B. LA QUALITÉ MICROBIOLOGIQUE DE L'EAU


Quelques précisions de vocabulaire
Risque infectieux, risque toxique,
risque microbiologique, risque bactérien...

On appelle risque infectieux, le risque microbiologique, lié aux bactéries, parasites et virus. Ce risque s'oppose au risque toxique, lié aux polluants minéraux (métaux lourds) ou organiques (pesticides...).

On assimile à tort qualité microbiologique et qualité bactérienne car les bactéries ne sont qu'un des éléments de la microbiologie qui comprend aussi l'analyse des parasites et des virus.

Bactéries : première forme de vie cellulaire et premiers organismes vivants apparus sur la Terre. Les bactéries n'appartiennent ni au règne animal ni au règne végétal. Elles se reproduisent par scissiparité, c'est-à-dire par division des cellules. Elles sont présentes partout, parfois dans des conditions extrêmes, et se trouvent donc dans l'air, la terre, le corps et dans l'eau.

Les bactéries se présentent par famille notamment selon leurs conditions de développement (bactéries aérobies ou anaérobies, c'est-à-dire qui vivent avec ou sans oxygène) ou leur taille. Les principales bactéries se présentent sous forme de bâtonnet (les bacilles) ou spiralée (les vibrions).

Sur les millions de bactéries, certaines peuvent être pathogènes, c'est-à-dire avoir un effet négatif sur la santé. Le bacille du choléra, la salmonelle ... , sont les bactéries pathogènes véhiculées par l'eau les plus connues.

Parasites : C'est un agent unicellulaire du règne animal qui vit aux dépens de son hôte, végétal ou animal. La définition courante englobe la plupart des agents infectieux. Parmi les parasites présents dans l'eau, se trouvent les protozoaires.

Virus : Les virus sont les plus petits parasites et sont les derniers agents infectieux découverts. Leur taille, 10 à 100 fois moins importante que celle des bactéries, n'est pas étrangère à ce retard. Tandis que les bactéries vivent de façon autonome, les virus ne sont pas capables de vivre seuls. Dans l'environnement le virus survit sous une forme inerte, « le virion ». Le virus se développe quand il a trouvé son hôte (animal, végétal, bactérie...).

1. La situation actuelle - la surveillance du risque bactérien

a) Le risque bactérien

§ Le risque bactérien d'origine hydrique a été historiquement le plus grave et le plus fréquent. En Europe, au 19 ème siècle, plusieurs épidémies mortelles ont été transmises par l'eau (typhoïde, choléra). L'eau est un milieu favorable au développement des bactéries et des parasites. Les déjections animales ou les rejets des matières fécales d'origine humaine ont été les principales sources de contamination bactérienne de l'eau. Ce risque a été considérablement réduit par la mise en place de procédés de désinfection des eaux et des installations de traitement des eaux usées, mais il n'a pas disparu. L'eau reste aujourd'hui à l'origine de la mort de 3 à 10 millions de personnes dans le monde, contaminées par des bactéries d'origine hydrique.

Le contrôle de la qualité microbiologique de l'eau repose sur la recherche d'indicateurs de contamination fécale, qui est la contamination bactérienne la plus répandue. Elle peut être aisément suivie par la présence d'une bactérie témoin : l' escherichia coli , ou E. coli , germe habituel de la flore intestinale des animaux et des hommes, qui se répand dans les matières fécales. La présence d' E coli dans l'eau révèle une contamination fécale.

§ Les contaminations de ce type se traduisent par des diarrhées, ou des gastro-entérites (diarrhées+vomissements+fièvre) plus ou moins graves, mais susceptibles d'engager le pronostic vital pour les personnes les plus fragiles.

§ Selon une estimation de l'Institut de veille sanitaire, des eaux non conformes à la réglementation pourraient être la cause de 10 à 30 % du total de gastro-entérites aiguës observées dans les secteurs desservis par ces eaux.

b) Les voies de contaminations

Les contaminations de ce type, quoique rares, restent toujours possibles.

Le cas le plus fréquent est celui d'une mise en contact accidentelle d'eaux usées et de l'eau destinée à la distribution. Ce phénomène arrive plus souvent qu'on ne le croit habituellement. Une épidémie au Canada (suivie de 400 intoxications et 5 cas mortels) avait été provoquée par une inondation qui avait fait déborder des égouts et souillé le réservoir d'eau potable de la ville, diffusant alors des bactéries de contamination fécale. Une autre situation classique consiste à relier, par erreur, les installations de distribution d'eau et les installations de traitement d'eaux usées ou au réseau d'eau non potable. Le lien est normalement interdit, mais il peut arriver que l'eau potable soit utilisée pour laver les installations d'épuration et que, par différence de pression, les eaux usées remontent jusqu'aux eaux de distribution.

Les maires doivent être très vigilants sur ce point et s'assurer qu'en cas de proximité entre les deux installations, il n'existe aucun lien physique, aucune conduite entre les deux circuits (d'éventuelles vannes destinées à éviter les remontées d'eau usées pouvant être hors d'usage ou inefficaces).

§ Une autre situation à risque est liée aux remises en service de canalisations, après arrêt de plusieurs semaines Les eaux stagnantes constituent un milieu favorable au développement de films bactériens propices aux contaminations (cas d'une contamination bactérienne des eaux distribuées à Strasbourg en 2000).

Sans nier l'importance ni surtout la gravité des contaminations bactériennes d'origine hydrique, il faut néanmoins observer que le principal vecteur de contamination reste le manque d'hygiène. Selon une publication de Médic'eau (dossiers thématiques réalisés à l'initiative du Centre d'information sur l'eau), 4 % des personnes ont des Escherichia coli sur les mains avant d'aller aux toilettes et 25 % de sujets sont porteurs de ce germe en sortant... Après lavage des mains, le taux d' Escherichia coli devient insignifiant. L'hygiène reste le premier moyen de prévention contre les contaminations bactériennes.

c) Les contrôles de qualité

Parmi les critères de qualité de l'eau distribuée, le paramètre bactériologique mérite la plus grande vigilance car il reflète le risque immédiat pour la santé du consommateur. La réglementation impose la recherche d'indicateurs de contamination fécale cultivables l' Escherichia coli et les entérocoques . Selon la réglementation, l'eau distribuée ne doit comporter aucun de ces deux types de bactérie dans 100 ml d'eau. Ces contrôles sont réalisés par les DDASS .

Les critères et les seuils sont différents pour les eaux brutes destinées à la production d'eau destinée à la consommation humaine. D'une part, il existe un paramètre supplémentaire : les coliformes fécaux qui sont des bactéries spécifiques d'origine fécale, qui apparaissent en grandes quantités dans les déjections humaines ou animales. D'autre part, il n'y a pas de valeur limite impérative pour les eaux brutes, mais seulement des valeurs guides fixées à 10.000 entérocoques, 20.000 E. coli , et 50.000 coliformes fécaux par 100 ml d'eau.

Malgré cette importance majeure pour la santé, plusieurs millions de personnes sont confrontées à des contaminations bactériologiques d'origine hydrique de façon plus ou moins régulière.

Le risque d'exposition à des eaux non conformes sur le plan bactériologique est sans commune mesure avec le risque d'exposition à des eaux non conformes sur les critères nitrates et pesticides. Il n'y pas de moyenne nationale tant les situations varient selon les régions, mais on peut estimer que globalement la population concernée par le risque bactériologique est au minimum cinq fois plus nombreuse que la population concernée par les excès des nitrates et pesticides. En Adour Garonne par exemple, 1,3 million de personnes ont été confrontées au risque bactériologique contre 60.000 personnes seulement au risque nitrate et 170.000 au risque pesticide.

La situation est cependant très inégale selon les régions et le type de l'habitat. Selon les statistiques de la DDASS dans la région Rhône Méditerranée Corse, le taux de non conformité des unités de distribution serait de 5 % pour les communes supérieures à 5.000 habitants, 30 % pour les communes inférieures à 5.000 habitants. La population desservie par des unités de distribution inférieures à 500 habitants serait particulièrement touchée. Selon une étude sur la qualité bactériologique des eaux en Corse en 1995, sur les 360 communes de l'Ile, moins de 20 % distribuaient une eau de bonne qualité bactériologique, tandis que 28 % distribuaient une eau avec un taux de non conformité supérieure à ... 60 % ! Au total, 27 % de la population de l'Ile, soit 70.000 personnes, disposaient d'une eau de mauvaise qualité bactériologique. Dans quatre cas sur cinq, l'exploitation était en régie.

Le risque bactériologique est donc clairement un risque lié pour l'essentiel à la ruralité. Dans ces communes, l'absence ou l'inadaptation des traitements, l'insuffisance des investissements et de la connaissance des risques, le défaut d'entretien des exploitations, mais aussi le poids de l'habitude, voire une certaine nostalgie de l'eau de la fontaine du village, sont des facteurs de blocage et des facteurs de risque.

Beaucoup d'élus sont souvent ignorants des enjeux juridiques d'une telle situation. Ils sont en réalité extrêmement vulnérables et sont à la merci de n'importe quelle crise sanitaire et de n'importe quelle procédure contentieuse.

Les épidémies d'origine hydrique identifiées correspondent à environ 150 cas annuels dont deux épidémies de gastro entérite aiguë dont l'origine hydrique a été prouvée ou fortement suspectée (Strasbourg, Sète, Gourdon dans le Lot, Serre Chevallier). Mais il existe une très grande marge d'incertitude. Selon une estimation de l'Institut de veille sanitaire, moins de un cas d'origine hydrique pour 10.000 a été identifié comme tel, ce qui montre l'imperfection des systèmes de surveillance.

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