B. PAQUET ERIKA (MISE AU POINT DÉCEMBRE 2000 - ADOPTION DÉFINITIVE MARS 2002 - ENTRÉE EN VIGUEUR : 2003)

- la mise en place d'une agence européenne

Cette agence soutiendra l'action de la Commission, des Etats membres et des Etats candidats à l'adhésion. Elle évaluera l'efficacité des mesures de sécurité maritime mises en place. L'Agence aura aussi pour tâche la collecte d'informations, l'exploitation de bases de données sur la sécurité maritime, l'évaluation et l'audit des sociétés de classification maritime, et l'organisation de missions d'inspection dans les Etats membres pour vérifier les conditions de contrôle de l'état des ports.

- l'amélioration du signalement et du suivi des navires

Une proposition de directive prévoit la mise en place d'un système de notification couvrant également les navires qui ne font pas escale dans les ports de la communauté. Elle rend obligatoire, dans les eaux de la communauté, la présence sur les navires de « transpondeurs » (systèmes d'identification automatique), ainsi que de « boîtes noires », similaires à celles utilisées dans l'aviation afin de faciliter les enquêtes en cas d'accident. Cette directive vise à améliorer les procédures concernant la transmission et l'exploitation des données relatives aux cargaisons dangereuses.

- l'amélioration des régimes de responsabilité et de compensation des dommages de pollution en vigueur

La commission propose la création d'un fonds de compensation des dommages de pollution, qui complèterait, à concurrence d'un plafond global de 1 milliard d'euros, l'indemnisation des victimes en cas de dépassement des plafonds fixés par les règles existantes qui s'élèvent actuellement à 200 millions d'euros. La proposition de la commission européenne prévoit également l'imposition par les Etats membres d'amendes financières en cas de comportement négligent de la part de toute personne impliquée dans le transport des hydrocarbures par mer.

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Votre rapporteur ne cachera pas, toutefois, que ses interlocuteurs ont unanimement lancé une sorte de « cri du coeur » : « Ne nous faites plus de textes », mais « donnez-nous des moyens ! » De fait, cette question des moyens demeure centrale et conditionne toute vraie politique de prévention des risques.

On connaît les dotations quasi minuscules que le budget de l'Etat consacre chaque année à la mer. En 2002, l'ensemble de dotations affectées aux services maritimes, aux ports et au littoral n'atteindra (hors sécurité sociale des marins) que 150 millions d'euros, c'est-à-dire un peu plus de 1 % du budget du ministère de l'équipement et environ 0,1 % du budget national !

Le corps des contrôleurs maritimes n'est composé que d'une cinquantaine de fonctionnaires (environ 200 en Espagne ; 250 en Grande-Bretagne).

Selon les termes de la convention internationale de 1982 dite « mémorandum de Paris », nous nous étions engagés à contrôler 25 % des navires de commerce étrangers entrés dans les ports français. En 2001, faute de moyens, ce pourcentage a atteint 12 %. En fait, le taux d'inspection n'a fait que régresser : 24 % en 1997, 20 % en 1998, 14 % en 1999, 12 % en 2000 ! Les succès technologiques français -tels que la conception et la mise en oeuvre en mai 2000, avec le soutien de l'organisation maritime internationale, du projet de système d'informations « Equasis » sur l'état des navires « en temps réel »- ne peuvent dissimuler ces graves carences qui rappellent que la mer et les services maritimes ne constituent pas -et de loin- une priorité gouvernementale et ne disposent pas, en conséquence, des moyens adaptés.

La proposition de loi de notre collègue M. Daniel Goulet vient nous rappeler que la pérennisation de cette politique maritime parcimonieuse peut être grosse de conséquences désastreuses. Sa discussion, devant notre commission, intervient, par ailleurs, dans un contexte délicat puisque le 15 mars prochain, la Commission européenne va décider de la ville européenne qui accueillera le siège de cette nouvelle agence européenne de sécurité maritime , prévue par le paquet « Erika II », et sur laquelle nous devons, légitimement, fonder de grands espoirs. A cet égard, une grande cité maritime française est candidate : il s'agit de la métropole de Nantes-Saint-Nazaire .

L'agence européenne aura besoin d'un environnement scientifique, juridique et technologique apte à lui apporter des services de haut niveau. La métropole nantaise concentre un ensemble unique de compétences académiques dans le domaine maritime, qui fonctionnent en réseau avec leurs partenaires nationaux et européens. Citons l'institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (Ifremer) et les 300 collaborateurs qui lui sont rattachés et qui pilotent les réseaux de surveillance du littoral et dont les équipes de recherche sont tournées vers l'environnement littoral (connaissance du milieu, protection des espèces et des consommateurs, lutte contre les polluants chimiques...).

En second lieu, l'université de Nantes développe un véritable pôle pluridisciplinaire « mer et littoral » autour de deux axes complémentaires : les sciences naturelles liées au milieu marin (biologie, écotoxicologie, génie de l'environnement...) ; les applications juridique et humaines (droit maritime, économie, sociologie et géographie maritimes...). Ce pôle fédère aujourd'hui 150 enseignants-chercheurs, techniciens et étudiants en thèse. Son travail bénéficie d'une bonne audience internationale, à l'image du centre de droit maritime et océanique (CDMO) qui publie depuis 1974 l'annuaire de droit maritime et océanique et a créé le premier serveur Internet au monde en la matière.

Citons encore l'institut supérieur de recherche en économie maritime (Isemar), qui fait de la recherche appliquée dans les domaines du transport maritime, de la logistique, de la réglementation (politique maritime, de la construction navale et de l'activité portuaire). En son sein, collaborent des professionnels de l'économie maritime, des développeurs locaux et une importante communauté scientifique.

N'oublions pas non plus l'école nationale de la marine marchande, basée à Nantes, qui a mis en place, à la rentrée 2001, la première formation à vocation européenne consacrée à la sécurité maritime.

Les conditions d'accueil et l'excellente situation de Nantes-Saint-Nazaire, en termes de connexion aux réseaux de transport et de télécommunication, devraient aussi influencer les décideurs européens.

Il reste que d'autres villes européennes sont aussi candidates (Gènes, Lisbonne, ...) et que des considérations politiques pourraient détourner la Commission européenne d'un choix qui paraît présenter, objectivement, un maximum d'avantages.

Votre rapporteur souhaiterait que le procès-verbal de la réunion de notre commission puisse faire état de son appui sans réserve à la solution française.

Ce choix contribuerait à relancer une politique maritime française aujourd'hui somnolente.

Sur la base des constats et recommandations de notre collègue Henri de Richemont pour la mission commune d'information du Sénat, il est apparu à votre rapporteur que toute amélioration de notre dispositif préventif passait, en tout premier lieu, par un renforcement des contrôles exercés à tout le moins par ce « noyau dur » que représentent les pays de l'Union européenne.

Comme on le sait, le niveau et le champ des indemnisations sont régis par des conventions internationales (principalement les conventions « FIPOL » et CLC sur la responsabilité de 1992). Tout au plus, pouvons-nous, à l'échelon communautaire, mettre sur pied un fonds d'indemnisation complémentaire ainsi que l'envisage, d'ailleurs, le paquet « Erika II ».

En revanche, les décisions sur le contenu, l'étendue et la fréquence des contrôles à opérer pour assurer le respect des normes internationales ou européennes doivent être, à l'évidence, du ressort de l'autorité communautaire afin de promouvoir une véritable politique européenne de sécurité maritime.

Nous est-il pour autant interdit de mettre en place, dans un souci d'efficacité accrue, des mesures nationales dans le domaine de la sécurité maritime et de la prévention des risques de pollutions, en particulier hydrocarbures ?

Notre collègue M. Daniel Goulet s'y est essayé courageusement, il y a un peu plus de deux ans, en suggérant des solutions instaurant une forme de préférence communautaire.

Depuis, plusieurs événements importants se sont produits, qu'il s'agisse de propositions nouvelles de la Commission européenne (« paquets » Erika I et II) ou d'un nouveau naufrage lourd de risques potentiels (celui de « L'Ievoli Sun ») qui a démontré que la nationalité « communautaire » (de même que la « double coque ») ne suffisaient pas, hélas, à présenter toutes les garanties.

Dans ce contexte, votre rapporteur juge souhaitable de demander au Gouvernement qu'il nous communique avant le premier juillet 2003 un rapport présentant le bilan des mesures adoptées à la suite du naufrage de l'Erika et précisant les « espaces pertinents » d'intervention dans le domaine de la sécurité maritime.

Au niveau tant institutionnel que fiscal ou social, ou s'agissant encore de dispositions normatives ou de mesures d'interdiction ou de répression, il sera, en effet, intéressant de connaître les champs respectifs de la convention internationale, du niveau communautaire ou de l'autorité nationale.

Au vu des conclusions de ce rapport, il sera alors possible d'envisager, le cas échéant, des mesures législatives nouvelles qui prendront en compte « l'acquis communautaire » dans le cadre -souhaitons-le- d'une nouvelle politique maritime qui saura doter la Mer des moyens financiers et humains dont elle a besoin.

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Réunie le 20 février 2002 pour examiner le présent rapport, la commission en a retenu les orientations et, sur proposition du rapporteur, a adopté un article unique au terme duquel : « Avant le 1er juillet 2003, le Gouvernement devra communiquer au Parlement un rapport présentant le bilan des décisions et mesures adoptées aux plans international, communautaire et national à la suite du naufrage de l'Erika intervenu le 12 décembre 1999. Ce rapport précisera les champs respectifs de ressort de la convention internationale, de l'acte communautaire et de la loi nationale dans le domaine de la prévention des pollutions maritimes notamment par les hydrocarbures ».

Elle a apporté, à l'unanimité, son soutien à la candidature de Nantes-Saint-Nazaire comme ville siège de la future agence européenne de sécurité maritime.

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