EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

La loi renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes a été adoptée il y a dix-huit mois et ses dispositions les plus importantes sont entrées en vigueur il y a un an.

Les premiers mois d'application de cette réforme ont montré que, si la nouvelle loi est globalement appliquée, sa mise en oeuvre ne s'en heurte pas moins à des difficultés réelles provoquant le découragement des acteurs de la procédure pénale et notamment des enquêteurs.

Dans ces conditions, un débat s'est développé sur l'opportunité d'apporter des aménagements à ce texte.

Curieusement, le Gouvernement a cru pouvoir mettre fin à ce débat en insistant fortement sur le fait que la loi avait été adoptée sans opposition. Ainsi, le 5 décembre dernier, lors d'un entretien télévisé, M. le Premier ministre a pu déclarer : « Je voudrais rappeler que ce projet de loi résulte de propositions de réforme faites par la commission Truche, à la demande du Président de la République et que ce texte a été l'objet d'un accord entre l'Assemblée nationale et le Sénat, qu'il a été voté sans opposition (...). Je suis un peu choqué de voir qu'aujourd'hui, certains disent : « On a voté ce texte, cette loi, et maintenant il faudrait l'abroger ou le changer » .

Une telle attitude traduit une singulière conception de la démocratie en général, du rôle de l'opposition en particulier.

Lorsque l'opposition s'oppose, en effet, elle est nécessairement qualifiée de « stérile ». Il semble que, désormais, lorsque l'opposition, après avoir fait des propositions, obtenu des avancées, permis d'éviter des erreurs, choisit de ne pas s'opposer à un texte qui lui paraît comporter davantage de bonnes dispositions que de mauvaises, elle ne puisse plus formuler la moindre objection contre aucune des dispositions du texte qu'elle n'a pas cru devoir rejeter...

Votre commission ne souscrit pas à une telle conception. D'une part, elle ne se souvient pas que le rôle de l'opposition dans l'adoption du texte ait été mis en avant lorsque la loi était portée aux nues. D'autre part, elle considère qu'il est normal que le législateur -majorité et opposition confondues- soit attentif aux conditions de mise en oeuvre des textes qu'il adopte et soit, le cas échéant, prêt à améliorer les lois lorsque des difficultés se font jour .

Votre rapporteur constate d'ailleurs que, finalement, après bien des hésitations, après deux évaluations aux résultats contradictoires, une proposition de loi a été déposée en toute hâte sur le Bureau de l'Assemblée nationale et discutée dans une certaine confusion.

Pour sa part, notre excellent collègue M. Hubert Haenel n'avait pas attendu que le Gouvernement modifie sa position pour déposer, dès le 28 novembre 2001, une proposition de loi apportant des aménagements à la loi sur la présomption d'innocence afin d'apporter une réponse aux difficultés rencontrées dans sa mise en oeuvre.

Votre commission a décidé d'examiner conjointement les deux propositions de loi pour rechercher le moyen de répondre efficacement aux problèmes posés sans se contenter d'un texte de pur affichage.

Néanmoins, les conditions précipitées d'inscription par le Gouvernement du présent texte à l'ordre du jour prioritaire n'auront pas facilité la préparation du rapport, son examen par la commission des lois et sa mise à disposition des sénateurs souhaitant participer sereinement à ce débat 1 ( * ) .

I. LA LOI DU 15 JUIN 2000 SUR LA PRÉSOMPTION D'INNOCENCE : UNE BONNE RÉFORME QUI CONNAÎT DES DIFFICULTÉS D'APPLICATION

La loi renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes a été définitivement adoptée le 30 mai 2000 et promulguée le 15 juin 2000. L'essentiel de ses dispositions est entré en vigueur le 1 er janvier 2001.

La réforme de la procédure pénale était indispensable et cette loi contient un grand nombre de dispositions utiles. Après un an d'application, il apparaît néanmoins que la mise en oeuvre de la réforme pose des difficultés, qui tiennent pour partie à l'insuffisance de moyens humains et matériels, pour partie à l'inadaptation de certaines dispositions aux contraintes pesant sur les acteurs de la procédure pénale .

A. UNE RÉFORME UTILE

La loi du 15 juin 2000 a profondément modifié le code de procédure pénale, apportant des évolutions importantes à tous les stades de la procédure (enquête, instruction, jugement, application des peines).

A bien des égards, cette réforme était nécessaire et attendue. Elle a permis à la France d'adapter sa procédure aux exigences de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Le Sénat a apporté à l'élaboration de ce texte une contribution qu'il ne reniera pas .

Il a ainsi pris l'initiative d'une réforme de la procédure criminelle , qui ne figurait pas dans le projet de loi. Il lui est en effet apparu que la modernisation de la procédure pénale impliquait nécessairement la mise en oeuvre d'un recours à l'encontre des décisions de justice les plus lourdes de conséquences. Votre commission rappelle que le Gouvernement s'est d'abord opposé à cette proposition avant de s'y rallier lors d'une lecture ultérieure à l'Assemblée nationale.

De même, le Sénat a profondément modifié les conditions de mise en oeuvre de la libération conditionnelle , afin de contribuer à faire en sorte que les peines d'emprisonnement soient consacrées à la préparation par les condamnés d'un projet constructif.

Le Sénat a amélioré le texte qui lui était proposé sur de nombreux autres points, notamment en ce qui concerne les conditions de la mise en examen ou le statut du témoin assisté .

Compte tenu des règles du dialogue entre les assemblées, le Sénat n'a pas pu faire prévaloir l'ensemble de ses positions, notamment en ce qui concerne les durées maximales de détention provisoire ou les conditions de la garde à vue .

Notre assemblée, ayant pu obtenir des solutions conformes à ses propositions sur de nombreux sujets, a décidé d'accepter l'ensemble de la réforme.

Après un an d'application de la loi, il apparaît clairement que celle-ci n'a pas provoqué la paralysie de la procédure pénale parfois annoncée. Les policiers, les magistrats, les avocats ont adapté leurs comportements aux règles posées par le législateur.

Il apparaît néanmoins que certaines difficultés sont susceptibles de justifier une évolution sur plusieurs points.

* 1 Inscrit par le Gouvernement lors de la Conférence des présidents du 5 février à la séance publique du 7 février, il a été examiné par la commission des lois le 6 février.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page