique. Treize d'entre elles sont en phase de réalisation, par l'affectation et le versement des sommes nécessaires. Toutes ces procédures concernent le risque de mouvements de terrain, à l'exception de deux d'entre elles, sur les communes de Bourg-Saint-Maurice (Savoie) et de Chaspinhac (Haute-Loire), qui ont été diligentées au regard d'un risque de crue torrentielle.

Le tableau ci-après retrace la chronologie des actes portant déclaration d'utilité publique des procédures d'expropriation pour risque, en précisant le nombre de propriétés concernées (156 au total), ainsi que les dépenses afférentes du fonds de prévention des risques naturels majeurs.

Nb de

pptés

1997

1998

1999

2000

2001

Coût total par dossier

DUP

Coût

MF

DUP

Coût

MF

DUP

Coût

MF

DUP

Coût

MF

DUP

Coût

MF

en

MF

en

M€

Séchilienne (38)

94

31 mai

66

35

15

116

17,69

Tarascon-sur-Ariège (09)

1

18 août

1,3

1,3

0,2

Vénerque (31)

2

30 nov.

3

3

0,46

Hautil (78)

23

8 déc.

17,6

17,6

2,68

Chaspinhac (43)

1 er avril

3,7

3,7

0,56

Bourg-saint-Maurice (73)

2

2 mai

0,9

0,9

0,14

Ceyras (34)

12

22 mai

9,1

9,1

1,39

Bourg-sur-Gironde (33)

1

20 juin

0,3

0,3

0,05

Toulouse (31)

3

26 juin

1,3 * ( * )

1,3

0,20

Prats-de-Mollo-La Preste (66)

1

28 juin

0,7

0,7

0,11

Thoard (04)

1

28 juin

0,4

0,4

0,06

Sainte-Suzanne (53)

1

4 août

0,2

0,2

0,03

Vienne (31)

3

28 fév.

Criel-sur-Mer (76)

28 fév.

Labastide-Rouairoux-Aussillon (81)

12

26 mars

3,5

3,5

0,53

Coût total
en MF

67,3

35

6,7

42,9

6,1

158

en M€

10,26

5,34

1,02

6,54

0,93

24,09

*pour une seule des trois propriétés seulement

Source : ministère de l'Environnement.

Votre rapporteur s'étonne des modalités de fonctionnement du fonds de prévention des risques naturels majeurs.

Certes, une partie des moyens dont il dispose ont été affectés à des opérations qui ne relèvent pas du mécanisme d'expropriation institué par la loi du 2 février 1995. C'est ainsi que la loi n°99-586 du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale 9 ( * ) a mis à la charge du fonds les dépenses d'évacuations temporaires et de relogement des personnes exposées à un risque majeur de mouvement de terrain, d'avalanche ou de crue torrentielle. Cependant, aucun financement n'a encore été mis en oeuvre à ce titre. En outre, la loi de finances rectificative pour 1999 n°99-1173 prévoit 10 ( * ) que du 1 er janvier 2000 au 1 er septembre 2006 les dépenses de l'Etat afférentes aux études nécessaires à la préparation et à l'élaboration des plans de prévention des risques naturels prévisibles sont financées pour moitié par le fonds.

Cependant, le Rapport annuel du fonds de prévention des risques naturels majeurs montre une évidente sous-utilisation des sommes qui lui sont affectées .

Les ressources du fonds qui résultent du prélèvement sur le produit des primes relatives à la garantie contre le risque de catastrophe naturelle 11 ( * ) s'élèvent, pour l'exercice 2000, à 130 millions de francs . Les profits tirés de la gestion financière à 16 millions de francs .

S'agissant des charges , les indemnités d'expropriation sont de 39 millions de francs , et le coût prévisionnel des indemnités à payer de 53,8 millions de francs .

La différence entre les provisions antérieurement constituées et les charges réellement engagées dégage un bonus de 2,4 millions de francs .

Le coût prévisionnel des dépenses engagée au titre des évacuations temporaires et au relogement de personnes exposées est de 15 millions de francs

Le coût prévisionnel des dépenses au titre de la réalisation des PPRNP s'élève à 81 millions de francs .

Il s'ensuit que le solde créditeur du fonds pour 2000 est de 86 millions de francs.

En termes de trésorerie , on constate que la différence entre les prélèvements opérés et les dépenses réalisées entre le 1 er mars 1995 et le 25 mars 2001 est de 415 millions de francs .

Cet éléments chiffrés prouvent, à l'évidence, que les ressources « dormantes » du fonds de prévention des risques naturels majeurs pourraient être utilement mobilisées pour venir en aide aux victimes d'effondrement du sol au lieu d'avoir pour principale destination d'abonder la trésorerie de l'Etat.

b) L'expropriation au titre du risque minier

Reprenant le système imaginé pour la prévention des risque naturels majeurs, l'article 95 du code minier qui résulte de la loi du 30 mars 1999 précitée prévoit qu'en cas de risque grave menaçant la sécurité des personnes, il est possible d'exproprier le bien exposés aux risques.

* 8 Cf, en ce sens la réponse à une question écrite posée par votre rapporteur, n°29709 du 14 décembre 2000, JO, Sénat, 15 mars 2001, page 916, reproduite en annexe 2.

* 9 Article 75.

* 10 Article 55.

* 11 En application du troisième alinéa de l'article L. 561-3 du code de l'environnement.

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