F. LACUNES ET DIFFICULTÉS DE L'ANALYSE BUDGÉTAIRE

1. Des crédits budgétaires à l'aide publique totale : un écart de deux milliards d'euros

L'analyse des seuls crédits budgétaires mis en oeuvre au titre de la coopération avec les Etats en développement fait apparaître un écart conséquent avec les chiffres représentatifs de l'aide publique au développement de la France : il est en effet de l'ordre de 2 milliards d'euros (soit près de 13 milliards de francs). Un tel écart amoindrit considérablement la qualité de l'analyse afférente à l'évolution de l'aide française, tant en ce qui concerne son montant que ses acteurs et ses instruments, et, partant, la portée du contrôle exercé.

Aide publique au développement et crédits budgétaires

(millions d'euros)

2001

2002

APD totale

4.595

4.809

dont bilatérale

2.766

3.005

Crédits de toute nature concourant à la coopération avec les Etats en développement (DO + CP)


2.834


2.872

Ecart entre APD totale et crédits contribuant à la coopération

1761

1937

Source : Jaune 2002.

Un peu plus de la moitié de cet écart correspond à la participation française au budget communautaire pour les actions relevant de l'aide au développement. Financée par un prélèvement sur recettes, cette aide n'apparaît pas sous forme de dépense budgétaire . Elle peut être évaluée à 984 millions d'euros (6,5 milliards de francs) pour 2002.

Ne font pas non plus l'objet d'une « dépense budgétaire » :

- les annulations de dettes , qui sont traitées sous la forme d'un transfert au compte de découvert du Trésor ;

-  la partie des prêts éligibles à l'APD qui transitent par les Comptes spéciaux du Trésor ou font l'objet de refinancements sur le marché, comme c'est le cas d'une bonne partie des prêts octroyés par l'AFD ;

- la « valorisation » du coût des études supérieures en France des étudiants provenant de pays éligibles à l'APD . Cette contribution est une des rares à avoir augmenté en valeur absolue. Elle atteint 2,2 milliards de francs en 1999.

2. Bicéphalisme et dispersion

« Bicéphale », l'aide publique française est cogérée par le ministère des Affaires étrangères (1,61 milliard d'euros, soit 10,6 milliards de francs en 2002, y compris la contribution au Fonds européen de développement (FED) 13 ( * ) , jusqu'alors inscrite au budget des Charges communes) et le ministère des Finances (0,99 milliard d'euros en 2002, soit 6,5 milliards de francs, après transfert du FED).

a) Le poids du ministère de l'Économie, des finances et de l'industrie

En 2002, la part des crédits gérés par le ministère de l'Économie, des finances et de l'industrie s'élèvera au total à 993,1 millions d'euros (6,5 milliards de francs).

Avec le transfert au budget des Affaires étrangères de la contribution française au Fonds européen de développement, la totalité des crédits gérés par Bercy est désormais inscrite au budget Économie, finances et industrie.

Le coût de gestion de ces crédits (services centraux et services déconcentrés) s'élèvera à 25,3 millions d'euros (166 millions de francs) en 2002.

L'essentiel des dépenses d'intervention se partage entre les postes suivants :

les crédits affectés à l'Agence Française de Développement (AFD) : ceux-ci sont inscrits d'une part sur le chapitre 44-97 « Participation de l'État au service d'emprunts à caractère économique », et correspondent aux bonifications d'intérêt et aux remboursements d'échéances de prêts remis. 448,96 millions d'euros sont prévus à ce titre en 2002 (2,95 milliards de francs).

L'AFD perçoit par ailleurs une «  rémunération couvrant ses frais de structure au titre des activités pour lesquelles elle ne peut dégager de marge d'intermédiation bancaire ». Pour 2002, les crédits, inscrits au chapitre 37-01, correspondent à une dépense prévue de 17,53 millions d'euros (115 millions de francs) 14 ( * ) .

Votre rapporteur estime que, pour une meilleure lisibilité, il serait souhaitable de regrouper, au moins sur un même budget, les crédits affectés à l'Agence française de développement. En l'état actuel, il considère que les modalités de financement budgétaire de l'AFD ne sont pas claires.

la participation de la France à divers fonds : inscrits au chapitre 68-04, les crédits prévus pour 2002 s'élèvent à 435 millions d'euros en crédits de paiement et à 360,7 millions d'euros en autorisations de programme (respectivement 2,85 millions de francs et 2,37 milliards de francs) ;

la participation de la France au capital d'organismes internationaux : inscrits au chapitre 58-80, les crédits prévus pour 2002 s'élèvent à 32,01 millions d'euros en crédits de paiement (2,1 milliards de francs) ;

l' aide extérieure : inscrits au (chapitre 68-00), les crédits prévus pour 2002 s'élèvent à 25,9 millions d'euros en crédits de paiement et à 7,6 millions d'euros en autorisations de programme (respectivement 169,9 millions de francs et 49,8 millions de francs) 15 ( * ) .

Quatre comptes spéciaux du Trésor interviennent également au titre de la coopération avec les états en développement 16 ( * ) :

- CST n° 903-07 - Prêts du Trésor à des Etats étrangers et à l'AFD

Les prêts du Trésor à des Etats étrangers (chapitre 03) permettent la mise en place de protocoles financiers au profit de pays tiers pour l'achat de biens d'équipement français. La réforme des protocoles a conduit, depuis 1996, à concentrer ces moyens au profit des « pays émergents », avec la mise en place de la procédure « réserve pays émergents ».

Les prêts du Trésor à l'AFD (chapitre 02) à des conditions très concessionnelles lui permettent d'octroyer des prêts destinés à financer des projets d'investissement dans les secteurs marchands des pays de son champ d'intervention géographique. 17 ( * )

L'excédent prévu sur ce compte en 2002 est évalué à 195,6 millions d'euros (1,28 milliards de francs), soit une progression de 22,9 % par rapport à l'exercice 2001, liée à l'augmentation des remboursements de prêts octroyés au cours des années précédentes.

- CST n° 906-05 - Opérations avec le Fonds Monétaire International

Le compte d'opérations avec le FMI retrace l'incidence de la mobilisation éventuelle de droits de tirage spéciaux.

Les accords permettent au FMI de mobiliser auprès de la France jusqu'à 20,3 milliards de francs de droits de tirage spéciaux, en vue d'assurer la stabilité du système monétaire international. En 1999, l'augmentation de 40% des quotes-parts des pays membres au FMI a porté cette capacité de tirage à 27 milliards de francs.

Ce compte est neutre pour le budget de l'État, en inscription, en exécution, et en trésorerie.

- CST n° 905-10 - Exécution des accords internationaux relatifs à des produits de base

Ce compte retraçait le versement de la contribution française aux accords interministériels sur le caoutchouc naturel et l'étain. Depuis 1985, le compte ne supporte plus aucune opération au titre de l'accord sur l'étain. L'accord sur le caoutchouc a pris fin le 24 juillet 2001.

- CST n° 903-17 - Prêts du Trésor pour la consolidation de dettes envers la France

Ce compte retrace l'exécution des accords conclus avec les gouvernements étrangers et portant consolidation de dettes de leurs pays envers la France. Il est débité des versements opérés par le Gouvernement français en vertu de ces accords, et crédité des remboursements en capital effectués par les gouvernements étrangers. Les intérêts compris dans les annuités d'amortissement sont portés en recettes du budget général.

Pour 2002, le projet de loi de finances prévoit un excédent de 159,5 millions d'euros (1,05 milliards de francs), en net retrait par rapport à l'exercice précédent (700 millions d'euros, soit 4,6 milliards de francs).

Ceci correspond vraisemblablement au début de la remontée des charges liées aux accords de consolidation de dettes du fait de la mise en oeuvre de l'initiative PPTE.

Les crédits prévus à ce titre pour 2002, soit 565,9 millions d'euros (3,7 milliards de francs) peuvent encore être abondés par un report 2001 de 381,2 millions d'euros (2,5 milliards de francs). Mais la conclusion de nouveaux accords bilatéraux en 2002 18 ( * ) se traduira par une remontée des charges au cours des prochains exercices.

* 13 3,3 milliards d'euros en autorisations de programme

0,22 milliard d'euros en crédits de paiement.

* 14 Le solde du chapitre bénéficie à Natexis

* 15 Les informations demandées sur l'utilisation de ce chapitre n'ont pas été fournies.

* 16 Pour une analyse détaillée, voir le rapport de notre collègue Paul Loridant, rapporteur spécial des Comptes spéciaux du Trésor

* 17 Voir la remarque ci-dessus sur l'illisibilité des sources de financement des activités de l'AFD

* 18 Bolivie, Cameroun, Côte d'Ivoire, Guinée, Jordanie, Kenya, Malawi, Mauritanie, Nicaragua, Niger, Rwanda, Sénégal, Yémen, République de Yougoslavie

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