TITRE PREMIER
DE L'ORGANISATION ET DES COMPÉTENCES
DE LA COLLECTIVITÉ TERRITORIALE DE CORSE

CHAPITRE PREMIER
DU RÉGIME JURIDIQUE DES ACTES
DE L'ASSEMBLÉE DE CORSE

Article premier
(art. L. 4424-1 et L. 4424-2
du code général des collectivités territoriales)
Attributions de l'Assemblée de Corse -
Adaptation des lois et des règlements

Cet article tend à reconnaître à la collectivité territoriale de Corse un pouvoir d'adaptation des normes nationales dans le but de tenir compte des spécificités de l'île.

L'échec de la commission mixte paritaire a été constaté dès l'article premier, l'Assemblée nationale refusant de modifier sa position de première lecture.

A. ATTRIBUTIONS DE L'ASSEMBLÉE DE CORSE

Le projet de loi initial comme le texte de première lecture de l'Assemblée nationale tendaient à modifier la nature de la clause générale de compétence de la collectivité territoriale de Corse, en affirmant que l'Assemblée de Corse règle par ses délibérations « les affaires de la Corse ».

Le Sénat, sur proposition de votre commission spéciale, avait alors refusé d'anticiper la phase de 2004 et de permettre la tutelle de la collectivité territoriale de Corse sur les autres collectivités locales. Il était donc revenu au droit existant, selon lequel l'Assemblée de Corse règle par ses délibérations « les affaires de la collectivité territoriale de Corse ».

B. ADAPTATION DES LOIS ET DES RÈGLEMENTS

I. Propositions de modification ou d'adaptation des dispositions réglementaires

Les paragraphes I et III de l'article L. 4424-2 proposé par le texte de l'Assemblée nationale en première lecture reprennent le droit existant 5 ( * ) , permettant à l'Assemblée de Corse de présenter des propositions tendant à modifier ou à adapter des dispositions législatives ou réglementaires en vigueur ou en cours d'élaboration concernant les compétences, l'organisation et le fonctionnement de l'ensemble des collectivités territoriales de Corse, ainsi que toutes dispositions législatives ou réglementaires concernant le développement économique, social et culturel de la Corse. En première lecture, l'Assemblée nationale a scindé en deux paragraphes (I et III) les dispositions relatives au pouvoir de proposition de la collectivité territoriale de Corse en matière législative et réglementaire, le I étant consacré aux mesures à caractère réglementaire.

Sur proposition de sa commission spéciale et avec l'avis défavorable du Gouvernement, le Sénat n'avait apporté qu'une modification formelle, regroupant en un seul paragraphe les dispositions du I et du III.

II. Affirmation du pouvoir réglementaire de la collectivité territoriale de corse

Le II de l'article L. 4424-2 proposé par le projet de loi initial tendait à ouvrir la possibilité pour l'Assemblée de Corse de prendre des mesures d'adaptation des règlements pris pour l'application des lois.

Tenant compte de l'avis du Conseil d'Etat du 8 février 2001, l'Assemblée nationale, en première lecture, a réécrit ce paragraphe. D'une part, elle a procédé à l'affirmation de principe du pouvoir réglementaire « propre » de la collectivité territoriale de Corse, dans le cadre des compétences qui lui sont dévolues par la loi (premier alinéa).

D'autre part, elle a modifié les conditions de fond cumulatives subordonnant l'exercice du pouvoir d'adaptation des règlements nationaux par la collectivité territoriale de Corse (deuxième alinéa). Ainsi, la collectivité territoriale de Corse, y compris de sa propre initiative, pourrait demander à être habilitée par le législateur à fixer des règles adaptées aux spécificités de l'île, dans le respect de l'article 21 de la Constitution, pour la mise en oeuvre des compétences qui lui sont dévolues en vertu de la partie législative du code général des collectivités territoriales. Les adaptations réglementaires seraient exclues lorsque serait en cause l'exercice d'une liberté individuelle ou d'un droit fondamental.

Sur proposition de votre commission spéciale et contre l'avis du Gouvernement, le Sénat avait supprimé ce paragraphe II. Il avait en effet mis en doute la constitutionnalité d'un tel dispositif, considérant qu'une brèche était ouverte dans l'article 21 de la Constitution, puisque le texte de l'Assemblée nationale ne précisait pas si le pouvoir réglementaire du Premier ministre pourrait s'exercer concurremment au pouvoir réglementaire « propre » de la collectivité territoriale de Corse, laissant supposer qu'il pourrait s'agir d'un pouvoir exclusif.

Toutefois, le Sénat était convenu que la reconnaissance d'un pouvoir normatif à une collectivité locale, permettant l'adaptation des règlements nationaux, était une idée intéressante, sous réserve d'une part d'une révision préalable de la Constitution, d'autre part d'envisager cette réforme dans un cadre global au lieu de la limiter à la seule collectivité territoriale de Corse.

Votre rapporteur avait quant à lui avancé l'idée de reconnaître dans la Constitution une nouvelle catégorie de lois, dont l'application serait fixée région par région : la « loi déclinable ».

III - Propositions de modification ou d'adaptation des dispositions législatives

Ce paragraphe a le même objet que le I mais concerne les propositions de l'Assemblée de Corse en matière législative.

En première lecture, par coordination avec la solution retenue au I tendant à regrouper les dispositions relatives au pouvoir de proposition de la collectivité territoriale de Corse, qu'il s'exerce en matière législative ou réglementaire, le Sénat, sur proposition de votre commission spéciale et avec l'avis défavorable du Gouvernement, avait supprimé ce paragraphe III.

IV - Adaptation des lois

Le projet de loi initial tendait à permettre à l'Assemblée de Corse de prendre, à titre expérimental et dans un but d'intérêt général, des mesures d'adaptation dérogeant au droit commun des dispositions législatives applicables, lorsque celles-ci présentent des « difficultés liées aux spécificités de l'île ».

Le Conseil d'Etat ayant disjoint ces dispositions du projet de loi, l'Assemblée nationale, en première lecture, a entièrement réécrit le dispositif, prévoyant ainsi une formule d'habilitation et de validation par le Parlement des expérimentations effectuées par l'Assemblée de Corse.

Sur proposition de votre commission spéciale et contre l'avis du Gouvernement, le Sénat avait supprimé le paragraphe IV. Il avait en effet estimé contraire à la Constitution la délégation d'une partie du pouvoir législatif à la collectivité territoriale de Corse .

Il avait ainsi établi que l'article premier du présent projet de loi, en répartissant le pouvoir normatif entre plusieurs institutions, s'apparentait en tous points à un article de la Constitution, alors même que la Constitution de la Vème République ne reconnaît pas au législateur la compétence de sa compétence .

A cet égard, le président Jacques Larché avait observé en séance publique 6 ( * ) que la loi pouvait se définir à partir de deux critères : le critère matériel : on s'interroge sur le domaine concerné par le texte envisagé, mais aussi le critère formel ou critère organique , prédominant dans la pratique institutionnelle actuelle : la loi, c'est ce qui résulte de la décision du Parlement. Ainsi, à partir du moment où un texte a été voté par le Parlement, il devient législatif et ne peut plus être modifié que par la loi. Le projet de loi transfère donc à l'Assemblée de Corse le droit de modifier des textes qui, même s'ils ne ressortissent pas au domaine législatif, ont la forme législative, ce que la Constitution dans son état actuel ne permet pas.

Illustrant son propos sur l'incertitude qui en résultait quant à la place dans la hiérarchie des normes des éventuelles expérimentations législatives de la collectivité territoriale de Corse, il avait attiré l'attention sur la question non réglée des droits acquis par les bénéficiaires de telles mesures expérimentales, dans le cas où le Parlement déciderait de ne pas les adopter.

Enfin, votre rapporteur avait démontré que les arguments selon lesquels l'adaptation législative serait permise par le Conseil constitutionnel depuis sa décision n° 93-322 DC du 28 juillet 1993, ou mettant en évidence des « précédents » en matière d'expérimentation par des collectivités locales, ou encore évoquant les statuts particuliers de l'Alsace-Moselle, de la ville de Paris ou de la collectivité territoriale de Saint-Pierre et Miquelon, ne pouvaient être appliqués à la collectivité territoriale de Corse pour justifier la délégation du pouvoir législatif .

Votre commission spéciale s'interroge sur la portée d'une disposition par laquelle la collectivité territoriale de Corse, sur autorisation du Parlement, pourrait procéder à des expérimentations portant sur des dispositions législatives « en cours d'élaboration ».

Outre que celle-ci paraît totalement inapplicable, elle revient à conférer à l'assemblée délibérante d'une collectivité locale le pouvoir de s'immiscer dans le processus d'élaboration de la loi par le Parlement, représentant de la souveraineté nationale.

V - Consultation de la collectivité territoriale de corse sur les projets de textes comportant des dispositions spécifiques à la Corse

Le V de l'article L. 4424-2 proposé reprend le droit existant, selon lequel l'Assemblée de Corse est consultée sur les projets de loi ou de décret comportant des dispositions spécifiques à la Corse. Le projet de loi initial prévoyait que le délai d'un mois imparti à l'Assemblée de Corse pour rendre son avis serait réduit à quinze jours non plus à la demande du Premier ministre mais à la demande du préfet de Corse. Il précisait en outre la procédure de transmission de ces avis.

En première lecture, l'Assemblée nationale a ajouté que l'Assemblée de Corse serait aussi consultée sur les propositions de loi comportant des dispositions spécifiques à la Corse.

Sur proposition de votre commission spéciale et avec un avis de sagesse du Gouvernement, le Sénat avait modifié cet article afin que les avis de l'Assemblée de Corse sur les propositions de loi soient directement transmis aux présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat par le président du conseil exécutif, le Premier ministre en étant lui aussi destinataire.

VI - Présentation par le préfet des suites envisagées par le gouvernement

S'inspirant d'une disposition existante, ce paragraphe prévoit que, par accord entre le président de l'Assemblée de Corse et le représentant de l'Etat, celui-ci serait entendu par l'Assemblée de Corse sur les suites que le Gouvernement entend réserver aux avis et demandes de la collectivité territoriale. Cette communication peut donner lieu à un débat sans vote.

En première lecture, cette disposition a fait l'objet d'une simple précision à l'Assemblée nationale et d'une adoption sans modification au Sénat.

VII -  Publication au journal officiel

Le projet de loi initial tendait d'une part à soumettre au contrôle de légalité les délibérations de l'Assemblée de Corse portant mesures d'adaptation législative ou réglementaire, d'autre part à prévoir la publication de ces délibérations au Journal Officiel de la République française.

En première lecture, l'Assemblée nationale a supprimé la première disposition, le contrôle de légalité étant déjà prévu de façon générale par le droit existant. Puis elle a étendu l'obligation de publication au Journal Officiel à l'ensemble des propositions, demandes et avis adoptés pour l'Assemblée de Corse en application des I à IV de l'article L. 4424-2 proposé.

Le Sénat, sur proposition de votre commission spéciale et contre l'avis du Gouvernement, avait limité la publication au Journal Officiel aux délibérations de l'Assemblée de Corse portant propositions de modification législative ou réglementaire.

C. LA CRÉATION D'UNE COMMISSION PARLEMENTAIRE DE SUIVI PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN NOUVELLE LECTURE

Sur proposition de sa commission des Lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, l'Assemblée nationale a rétabli l'ensemble des modifications qu'elle avait apportées en première lecture .

De plus, M. Michel Vaxès a proposé un sous-amendement tendant à instituer une procédure de suivi de l'expérimentation, en créant une commission parlementaire dans chaque assemblée, composée à la représentation proportionnelle des groupes et chargée de « l'évaluation continue » de l'expérimentation menée par l'Assemblée de Corse. Cette commission présenterait des rapports d'évaluation susceptibles de conduire le législateur à mettre fin à l'expérimentation avant le terme prévu.

Cet amendement a d'abord été rejeté après que le Gouvernement s'en fut remis à la sagesse de l'Assemblée nationale. Toutefois, une seconde délibération , demandée par la commission des Lois, a permis l'adoption de ce sous-amendement, dans une rédaction modifiée, la commission des Lois et le Gouvernement ayant alors donné un avis favorable.

Votre commission spéciale n'estime ni utile ni opportune la création d'une nouvelle commission parlementaire, pour trois raisons.

1. Les exigences constitutionnelles

Les commissions permanentes, dont l'effectif est limité à six dans chaque assemblée, ainsi que les commissions spéciales, ont une existence constitutionnelle 7 ( * ) .

L'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires ajoute : « Outre les commissions mentionnées à l'article 43 de la Constitution, seules peuvent être éventuellement créées au sein de chaque assemblée parlementaire des commissions d'enquête ». Certes, l'ordonnance du 17 novembre 1958, n'ayant pas valeur organique, n'interdit pas la création de structures supplémentaires, à la condition qu'il ne s'agisse pas de commissions permanentes, encadrées par la Constitution. Il n'en demeure pas moins que la création d'une nouvelle « commission » parlementaire par l'Assemblée nationale aurait davantage trouvé sa place dans l'ordonnance du 17 novembre 1958 et que le terme de « commission » paraît trop ambigu au regard des exigences constitutionnelles.

2. Une mission déjà remplie par les commissions permanentes

L'évaluation des lois adoptées constitue déjà une mission des commissions permanentes, lesquelles sont bien entendu composées à la représentation proportionnelle des groupes politiques composant l'assemblée concernée. Dès lors, il n'est pas besoin de créer une commission nouvelle à cet effet.

Chacune des commissions permanentes, dans son domaine de compétence, pourra procéder à l'évaluation des expérimentations menées par la collectivité territoriale de Corse.

3. ...et par l'Office d'Evaluation de la Législation

Il existe déjà un Office parlementaire d'évaluation de la législation 8 ( * ) , qui permet d'associer députés et sénateurs à l'évaluation d'une législation dans un domaine donné.

Votre commission spéciale vous soumet donc huit amendements tendant à rétablir l'ensemble des modifications adoptées par le Sénat en première lecture et supprimant l'ajout de cette nouvelle commission parlementaire.

Elle vous propose d'adopter l'article premier ainsi modifié .

Article 2
(art. L. 4423-1 du code général des collectivités territoriales)
Déféré préfectoral - recours suspensif

Cet article tend à renforcer les prérogatives du préfet en cas de déféré relatif à une délibération portant mesure d'adaptation de dispositions législatives ou réglementaires.

Constatant que la suppression des paragraphes II et IV de l'article L. 4424-2 du code général des collectivités territoriales proposée à l'article premier privait de son objet le déféré préfectoral prévu au présent article, le Sénat, sur proposition de votre commission spéciale et avec l'avis défavorable du Gouvernement, avait supprimé l'article 2.

En nouvelle lecture, l'Assemblée nationale, sur proposition de sa commission des Lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, a rétabli sa rédaction de première lecture.

Votre commission des Lois vous soumet un amendement tendant à supprimer l'article 2.

Article 3
Refonte du chapitre du code consacré à l'organisation
de la collectivité territoriale de Corse

Cet article tend à réorganiser le titre II du livre IV de la quatrième partie du code général des collectivités territoriales, relatif à la collectivité territoriale de Corse.

En première lecture, l'Assemblée nationale y avait apporté trois modifications formelles. Le Sénat, sur proposition de votre commission spéciale et avec un avis de sagesse du Gouvernement, avait entièrement réécrit cet article, afin de le mettre en conformité avec l'ensemble des modifications apportées au texte et de regrouper en un seul article les modifications portant sur la codification.

En nouvelle lecture, l'Assemblée nationale, sur proposition de sa commission des Lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, a réécrit cet article.

Votre commission spéciale vous soumet un amendement tendant à rétablir la position du Sénat de première lecture. Elle vous propose d'adopter l'article 3 ainsi modifié.

* 5 En y ajoutant la transmission au préfet de Corse des propositions émises par la collectivité territoriale de Corse, jusqu'à présent transmises au seul Premier ministre.

* 6 Journal officiel, Débats parlementaires, Sénat, séance du 6 novembre 2001, page 4 710.

* 7 Article 43 de la Constitution du 4 octobre 1958 : « les projets et propositions de loi sont, à la demande du Gouvernement ou de l'assemblée qui en est saisie, envoyés par examen à des commissions spécialement désignées à cet effet. Les projets et propositions pour lesquels une telle demande n'a pas été faite sont envoyés à l'une des commissions permanentes dont le nombre est limité à six dans chaque assemblée ».

* 8 Créé par la loi n° 96-516 du 14 juin 1996, l'Office parlementaire d'évaluation de la législation, composé de deux délégations constituées l'une à l'Assemblée nationale et l'autre au Sénat, est chargé, sans préjudice des compétences des commissions permanentes, de rassembler des informations et de procéder à des études pour évaluer l'adéquation de la législation aux situations qu'elle régit. Il est également investi d'une mission de simplification de la législation (article 6 quater de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958).

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