C. ATTIRER L'ATTENTION DU GOUVERNEMENT SUR LES CONDITIONS SUSCEPTIBLES DE DONNER LEUR PLEINE EFFICACITÉ AUX TEXTES PROPOSÉS

Les deux propositions de décision-cadre peuvent constituer un progrès substantiel dans la lutte contre la criminalité, notamment contre le terrorisme, à condition toutefois qu'une conception ambitieuse prévale, ce qui paraît loin d'être assuré.

1. Mandat d'arrêt européen : conjurer le risque d'un accord minimal

a) Le champ d'application

La proposition de résolution tend, en ce qui concerne le mandat d'arrêt européen, à demander au Gouvernement :

« - de poser le principe d'une application générale du futur mandat d'arrêt européen, avec un nombre d'exceptions le plus limité possible ;

« - d'affirmer le principe général de la suppression du contrôle de la double incrimination, sous réserve de ces exceptions . »

Votre commission des Lois souscrit entièrement à ces demandes. La proposition de décision-cadre présentée par la Commission européenne prévoit la possibilité d'appliquer le mandat d'arrêt européen dès lors que la peine encourue est supérieure à un an d'emprisonnement.

Beaucoup d'Etats membres souhaitent limiter, parfois fortement, la liste des infractions pour lesquelles le mandat d'arrêt pourrait être mis en oeuvre. Or, une conception trop restrictive du mandat d'arrêt européen ôterait à celui-ci une grande partie de sa portée, sans qu'il soit possible de trouver une raison juridique justifiant une limitation de cette procédure à quelques infractions seulement.

Les chefs d'Etat et de Gouvernement ont réaffirmé, dans une déclaration adoptée au Conseil européen de Gand, le 19 octobre dernier, leur détermination de supprimer le principe de la double incrimination pour un large éventail de faits .

Il faut espérer que la volonté politique manifestée au lendemain des attentats du 11 septembre continuera à prévaloir sur les nombreuses réticences qui se font jour, afin que le champ d'application du mandat d'arrêt européen soit d'emblée le plus étendu possible.

b) Les contrôles exercés dans l'Etat d'exécution

La proposition de résolution soumise à votre commission des Lois tend à demander au Gouvernement que la procédure d'extradition soit effectivement remplacée par une simple remise directe entre les Etats membres.

Elle précise notamment qu'une personne consentante devrait être remise sans délai ni contrôle à l'autorité judiciaire de l'Etat requérant. Elle prévoit en outre qu'en l'absence de consentement, seul un contrôle minimal sur l'identité de la personne et la régularité formelle de la demande devrait être effectué , les autres formes de recours devant être effectuées devant les juridictions de l'Etat requérant.

La proposition de résolution met en outre l'accent sur la nécessité de reconnaître à l'Etat requérant la connaissance du contentieux de la détention provisoire lorsque cette question se pose dans l'attente de la décision sur la remise de la personne et, à défaut, de prévoir la possibilité pour cet Etat de faire valoir son point de vue en cette matière.

Enfin, la proposition de résolution tend à demander que soit inscrit dans la proposition de décision-cadre le principe d'une remise automatique à l'issue d'un délai inférieur à trois mois.

Votre commission des Lois partage les préoccupations de la délégation pour l'Union européenne. Il ne servirait à rien de créer un mandat d'arrêt européen tout en érigeant de multiples obstacles à l'exécution de ce mandat d'arrêt.

Or, la proposition présentée par la Commission européenne comme l'évolution des négociations entre Etats membres peuvent susciter de légitimes inquiétudes.

Ainsi, l'article 18 de la proposition de décision-cadre prévoit, sans plus de précisions qu' « un tribunal de l'Etat membre d'exécution décide s'il y a lieu d'exécuter le mandat d'arrêt européen à l'issue d'une audience tenue conformément aux règles nationales de procédure pénale si la personne recherchée ne consent pas à sa remise . »

Une telle formulation peut laisser penser que le tribunal de l'Etat requis statue en pure opportunité, ce qui viderait la procédure du mandat d'arrêt européen de toute substance. Certes, un chapitre de la proposition de décision énumère limitativement les cas dans lesquels l'exécution du mandat pourrait être refusée, mais il semble impératif qu'apparaisse clairement dans le texte qui sera finalement adopté que le contrôle exercé par les juridictions de l'Etat requis ne sera qu'un contrôle de la régularité formelle des demandes .

De la même manière, la rédaction de l'article 14 de la proposition de décision-cadre, qui concerne le contentieux de la détention provisoire dans l'attente de la mise à exécution du mandat d'arrêt, paraît singulière.

Le texte proposé prévoit, en effet, que « si l'autorité judiciaire d'exécution a des raisons de penser que la personne arrêtée ne s'échappera pas, ne commettra pas de nouvelles infractions ou ne détruira pas les preuves relatives à l'infraction ou aux infractions à l'origine du mandat d'arrêt européen et si la personne arrêtée s'engage à rester à disposition pour l'exécution du mandat d'arrêt européen, l'autorité judiciaire d'exécution peut décider de la remettre en liberté (...) ».

La procédure envisagée ne prévoit même pas l'intervention de l'autorité judiciaire de l'Etat d'émission. Or, l'autorité à l'origine du mandat d'arrêt disposera par définition d'informations plus substantielles que le juge de l'Etat d'exécution sur les risques de renouvellement de l'infraction ou de disparition des preuves . Il serait donc logique que l'autorité de l'Etat requérant puisse prendre la décision relative au maintien en détention ou, à tout le moins, intervenir dans la procédure. Il est vrai que, dans certains cas, le mandat d'arrêt sera lancé, non par des juges, mais par des procureurs et que les décisions de placement en détention provisoire relèvent en règle générale de magistrats du siège. Cela ne saurait justifier la mise à l'écart pure et simple de l'Etat requérant en matière de contentieux de la détention.

Enfin, les règles relatives aux conditions de remise des personnes faisant l'objet d'un mandat d'arrêt européen mériteraient, elles aussi, d'être précisées. L'article 23 de la proposition de décision-cadre prévoit en effet que la personne doit être remise dans les vingt jours suivant la décision de l'autorité judiciaire. Elle dispose également qu'en cas de force majeure, les autorités judiciaires d'émission et d'exécution peuvent convenir d'une nouvelle date fixée à l'intérieur d'un nouveau délai de vingt jours (les délais prévus devraient finalement être différents dans le texte définitif, compte tenu de l'évolution des négociations). Elle prévoit enfin qu'à l'expiration de ce délai, si la remise n'a pas eu lieu, la personne est remise en liberté .

Une telle conception est singulière et pourrait justifier des comportements contestables de la part du pays d'exécution des mandats d'arrêt. Il semble nécessaire que soit affirmé un principe de remise automatique à l'issue d'un délai maximal de trois mois à compter de la communication du mandat d'arrêt si l'on souhaite doter cet instrument d'une efficacité réelle .

Les conditions posées par la présente proposition de résolution paraissent seules à même de donner à la procédure du mandat d'arrêt européen une véritable portée et une efficacité réelle dans la lutte contre la criminalité.

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