Rapport n° 267 (2001-2002) de Mme Jacqueline GOURAULT , fait au nom de la commission des affaires étrangères, déposé le 13 mars 2002

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N° 267

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2001-2002

Rattaché pour ordre au procès-verbal de la séance du 21 février 2002

Enregistré à la Présidence du Sénat le 13 mars 2002

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi autorisant l'approbation d'un accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne relatif à la coopération dans l'exercice des missions de police de la navigation sur le secteur franco-allemand du Rhin ,

Par Mme Jacqueline GOURAULT,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Xavier de Villepin, président ; MM. Michel Caldaguès, Guy Penne, André Dulait, Michel Pelchat, Mme Danielle Bidard-Reydet, M. André Boyer, vice-présidents ; MM. Simon Loueckhote, Daniel Goulet, André Rouvière, Jean-Pierre Masseret, secrétaires ; MM. Jean-Yves Autexier, Jean-Michel Baylet, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Daniel Bernardet, Pierre Biarnès, Jacques Blanc, Didier Borotra, Didier Boulaud, Jean-Guy Branger, Mme Paulette Brisepierre, M. Robert Calmejane, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Robert Del Picchia, Jean-Paul Delevoye, Hubert Durand-Chastel, Mme Josette Durrieu, MM. Claude Estier, Hubert Falco, Jean Faure, Philippe François, Philippe de Gaulle, Mme Jacqueline Gourault, MM. Emmanuel Hamel, Christian de La Malène, René-Georges Laurin, Louis Le Pensec, Mme Hélène Luc, MM. Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Louis Moinard, Xavier Pintat, Jean-Pierre Plancade, Bernard Plasait, Jean-Marie Poirier, Jean Puech, Yves Rispat, Henri Torre, André Vallet, Serge Vinçon.

Voir le numéro :

Sénat : 167 (2001-2002)

Traités et conventions.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le Rhin est, de longue date, une voie d'eau très utilisée pour la navigation d'esquifs très divers, du bateau de tourisme aux péniches de transports de matières premières.

Après l'affirmation, par le Congrès de Vienne de 1815, du principe de la liberté de navigation sur les cours d'eaux internationaux, une convention signée à Mayence en 1831 a déterminé les modalités concrètes de cette liberté de navigation pour la partie franco-allemande du Rhin.

L'importance politique et économique de la navigation sur ce fleuve a donc été reconnue et réglementée de longue date.

Le projet de loi soumis aujourd'hui à notre examen vise à faciliter les opérations de contrôles exercés par les polices fluviales allemandes et françaises, par une série de précisions sur leurs modalités.

I. UNE NAVIGATION RÉGLEMENTÉE AVEC PRÉCISION DEPUIS PLUS D'UN SIÈCLE

A. DU CONGRÈS DE VIENNE ....

La Convention dite « de Mayence », adoptée le 31 mars 1831, posait un ensemble de principes uniformes pour la navigation sur le Rhin et édictait un ensemble de dispositions réglementaires, de police en particulier. En application de cet accord, une première prescription, relative au transport de certaines matières dangereuses, a été adoptée en 1838 et un premier Règlement de police pour la navigation sur le Rhin en 1850.

L'acte de Mannheim du 17 octobre a opéré une remise à jour de ces dispositions fondamentales afin de tenir compte de l'évolution des données techniques, économiques et politiques de la navigation rhénane.

Les principes fondamentaux posés par l'Acte de Mannheim sont la liberté de la navigation, l'égalité de traitement des bateliers et de flottes, l'exemption de taxes sur la navigation, la simplification du dédouanement, l'obligation de maintenir et d'améliorer l'état du fleuve, le respect d'un certain nombre de prescriptions uniformes relatives à la sécurité du bateau et au trafic fluvial, une juridiction commune pour les affaires de la navigation (en l'espèce les tribunaux de la navigation sur le Rhin), et la possibilité de faire un recours devant la Commission centrale en vue du respect des dispositions de l'Acte et des mesures prises pour son application.

Ces mesures, très nombreuses, complètent le Règlement de police, le Règlement des patentes du Rhin, le Règlement de visite des bateaux du Rhin, le Règlement relatif au transport de matières dangereuses (dit ADNR) et un ensemble de prescriptions relatives aux radars.

Ainsi, le Règlement de police pour la navigation sur le Rhin réglemente la signalisation et les feux des bateaux et des convois poussés, les règles de la route, le croisement, le dépassement et le stationnement, les panneaux de signalisation sur la voie d'eau, les dimensions des bateaux et la protection des eaux. L'observation de ces prescriptions est contrôlée par la police de la navigation sur le Rhin et les services de police fluviale des Etats riverains.

La Convention de Mannheim est révisée en 1963 pour mettre en place de nouvelles modalités d'exercice des attributions judiciaires de la Commission centrale pour la navigation sur le Rhin, ainsi qu'en 1979, par un protocole additionnel qui réglemente la liberté de circulation sur le Rhin et définit les critères d'appartenance des bateaux à la navigation rhénane.

B. ... À L'ACCORD DE SCHENGEN

La dernière modification juridique d'ampleur est l'accord signé entre la France et l'Allemagne à Mondorf, le 9 octobre 1997, établissant les modalités de coopération, dans les zones frontalières, entre autorités de police et autorités douanières. Cet accord bilatéral précise, pour le secteur franco-allemand du Rhin, les dispositions générales de l'article 39 de la Convention d'application de l'accord de Schengen relatif à l'assistance entre les services de police, en vue de prévenir et rechercher les faits punissables.

On constate que les modalités de coopération entre la France et l'Allemagne en matière de police sur le Rhin ont fait l'objet d'adaptations nombreuses, pour être en phase avec la croissance et la diversité des échanges économiques réalisés sur cette voie d'eau.

II. LE PRÉSENT ACCORD FACILITE LES MISSIONS DE POLICE SUR LE RHIN QUI MOBILISENT D'IMPORTANTS MOYENS

A. LE SECTEUR À CONTRÔLER ET LES MOYENS DISPONIBLES

Rédigé à l'initiative de l'Allemagne, et signé lors du sommet franco-allemand réuni à Vittel le 10 novembre 2000, l'accord permet aux autorités de police fluviale des deux pays d'intervenir indifféremment en zones française ou allemande du Rhin, sur la section du fleuve qui constitue la frontière entre les deux pays. Longue de 182 kilomètres et s'étendant de Bâle, au sud, à Lauterbourg, au nord, cette partie du fleuve est sous l'autorité du service fédéral allemand de la navigation, et de la police fluviale du Bad-Wurtemberg 1 ( * ) , pour l'Allemagne, et de la Compagnie fluviale de gendarmerie du Rhin, pour la France. Leurs effectifs respectifs sont les suivants :

Allemagne :

Police fluviale du Bad-Wurtemberg :

- 25 policiers basés à Mannheim

- 110 policiers répartis en 6 postes sur le Rhin

- 7 vedettes, 14 véhicules marins légers, 18 véhicules terrestres

France

Compagnie fluviale de gendarmerie du Rhin

- 3 brigades territoriales, soit 32 gendarmes, dont 10 plongeurs

- 3 vedettes (1 par brigade) de 17 mètres, pouvant accueillir jusqu'à 8 hommes.

B. UN CONTRÔLE SANS « FRONTIÈRE »

L'accord permet aux autorités de police fluviale des deux pays d'intervenir sur toute la largeur du secteur franco-allemand du Rhin , alors que leur frontière physique passe au milieu du fleuve, et est déterminée par l'axe du talweg 2 ( * ) . Il faut souligner que cette ligne, qui est déterminée par sondages indiquant les zones des plus grandes profondeurs, n'est évidemment pas matérialisée et, de surcroît, est mouvante, notamment en raison des effets de la canalisation d'une partie du Rhin.

On comprend, dans ces conditions, l'intérêt que présente pour les services de police fluviale des deux pays de ne plus avoir à résoudre le problème, toujours évolutif, de l'identification précise du lieu de commission des infractions à la réglementation.

Bien que la procédure formelle de ratification de l'accord n'ait pas encore été achevée ni en Allemagne, ni en France, la coopération entre les deux polices est déjà entrée dans les faits sans difficulté, puisqu'elle s'opère à leur bénéfice mutuel.

Il faut cependant relever que cette coopération s'opère sur le secteur franco-allemand du Rhin proprement dit, ce qui en exclut les missions sur les rives, les canaux de dérivation et les bras du fleuve.

L'accord détermine le droit aux infractions commises : seules celles touchant aux prescriptions concernant la navigation relèvent du droit de l'Etat dont les services l'ont constatée.

Les autres infractions relèvent du droit du pays où elles ont été commises.

Les infractions aux règles de navigation ont d'ailleurs décrû ces dernières années, d'après les chiffres communiqués par le ministère de la Défense :

1997 : 1001

1998 : 843

1999 : 748

2000 : 690

Pour ces mêmes années, les accidents de navigation et atteintes à l'environnement s'accroissent, en revanche :

accidents de navigation

atteintes à l'environnement

1997

53

189

1998

62

156

1999

66

248

2000

68

215

L'accord précise également les éléments de responsabilité et de réparation des dommages causés par un agent dans l'exercice de sa mission de police (art. 10 et 11), ainsi que les éléments du pouvoir de contrôle accordé aux forces de police fluviale (art. 7) : possibilité de monter à bord de tout bateau, mais avec l'évocation d'un « danger grave » pour ceux tenant lieu d'habitation.

Enfin, sous réserve de la possession d'une carte professionnelle, les agents se voient reconnu le droit de porter leur tenue et leur arme de service (art. 13).

CONCLUSION

Le Rhin constitue une importante voie de navigation qui détermine de surcroît la frontière entre la France et l'Allemagne sur une longueur de 182 kilomètres. Pour coordonner leurs actions sur ce large secteur, les polices fluviales des deux pays coopèrent depuis de longues années. Le présent accord renforce ces modalités de travail en commun, en permettant aux deux polices d'intervenir sur toute la largeur du fleuve, sans tenir compte du tracé, théorique et de surcroît, mouvant, de la ligne frontalière.

Ces possibilités nouvelles sont strictement encadrées pour que ces nouvelles possibilités d'intervention conférées aux deux polices fluviales n'entrent pas en conflit avec les libertés publiques. Ce texte est donc particulièrement opportun, alors que le transport par voie fluviale est encouragé comme une alternative économiquement viable au transport routier.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission a examiné le présent rapport lors de sa séance du 13 mars 2002.

A la suite de l'exposé du rapporteur, et après avoir précisé que l'accord était conclu sans limitation de durée, mais avec une possibilité de dénonciation par écrit avec un préavis de six mois, la commission a émis un avis favorable à l'adoption du projet de loi .

PROJET DE LOI

(Texte proposé par le Gouvernement)

Article unique

Est autorisée l'approbation d'un accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne relatif à la coopération dans l'exercice des missions de police de la navigation sur le secteur franco-allemand du Rhin, signé à Vittel le 10 novembre 2000, et dont le texte est annexé à la présente loi 3 ( * ) .

ANNEXE -
ÉTUDE D'IMPACT4 ( * )

- Etat de droit et situation de fait existants et leurs insuffisances

En 1815, les Actes du Congrès de Vienne ont consacré l'égalité de traitement de tous les pavillons riverains, ainsi que la liberté du commerce et de la navigation. Ils ont créé la Commission centrale de navigation sur le Rhin chargée entre autres missions, d'assurer l'harmonisation de la réglementation applicable sur le fleuve et d'en contrôler le respect.

L'accord du 10 novembre 2000 s'inscrit également dans le prolongement de l'Acte de Mannheim du 17 octobre 1868, qui constitue le fondement du régime international du Rhin. Cet acte a été amendé en 1963 afin d'introduire de nouvelles conditions d'exercice des attributions judiciaires de la Commission centrale pour la navigation sur le Rhin. Un Protocole additionnel a également été établi le 17 octobre 1979 pour réglementer la liberté de circulation sur le Rhin.

Enfin, l'Accord relatif à la coopération dans l'exercice des missions de police de la navigation sur le secteur franco-allemand du Rhin prend en considération la Convention d'application de l'Accord de Schengen du 19 juin 1990 et il est conforme au titre II, concernant la coopération directe, de l'Accord de Mondorf signé le 9 octobre 1997 entre la France et l'Allemagne.

Sur le Rhin, la limite de la souveraineté nationale est notamment constituée par l'axe du Talweg, ligne ininterrompue des plus grandes profondeurs déterminées par sondage. Or cette ligne est mouvante en raison des effets de la canalisation d'une partie du fleuve. En étendant la capacité opérationnelle des services français et allemands compétents sur le Rhin, cet accord permet de résoudre le problème de l'identification précise du lieu de commission des infractions à la réglementation. Elles pourront désormais être constatées par les services compétents français ou allemands sur toute la largeur du secteur franco-allemand du Rhin. La sécurité juridique est ainsi renforcée.

- Bénéfices escomptés en matière

* d'emploi

Il ne peut être attendu d'impact sur l'emploi, l'Accord n'ayant pour résultat que d'organiser la coopération entre deux services déjà existants, du côté français le service de la navigation, sous l'autorité du ministère chargé des transports, et la compagnie de gendarmerie fluviale du Rhin..

* d'intérêt général

Cet accord facilitera la coopération bilatérale dans l'exercice des missions de police de la navigation et de police judiciaire, au bénéfice de l'intérêt et de l'ordre public, du sauvetage ou du secours sur le fleuve.

* financière

Les frais d'activité et de fonctionnement des services responsables de la police de la navigation, ainsi que les frais relatifs aux opérations d'assistance et de secours des personnes se trouvant en danger sur le secteur concerné, restent à la charge des parties contractantes en vertu de l'article 9 de l'Accord. Cependant, les moyens en personnels et en matériels nécessaires à la mise en oeuvre de cet accord étant en place depuis de nombreuses années, il n'entraînera aucune charge budgétaire nouvelle.

Par ailleurs l'article 10 de l'Accord spécifie que « chaque Partie contractante renonce à faire valoir auprès de l'autre Partie contractante le remboursement des dommages causés à son patrimoine (...) lorsqu'un agent de l'autre Partie contractante a provoqué ces dommages ». Cette renonciation ne saurait cependant constituer, pour l'Etat français, une charge financière immédiate et certaine.

* de simplification des formalités administratives

L'Accord n'entraîne pas de formalité administrative nouvelle puisque les forces de police compétentes sur la largeur du Rhin continueront d'appliquer la réglementation existante. De plus, en étendant la compétence des autorités françaises et allemandes sur toute la largeur du flezuve, cet accord interdit aux contrevenants toute contestation quant au lieu de l'infraction quant à la compétence territoriale du service les verbalisant.

* de complexité de l'ordonnancement juridique

Cet accord complète l'ordonnancement juridique lié au statut du Rhin, en particulier sur le volet de la coopération policière, tout en l'adaptant aux dispositions de la convention d'application de l'accord de Schengen et de l'accord de Mondorf.

* 1 le service fédéral de la navigation établit la législation à appliquer, et la police fluviale relevant du Land de Bad-Wurtemberg en constitue l'élément opérationnel

* 2 mot allemand, de « Thal » : vallée, et « Weg » : chemin ; ligne de fond d'une vallée et, en l'occurrence, d'un cours d'eau

* 3 Voir le texte annexé au document Sénat n° 167 (2001-2002)

* 4 Texte transmis par le Gouvernement pour l'information des parlementaires

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