D. LA COOPÉRATION FINANCIÈRE : UN EFFORT FINANCIER GLOBALEMENT MAINTENU, DES MÉTHODES RÉNOVÉES

L'accord de Cotonou fixe le cadre de la coopération financière avec les pays ACP. Les aspects liés à la gestion de l'aide relèvent, quant à eux, d'un accord interne aux quinze pays de l'Union européenne soumis à l'examen de la Représentation nationale concomitamment à l'accord de Cotonou.

L'accord de Cotonou ne détermine pas seulement le montant de l'aide accordée aux ACP, il engage aussi une profonde rénovation de la mise en oeuvre de la coopération financière.

1. Une coopération financière profondément rénovée

Les dysfonctionnements de l'aide communautaire sont apparus comme l'une des faiblesses majeures du partenariat noué par l'Union européenne avec les ACP. L'effort de rénovation engagé par Cotonou vise quatre objectifs principaux : la rationalisation des instruments de coopération, une programmation plus efficace, une gestion des fonds plus rigoureuse et enfin le souci d'une meilleure coordination entre les bailleurs de fonds au sein de l'Union européenne.

. La rationalisation des instruments de coopération

Aux nombreux instruments existants sont substituées deux grandes enveloppes consacrées respectivement :

- au développement à long terme sous la forme d' aides non remboursables accordées dans le cadre, d'une part, des programmes indicatifs nationaux négociés avec chacun des Etats ACP pour la durée du protocole financier, et, d'autre part, des programmes régionaux ;

- à l' appui au secteur privé sous la forme de capitaux à risque ou de prêts bonifiés dans le cadre d'une facilité d'investissement gérée par la BEI. La facilité permettra de financer des entreprises privées génératrices de revenus et commercialement et économiquement viables, ainsi que des entreprises publiques si elles satisfont à ces exigences. Les bénéfices provenant de ces opérations seront reversés à la facilité qui, à plus long terme, ne devrait donc plus requérir de refinancement.

Jusqu'à présent les différents instruments de coopération sont mis en oeuvre de manière peu coordonnée, chaque instrument étant soumis à des procédures et des méthodes de programmation propres. Le nouveau dispositif introduira un élément de souplesse appréciable en permettant le redéploiement des ressources en fonction des besoins.

La rationalisation des instruments de coopération a conduit à la suppression du Stabex et du Sysmin . Cependant, l'enveloppe destinée au développement à long terme pourra être utilisée pour compenser les fluctuations à court terme des recettes d'exportations des pays ACP. L'attribution de ressources additionnelles est déclenchée dans une double hypothèse :

- une perte de 10 % (2 % pour les PMA) des ressources d'exportations de biens, ou de l'ensemble des produits agricoles ou miniers par rapport à une moyenne arithmétique de trois années ;

- et une appréciation de 10 % du déficit public programmé. La compensation n'interviendra que si les pertes de recettes se traduisent par un effet négatif sur le solde budgétaire des pays concernés. Elle jouait auparavant de manière automatique indépendamment du contexte économique. Le soutien est commandé par un objectif clair : la sauvegarde des réformes et politiques macroéconomiques et sectorielles qui pourrait se trouver compromise par une baisse des recettes.

. Une programmation assouplie

Dans le système actuel, les stratégies de soutien sont élaborées de manière unilatérale par l'Union européenne. Par ailleurs, l'aide programmable est allouée à chacun des Etats ACP en deux tranches dont la première, acquise une fois pour toutes, représente 70 % de l'enveloppe totale. Ce système a pour effet de ne pas inciter les pays ACP à améliorer leurs performances ; il peut aussi conduire à immobiliser d'importants montants en cas de crise politique ou de difficultés d'absorption de l'aide.

L'accord de Cotonou introduit une double innovation : d'une part, il associe davantage le pays bénéficiaire à l'élaboration de la programmation aux fins de l' « appropriation » -indispensable- des objectifs de développement par l'Etat intéressé. D'autre part, il rend possible la révision du volume de l'aide à l'occasion de réexamen à mi-parcours de la coopération.

Le processus de programmation repose d'abord sur une stratégie de coopération nationale propre aux différents pays partenaires de l'Union. Cette stratégie est destinée à couvrir l'ensemble des opérations financées sur l'enveloppe d'aide non remboursable. L'élaboration de ce document associe étroitement les représentants de l'Union et les autorités du pays concerné ainsi, d'ailleurs, que les acteurs de la société civile. La stratégie de coopération nationale combine l'aide, le commerce et la coopération politique. Elle doit prendre en compte, en outre, la complémentarité avec les interventions des autres donateurs .

Cette stratégie de coopération sera complétée par un programme indicatif opérationnel qui, dans le cadre de l'enveloppe financière indicative prévue par la Communauté, précise les différents projets ainsi que le calendrier de leur mise en oeuvre.

La coopération pourra être revue régulièrement afin de s'assurer de l'adéquation des projets aux besoins, sur la base, d'abord, d'une revue opérationnelle , tous les ans, du programme indicatif national, et, en suite, d'un réexamen plus approfondi à mi-parcours et à la fin de la période d'application du protocole financier , de la stratégie de coopération. Les programmes manquant d'efficacité pourront être ajustés, voire abandonnés avec pour conséquence la perte des ressources concernées.

Afin que les révisions régulières ne donnent pas lieu à une dérive bureaucratique, source de blocages dans la consommation des crédits, leur durée a été encadrée par l'accord de Cotonou : soixante jours pour les réexamens opérationnels annuels, trente jours supplémentaires pour un réexamen de la stratégie de coopération nationale.

. Le souci d'une gestion plus efficace

L'adaptation de la programmation ne répond qu'à une partie des difficultés, celle liée aux vicissitudes politiques ou économiques des pays ACP. Mais, on le sait, les blocages trouvent aussi leur origine dans les insuffisances du système communautaire. L'accord interne à l'Union européenne tente de remédier aux faiblesses les plus marquantes : la lourdeur du processus de décision et la lenteur des mécanismes de décaissement des crédits.

- L'assouplissement du processus de décision

Le Comité du FED -où sont représentés les quinze Etats membres ainsi que la Commission- chargé de l'examen des projets, ne dispose pas matériellement du temps nécessaire à cette mission. De fait, le contrôle apparaît sélectif en fonction des montants et de la nature des projets.

Aux termes de l'accord de Cotonou, le Comité se prononcera désormais, à la majorité qualifiée, sur la stratégie de coopération et le programme indicatif national. Quant aux projets, le seuil requis pour leur examen devant le Comité a été substantiellement relevé. L'institution n'examinera en effet que les opérations d'un montant supérieur à 15 millions d'euros ou représentant plus de 25 % du programme indicatif national. Il se bornera à approuver par procédure écrite les projets compris entre 8 et 15 millions de francs. Au-dessous de ce seuil, il est seulement tenu informé par la Commission (a priori au-delà de 500 000 euros, a posteriori en deçà). Néanmoins, le Comité peut demander un débat pour les projets dont le montant est compris entre 8 et 15 millions d'euros ; par ailleurs, les Etats membres disposent d'un pouvoir d'évocation devant le Comité pour les projets allant jusqu'à 8 millions d'euros sans toutefois qu'un avis formel du Comité soit requis pour ces opérations.

Le relèvement du seuil d'examen résulte d'un compromis adopté à l'initiative de la France entre ceux de ses partenaires désireux d'aller beaucoup plus loin (Suède ou Pays-Bas) et d'autres très réticents (Italie, Espagne). Même si la France -avec 52 voix correspondant aux deux tiers de la minorité de blocage fixée à 77- disposera d'une « faculté d'empêcher » s'agissant des projets les plus coûteux, la capacité de contrôle des Etats n'en apparaît pas moins entravée par ces nouvelles dispositions.

Dès lors le renforcement de l'information sur le terrain entre les délégations de la Commission, d'une part, et les représentations des Etats membres, d'autre part, constitue un corollaire indispensable de la réforme des procédures d'adoption des projets.

L'allégement de la procédure n'a en fait de légitimité que s'il permet d'accélérer le cycle de vie administratif des projets à travers la réduction de l'écart entre identification des projets et décaissements.

Les activités de la BEI seront, quant à elles, placées sous le contrôle d'un comité de la facilité d'investissement dont la composition et l'organisation sont inspirées du comité du FED. Toutefois ses attributions apparaissent plus étendues. En effet, s'il approuve les lignes directrices opérationnelles de la facilité, il procède également à l'examen pour avis des propositions individuelles en particulier lorsqu'elles prévoient l'octroi d'une bonification d'intérêt ou quand le projet concerné n'a pas reçu l'agrément de la Commission européenne.

- Les conditions d'un décaissement plus rapide

Afin de ne pas laisser se perpétrer des reliquats accumulés au cours des précédents FED, notre pays a demandé l'introduction d'une date butoir pour l'engagement des crédits liés à ces reliquats. Par ailleurs, le nouveau règlement financier de l'aide communautaire prévoit une clause de caducité automatique pour les engagements à une date butoir.

Par ailleurs, la gestion financière des subventions accordées au titre du FED gagnera en lisibilité : les appels à contribution des Etats membres devront être assortis des estimations des engagements et des décaissements -et plus seulement des dépenses- pour chacune des quatre années qui suivent.

En outre, l'accord interne à l'Union européenne met un accent particulier sur la transparence et l'efficacité de l'exécution financière.

• Le principe d'une plus grande complémentarité entre les interventions communautaires et les actions bilatérales des Etats membres de l'Union

L'accord interne aux Quinze prévoit la possibilité de délégation des ressources du FED aux Etats membres ou à leurs opérateurs en cas de cofinancements. Cette disposition devrait permettre à la Commission de tirer parti, pour certaines opérations, du savoir-faire acquis par les Etats membres dans le cadre de leur aide bilatérale plutôt que de recourir à des opérateurs parfois moins expérimentés et plus coûteux. La France et l'Allemagne avaient plaidé pour l'introduction d'une disposition dans ce sens. Les agences de développement des deux pays -respectivement l'Agence française de développement et la KFW- ont noué des liens dans le cadre d'une politique de mandats de gestion : une institution confie à l'autre tout ou partie du cycle d'un projet sous la forme d'un mandat réciproque. Les deux Agences ont reçu, par ailleurs, un mandat de la Commission pour la gestion déléguée de la composante communautaire d'un projet -hydraulique villageoise au Tchad- cofinancé par les trois institutions. En outre , des discussions ont été engagées par les deux opérateurs avec la BEI afin de mettre en place des mandats de gestion ou des contrats spéciaux de prestation de services dans le cadre de la facilité d'investissement du 9 e FED.

L'extension des délégations de crédits suscite cependant certaines réticences de la part de la Commission et de certains Etats membres qui craignent une renationalisation de l'aide communautaire. Les Quinze sont loin de tous disposer d'instruments aussi efficaces que l'Agence française de développement. Le critère d'efficacité plaide cependant pour la formule des délégations. En outre, il n'est pas illogique, compte tenu de la part prise par la France dans le financement du FED, que notre pays puisse mieux mettre en valeur son expertise au service de la politique de développement de l'Union européenne.

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