B. LA POSITION DES PAYS PRODUCTEURS D'ÉNERGIE NUCLÉAIRE FACE À LA QUESTION DE LA RÉPARATION DES DOMMAGES

L' accident de Tchernobyl , en avril 1986, a provoqué une prise de conscience aiguë de l'importance des questions de responsabilité civile en matière nucléaire, en raison de la gravité des dommages provoqués non seulement sur le territoire soviétique, mais également hors des frontières, dans de nombreux pays européens, mais aussi parce que l'Union soviétique a décliné toute responsabilité pour ces dommages au motif qu'elle n'était partie à aucune des conventions internationales existantes.

En effet, en 1986, 24 Etats seulement adhéraient à un régime international de responsabilité civile en matière nucléaire , dont 14 au titre de la convention de Paris de l'OCDE et 10 au titre de la convention de Vienne. A l'exception de la Yougoslavie, les pays d'Europe centrale et orientale n'étaient liés à aucune de ces deux conventions, pas plus que l'Union soviétique.

Depuis lors, le champ d'application géographique des deux conventions s'est étendu à 23 nouveaux Etats , en particulier les pays d'Europe centrale et orientale, les pays issus de l'ex-URSS et des pays d'Amérique latine comme le Brésil ou le Chili.

Le tableau présenté ci-après illustre l'état actuel des signatures et des ratifications des conventions de Vienne et de Paris.

On observe qu'un nombre important de pays disposant d'une industrie nucléaire ont ratifié l'une ou l'autre de ces conventions . C'est en particulier le cas de la France, du Royaume-Uni, de l'Allemagne, de l'Ukraine, de la Suède, de l'Espagne ou encore de la Belgique, de la Bulgarie, de la République tchèque, de la Slovaquie ou de la Hongrie.

La France est partie à la convention de Paris et a signé, mais non ratifié, le protocole commun aux conventions de Paris et de Vienne. La responsabilité des dommages nucléaires est régie par la loi du 30 octobre 1968 relative à la responsabilité civile dans le domaine de l'énergie nucléaire, modifiée par la loi du 16 juin 1990. Cette législation se conforme au principe de responsabilité objective et exclusive de l'exploitant, y compris en cas de transport de substances nucléaires provenant de ses installations. L'exploitant indemnise les dommages jusqu'à concurrence de 91,5 millions d'euros (600 millions de francs), les dédommagements supplémentaires éventuels étant à la charge de toutes les parties à la convention de Bruxelles de 1963, à concurrence de 381 millions d'euros (2,5 milliards de francs).

PAYS PARTICIPANT À UN RÉGIME INTERNATIONAL

DE RESPONSABILITÉ CIVILE EN MATIÈRE NUCLÉAIRE

P : Etat partie S : Etat signataire

PAYS

Convention de Paris (OCDE)

Convention de Vienne (AIEA)

Protocole commun

Allemagne

P

P

Argentine

P

S

Arménie

P

Autriche

S

Bélarus

P

Belgique

P

S

Bolivie

P

Bosnie Herzégovine

P

Brésil

P

Bulgarie

P

P

Cameroun

P

P

Chili

P

P

Colombie

S

Croatie

P

P

Cuba

P

Danemark

P

P

Egypte

P

P

Espagne

P

S

S

Estonie

P

P

Fédération de Russie

S

Finlande

P

P

France

P

S

Grèce

P

P

Hongrie

P

P

Israël

S

Italie

P

P

Macédoine

P

Lettonie

P

P

Liban

P

Lituanie

P

P

Luxembourg

S

Maroc

S

S

Mexique

P

Moldavie

P

Niger

P

Norvège

P

P

Pays-Bas

P

P

Pérou

P

Philippines

P

S

Pologne

P

P

Portugal

P

S

République tchèque

P

Roumanie

P

P

Royaume-Uni

P

S

S

Saint Vincent

P

P

Slovaquie

P

P

Slovénie

P

P

P

Suède

P

P

Suisse

S

S

Trinité et Tobago

P

Turquie

P

S

Ukraine

P

P

Uruguay

P

Yougoslavie

P

D'autres pays producteurs d'énergie nucléaire ne sont parties à aucune de ces conventions . C'est le cas des Etats-Unis, premier producteur mondial, mais également du Japon, de la Russie, de la Corée du sud ou du Canada.

Les Etats-Unis disposent de longue date d'une législation nationale sur la responsabilité civile en matière de dommages nucléaires, avec le Price-Anderson Act de 1957, largement amendé depuis lors. Ils n'ont pas adhéré aux conventions de Paris et Vienne, les effets d'éventuels accidents nucléaires pouvant les concerner se limitant au continent nord-américain, compte tenu de l'implantation géographique des installations nucléaires. Aussi ont-ils conclu en 1976 un accord bilatéral relatif aux règles sur la responsabilité nucléaire avec le Canada , qui dispose lui aussi d'une législation nationale et n'a pas adhéré, pour des raisons identiques, aux régimes multilatéraux. D'autres accords bilatéraux ont été conclu par les Etats-Unis, notamment avec la Russie, pour couvrir les activités menées en coopération internationale.

Le Japon , qui n'adhère à aucun des deux régimes internationaux, dispose lui aussi depuis 1961 d'une législation nationale sur la réparation des dommages nucléaires. Cette législation ne comporte pas de restriction quant à son champ d'application géographique. Elle se fonde sur des principes analogues à ceux des conventions de Paris et de Vienne et retient en particulier la responsabilité objective et exclusive de l'exploitant.

La Suisse a signé dès l'origine la convention de Paris, mais ne l'a jamais ratifiée. Elle s'est dotée en 1983 d'une législation nationale reprenant les principes de cette convention et y apportant à certains égards des améliorations. Cette législation couvre notamment les dommages subis en Suisse mais consécutifs à des accidents nucléaires survenus à l'étranger, lorsque la victime ne peut obtenir, dans le pays responsable, une réparation équivalente. En application de cette loi, l'Etat suisse a assuré l'indemnisation de dommages causés par l'accident de Tchernobyl.

La Russie , pour sa part, a subi au cours de la dernière décennie d'intenses pressions pour adhérer à la convention de Vienne. Ce fut en particulier le cas en 1995 lors du sommet spécial du G7 tenu à Moscou et consacré à la sûreté nucléaire. La Russie a finalement signé la convention de Vienne le 9 mai 1996 mais ne l'a toujours pas ratifiée , en raison, semble-t-il, de fortes réticences face au montant de l'engagement financier impliqué par cette convention en cas d'accident. La Russie marque sa préférence pour une législation purement nationale qui n'a toutefois pas encore été mise au point.

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