2. Les pouvoirs de police

Hormis le pouvoir de police qu'exerce l'Etat sur les installations classées (carrières) et sur les seules zones touchées par des effondrements miniers, c'est principalement le maire qui est compétent pour gérer les risque qui résultent d'effondrements de cavités d'origine humaine.

a) Pouvoir de police de l'Etat consécutif à l'arrêt de l'exploitation minière

En vertu de l'article 93 du code minier modifié en 1999, à l'expiration de la validité du titre minier, la surveillance et la prévention des risques tels que les affaissements de terrains dus à l'activité minière sont transférées à l'Etat, dès la fin de la procédure d'arrêt des travaux miniers.

Rien de tel n'est prévu en ce qui concerne les effondrements de cavités souterraines, autres que les carrières en activité (qui sont soumises au régime spécifique des installations classées). C'est donc le pouvoir de police du maire qui trouve à s'exercer.

b) Contenu et champ d'application des pouvoirs de police dévolus au maire

Le code général des collectivités territoriales confère au maire compétence pour exercer des polices générale et spéciales qui intéressent les effondrements du sol.

(1) Le pouvoir de police générale

Le pouvoir de police générale du maire concerne tant la prévention des accidents et des fléaux naturels que la prescription des mesure exigées par les circonstances.

(a) La prévention des accidents et fléaux naturels

En vertu de l'article L. 2212-2 du code général de collectivités territoriales, la police municipale comprend notamment (5°) « Le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser par la distribution des secours nécessaires, les accidents et fléaux calamiteux, [...] tels que les incendies, les inondations, les ruptures de digue, les éboulements de terre et de rochers, les avalanches ou autres accidents naturels [...] et de pourvoir d'urgence à toutes les mesures d'assistance et de secours ».

On notera qu'en l'état actuel de la jurisprudence :

- ce pouvoir de police générale ne s'exerce que contre les accidents « naturels », à l'exclusion des accidents d'origine « anthropique » ;

- les « secours nécessaires » ne s'entendent pas comme les mesures de sondage ou de réparation propres à être prises sur des propriétés privées atteintes par un affaissement d'origine humaine.

(b) La prescription des mesures exigées par les circonstances

En vertu de l'article L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales, le maire prescrit, en cas de danger grave et imminent tels que les accidents naturels prévus au 5° de l'article L. 2212-2, l'exécution des mesures de sûreté qu'exigent les circonstances. Il informe les autorités supérieures (c'est à dire le préfet) des mesures qu'il a prescrites.

La compétence reconnue par l'article L. 2212-4 n'est donc pas limitée aux fléaux d'origine naturelle, mais peut s'étendre à ceux d'origine anthropique. A ce titre, le maire peut notamment, ordonner l'évacuation de zones susceptibles d'être l'objet d'un éboulement.

La latitude de la commune pour réaliser des travaux sur le fondement des mêmes dispositions est très étendue. Le maire peut ainsi faire réaliser des travaux d'office sur une propriété privée. Ces travaux sont réputés exécutés dans un intérêt collectif et, à ce titre, pris en charge par la commune. A contrario, le maire n'est pas autorisé à prescrire au propriétaire intéressé des travaux en vue de préserver ou de rétablir la sécurité 12 ( * ) , ce qui constitue une différence majeure de ce régime avec celui des édifices menaçant ruine qu'il convient, à présent, d'examiner.

(2) La police des édifices menaçant ruine

Déterminé par l'article L. 2213-24 du code général des collectivités territoriales et par les articles L. 511-1 et suivants du code de la construction et de l'habitation, le régime des édifices menaçant ruine permet au maire de prescrire « la réparation ou la démolition des murs, bâtiments ou édifices quelconques lorsqu'ils menacent ruine et qu'ils pourraient, par leur effondrement, compromettre la sécurité ou lorsque, de façon générale, ils n'offrent pas les garanties de solidité nécessaires au maintien de la sécurité publique. »

Un arrêté notifié au propriétaire le somme d'exécuter les travaux dans un délai déterminé. Si le propriétaire ne fait pas cesser le péril ou ne demande pas la désignation d'un expert, le tribunal administratif statue sur les litiges relatifs à l'expertise et fixe, en tant que de besoin, le délai pour l'exécution des travaux ou pour la démolition. Il peut autoriser le maire à y faire procéder d'office aux frais du propriétaire. Dans ce cas, le montant des frais avancés par la commune est recouvré comme en matière d'impôts directs.

Lorsque le tribunal a constaté l'insécurité de l'immeuble, le maire peut prendre un arrêté portant interdiction d'habiter.

c) Incidence financière de l'exercice de la police générale et de la police des édifices menaçant ruine

Deux régimes de police concurrents sont susceptibles d'être appliqués aux effondrements de cavités d'origine anthropique : la police générale du maire ou la police des édifices menaçant ruine. Le choix de l'un ou de l'autre de ces régimes a des conséquences financières importantes pour les communes comme pour les particuliers.

(1) Le régime de police applicable ...
(a) L'assimilation au risque naturel entraîne l'application du régime de police générale.

Les effondrements de cavités souterraines telles que des marnières peuvent être assimilés à des accidents d'origine naturelle. Mais sur ce point, la jurisprudence est isolée 13 ( * ) .

(b) L'assimilation à un risque d'origine humaine entraîne l'application de la police des immeubles menaçant ruine.

Le Conseil d'Etat considère que la police des immeubles menaçant ruine trouve à s'appliquer en cas de dommage survenu sur un immeuble situé sur une ancienne carrière, ou encore du fait d'une plâtrière désaffectée 14 ( * ) . Comme le souligne le commissaire du gouvernement Goldenberg, dans ses conclusions précitées : « C'est la police des immeubles menaçant ruine qui trouve à s'appliquer, soit parce que la cavité est d'origine humaine, soit parce qu'elle révèle [...] un défaut de précaution lors de l'édification de la construction et ne peut donc être regardée comme lui étant extérieure ».

(2) ... a une incidence sur la faculté reconnue à la commune de procéder à des travaux à ses frais

En termes financiers, la principale conséquence de l'application du régime de la police des immeubles menaçant ruine est qu'une commune ne peut prendre en charge les frais de consolidation d'une cavité souterraine se trouvant sur une construction, non plus que ceux résultant de d'investigations techniques. La juridiction administrative considère, en effet, qu'une commune ne peut, de manière générale, prendre en charge, parce qu'étrangère à l'intérêt public local, toute dépense incombant à des personnes privées 15 ( * ) .

La jurisprudence sur les marnières 16 ( * ) s'inspire de ces principes car, ainsi que le relevait M. Goldenberg, l'assimilation des risques d'effondrement du sol d'origine anthropique aux seules fins de permettre au maire de pouvoir exercer son pouvoir de police générale et donc de verser des aides financières aux propriétaires intéressés « dénaturerait la police administrative générale en lui conférant une fonction réparatrice alors qu'elle n'a pour objet [...] que de prévenir l'apparition ou la réalisation d'un risque, et [...] ferait supporter à la collectivité les conséquences d'activités privées [...] en créant un régime de solidarité étranger aux règles d'engagement de la responsabilité administrative. »

Il existe donc une dissymétrie dans la jurisprudence, puisqu'elle oblige le maire à prendre en compte tous les risques menaçant la sécurité publique en les précisant dans le PLU mais refuse de considérer que le pouvoir de police générale puisse être mis en oeuvre dans un intérêt privé, ainsi qu'on le verra ci-après.

* 12 TA Amiens, 27 septembre 1985, Société immobilière de la Caisse des dépôts.

* 13 Cf. CAA de Lyon, 21 mai 1991, Ville de Lyon contre Peyrat, cité par J. Goldenberg dans ses conclusions précitées. La Cour a estimé que le risque d'effondrement d'une maison construite sur des galeries souterraines affaissées du fait de pluies diluviennes était assimilable à un risque naturel.

* 14 CE, 4 décembre 1974, Préfet de police contre société immobilière du 58 rue Falguière ; 24 mars 1989, Junino.

* 15 CE, 21 juin 1993, Commune de Chauriat.

* 16 TA Rouen, 16 juillet 2001, Delamare.

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