Jusqu'à ces dernières années la responsabilité de l'Etat n'était engagée que pour faute lourde. Les contentieux liés à la qualité de l'eau se sont beaucoup développés au cours des années récentes et marquent des évolutions profondes.


1. Le contentieux communautaire

Les contentieux communautaire dans le domaine de l'eau sont fondés sur le manquement des Etats à l'application des directives européennes. Ils prennent une place de plus en plus importante pour l'ensemble des Etats membres. En particulier pour la France.

- Qualité des eaux superficielles destinées à la production alimentaire. Sur requête de la Commission européenne, la Cour européenne de justice, dans un arrêt du 8 mars 2001, a déclaré que la France avait manqué à ses obligations résultant de la directive 75/44O/CEE du Conseil du 16 juin 1975 relative à la qualité des eaux superficielles destinées à la production d'eau alimentaire. La Cour a considéré que la France utilisait trop souvent des eaux de qualité insuffisante pour la production d'eau de consommation en Bretagne, que les mesures prises par la France avaient été tardives, restreintes et ne constituaient pas un véritable plan d'action.

- Directive nitrates d'origine agricole. Sur requête de la Commission européenne, la Cour de Justice européenne, dans un arrêt du 27 juin 2002, a déclaré que la France avait manqué à ses obligations résultant de la directive 91/676/CEE du Conseil, du 12 décembre 1996, concernant la protection des eaux contre la pollution par les nitrates d'origine agricole. Elle a considéré que la désignation des « zones vulnérables » par la France, n'était pas suffisante (défaut d'identification de la baie de Seine parmi les zones vulnérables, alors même que le fleuve serait à l'origine d'un déversement annuel de 100.000 tonnes d'azote, aux deux-tiers d'origine agricole, en Manche).

La Cour de Justice a constaté les mêmes manquements d'Etat aux obligations prévues par cette directive nitrates, pour l'Espagne (arrêt du 13 avril 2000), le Royaume-Uni (arrêt du 7 décembre 2000), le Luxembourg (arrêt du 8 mars 2001), l'Italie (arrêt du 8 novembre 2001), l'Allemagne (arrêt du 14 mars 2002). Une procédure est en cours (2002) à l'encontre des Pays-Bas.

- Directive eaux résiduaires urbaines. La Commission européenne a saisi la Cour de justice en novembre 2001 sur l'application de la directive 91/271/CEE concernant le traitement des eaux résiduaires urbaines. Elle a considéré que la désignation des zones sensibles était insuffisante et que les zones sensibles ne bénéficiaient pas de traitement des eaux assez rigoureux.

2. Le contentieux administratif

a) Les contentieux se sont fortement développés .

Le retentissement des condamnations de la France pour manquement aux directives européennes s'est traduit par des contentieux nationaux et une certaine appréhension des pouvoirs publics. De nombreuses dispositions relatives à la protection des eaux ne sont que très partiellement appliquées ce qui constitue un élément de grande vulnérabilité qui renvoie à la responsabilité des communes mais aussi de l'Etat.

Des contentieux sont redoutés que ce soit dans les projets d'infrastructures (le tracé du contournement autoroutier de Lille a été annulé parce qu'il traversait une zone de vulnérabilité des nappes - Jugement du T.A. de Lille, 19 avril 2000) ou pour inapplication des réglementations.

b) La jurisprudence a beaucoup évolué .

L'abandon du principe de responsabilité de l'Etat pour faute lourde est parfaitement illustré par le contentieux sur la qualité des eaux de Guingamp.

En 1995, le Tribunal d'Instance de Guingamp a condamné la Société Suez Lyonnaise des Eaux à verser une indemnité de 251.000 F à 176 abonnés d'un réseau de distribution d'eau potable, pour avoir distribué pendant 247 jours une eau contenant plus de 50 mg de nitrates par litre. La société s'est retournée contre l'Etat considérant que l'Etat avait fait preuve d'une carence fautive dans l'exercice de ses pouvoirs de police, que des contrôles des exploitations et la protection des eaux contre les nitrates d'origine agricole étaient insuffisants, et que la transposition de la directive nitrates avait été tardive.

Dans un jugement du 2 mai 2001, (soit quelques jours après l'arrêt de la CJCE sur la qualité des eaux) le Tribunal administratif de Rennes a suivi cet argumentaire et a condamné l'Etat à rembourser l'indemnité versée par la société et à lui verser 500.000F pour «préjudice moral et l'atteinte à l'image».

Dans ce dossier la jurisprudence ancienne qui ne reconnaissait la faute de l'Etat qu'en cas de faute lourde a clairement évolué vers une responsabilité pour faute simple, une responsabilité pour manquement, inspirées de la jurisprudence européenne. Il est à craindre que l'entrée en vigueur de la directive 2000/60/CE du 23 octobre 2000 donnant pour objectif aux Etats membres d'atteindre un bon état des eaux en 2015, n'entraîne de nouveaux contentieux.

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