III. LES ENJEUX ÉCONOMIQUES ET LES RISQUES INDUITS PAR LA RÉFORME

A. UNE ARGUMENTATION DISCUTABLE

Les contributions des principaux acteurs français de la branche automobile ont montré qu'aucun de ces derniers n'était demandeur d'une réforme aussi brutale. Votre rapporteur a eu l'occasion de constater, que les organisations auditionnées et consultées émettaient des avis nuancés par rapport à ce projet, qu'il s'agisse des représentants des constructeurs, des concessionnaires, des automobiles-club, des syndicats de salariés ou, dans une moindre mesure, des représentants des consommateurs français.

1. La concurrence est déjà forte

En effet, les acteurs économiques, tout comme la Commission européenne, s'accordent pour dire que le secteur automobile est déjà très fortement concurrentiel. Les marges des constructeurs ou des distributeurs sont faibles et la concurrence avec les industries japonaise et américaine est vive. Selon Jean-Martin Folz, Président de Peugeot S.A., la concurrence sur le marché de l'automobile est « totale et sans merci » .

2. Les différences de prix s'expliquent par d'autres facteurs que l'absence de concurrence

Comme cela a été mentionné précédemment, la Commission est sensible au fait que les écarts de prix pour le même véhicule puissent, selon les pays de l'Union, varier dans des proportions importantes. Elle prétend donc, en stimulant la concurrence, favoriser l'harmonisation des prix des voitures neuves.

Néanmoins, de tels écarts ne s'expliquent pas à l'évidence par une insuffisance de concurrence. D'une part, les constructeurs peuvent jouer de ces différences de prix comme d'un élément de politique commerciale . N'est-il pas classique qu'un industriel qui souhaite s'installer hors de son pays d'origine accepte des marges bénéficiaires plus faibles afin de conquérir des parts de marché ?

Par ailleurs, les différences de prix sont pour beaucoup liées à des écarts de taxation . Une étude du Centre d'études prospectives et d'informations internationales (CEPII) de mai 2000 démontre que la fiscalité est un facteur important de dispersion des prix TTC et hors taxes. Cette étude démontre que cette dispersion serait liée au régime de TVA applicable au secteur de l'automobile car la TVA est acquittée dans le pays de résidence de l'acheteur du véhicule.

Ainsi, les prix hors taxes des voitures dans un pays comme le Danemark, où les taxes écologiques alourdissent particulièrement les prix TTC, sont plus faibles afin que les consommateurs ne soient pas trop pénalisés.

Il est de toute façon permis de penser que ces écarts se réduiront à l'avenir dans la mesure où l'euro facilitera les comparaisons de prix et que le développement d'Internet permettra aux consommateurs d'être informés très facilement des prix pratiqués dans les autres pays de l'Union européenne.

L'objectif poursuivi par la Commission, créer un marché unique de l'automobile, pourrait donc être plus directement satisfait par une harmonisation fiscale à l'échelle de l'Union. Celle-ci semblant aujourd'hui complexe à envisager, le projet de règlement apparaît, par maints aspects, un palliatif lourd de risques économiques .

D'autre part, même si les écarts de prix peuvent être importants d'un pays à l'autre, les indices de prix indiquent que le prix des voitures a augmenté moins vite, de janvier 1996 à décembre 2000, que l'indice des prix à la consommation. En Europe, les prix réels des automobiles auraient donc diminué de 7,1% sur cette même période .

Ces baisses de prix ne sont que la partie visible des gains que peuvent réaliser les consommateurs. En effet, les voitures intègrent des innovations technologiques toujours plus sophistiquées sans que ces améliorations techniques soient répercutées sur les prix. Il convient à cet égard de souligner, comme le rappelle la Fédération des Industries des Equipements pour Véhicules, qu'une grande partie des investissements en recherche et développement est réalisée par les équipementiers, qui sont de ce fait à la source de ces innovations techniques.

Enfin, votre rapporteur tient à préciser qu'une étude, commandée par la Commission européenne à la banque Lehman Brothers, montre que sur une sélection de 53 produits et services homogènes, la moyenne des écarts de prix est plus resserrée dans l'automobile que dans d'autres secteurs comme l'électroménager par exemple.

On peut donc se demander si l'approche globale de cette réforme n'est pas guidée par une conception quelque peu extrémiste du rôle que peut jouer la concurrence. De fait, le dispositif de la Commission est fortement soutenu par les consommateurs britanniques et leurs représentants, qui sont confrontés à des prix des véhicules élevés. Or, ces écarts s'expliquent, là encore, non par une insuffisante concurrence, mais par les fluctuations de change de la livre sterling et par l'importance des achats groupés de voitures dans ce pays, qui conduit les constructeurs à accorder des rabais à ces achats groupés au détriment des ventes de détail.

En bref, la Commission européenne ne recourt-elle pas à un « marteau-pilon » réglementaire pour infléchir un système dont les insuffisances pourraient être corrigées plus efficacement par d'autres moyens ?

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