CHAPITRE CINQ

L'INDISPENSABLE RELANCE DE LA RÉFORME DE L'ÉTAT

La réforme de l'Etat est indispensable à la maîtrise budgétaire, mais elle n'est pas que cela. Elle vise plus largement à satisfaire les attentes légitimes du citoyen, qui n'est pas réductible à un contribuable.

Trente années de discours sur la réforme de l'Etat n'auront pas été vains, et l'on peut affirmer qu'elle est entamée ; sur certains plans, en particulier celui des relations entre les services publics et les usagers, la réforme de l'Etat paraît même bien engagée.

En revanche, sur le plan de la gestion publique et des structures administratives, le retard de la France s'est accentué sous la précédente législature.

La réforme de l'Etat à l'étranger : des enseignements à tirer pour la France

Au cours de l'année 2001, votre rapporteur spécial a effectué une étude comparative sur la réforme de l'Etat dans 21 pays étrangers d'un niveau de développement comparable à celui de la France 37 ( * ) . La quasi-totalité des exemples étrangers montre l'existence d'une nette corrélation entre la réforme de l'Etat et la réduction de son format .

La réforme de l'Etat apparaît, dans de très nombreux pays, comme une nécessité faisant consensus. Elle a été le plus souvent soutenue, tant par l'opinion publique que par les grandes formations politiques et organisations syndicales , sans regain de conflits sociaux particuliers, et au-delà des alternances politiques.

La première orientation de la réforme de l'Etat concerne la modernisation de la gestion publique, qui vise à apprécier les résultats obtenus par les administrations et services publics. Si l'état d'avancement de ces réformes varie selon les pays, la tendance est la même : attention portée aux résultats plus qu'aux moyens, introduction de nouvelles méthodes comptables, adoption de méthodes proches de celles existant dans le secteur privé.

Le deuxième volet est relatif aux réformes concernant la fonction publique : gestion des ressources humaines dynamisée, assouplissement des dispositions statutaires, voire alignement sur le droit du travail, plus grandes possibilités de rémunération au mérite, sensibilisation des fonctionnaires aux résultats de l'administration par la responsabilisation et la recherche de l'efficacité.

Le troisième axe de la réforme de l'Etat concerne la simplification et la modernisation des structures administratives : systèmes administratifs reposant sur des agences, souvent puissantes et gérées comme des entreprises privées, amélioration de la qualité du service rendu, intérêt porté à la satisfaction des usagers-clients, réforme des administrations centrales, simplification des démarches administratives, développement de l'administration électronique.

Toutefois, la réforme budgétaire qu'impliquera la pleine application de la loi organique relative aux lois de finances du 1 er août 2001, jointe à la nécessité désormais impérieuse de contenir l'évolution des charges de fonction publique, incitent à un « saut qualitatif » en matière de réforme de l'Etat. Le gouvernement est bien décidé à provoquer cette avancée.

I. LA RÉFORME DE L'ÉTAT EST EN CHANTIER

La réforme de l'Etat a suivi trois axes.

A. LA MODERNISATION DE LA GESTION PUBLIQUE : DE LA RECHERCHE DE L'ÉCONOMIE À CELLE DE L'« EFFICIENCE »

Le souci d'économie n'est pas nouveau dans l'administration 38 ( * ). Ce qui l'est davantage, c'est l'attention portée à l'efficacité sociale de l'action administrative au regard des moyens mis en oeuvre : c'est l'« efficience ».

Ainsi, depuis 1994, des indicateurs 39 ( * ) figurant en annexe des « bleus » au niveau des agrégats, donnent le coût et les objectifs de certaines composantes des actions ministérielles (au final, ces indicateurs de résultat sont encore très incomplets). Les comptes-rendus de gestion budgétaire 40 ( * ) ont été instaurés en 1999. Les rapports d'activité ministériels (RAM) ont été étendus, à compter de 2001, à tous les ministères.

Dans le même esprit, une circulaire du Premier ministre, en date du 28 décembre 1998, avait mis en place une méthode d'évaluation des politiques publiques. La circulaire du 28 décembre 2000 a confié l'animation des évaluations à une nouvelle instance, le Conseil national des évaluations (CNE). A ce jour, douze évaluations sont en cours et trois sont achevées, qui portent respectivement sur la préservation de la ressource en eau, les emplois jeunes, et les dispositifs d'aide à l'emploi dans le secteur non marchand. Avec la mise en place de la loi organique relative aux lois de finances, l'évaluation des politiques publiques devra être intégrée à la procédure budgétaire.

Au final, ces innovations n'ont pas encore permis d'acclimater une logique de résultat dans l'administration, et elles revêtent un caractère largement emblématique.

Il convient également d'évoquer les « contrats objectifs-moyens », qui sont déjà présents à la direction générale des impôts et à la direction des relations économiques extérieures, dont l'instauration est aujourd'hui envisagée au sein du ministère de la justice. L'objet de ces conventions est de mettre à l'abri de toute régulation budgétaire les crédits de ces directions, en contrepartie d'objectifs à respecter.

Par ailleurs, la modernisation a pris une dimension territoriale. Ainsi, la loi d'orientation du 6 février 1992 sur l'administration territoriale de la République a défini une nouvelle répartition des missions de l'Etat entre administration centrale et services déconcentrés fondée sur le principe selon lequel les services déconcentrés constituent l'échelon de droit commun d'exercice des missions de l'Etat. Les actions de déconcentration se sont inscrites, depuis 1998, dans le cadre de programmes pluriannuels de modernisation (PPM) élaborés par chaque administration, d'une durée de trois à cinq ans. D'abord, il s'est agi de la déconcentration des recrutements (facilitée par la loi du 3 janvier 2001 - infra ), qui doit permettre de puiser dans les réservoirs locaux d'emplois, et de répondre le plus exactement possible aux besoins. Ensuite, la déconcentration de la gestion de certains personnels a été entreprise, donnant lieu à une dizaine de décrets publiés au cours de l'année 2001. Enfin, la déconcentration du dialogue social, encouragée par le CIRE 41 ( * ) du 12 octobre 2000, doit en particulier aboutir à l'achèvement fin 2002 de la mise en place de commissions locales interministérielles de coordination.

* 37 Rapport n° 348 ; 2000-2001.

* 38 Quand il n'est pas spontané, les missions d'inspection y participent indirectement par le contrôle de la conformité administrative ou technique, et la proposition de mesures de redressement.

* 39 Les projets annuels de performance (PAP), prévus par la loi organique relative aux lois de finances du 1 er août 2001, se situeront dans la lignée de ces indicateurs.

* 40 Les rapports annuels de performance (RAP), prévus par la loi organique relative aux lois de finances du 1 er août 2001, se situeront dans la lignée des comptes-rendus de gestion budgétaire.

* 41 Comité interministériel pour la réforme de l'Etat

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