II. JEUDI 8 NOVEMBRE 2001 : AUDITION DE MME FLORENCE PARLY, SECRÉTAIRE D'ÉTAT AU BUDGET

Au cours d'une réunion tenue le jeudi 8 novembre 2001, sous la présidence de M. Alain Lambert, président, la commission a procédé à l'audition de Mme Florence Parly, secrétaire d'État au budget, sur le projet de loi de finances pour 2002.

Mme Florence Parly, secrétaire d'État au budget, a tout d'abord évoqué les incertitudes qui pèsent sur la conjoncture de l'économie depuis les attentats du 11 septembre 2001. Elle a indiqué que l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) prévoyait en 2001 une croissance légèrement supérieure à 2 % et que le dynamisme de la consommation des ménages devrait compenser l'atonie de la demande des entreprises et le ralentissement de la demande externe. Elle a observé que les baisses d'impôt survenues en septembre et l'allocation de rentrée scolaire, qui ont représenté au total 6 milliards d'euros, avaient encouragé en France la bonne tenue de la consommation. Elle a rappelé que les derniers indicateurs montraient que la production industrielle avait nettement progressé durant l'été. S'agissant de la croissance pour 2002, elle a qualifié la situation de complexe, mettant en évidence deux tendances opposées. Elle a d'une part souligné que les fondamentaux de l'économie étaient solides, notant que le ralentissement de près d'un point de l'inflation sur douze mois était favorable au pouvoir d'achat des salaires. Elle a exprimé l'espoir d'une consommation des ménages robuste et d'une reprise modérée de l'investissement en 2002. Elle a évoqué d'autre part les conséquences sur la conjoncture des attentats du 11 septembre et les risques immédiats que constituent le risque pétrolier, le risque boursier et le risque psychologique. Elle a manifesté la conviction qu'il ne fallait pas, par ailleurs, dissocier le risque sur la consommation et le risque sur l'investissement.

Mme Florence Parly, secrétaire d'État au budget, a indiqué qu'il fallait en cette période incertaine garder le cap en réaffirmant les choix budgétaires et économiques du gouvernement. Elle a noté que le budget 2002 avait été construit en dégageant des marges et en ciblant les priorités. Elle a précisé que le gouvernement avait redéployé chaque année depuis 1997 près de 5 milliards d'euros et que ce mouvement serait poursuivi en 2002 avec un redéploiement de 6 milliards d'euros. Elle a souligné qu'au terme de cette gestion active de la dépense, plus de 80 % de la progression du budget de l'État ont pu être affectés aux priorités que sont l'éducation, l'emploi et la lutte contre les exclusions, la sécurité, la justice, la culture ainsi que l'environnement dont les budgets ont progressé en valeur depuis 1997 de 17,2 % contre 3,2 % pour les autres.

Mme Florence Parly, secrétaire d'État au budget, a souligné que les dépenses du budget de l'État s'élèveraient en 2002 à 266 milliards d'euros, en croissance de 0,5 % en volume, présentant trois priorités : l'éducation nationale, dotée de 400 milliards de francs (61,4 milliards d'euros), la sécurité et la justice, dont les crédits progresseront respectivement de 4,5 % et de 5,7 % en 2002 et permettront l'embauche de 3.000 policiers, 1.000 gendarmes et 930 juges supplémentaires, et enfin l'environnement dont les crédits seront en hausse de 6,3 %. Elle a constaté que cette dernière priorité constituait un engagement fort de la majorité plurielle et qu'il avait été tenu. En ce qui concerne les recettes, elle a déclaré que le mouvement de baisse et de réforme des impôts serait poursuivi en 2002, évoquant un allègement de 5,95 milliards d'euros qui portera le montant total du plan pluriannuel de baisse d'impôts à 18,9 milliards d'euros. Elle a cité dans ce cadre le doublement de la prime pour l'emploi, qui atteindra 458 euros au niveau d'un salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC), la baisse des taux du barème de l'impôt sur le revenu, de - 0,75 % pour les 4 premières tranches et de - 0,5 % pour les deux dernières, une nouvelle réduction de la surtaxe de l'impôt sur les sociétés qui sera ramené à 34,33 % et la poursuite du plan de suppression de la part salariale de la taxe professionnelle, le montant de l'abattement sur cette part passant de 152.444 euros à 914.694 euros.

Mme Florence Parly, secrétaire d'État au budget, a insisté ensuite sur l'hypothèse de croissance du Gouvernement, évoquant pour 2002 un chiffre de 2,25 % ou 2,5 %. Elle a reconnu que toute hypothèse économique, surtout en période bouleversée, était discutable. Elle a indiqué toutefois avoir décidé, avec le Premier ministre et le ministre de l'économie et des finances, de maintenir une approche volontaire tout en soulignant la nécessité de rester prudent et pragmatique par rapport à une estimation. Elle a rappelé que les fondamentaux étaient bons, notamment pour le taux d'inflation, et que les autres pays européens formulaient en général des hypothèses de croissance supérieures à 2 % alors même que leurs performances étaient voisines ou inférieures à celle de la France. Elle a souligné que le gouvernement se devait d'être à la fois réaliste et volontaire, expliquant ainsi l'origine du plan de consolidation de la croissance.

Mme Florence Parly, secrétaire d'État au budget, a alors détaillé le plan de consolidation de la croissance qui consiste à mobiliser la politique monétaire, à conforter la demande des ménages, à stimuler l'investissement des entreprises et à aider certains secteurs comme le transport aérien touchés par les attentats. Elle a ainsi exprimé sa conviction qu'il existe des marges de manoeuvre pour la politique monétaire. Elle a expliqué que reprise de l'investissement et dynamisme de consommation se nourrissaient mutuellement, évoquant, en ce qui concerne la consolidation de la demande des ménages, le doublement anticipé de la prime pour l'emploi dès la fin 2001 et, s'agissant de l'investissement, un amortissement exceptionnel de 30 % pour les biens acquis entre le 17 octobre 2001 et le 31 mars 2002, complété par un effort pour soulager la trésorerie des entreprises consistant dans le remboursement intégral, dès le début 2002, de la dette née de la suppression du décalage d'un mois dans le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Elle a jugé nécessaire un effort particulier en direction des petites et moyennes entreprises (PME) qui éprouvent depuis quelques semaines davantage de difficultés dans leurs relations avec les banques, cet effort de 150 millions d'euros passant par une dotation en capital exceptionnelle de la Banque de développement des petites et moyennes entreprises (BDPME) destinée à augmenter la capacité d'engagement des fonds de garantie gérés par la société française de garantie des financements des PME (SOFARIS) et à conforter l'action du Crédit d'Équipement des PME, par la création au sein de la BDMPE d'un fonds spécifique qui garantira les prêts à long terme souscrits par les sociétés « biotech » et par un fonds de co-investissement pour les jeunes entreprises technologiques. Elle a enfin annoncé un programme de soutien au transport aérien de 300 millions d'euros, dont le premier objectif, la sûreté, mobilisera 80 % des moyens affectés et dont le second vise à compenser les pertes d'exploitation immédiates supportées par les compagnies françaises en raison de la fermeture du ciel américain. Elle a précisé que ce plan serait financé par une augmentation des taxes d'aéroport supportées par l'usager et destinées au Fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien (FIATA) et par des dotations en capital aux aéroports fournies par l'État.

Mme Florence Parly, secrétaire d'État au budget, a souhaité ensuite indiquer les mesures prises au cours des débats à l'Assemblée nationale sur la partie recettes. Elle a indiqué que dans le domaine social avaient ainsi été adoptées des mesures complémentaires en faveur du logement social, des organismes sans but lucratif, qu'avaient été actées une extension de l'exonération de la redevance audiovisuelle et une nouvelle tranche de dégrèvement de la taxe foncière sur les propriétés bâties. Elle a annoncé que l'Assemblée nationale avait adopté avec l'accord du Gouvernement une nouvelle extension de l'exonération de la vignette pour les personnes physiques et morales, une extension du régime simplifié d'imposition des revenus fonciers, une mesure de simplification sur les modalités de paiement de la taxe sur la valeur ajoutée et de la taxe sur les salaires pour les très petites entreprises, une prorogation pour 5 ans du régime des provisions pour investissement des entreprises de presse et l'exonération pour les locaux administratifs des établissements d'enseignement public de la taxe sur les bureaux. Elle a enfin signalé que les travaux réalisés par les collectivités locales en réparation des dégâts causés par les tempêtes de décembre 1999 et payés en 2001 seraient éligibles au Fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) et que les sociétés assujetties à la taxe exceptionnelle sur les entreprises de raffinage et de distribution pétrolières seraient soumises à une taxe complémentaire de 8,33 % de l'assiette de la taxe exceptionnelle.

Mme Florence Parly, secrétaire d'État au budget, a pour terminer présenté les dispositions relatives aux collectivités locales dans le projet de loi de finances pour 2002. Elle a souligné que la dotation globale de fonctionnement (DGF) avait progressé deux fois plus vite que les dépenses de l'État depuis 1998 et que les collectivités locales avaient ainsi été associées aux fruits de la croissance. Elle a relevé que, au total, les concours de l'État aux collectivités avaient crû de près de 8 % par an depuis 1997, notant que cette tendance serait poursuivie en 2002 : l'enveloppe normée des concours de l'État progresserait de 2,9 %, soit 1,5 fois plus vite que les dépenses de l'État. Elle a indiqué que l'article 22 du projet de loi de finances proposait la consolidation au sein de la DGF du financement des communautés d'agglomération et l'article 23 un aménagement du financement de la garantie des communautés urbaines. Elle a jugé que la dotation de solidarité rurale (DSR) bourg centre pourrait connaître une évolution insuffisamment satisfaisante et que les articles 24 et 25 proposaient dès lors deux abondements exceptionnels permettant d'atteindre un objectif de progression de 5 % en 2002. Elle a enfin évoqué la procédure visant à régler définitivement un contentieux ancien, communément baptisé du nom de la commune de Pantin, et lié aux compensations d'abattement de taxe professionnelle sur les rôles supplémentaires. Elle a souligné que 133 millions d'euros seraient mobilisés dès 2002 au sein d'une enveloppe globale de 300 millions d'euros sur 4 ans.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a posé plusieurs questions à Mme Florence Parly, secrétaire d'État au budget. Il lui a tout d'abord demandé de justifier la prévision de croissance du produit intérieur brut (PIB) retenue dans le projet de loi de finances pour 2002. Il s'est ensuite interrogé sur la possibilité de parvenir à un équilibre des comptes publics en l'an 2004. Abordant la question des recettes, il a demandé à Mme Florence Parly si elle était certaine que les moins-values de recettes fiscales en l'an 2001 seraient bien de 25 milliards de francs, conformément aux estimations indiquées par le gouvernement, et quelle était la part, dans l'augmentation des recettes non fiscales prévues pour l'année 2002, de chacune des entreprises publiques mises à contribution. Il a ensuite souligné que si les créations nettes d'emplois indiquées par le projet de loi de finances pour 2002 s'élevaient à 16.000, il fallait y ajouter 30.000 emplois, correspondant à des réintégrations, régularisations et remises en ordre, et a interrogé Mme Florence Parly sur l'existence d'éventuelles prévisions à moyen terme au sujet de ces dernières. Enfin, il a souligné que l'augmentation de la dotation globale de fonctionnement ne devait pas faire oublier l'alourdissement des charges des collectivités locales.

En réponse, Mme Florence Parly, secrétaire d'État au budget, a estimé que, contrairement aux conjoncturistes indépendants, le Gouvernement se devait d'être volontaire dans ses prévisions, compte tenu de sa capacité à agir sur la situation économique. Elle a indiqué que la prochaine programmation pluriannuelle des finances publiques serait présentée au Parlement avant la fin de l'année 2001. Elle a affirmé que la prévision de moins-values fiscales de 25 milliards de francs en 2001 était toujours valable, mais qu'elle présentait une marge d'incertitude non négligeable. Elle a considéré que les prélèvements non fiscaux que le projet de loi de finances pour 2002 envisageait d'effectuer sur certaines entreprises publiques étaient conformes aux contrats conclus avec ces dernières, et a indiqué que, pour l'année 2002, les dividendes prévisionnels d'Electricité de France (EDF) s'élevaient à 1,219 milliard d'euros. Elle a estimé que le coût de la réduction du temps de travail dans le secteur privé était difficile à calculer, compte tenu de la nécessité de prendre en compte l'impact sur les finances publiques de la réduction du nombre de chômeurs en résultant. Elle a jugé que ce coût était faible dans la fonction publique, et a souligné qu'il n'y aurait pas de créations d'emplois supplémentaires dans la fonction publique du fait du passage aux 35 heures. Elle a considéré que les 30.000 nouveaux emplois dans la fonction publique indiqués par M. Philippe Marini, rapporteur général, correspondaient à des chiffres d'emplois budgétaires mais que 16.000 seulement de ces créations correspondaient à des effectifs réellement nouveaux. Enfin, mentionnant le développement de l'intercommunalité, elle a estimé que la politique menée depuis 1997 vis-à-vis des collectivités locales avait été à la hauteur des enjeux.

M. Alain Lambert, président, a souligné l'ampleur des augmentations des charges pesant sur les collectivités locales. Il a déploré la divergence des estimations, par différentes administrations publiques, de l'impact sur l'emploi de la réduction du temps de travail.

Un large débat s'est ouvert.

M. François Trucy a estimé que les crédits du ministère de la défense étaient insuffisants.

M. Roland du Luart a demandé à Mme Florence Parly, secrétaire d'État au budget, quelle proportion du personnel enseignant n'exerçait pas de fonction d'enseignement. Il a regretté que les postes budgétaires actuels ne soient pas tous pourvus dans le cas des magistrats, et a interrogé Mme Florence Parly sur l'intention du Gouvernement de respecter, pour l'année 2001, certaines des règles de transparence que la législation actuelle prévoit en matière de fonds spéciaux.

M. Michel Charasse a souligné l'ampleur de l'augmentation des charges des collectivités locales et le coût de l'intercommunalité. Abordant la question des fonds spéciaux, il a estimé que le Parlement se devait de jouer un rôle exemplaire en matière de transparence des rémunérations.

M. Jacques Oudin a demandé à Mme Florence Parly, secrétaire d'État au budget, quelles étaient ses propositions afin de favoriser le développement du transport ferroviaire et de réduire sa dette.

M. Éric Doligé a souhaité savoir si les dispositions prévues par le projet de loi de finances pour 2002 au sujet des attributions du FCTVA relatives aux investissements visant à réparer les dommages causés par les tempêtes de 1999 s'appliquaient également dans le cas des inondations. Il a exprimé son doute quant à la possibilité de réduire le temps de travail dans la fonction publique sans accroître les effectifs en conséquence, et demandé à la ministre quelle était sa position sur la question du troisième aéroport.

M. Yann Gaillard s'est interrogé sur les raisons pour lesquelles le gouvernement avait retenu une prévision de croissance selon lui optimiste, et a souhaité savoir si les services de MmeFlorence Parly avaient évalué l'impact qu'une croissance plus faible que prévue aurait sur les finances publiques.

En réponse, Mme Florence Parly, secrétaire d'État au budget, a déclaré que le gouvernement n'était pas en mesure d'évaluer l'impact sur la croissance des attentats commis le 11 septembre 2001 aux Etats-Unis. Elle a estimé que l'augmentation des charges des collectivités locales était justifiée, précisant par ailleurs qu'elles étaient en grande partie décidées dans le cadre de l'Union européenne. Elle a souligné que l'actuelle loi de programmation militaire avait été exécutée à un taux plus élevé que les lois de programmation antérieures. Elle a déclaré que le Gouvernement avait eu depuis 1997 le souci constant d'accroître la proportion d'enseignants effectivement chargés de fonctions d'enseignement, et a rappelé que le gouvernement avait pris des engagements en matière d'augmentation du nombre de magistrats. Elle a reconnu qu'aucun gouvernement n'avait respecté certaines des principales obligations de transparences imposées par l'actuelle législation relative aux fonds spéciaux, et a indiqué que M. François Logerot, Premier président de la Cour des comptes, devait prochainement remettre au Premier ministre une note relative à la réforme du contrôle de ces fonds. Elle a considéré que le question du coût de l'intercommunalité méritait d'être posée, et qu'une étude à ce sujet pourrait être utile. Elle a estimé que le développement du transport ferroviaire, en particulier de marchandises, était favorisé par la politique menée par le gouvernement en ce domaine. Elle a indiqué que la prorogation d'une année de la période au cours de laquelle les investissements visant à réparer les dommages causés par les tempêtes de 1999 pourraient faire l'objet d'attributions du FCTVA ne concernait pas le cas des inondations. Elle a estimé ne pas pouvoir se prononcer sur la question du troisième aéroport, le Gouvernement n'ayant pris aucune décision en la matière.

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