Rapport n° 233 (2002-2003) de M. Gilbert CHABROUX , fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 2 avril 2003

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N° 233

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2002-2003

Annexe au procès-verbal de la séance du 2 avril 2003

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur la proposition de résolution (n° 202, 2002-2003) présentée au nom de la délégation pour l'Union européenne en application de l'article 73 bis du Règlement par M. Gilbert CHABROUX sur le texte (E 1902) modifiant les procédures d'autorisation de mise sur le marché pour les médicaments à usage humain et à usage vétérinaire ,

Par M. Gilbert CHABROUX,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Nicolas About, président ; MM. Alain Gournac, Louis Souvet, Gilbert Chabroux, Jean-Louis Lorrain, Roland Muzeau, Georges Mouly, vice-présidents ; M. Paul Blanc, Mmes Annick Bocandé, Claire-Lise Campion, M. Jean-Marc Juilhard, secrétaires ; MM. Henri d'Attilio, Gilbert Barbier, Joël Billard, Mme Brigitte Bout, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Jean Chérioux, Mme Michelle Demessine, M. Gérard Dériot, Mme Sylvie Desmarescaux, MM. Claude Domeizel, Michel Esneu, Jean-Claude Étienne, Guy Fischer, Jean-Pierre Fourcade, Serge Franchis, André Geoffroy, Francis Giraud, Jean-Pierre Godefroy, Mme Françoise Henneron, MM. Yves Krattinger, Philippe Labeyrie, Roger Lagorsse, André Lardeux, Dominique Larifla, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Mmes Valérie Létard, Nelly Olin, Anne-Marie Payet, M. André Pourny, Mme Gisèle Printz, MM. Henri de Raincourt, Gérard Roujas, Mmes Janine Rozier, Michèle San Vicente, MM. Bernard Seillier, André Vantomme, Alain Vasselle, Paul Vergès, André Vézinhet.

Voir le numéro :

Sénat : 202 (2002-2003)

Union européenne.

AVANT-PROPOS

Mesdames et Messieurs,

Le 5 mars 2003, conformément à l'article 73 bis du règlement du Sénat, la délégation pour l'Union européenne a conclu au dépôt d'une proposition de résolution sur trois textes soumis au Sénat, dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution :

- sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant des procédures communautaires pour l'autorisation, la surveillance et la pharmacovigilance en ce qui concerne les médicaments à usage humain et à usage vétérinaire et instituant une agence européenne pour l'évaluation des médicaments ;

- sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2001/83/CE instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain ;

- et sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2001/82/CE instituant un code communautaire relatif aux médicaments vétérinaires.

Cette proposition de résolution, présentée par votre rapporteur, a été adoptée à l'unanimité par la délégation pour l'Union européenne.

Il appartient à votre Commission de rapporter cette proposition de résolution afin qu'elle puisse devenir une résolution du Sénat, être transmise à ce titre au Gouvernement et être prise en considération dans la suite des discussions entre le conseil, le Parlement européen et la Commission européenne.

Cette transmission apparaît d'autant plus justifiée que la réforme relative aux conditions de mise sur le marché des médicaments devrait être inscrite à l'ordre du jour du conseil des ministres européens de la santé des 2 et 3 juin 2003, avant d'être à nouveau examinée en octobre 2003. L'ambition des autorités communautaires est de faire aboutir l'ensemble de cette réforme avant le 30 avril 2004.

L'exposé des motifs commun à la proposition de règlement et aux deux propositions de directives du Parlement européen et de la Commission, précise que les objectifs principaux de cette réforme de la politique du médicament visent à :

« - assurer un haut niveau de protection de la santé du citoyen européen, notamment par la mise à la disposition des patients, dans les meilleurs délais, de produits innovants et sûrs et par une surveillance accrue du marché grâce au renforcement des procédures de contrôle et de pharmacovigilance » ;

« - achever le marché intérieur des produits pharmaceutiques en tenant compte des enjeux de la globalisation notamment au travers de l'élaboration d'un cadre réglementaire et législatif favorisant la compétitivité de l'industrie européenne ;

« - répondre aux défis de l'élargissement futur de l'Union ;

« - rationaliser et simplifier autant que cela est possible le système et ainsi améliorer sa cohérence globale, sa visibilité et la transparence des procédures. »

Cette ambition est poursuivie à travers l'aménagement des procédures communautaires d'autorisation et de surveillance des médicaments, entrées en vigueur en 1995, dont le dispositif central est organisé autour des compétences dévolues à l'agence européenne pour l'évaluation des médicaments.

Les adaptations auxquelles la Commission européenne souhaite procéder ne remettent en cause, selon les termes de l'exposé des motifs, « ni les principes généraux, ni l'architecture de base de la procédure dite centralisée mise en place à l'origine ». Elles sont fondées sur la nécessaire prise en compte de l'expérience acquise entre 1995 et 2000, et sur les commentaires et les analyses des différentes parties concernées, qu'il s'agisse des autorités compétentes, des membres des industries pharmaceutiques, des associations professionnelles de médecins et de pharmaciens ou encore des associations de patients et de consommateurs. Ce recours à des évaluations régulières est une composante importante des politiques communautaires.

Ces évolutions n'affectent pas les compétences des Etats membres en matière de fixation des prix des médicaments, ni pour les procédures relatives à leur inclusion dans le champ d'application des systèmes nationaux d'assurance maladie.

Enfin, bien que cette réforme ne s'inscrive pas dans le cadre des mêmes discussions, il semble utile de rappeler à l'occasion de la présentation de cette proposition de résolution, l'adoption d'un nouveau programme d'action communautaire dans le domaine de la santé publique, pour la période 2003-2008 et de souligner l'existence d'un volet santé publique dans les débats de la convention européenne, composante du rapport présenté par le groupe de travail « Europe sociale ».

*

* *

Depuis 1995, la Commission européenne et les Etats membres de l'Union européenne ont mis en oeuvre de nouvelles procédures de mise sur le marché des médicaments. Au centre de ce dispositif, l'Agence européenne pour l'évaluation des médicaments poursuit plusieurs objectifs, parmi lesquels figurent la mise en commun des potentiels scientifiques des Etats membres en vue d'assurer un haut degré de protection de la santé publique et la libre circulation des produits pharmaceutiques. Dans le cadre de ces missions, l'Agence possède un pouvoir d'instruction des demandes d'autorisation de mise sur le marché des médicaments, appelée procédure centralisée.

La proposition de réforme présentée par la Commission européenne vise à « prendre en compte les effets d'une globalisation toujours accrue en matière scientifique, en particulier entre les trois grandes régions pharmaceutiques que sont l'Europe, l'Amérique du Nord et le Japon. La globalisation scientifique ne doit pas faire oublier son corollaire, la globalisation de certaines pratiques réglementaires et en particulier des critères scientifiques et techniques d'évaluation des médicaments. Cette dimension globale est sûrement un des principaux facteurs nouveaux à considérer par rapport au contexte existant lors de la conception du système communautaire actuellement en vigueur » 1 ( * ) .

La Commission européenne a donc proposé d'aménager les dispositifs mis en place depuis 1995 afin de donner à l'Agence européenne pour l'évaluation du médicament les moyens de faire face à ces évolutions par l'intermédiaire d'une réévaluation de ses missions et des moyens institutionnels et réglementaires mis à sa disposition. L'ensemble de la réforme doit favoriser le fonctionnement du marché unique dans le domaine pharmaceutique et le maintien d'un haut niveau de protection de la santé publique.

I. L'AMÉNAGEMENT DES MISSIONS ET DES STRUCTURES DE L'AGENCE EUROPÉENNE POUR L'ÉVALUATION DES MÉDICAMENTS

L' Agence européenne pour l'évaluation des médicaments a été instituée par le règlement CEE n° 2309/93 du Conseil du 22 juillet 1993.

Installée à Londres, l'Agence contribue par son action à la protection des consommateurs et à l'établissement d'un marché unique des médicaments humains et vétérinaires. Ces missions sont assumées au travers des procédures d'autorisation de vente des médicaments, de coordination de la surveillance des médicaments, ou pharmacovigilance, de contrôle et de respect des normes par des conseils aux professionnels

Sur la base des avis émis par l'Agence, la Commission européenne autorise la mise sur le marché des médicaments innovants ou ceux issus des biotechnologies.

Dans sa proposition, la Commission européenne souhaite renforcer le rôle de l'Agence en lui confiant des tâches supplémentaires allant au-delà de l'évaluation des médicaments.

La Commission européenne souhaite que l'Agence renforce et développe de manière systématique les conseils scientifiques aux entreprises lors des phases de recherche et de développement des nouveaux médicaments, en amont des procédures d'autorisation de mises sur le marché. L'objectif est de stimuler la recherche pharmaceutique européenne et de permettre aux patients de bénéficier plus rapidement de médicaments plus performants. La complexité des nouveaux domaines de recherche (pharmacogénomique, thérapie génique, thérapie cellulaire) et la présence dans ce secteur de nombreuses entreprises de taille moyenne rend essentielle, selon l'analyse des instances européennes, la mise en place d'un partenariat dynamique entre ces industries et l'autorité ayant la charge de l'évaluation des médicaments.

L'Agence pourrait également apporter son concours à la mise en oeuvre du plan communautaire relatif aux programmes d'usage compassionnel. L'usage compassionnel se définit dans ce cadre comme la mise à disposition avant autorisation mais sous des conditions précises, par une firme et sous sa responsabilité, d'un médicament à certains groupes de patients. Cette mise à disposition doit potentiellement laisser représenter un intérêt majeur en matière de survie, de qualité de vie ou d'amélioration du pronostic de la maladie des patients concernés.

A l'issue de cette réforme, l'Agence pourrait également se voir confier un rôle en matière de coopération scientifique internationale, notamment dans le cadre de discussions multilatérales en matière d'harmonisation technique.

Enfin la Commission européenne a souhaité insérer dans la réforme un article visant à prévenir ou résoudre les conflits potentiels entre les avis scientifiques de l'Agence et les avis scientifiques rendus par d'autres organismes scientifiques communautaires ou non, sur le modèle du dispositif prévu par le règlement de l'Autorité alimentaire européenne.

La redéfinition des missions confiées à l'Agence va dans le sens d'une plus grande intégration du marché unique européen du médicament, cet objectif s'accompagne d'un autre volet de modifications relatif aux structures administratives et scientifiques de l'Agence européenne pour l'évaluation du médicament. La Commission européenne souligne que ces modifications sont introduites en prévision du prochain élargissement et visent à adapter les structures en conséquence.

L'Agence européenne pour l'évaluation des médicaments est composée de quatre structures principales :

- le conseil d'administration ;

- deux comités scientifiques : le comité des spécialités pharmaceutiques (CSP), et le comité des médicaments vétérinaires (CMV) responsables de la préparation de l'avis de l'Agence sur les questions relatives à l'évaluation des médicaments à usage humain et à usage vétérinaire. Ces avis sont transmis à la Commission européenne qui prend la décision finale d'autorisation de mise sur le marché des médicaments évalués. Le CSP joue un rôle clé au sein de l'Agence ; il est responsable de l'évaluation scientifique des demandes centralisées d'autorisation de mise sur le marché, des demandes de reconnaissance mutuelle lorsque des divergences scientifiques apparaissent entre autorités nationales. Il intervient également dans le domaine de la pharmacovigilance. Il élabore des recommandations techniques et délivre des avis scientifiques aux industriels qui développent des médicaments novateurs. Pour formuler ses avis, le CSP est assisté de groupes de travail composés d'experts externes mis à sa disposition par les Etats membres de l'Union européenne (environ 2.000 au total). Le CSP délibère également sur les « rapports européens d'évaluation publique » (EPAR) accessibles au public et résumant l'évaluation scientifique des nouveaux médicaments autorisés par une procédure centralisée ;

- le secrétariat permanent chargé du soutien administratif et technique du Conseil, des comités scientifiques et de leurs groupes de travail.

En l'état, le conseil d'administration de l'Agence européenne pour l'évaluation des médicaments est composé de deux représentants de chaque Etat membre, de deux représentants désignés par le Parlement européen et de deux représentants de la Commission. La France y est représentée par le directeur général de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) pour les médicaments à usage humain et par celui de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) pour les médicaments à usage vétérinaire. Les travaux de l'Agence européenne pour l'évaluation des médicaments s'appuient sur les travaux des agences nationales ; l'instruction des dossiers est d'ailleurs confiée à tour de rôle à un État rapporteur. L'Agence européenne fonctionne donc plus comme un coordinateur que comme une véritable source d'expertise.

Dans sa proposition initiale, dont l'ambition est de maintenir la pertinence et l'efficacité de certaines modalités procédurales, et surtout la possibilité de conduire avec efficacité des prises de décision conçues initialement pour douze Etats membres, la Commission européenne proposait de faire évoluer la composition de cette instance selon la structure retenue lors de la création des dernières autorités en matière de produits alimentaires, de sécurité maritime et de sécurité aérienne.

Le conseil d'administration aurait ainsi été composé de quatre représentants nommés par le conseil des ministres, quatre nommés par la Commission, quatre nommés par le Parlement européen et quatre représentants des patients et de l'industrie désignés par la Commission.

Or, comme le souligne la proposition de résolution de la délégation du Sénat pour l'Union européenne :

« la cohérence voulue par la Commission ne se justifie guère puisque, en ce domaine, ses propositions n'ont pas été suivies par le conseil. Ainsi, le conseil d'administration de l'Agence européenne de sécurité des aliments est composé d'un représentant de la Commission et de quatorze autres membres désignés par le Conseil des ministres en consultation avec le Parlement européen à partir d'une liste établie par la Commission, qui comprend un nombre de candidats considérablement plus élevé que le nombre de membres à nommer. Le conseil d'administration de l'Agence européenne de sécurité maritime est, quant à lui, composé d'un représentant de chaque État membre et de quatre représentants de la Commission, ainsi que de quatre représentants des secteurs professionnels les plus concernés, nommés par la Commission et ne disposant pas du droit de vote .

« En effet, si la cohérence entre les différentes agences peut sembler satisfaisante intellectuellement, en pratique, les missions qui leur sont confiées ne sont pas du même ordre. Ainsi, l'Agence européenne du médicament a un rôle exécutif et non seulement consultatif, et il peut sembler important de conserver une représentation par État membre afin de créer un lien avec les politiques nationales de santé publique.

« Le Parlement européen a voté le 23 octobre 2002 en faveur du modèle de l'Agence européenne de sécurité des aliments : le conseil d'administration se composerait d'un représentant de la Commission et de quinze autres membres désignés par le Conseil des ministres en consultation avec le Parlement européen à partir d'une liste établie par la Commission, comprenant un nombre de candidats considérablement plus élevé que le nombre de membres à nommer. La Commission européenne s'est ralliée à cette position.

« Le Conseil des ministres a travaillé de son côté sur ce sujet et un accord y a été trouvé sur une composition plus proche de celle de l'Agence européenne de sécurité maritime, à savoir un représentant par État membre, quatre de la Commission et quatre des secteurs professionnels nommés par la Commission mais ne disposant pas du droit de vote.

« Ce point devrait faire l'objet in fine d'une conciliation entre le Parlement européen et le Conseil, mais autant la proposition initiale de la Commission semblait peu adaptée aux domaines d'action de l'Agence européenne du médicament, autant les deux propositions actuelles peuvent être satisfaisantes. La Commission avait d'ailleurs envisagé ce besoin de représentation des États puisque son texte prévoit la création d'un Conseil consultatif placé auprès du directeur exécutif et composé de l'ensemble des autorités ou agences nationales compétentes en matière de médicaments humains et vétérinaires . »

Outre le conseil d'administration, et toujours en vue de l'élargissement, il a été proposé que les comités scientifiques (Comité des Spécialités Pharmaceutiques et Comité des Médicaments Vétérinaires) soient désormais constitués d'un représentant de chaque autorité compétente nationale. Afin de préserver l'expertise nécessaire au bon fonctionnement de ces comités et de maintenir un large éventail de connaissances dans des domaines hautement spécialisés, il est également proposé, d'une part, d'introduire la possibilité de nommer par cooptation des membres additionnels dans lesdits comités et, d'autre part, de systématiser le recours à des experts qu'ils soient directement nommés par les membres des comités ou qu'ils figurent sur la liste des experts accrédités par l'Agence.

Par ailleurs, la proposition prévoit également l'intégration au sein de la structure juridique et administrative de l'Agence européenne pour l'évaluation des médicaments du comité des médicaments orphelins , créé par le règlement 141/2000/CE et anticipe la mise en place d'un comité des médicaments à base de plantes .

Selon les observations de la délégation du Sénat pour l'Union européenne, « cet ensemble de mesures va dans le bon sens, mais doit s'accompagner d'une vigilance sur la composition du conseil d'administration et sur un régime linguistique assurant la pluralité des langues utilisées par l'Agence ».

II. LE RENFORCEMENT DE LA PROCÉDURE CENTRALISÉE D'AUTORISATION DE MISE SUR LE MARCHÉ

Outre la révision de la composition du conseil d'administration de l'Agence européenne pour l'évaluation des médicaments, la proposition de réforme prévue par la Commission européenne prévoit également un aménagement des procédures de mise sur le marché des médicaments.

Prévues par le règlement CEE n° 2309/93, et opérationnelles depuis le 1 er janvier 1995, plusieurs procédures de mise sur le marché d'un médicament coexistent, qu'elles soient européennes ou nationales.

Les procédures communautaires d'enregistrement s'organisent autour de deux architectures distinctes.

D'une part, la procédure centralisée (obligatoire pour les produits issus des biotechnologies, dits de liste A, optionnelle pour les nouvelles substances actives, dite de liste B) : le demandeur, généralement un laboratoire pharmaceutique, dépose son dossier de demande d'enregistrement à l'Agence européenne pour l'évaluation des médicaments. Le dossier fait l'objet d'une évaluation et conduit à l'avis du CSP. L'Agence fait parvenir cet avis à la Commission européenne, aux Etats membres et au demandeur. Dans les 30 jours suivant la réception de l'avis, la Commission prépare un projet de décision et le soumet au comité permanent pour les médicaments à usage humain 2 ( * ) .

Si l'autorisation est octroyée, elle est d'emblée valable pour tous les pays membres de l'Union européenne.

D'autre part, la procédure de reconnaissance mutuelle : le demandeur/laboratoire pharmaceutique dépose son dossier dans l'un des Etats membres dit « Etat membre de référence ». Si l'autorisation est accordée, elle peut être étendue aux autres Etats membres dits « Etats membres concernés » par une procédure de reconnaissance mutuelle. Ce système est souvent considéré comme la version aménagée de la procédure multi-états qui existait antérieurement à 1995, il est ouvert à tout médicament non soumis obligatoirement à la procédure centralisée, pour autant qu'il soit destiné aux marchés de plus d'un Etat membre.

La procédure nationale reste applicable pour certains médicaments, dont la commercialisation, depuis 1998, se trouve limitée au marché d'un seul Etat membre. Le dossier de demande d'autorisation de mise sur le marché est établi selon le modèle européen et doit être conforme à la Directive européenne 65/65/CEE. En France, ce dossier est déposé par le demandeur auprès de l'AFSSAPS.

L'évaluation de la politique mise en place depuis 1995, menée par les instances communautaires, a conclu à l'efficacité du système centralisé d'autorisation en matière dévaluation de la qualité et de la sécurité des médicaments. La durée des procédures a été également déclarée satisfaisante, sa moyenne d'environ 270 jours étant comparable aux délais d'approbation d'autres grands systèmes, comme par exemple celui de la Food and Drug Administration aux Etats-Unis.

La principale modification vise à rendre obligatoire cette procédure centralisée pour toutes les nouvelles substances actives (liste B) apparaissant sur le marché communautaire. La procédure centralisée serait optionnelle pour les autres médicaments qui représentent une innovation thérapeutique. L'analyse faite par la Commission européenne repose sur l'idée que le coût de développement de la plupart des molécules à fort potentiel innovant ne permet pas, du point de vue économique et sociologique, de limiter leur commercialisation à quelques marchés nationaux et justifie une approche globale et communautaire leur ouvrant l'accès d'emblée à un marché de dimension continentale. Le renforcement des relations entre l'Agence européenne, les laboratoires de recherche et les industries pharmaceutiques, prévu par la réforme en amont de l'autorisation de mise sur le marché, s'inscrit également dans la logique d'un plus grand recours à la procédure centralisée.

Parallèlement à l'extension de la procédure centralisée, la Commission européenne souhaite assurer l'harmonisation et la cohérence des systèmes de pharmacovigilance entre les Etats membres afin de rendre efficace la surveillance de tous les médicaments autorisés au sein de la Communauté.

Plusieurs mesures vont dans ce sens comme par exemple les recommandations relatives à l'utilisation des terminologies ICH3 ( * ), officiellement lancée depuis 1999, afin de garantir la cohérence des notifications des effets indésirables des médicaments dans un environnement multilingue.

La Commission européenne propose également de raccourcir les échéances de soumission obligatoire des rapports périodiques relatifs aux données en matière de sécurité et de renforcer les inspections liées aux obligations au titulaire de l'autorisation de mise sur le marché.

Dans ces conditions, le renforcement de la coopération en amont de l'autorisation de la mise sur le marché du médicament et le renforcement de l'information relative aux médicaments commercialisés, incite la Commission européenne à proposer la suppression du renouvellement quinquennal de l'autorisation devenu superflu avec l'instauration de ce système de « contrôle continu », le renouvellement quinquennal s'étant transformé en simple formalité administrative.

Selon les informations transmises par la délégation du Sénat pour l'Union européenne : « un consensus entre la Commission, le Parlement et le Conseil semble avoir été trouvé pour conserver uniquement le premier renouvellement quinquennal, l'autorisation devenant alors valable sans limitation de durée » .

Cette mesure s'accompagne d'une disposition complémentaire selon laquelle toute autorisation de mise sur le marché ne donnant pas lieu à la commercialisation effective du médicament concerné durant deux années consécutives, est déclarée caduque.

III. LES POINTS FAISANT L'OBJET DE LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Au vu de ces propositions de réforme, la délégation à l'Union européenne a, en application de l'article 73 bis du règlement du Sénat, conclu au dépôt d'une proposition de résolution qui a été renvoyée à notre commission des Affaires sociales. Cette proposition porte sur trois points soulevés par la réforme, elle n'est pas exclusive d'autres propositions de résolution qui pourraient être déposées si cela s'avérait nécessaire au regard de nouveaux enjeux qui pourraient apparaître à une phase ultérieure de la réforme de la politique européenne du médicament.

- Compenser l'allégement des procédures de renouvellement par un haut niveau de pharmacovigilance . La simplification et l'accélération des procédures sont des éléments très importants pour le secteur pharmaceutique, qui permettront d'accroître la disponibilité et la rapidité d'accès au marché des nouveaux médicaments.

Comme le souligne très justement la proposition de résolution de la délégation à l'Union européenne « cette solution n'est cependant pleinement satisfaisante que si la réforme permet une réelle amélioration des mécanismes de pharmacovigilance ». Il conviendra donc de s'assurer que les propositions de la Commission, soutenues par le Parlement européen, permettant une réévaluation à tout moment de l'intérêt d'un médicament et le renforcement de la fréquence des rapports sur sa sécurité seront dans la pratique des mécanismes suffisamment efficaces pour répondre à cet objectif.

De la même manière l'élargissement des compétences de l'Agence européenne pour l'évaluation des médicaments ne doit pas se traduire par un appauvrissement des échanges scientifiques entre les différents acteurs, le maintien d'un haut niveau de qualité des agences nationales doit également être considéré comme un élément essentiel d'une politique de santé publique, préoccupation que la Commission européenne a pris en compte en aménageant la composition des deux comités scientifiques de l'Agence européenne, le comité des spécialités pharmaceutiques, et le comité des médicaments vétérinaires .

Enfin, l'évolution du rôle et des tâches confiées à l'Agence européenne doit s'accompagner d'une réflexion sur les moyens budgétaires mis à sa disposition, moyens qui constituent un autre élément important au maintien d'un haut niveau de pharmacovigilance. Les institutions européennes ont d'ores et déjà publié un nouveau règlement 4 ( * ) fixant le montant des redevances dues à l'Agence européenne. Il a été considéré qu'en l'absence d'augmentation des recettes de l'Agence, ses moyens de fonctionnement et sa capacité à assurer ses missions auraient été mis en péril. Ce règlement sera à nouveau révisé à l'issue de la réforme en cours afin d'assurer le financement des missions confiées à l'Agence.

- Maintenir le principe d'interdiction de la publicité sur les médicaments soumis à prescription médicale tout en explorant les possibilités de développer l'information médicale du public . La Commission européenne propose « d'ouvrir une possibilité d'information auprès du public pour les classes de médicaments autorisés et prescrits dans le cadre des affections suivantes : SIDA, asthme et affections broncho-pulmonaires chroniques, diabète ». L'article L. 5122-6 de notre code de la santé publique prévoit que, pour les médicaments soumis à prescription médicale, la publicité auprès du public n'est pas autorisée, contrairement à ce qui se pratique aux Etats-Unis ou en Nouvelle-Zélande.

L'expérimentation proposée par la Commission a été rejetée par le Parlement européen lors de la première lecture des textes en séance plénière le 23 octobre 2002. Le Conseil n'a pas encore examiné ce point, mais le Gouvernement français a fait part de son opposition de toute évolution de la réglementation susceptible d'autoriser le recours à la publicité grand public pour les médicaments de prescription.

Pourtant, comme le souligne la proposition de résolution de la délégation pour l'Union européenne « la demande d'information du public et des professionnels de santé est croissante. Il convient que la nouvelle réglementation prenne en compte cette demande ainsi que l'évolution des moyens de communication et, en particulier, le développement de l'Internet ».

« La multiplication des sites Internet « médicaux » pose à cet égard la question de la fiabilité des informations et de leur présentation non certifiée par une autorité compétente. Il semble donc nécessaire de réfléchir, au-delà du problème de la publicité, aux dispositions à prendre pour développer des supports d'information indépendants, transparents et fiables, sans pour autant remettre en cause l'interdiction de publicité directe auprès du public . »

- Etendre à l'Agence européenne pour l'évaluation du médicament les règles du régime linguistique communautaire . L'Agence européenne pour l'évaluation du médicament est basée à Londres et la langue anglaise est prédominante : son site Internet est uniquement en anglais, même si certains documents de base sont disponibles en plusieurs langues. Le directeur général de l'AFSSAPS s'exprime en français lors des réunions du conseil d'administration, mais seuls les comptes rendus des réunions du conseil d'administration sont traduits.

Or, si les industries pharmaceutiques sont naturellement amenées à utiliser couramment l'anglais, les petites et moyennes entreprises et les particuliers, dont les patients ou les médecins, doivent pouvoir disposer d'informations complètes et pertinentes dans leur langue. La délégation pour l'Union européenne estime que « le Gouvernement français pourrait, dans ce cadre, promouvoir l'introduction d'un article relatif au régime linguistique dans le règlement instituant l'Agence européenne » .

Le règlement n° 1406/2002 instituant une Agence européenne pour la sécurité maritime pourrait servir de modèle puisque son article 9 prévoit que « les dispositions prévues par le règlement n° 1 du 15 avril 1958 portant fixation du régime linguistique de la Communauté économique européenne s'appliquent en ce qui concerne l'Agence ». Ce règlement n° 1 prévoit que « les langues officielles et les langues de travail des institutions de l'Union sont l'allemand, l'anglais, le danois, l'espagnol, le finnois, le français, le grec, l'italien, le néerlandais, le portugais et le suédois ».

Cette mesure favoriserait également l'accès des médecins et des patients à une information de haute qualité répondant ainsi à la nécessité « d' [ une ] information et d' [ une ] transparence accrues en matière de médicaments ou de leur utilisation » évoquée dans l'exposé des motifs de la proposition modifiant la directive 2001/83/CE instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain.

*

* *

Lors de sa réunion du 2 avril 2003, votre Commission a adopté sans modification la proposition de résolution de la délégation du Sénat pour l'Union européenne.

Conformément à l'article 73 bis du Règlement du Sénat, la proposition de résolution de la Commission deviendra résolution du Sénat au terme d'un délai de dix jours suivant la publication du présent rapport, sauf si, dans ce délai, il est demandé que son examen soit inscrit à l'ordre du jour de la séance publique.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION DE LA COMMISSION

Texte adopté par la Commission en application de l'article 73 bis-6
du règlement du Sénat

Le Sénat,

Vu l'article 88-4 de la Constitution ;

Vu le texte E 1902 comprenant :

- une proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant des procédures communautaires pour l'autorisation, la surveillance et la pharmacovigilance en ce qui concerne les médicaments à usage humain et à usage vétérinaire et instituant une Agence européenne pour l'évaluation des médicaments ;

- une proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2001/83/CE instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain ;

- une proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2001/82/CE instituant un code communautaire relatif aux médicaments vétérinaires.

Demande au Gouvernement :

- de veiller à ce que l'allégement des procédures de renouvellement soit compensé par un renforcement substantiel des mécanismes de pharmacovigilance ;

- de veiller à ce que l'information du public pour certains médicaments soumis à prescription médicale soit neutre et objective et n'ouvre pas la voie à l'autorisation de la publicité par les fabricants ou les distributeurs ;

- d'obtenir l'introduction d'un article relatif au régime linguistique dans le règlement instituant l'Agence européenne pour l'évaluation des médicaments, sur le modèle de l'Agence européenne pour la sécurité maritime.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

Réunie le mercredi 2 avril 2003, sous la présidence de M. Nicolas About , la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Gilbert Chabroux sur la proposition de résolution n° 202 (2002-2003) présentée au nom de la délégation pour l'Union européenne en application de l'article 73 bis du Règlement par M. Gilbert Chabroux sur le texte E-1902 modifiant les procédures d'autorisation de mise sur le marché pour les médicaments à usage humain et à usage vétérinaire.

M. Nicolas About, président , a souligné l'importance du sujet et a rappelé la nécessité d'une information claire et transparente sur les médicaments, aussi bien lors de la procédure d'autorisation de mise sur le marché que lors des décisions de retrait. Il a insisté sur l'intérêt d'une politique européenne dans le domaine du médicament, notamment pour se poser en interlocuteur crédible face à la Food and Drug Administration américaine.

M. Gérard Dériot a exprimé son accord avec les principes énoncés dans la proposition de résolution et s'est félicité de l'accent mis sur la pharmacovigilance.

Il a également souligné son attachement au principe d'interdiction de la publicité pour les médicaments soumis à prescription médicale.

M. Guy Fischer a fait part du souci de maintenir un haut niveau de pharmacovigilance économique, face au poids considérable des grands groupes pharmaceutiques.

M. Serge Franchis , à l'occasion du débat ainsi ouvert sur la politique du médicament, s'est interrogé sur le rôle des pharmacies centrales des hôpitaux.

M. Jean-Louis Lorrain a souligné que la question du régime linguistique comportait plusieurs facettes et allait au-delà de la question de la langue de travail de l'Agence européenne pour l'évaluation des médicaments.

En réponse aux différents intervenants, M. Gilbert Chabroux, rapporteur, a indiqué que cette réforme était acceptée par les acteurs concernés, mais également par des collectifs d'associations qui lui ont fait parvenir, à l'occasion de l'adoption de la proposition de résolution par la délégation du Sénat pour l'Union européenne, de nombreux courriers.

M. Nicolas About, président, a rappelé qu'aucun amendement n'avait été déposé au texte de la proposition de résolution en application de l'article 73 bis paragraphe 6 du règlement du Sénat.

La commission, sur la proposition du rapporteur, a adopté alors sans modification la proposition de résolution.

* 1 Cf exposé des motifs.

* 2 Le Comité Permanent est constitué d'un représentant de chacun des Etats membres de l'Union européenne, d'un représentant de l'Agence européenne et d'un représentant de la Commission européenne.
Le Comité adopte ces décisions par vote des représentants des Etats membres à la majorité qualifiée, les représentants de l'Agence européenne et de la Commission européenne ne sont pas habilités à voter.
Le Comité permanent est consulté lors du processus décisionnel qui aboutit à l'adoption d'une décision communautaire relative à l'AMM des médicaments à usage humain sur la base d'une opinion du Comité des Spécialités Pharmaceutiques.

* 3 Il s'agit de deux comités informels au sein desquels se déterminent les normes en matière d'exigences techniques et scientifiques dans le domaine des médicaments humains et vétérinaires. Il convient de distinguer :

- l'International Conference on Harmonisation of technical Requirements for the registration of Pharmaceuticals for Human use, pour les médicaments à usages humains;

l'International Conference on Harmonisation of technical Requirements for the registration of Veterinary Pharmaceuticals Products, pour les médicaments à usages vétérinaires.

* 4 Règlement 494/2003 du 18 mars 2003, fixant les redevances dues à l'Agence européenne pour l'évaluation du médicament.

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