Rapport n° 139 (2001-2002) de M. Hubert DURAND-CHASTEL , fait au nom de la commission des affaires étrangères, déposé le 13 décembre 2001

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N° 139

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2001-2002

Annexe au procès-verbal de la séance du 13 décembre 2001

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République dominicaine ,

Par M. Hubert DURAND-CHASTEL,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Xavier de Villepin, président ; MM. Michel Caldaguès, Guy Penne, André Dulait, Michel Pelchat, Mme Danielle Bidard-Reydet, M. André Boyer, vice-présidents ; MM. Simon Loueckhote, Daniel Goulet, André Rouvière, Jean-Pierre Masseret, secrétaires ; MM. Jean-Yves Autexier, Jean-Michel Baylet, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Daniel Bernardet, Pierre Biarnès, Jacques Blanc, Didier Borotra, Didier Boulaud, Jean-Guy Branger, Mme Paulette Brisepierre, M. Robert Calmejane, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Robert Del Picchia, Jean-Paul Delevoye, Hubert Durand-Chastel, Mme Josette Durrieu, MM. Claude Estier, Hubert Falco, Jean Faure, Philippe François, Philippe de Gaulle, Mme Jacqueline Gourault, MM. Emmanuel Hamel, Christian de La Malène, René-Georges Laurin, Louis Le Pensec, Mme Hélène Luc, MM. Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Louis Moinard, Xavier Pintat, Jean-Pierre Plancade, Bernard Plasait, Jean-Marie Poirier, Jean Puech, Yves Rispat, Henri Torre, André Vallet, Serge Vinçon.

Voir le numéro :

Sénat : 432 (2000-2001)

Traités et conventions.

Mesdames, Messieurs,

L'absence de convention d'extradition entre la France et la République dominicaine créait un vide juridique dans la coopération judiciaire entre les deux pays, les demandes continuant à être traitées au cas par cas, sans obligation pour l'une ou l'autre partie. Récemment la France a demandé l'arrestation provisoire de deux personnes, une a été expulsée et la seconde est en fuite, l'arrestation n'ayant pu intervenir en l'absence de convention. Cette nouvelle convention, conclue à Paris le 7 mars 2000, s'inscrit dans l'approfondissement de nos relations de coopérations bilatérales après la signature de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale signée le 14 janvier 1999 1 ( * ) .

Ayant aussi pour but de renforcer la lutte contre le blanchiment d'argent dans une zone où il se développe, il était donc souhaitable d'éviter que des personnes poursuivies puissent trouver refuge en République dominicaine en l'absence d'une convention d'extradition.

Cette convention est inspirée de la convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957 et des principes du droit français issus de la loi du 10 mars 1927.

I. LE CHAMP D'APPLICATION DE LA CONVENTION

Comme l'ensemble des conventions d'extradition signées par la France, la convention d'extradition entre la France et Saint-Domingue limite les possibilités d'extradition à certains types d'infractions et réserve à l'Etat requis la possibilité de refuser une demande d'extradition.

A. LES CONDITIONS REQUISES

La France et la République dominicaine, par l'article premier de la présente convention, « s'engagent à se livrer réciproquement [...] toute personne qui, se trouvant sur le territoire de l'un des deux Etats, est poursuivie pour une infraction pénale ou recherchée aux fins d'exécution d'une peine privative de liberté, prononcée par les autorités judiciaires de l'autre Etat comme conséquence d'une infraction pénale ».

Deux conditions de base sont posées par l'article 2 pour qu'une infraction pénale puisse donner lieu à extradition :

- l'infraction doit, en application des législations françaises et dominicaines, être passible d'une peine privative de liberté d'au moins deux ans, selon le principe de double incrimination ;

- si l'extradition est requise en vue d'exécuter un jugement, la partie de la peine restant à exécuter doit être d'au moins six mois.

La présente convention se distingue sur ce point de la convention européenne d'extradition qui prend en considération le quantum de la peine prononcée, et non la durée de la peine qui reste à purger. Cette précision restreint donc le champ d'application de la convention puisque l'extradition pourra être refusée en cas de peine prononcée et supérieure à six mois partiellement exécutée, dès lors que la durée restant à purger est inférieure à six mois. Il s'agit ici, dans un souci d'efficacité, d'éviter d'engager des procédures d'extradition pour des faits sanctionnés par des peines déjà pratiquement exécutées.

Par ailleurs, si une extradition est demandée pour plusieurs faits distincts dont certains ne rempliraient pas la condition relative aux taux de la peine, l'Etat requis a néanmoins la faculté d'accorder l'extradition pour ces faits (article 2.3).

B. LES MOTIFS DE REFUS D'EXTRADITION

La convention distingue entre les motifs obligatoires et les motifs facultatifs de refus d'extradition.

Les cas de refus obligatoire sont énumérés aux articles 3 à 6 :

- lorsque l'infraction est considérée comme politique ou comme un fait connexe à une telle infraction ;

- lorsque la demande d'extradition est inspirée par des considérations de race, de religion, de nationalité ou d'opinions politiques ou que la situation de cette personne risque d'être aggravée pour l'une ou l'autre de ces raisons ;

- lorsque la personne réclamée serait jugée par un tribunal n'assurant pas les garanties fondamentales de procédure ou de protection des droits de la défense ou pour l'exécution d'une peine infligée par un tel tribunal ;

- lorsque la peine pour laquelle l'extradition est demandée est considérée par l'Etat requis comme une infraction exclusivement militaire ;

- lorsque la personne réclamée a fait l'objet dans l'Etat requis d'un jugement définitif, d'une amnistie ou d'une mesure de grâce pour l'infraction en raison de laquelle l'extradition est demandée (article 5) ;

- lorsque l'action publique ou la peine de mort sont prescrites conformément à la législation de l'un ou l'autre des Etats (article 6).

Par ailleurs, aux termes de l'article 4, l'extradition ne sera pas accordée si la personne réclamée a la nationalité de l'Etat requis. Dans le cas où cette condition de nationalité suffirait à elle seule à refuser l'extradition, l'Etat requis devra néanmoins soumettre l'affaire à ses autorités compétentes pour l'exercice de l'action pénale. A cet effet, la convention précise que l'Etat requérant transmet gratuitement les documents en sa possession à l'Etat requis, ce dernier le tenant informé de l'évolution de la procédure.

Les motifs facultatifs de refus sont énumérés aux articles 7, 8 et 9. L'extradition pourra être refusée si :

- conformément à la législation de l'Etat requis, il incombe à ses tribunaux de connaître de l'infraction pour laquelle elle a été demandée ;

- l'infraction a été commise hors du territoire de l'Etat requérant par un étranger à cet Etat et que la législation de l'Etat requis n'autorise pas la poursuite de la même infraction commise hors de son territoire ;

- si la personne réclamée fait l'objet dans l'Etat requis, pour les mêmes faits, de poursuites ou d'un jugement définitif de condamnation ou d'acquittement ;

- si l'infraction est passible de la peine capitale dans l'Etat requérant, l'extradition ne sera accordée qu'à la condition que l'Etat requérant donne des assurances jugées suffisantes que la peine ne sera pas exécutée (article 8).

Enfin, l'extradition peut être refusée pour des considérations humanitaires, si la remise de la personne réclamée est susceptible d'avoir pour elle des conséquences d'une gravité exceptionnelle, notamment en raison de son âge ou de son état de santé. Cette clause est calquée sur la réserve formulée par la France au sujet de l'article 1 er de la convention européenne d'extradition.

Les infractions en matière de taxes, d'impôts, de douane ou de change ne font pas l'objet d'un traitement spécifique car la France souhaite l'assimilation de ces infractions aux infractions dites de droit commun afin de faciliter les extraditions.

II. LA PROCÉDURE D'EXTRADITION

La convention prévoit que la procédure d'extradition s'opère par la voie diplomatique (article 10). La demande d'extradition formulée par écrit doit être accompagnée d'un exposé des faits, de l'original ou de l'expression authentique d'une décision de condamnation ou d'un mandat d'arrêt, du texte des dispositions légales applicables à l'infraction en cause et du signalement de la personne (article 11).

A. L'APPLICATION DU PRINCIPE DE SPÉCIALITÉ

La convention applique le principe dit de « spécialité des poursuites », selon lequel une personne extradée ne peut être ni poursuivie, ni jugée, ni détenue en vue de l'extradition d'une peine pour un fait antérieur à la remise autre que celui ayant motivé l'extradition (article 13).

Toutefois, trois tempéraments sont prévus à l'application de ce principe :

- si l'Etat requis donne son accord à une telle extension de l'extradition, sous réserve d'ailleurs que la nouvelle infraction invoquée entre dans le champ d'application de l'extradition ;

- si la personne extradée n'a pas quitté le territoire de l'Etat requérant dans les 45 jours suivant son élargissement définitif, ou si elle y est librement retournée après l'avoir quitté ;

- si, postérieurement à l'extradition, l'infraction a fait l'objet, dans l'Etat requérant, d'une nouvelle qualification légale, la personne ne pourra être jugée ou poursuivie sur la base de cette infraction requalifiée que si elle peut donner lieu à extradition en application de la présente convention et si elle vise les mêmes faits que l'infraction pour laquelle l'extradition a été accordée et n'est pas punissable de la peine capitale dans l'Etat requérant.

Enfin, aux termes de l'article 14, sauf lorsque la personne extradée a poursuivi son séjour dans l'Etat requérant au-delà du délai de 45 jours après son élargissement, sa réextradition vers un Etat tiers ne peut être accordée que si l'Etat qui a accordé l'extradition y consent.

B. LES DISPOSITIONS RELATIVES À L'ARRESTATION PROVISOIRE, À LA REMISE ET AU TRANSIT

Lorsque l'Etat qui sollicite une extradition demande également, en cas d'urgence, l'arrestation provisoire de la personne recherchée, les informations reprises sont voisines de celles demandées lors de la demande d'extradition elle-même et doivent indiquer l'intention de l'Etat requérant de demander ultérieurement l'extradition. Aucun cas de refus d'arrestation provisoire n'est prévu dans la convention. En tout état de cause, l'arrestation provisoire prend fin si, après un délai de 60 jours, la demande d'extradition n'est pas parvenue à l'Etat requis. Observons que ce délai maximal n'est que de 40 jours dans la convention européenne d'extradition. La convention prévoit aussi, dans son article 15, que « les Parties pourront modifier, par voie d'échanges de notes diplomatiques, la procédure d'arrestation provisoire, en conformité avec leur législation interne, en vue d'en accroître la rapidité et l'efficacité ».

L'article 17 concerne la décision prise par l'Etat requis et les conditions de la remise. Tout refus complet ou partiel doit être motivé, clause classique dans ce type de convention.

L'article 18 détermine les cas où la remise peut être différée et prévoit la possibilité d'une remise temporaire de la personne réclamée.

L'article 19 concerne la saisie des objets et leur remise. Lorsque ces objets sont susceptibles de saisie et de confiscation sur le territoire de l'Etat requis, ce dernier pourra, aux fins d'une procédure pénale en cours, les garder temporairement ou les remettre sous condition de restitution. Sont toutefois réservés les droits que l'Etat requis ou des tiers auraient acquis sur ces objets.

L'article 20 règle les dispositions relatives au transit d'une personne à travers le territoire de l'une des deux Parties lorsque l'autre Partie a fourni une demande d'extradition auprès d'un tiers. Le transit suit les mêmes règles que l'extradition, sauf le cas particulier du transit aérien.

L'article 22 règle la question des frais de l'extradition, qui, comme cela est l'usage, sont à la charge de la Partie requise lorsqu'ils sont exposés sur son territoire et ce jusqu'à la remise de la personne. Les frais occasionnés par le transit sont en revanche à la charge de l'Etat requérant.

Enfin, l'article 23 oblige à formuler les demandes dans la langue de la Partie requise et les documents transmis sont dispensés de toutes les formalités de législation lorsqu'ils sont transmis par la voie diplomatique.

CONCLUSION

Si la présente convention ne permettra d'aboutir à un niveau de coopération équivalant à celui atteint entre les pays de l'Union européenne à travers la convention relative à la procédure d'extradition simplifiée du 10 mars 1995 ou de la convention d'extradition du 27 septembre 1996, elle vient néanmoins combler un vide juridique.

Les procédures d'extradition entre la France et Saint-Domingue seront désormais organisées par un texte juridique faisant obligation aux deux Etats, dans les conditions définies par la convention, de coopérer le moment venu.

C'est pourquoi, sous le bénéfice de ces observations, votre commission vous propose d'approuver le présent projet de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission des affaires étrangères de la défense et des forces armées a examiné le présent rapport lors de sa réunion du 13 décembre 2001.

Après que M. Michel Caldaguès eut relevé le délai séparant la signature de l'accord et sa présentation au Parlement, la commission a adopté le projet de loi qui lui était soumis.

La commission a alors adopté le présent projet de loi.

PROJET DE LOI

(Texte proposé par le Gouvernement)

Article unique

Est autorisée l'approbation de la convention d'extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République dominicaine, signée à Paris le 7 mars 2000, et dont le texte est annexé à la présente loi 2 ( * ) .

ANNEXE -
ÉTUDE D'IMPACT 3 ( * )

- Etat de droit et situation de fait existants et leurs insuffisances :

Préoccupée par le caractère de plus en plus transnational de la criminalité, la France a souhaité disposer progressivement d'instruments de coopération judiciaire avec la plupart des pays non-Parties aux Conventions ad hoc du Conseil de l'Europe, les Caraïbes constituant à cet égard une de ses priorités. L'extension notable du trafic de stupéfiants dans cette région, le développement du tourisme des Français dans cette zone et la proximité des départements d'Outre-mer militaient en faveur de la conclusion de ces accords.

Devant l'émergence de pratiques délictueuses nouvelle à Saint-Domingue, dont certains indices tendaient à démontrer que ce pays pouvait devenir un lieu de blanchiment de l'argent sale, l'inexistence d'une convention d'extradition pouvait inciter des Français peu scrupuleux, à l'instar de certains mafieux italiens, à chercher refuge dans l'île.

Dans la perspective d'un renforcement du dispositif conventionnel existant, mis en place par la Convention d'entraide judiciaire en matière pénale signée le 14 janvier 1999, l'accent a été mis auprès des Autorités dominicaines sur la nocivité de la pratique consistant à préférer à un accord international des procédures d'expulsion des étrangers mis en cause, ceux-ci pouvant trouver dans des pays laxistes un autre refuge.

Soucieuse de confirmer son engagement dans la lutte contre la criminalité internationale et d'améliorer son image, la République dominicaine a accepté de signer une convention d'extradition avec la France.

Cet instrument devait, par ailleurs, permettre de limiter l'expansion dans la zone latino-américaine du droit anglo-saxon imposé par les Etats-Unis et, ainsi, de conserver ces pays dans la sphère juridique romano-germanique.

- Bénéfices escomptés en matière :

* d'emploi : sans objet.

* d'intérêt général : la Convention, qui vise une meilleure administration de la justice, poursuit le double objectif de combler une situation de vide juridique dans le domaine de la lutte contre la criminalité transnationale et de renforcer les bases d'une coopération mutuelle efficace de nature à soustraire les auteurs d'infractions à l'impunité.

* financière : difficiles à apprécier.

* de simplification des formalités administratives : la Convention oblige les parties au respect de la procédure d'extradition des personnes poursuivies ou recherchées dans l'un ou l'autre des Etats, en mettant un terme aux demandes d'extradition formulées sur la base de la réciprocité et à la pratique de l'expulsion des mis en cause.

* de complexité de l'ordonnancement juridique : la Convention, en instituant une procédure unique d'extradition, permet d'éviter la multiplication de demandes d'extradition au cas par cas.

* 1 Cf. rapport n°228, 2000-2001, au nom de la commission des affaires étrangères et de la défense sur la convention d'entraide judiciaire en matière pénale

* 2 Voir le texte annexé au document Sénat n° 432 (2000-2001).

* 3 Texte transmis par le Gouvernement pour l'information des parlementaires.

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