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Rapport n° 346 (2002-2003) de M. Jacques LEGENDRE , fait au nom de la commission des affaires culturelles, déposé le 11 juin 2003

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N° 346

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2002-2003

Annexe au procès-verbal de la séance du 11 juin 2003

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires culturelles (1) sur le projet de loi modifiant la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 relative à l' archéologie préventive et sur la proposition de loi n°311 (2002-2003) de M. Claude BIWER visant à réduire le montant de la redevance d'archéologie préventive pour les collectivités territoriales ,

Par M. Jacques LEGENDRE,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Jacques Valade, président ; MM. Ambroise Dupont, Pierre Laffitte, Jacques Legendre, Mme Danièle Pourtaud, MM. Ivan Renar, Philippe Richert, vice-présidents ; MM. Alain Dufaut, Philippe Nachbar, Philippe Nogrix, Jean-François Picheral, secrétaires ; M. François Autain, Mme Marie-Christine Blandin, MM. Louis de Broissia, Jean-Claude Carle, Jean-Louis Carrère, Gérard Collomb, Yves Dauge, Mme Annie David, MM. Fernand Demilly, Christian Demuynck, Jacques Dominati, Jean-Léonce Dupont, Louis Duvernois, Daniel Eckenspieller, Mme Françoise Férat, MM. Bernard Fournier, Jean-Noël Guérini, Michel Guerry, Marcel Henry, Jean-François Humbert, André Labarrère, Serge Lagauche, Robert Laufoaulu, Serge Lepeltier, Mme Brigitte Luypaert, MM. Pierre Martin, Jean-Luc Miraux, Dominique Mortemousque, Bernard Murat, Mme Monique Papon, MM. Jacques Pelletier, Jack Ralite, Victor Reux, René-Pierre Signé, Michel Thiollière, Jean-Marc Todeschini, André Vallet, Jean-Marie Vanlerenberghe, Marcel Vidal, Henri Weber.

Voir les numéros :

Sénat : 311 et 320 (2002-2003)

Patrimoine.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

A peine un an après que l'ensemble de ses dispositions sont devenues applicables, le Sénat est saisi d'un projet de loi modifiant la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 relative à l'archéologie préventive.

Elaborée dans un contexte de crise opposant les archéologues et les aménageurs, cette loi, dont l'inspiration était louable et l'élaboration indispensable pour fixer le cadre juridique des opérations d'archéologie préventive, a en effet d'emblée montré ses limites.

Les difficultés rencontrées dans son application, que votre commission avait largement anticipées, ont souligné l'échec d'une organisation fondée sur le monopole accordé à un opérateur public financé par un impôt à la fois inéquitable et insuffisant.

A la complexité des procédures de prescription, mal comprises par les aménageurs, dont l'exaspération a pu, dans certains cas, être nourrie par des décisions arbitraires ou à la motivation incertaine, se sont ajoutés les effets pervers d'un mécanisme de financement, par ailleurs, d'une grande complexité. Génératrices d'un déséquilibre entre les zones rurales et les zones urbaines, les redevances se sont révélées insuffisantes pour assurer le financement de l'établissement, ce qui a conduit ce dernier à une situation budgétaire préoccupante et le met aujourd'hui dans l'impossibilité de réaliser les opérations que la loi ne permet à aucun autre opérateur de réaliser.

Cette situation a abouti à une nouvelle situation de crise, que votre rapporteur ne pourra que déplorer, tout en mettant en garde contre les risques qu'elle comporte.

Si, lors de l'examen de la loi du 17 janvier 2001, votre commission avait souligné les faiblesses des mécanismes mis en place, elle avait manifesté son souci de parvenir à un équilibre satisfaisant entre les impératifs du développement économique et les exigences de la protection du patrimoine archéologique.

C'est avec la même préoccupation que votre commission a examiné le projet de loi déposé par le Gouvernement.

A cet égard, le texte qui nous est proposé répond à l'évidence mieux à cette volonté d'équilibre entre des objectifs également légitimes.

En ouvrant l'archéologie préventive à une diversité d'opérateurs, et en premier lieu, aux services archéologiques des collectivités territoriales, le projet de loi introduit un facteur de souplesse susceptible d'assurer l'indispensable maîtrise des délais et des coûts des opérations archéologiques.

En assurant une transparence du financement et une péréquation du coût des diagnostics et des fouilles, le projet de loi répond aux principales critiques formulées à l'encontre du dispositif actuel.

Votre commission estime toutefois que ces modifications, à vrai dire inévitables, ne remettent pas en cause les acquis de la loi du 17 janvier 2001, à savoir l'affirmation du rôle de l'Etat pour assurer la protection du patrimoine archéologique et la consécration d'un principe « casseur-payeur ».

Les propositions qu'elle formulera visent à garantir l'efficacité du dispositif proposé par le Gouvernement afin d'en assurer la pérennité.

I. LA LOI DU 17 JANVIER 2001 : UNE RÉFORME INABOUTIE

A. UNE RÉFORME POURTANT INDISPENSABLE

Si, à l'occasion de son examen, il avait émis de nombreuses réserves sur le dispositif de la loi du 17 janvier 2001, le Sénat n'avait pas nié la nécessité d'engager une réforme de l'organisation administrative et financière de l'archéologie préventive.

En effet, la multiplication des projets d'aménagement à partir du début des années 1970 et l'augmentation corrélative des chantiers de fouilles qui en avait résulté, ne s'était accompagnée ni d'un effort financier de l'Etat ni d'une adaptation du cadre juridique des opérations archéologiques.

En effet, faute de disposer des moyens budgétaires lui permettant d'assurer les responsabilités qui lui incombaient en vertu des dispositions de la loi du 27 septembre 1941, l'Etat avait encouragé la mise en place d'un système conventionnel reposant sur une participation financière des aménageurs et l'intervention d'une association para-administrative, l'Association pour les fouilles archéologiques nationales (AFAN), chargée d'exécuter les opérations de fouilles.

Ce système, imposé par l'Etat en l'absence de dispositions législatives spécifiques à l'archéologie préventive, était critiqué tant par les aménageurs, qui contestaient les obligations financières mises à leur charge, que par les archéologues, qui estimaient la protection du patrimoine insuffisamment garantie.

Quelques affaires où des vestiges avaient été détruits par des aménageurs peu scrupuleux avaient fini de convaincre le précédent Gouvernement de donner, enfin, une traduction législative aux propositions formulées par près d'une dizaine de rapports administratifs, dont le dernier en date était celui remis à Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication, en novembre 1998, par MM. Jean-Paul Demoule, Bernard Pêcheur et Bernard Poignant.

En dépit du contexte de crise dans lequel a été élaboré le projet de loi, aucune voix ne s'est élevée pour remettre en cause le principe d'une réforme imposée, par ailleurs, par les engagements internationaux de la France, et en particulier, par la convention européenne pour la protection du patrimoine archéologique, signée à Malte le 16 janvier 1992 par les Etats membres du Conseil de l'Europe. On rappellera que cette convention, dont les stipulations demeurent toutefois très générales, prévoit notamment que « (les parties) s'engagent à mettre en oeuvre un régime juridique de protection du patrimoine archéologique ».

Une réforme s'imposait donc à un double titre afin de consacrer l'application d'un principe « casseur-payeur » en matière de patrimoine archéologique, mais également de mettre fin à des pratiques administratives peu satisfaisantes que, jusque-là, aucun texte ne prévoyait.

Les opérations d'archéologie préventive étaient réalisées dans le cadre défini par le titre II de la loi de 1941 qui précise que l'Etat peut exécuter d'office des fouilles sur des terrains qui ne lui appartiennent pas, cela alors même que, s'il prescrivait ces opérations, il ne les réalisait pas plus qu'il ne les finançait.

Dans la pratique, une négociation s'engageait entre l'Etat, l'aménageur et l'opérateur de fouilles qui se trouvait être, dans la quasi-totalité des cas, l'AFAN. A l'issue de cette négociation, était signée une convention entre l'Etat, qui décidait les diagnostics ou les fouilles, l'aménageur qui en assumait la charge financière et l'AFAN, qui recevait les fonds versés par l'aménageur et, éventuellement, par l'Etat, si des subventions avaient été attribuées. On le voit, le système reposait sur une fiction juridique qui le fragilisait considérablement.

La loi du 17 janvier 2001 a incontestablement permis de consacrer le principe du financement des fouilles par les aménageurs qui, alors, ne fut pas remis en cause dans son principe, même si ses modalités furent vivement critiquées -et cela fort légitimement.

Il convenait également de clarifier l'organisation administrative de l'archéologie préventive.

En effet, l'AFAN, créée en 1973 afin de permettre une mobilisation rapide des financements nécessaires à la réalisation des opérations archéologiques, présentait toutes les caractéristiques d'une association para-administrative et avait fait, à ce titre, l'objet des critiques de la Cour des comptes.

Par ailleurs, il existait à l'évidence une consanguinité entre les services de l'Etat et cette association.

Or cette consanguinité, favorisée par la faiblesse des moyens des services régionaux de l'archéologie, était de nature à compromettre l'objectivité scientifique des prescriptions archéologiques.

Cette situation explique en grande partie que ne se soit guère développée une alternative à l'AFAN, les services de l'Etat étant naturellement enclins à désigner cet organisme qui, du fait de ses dimensions, offrait des garanties en termes de délais d'exécution, et que les collectivités territoriales n'aient guère été encouragées à se doter de services archéologiques.

B. UN DISPOSITIF CRITIQUÉ

Si elle répondait à une indéniable nécessité, la loi du 17 janvier 2001, contestée par le Sénat lors de son examen, s'est révélée largement inapplicable pour des raisons que votre commission avait au demeurant parfaitement identifiées.

1. Un monopole financé par l'impôt...

La loi du 17 janvier 2001 répondait à la volonté du précédent Gouvernement de soustraire l'ensemble de l'archéologie préventive à l'application des règles de la concurrence, en réaffirmant le caractère de service public de cette activité et en confiant à un établissement public des droits exclusifs pour la réalisation des opérations de terrain, diagnostics et fouilles.

Sans pour autant abroger les dispositions de la loi du 27 septembre 1941, la loi du 17 janvier 2001 accordait à l'Etat la charge de veiller à la conciliation des « exigences respectives de la recherche scientifique, de la conservation du patrimoine et du développement économique et social » et lui confiait un pouvoir de police. A ce titre, l'Etat prescrit les opérations archéologiques nécessaires, en désigne le responsable scientifique et assure les missions de contrôle et d'évaluation de ces opérations. En pratique, ces compétences, précisées par le décret du 16 janvier 2002 1 ( * ) , sont exercées, à l'échelon déconcentré, par le préfet de région et les directions régionales des affaires culturelles.

L'exécution des prescriptions est confiée à un établissement public, créé sous le nom d'Institut national de recherches archéologiques préventives, résultant de la transformation de l'AFAN, dont le statut associatif était effectivement inapproprié, tant au regard de ses missions que de son mode de financement.

Outre la réalisation de ces tâches opérationnelles, la loi conférait à cet établissement public une mission de recherche définie en des termes aussi ambitieux que vagues par l'article 4 qui précisait que l'établissement « assure l'exploitation scientifique de ses activités et la diffusion de leurs résultats » et qu'il « concourt à l'enseignement, à la diffusion culturelle et à la valorisation de l'archéologie ».

Pour l'exécution de ces missions, était ouverte la possibilité pour l'établissement de nouer des relations contractuelles avec les collectivités territoriales, des organismes de recherche, des établissements publics d'enseignement supérieur ou des personnes morales de droit privé, associations ou entreprises.

Cet opérateur est doté du statut d'établissement public à caractère administratif. Par dérogation aux règles posées par le statut général de la fonction publique, les personnels permanents de l'établissement public bénéficient du statut d'agents contractuels de droit public. En pratique, ces personnels dont le statut est fixé par décret 2 ( * ) sont pour l'essentiel d'anciens salariés de l'AFAN, dont les droits, biens et obligations ont été transférés à l'établissement public par l'article 4 de la loi.

La loi mettait fin au système conventionnel de financement qui avait prévalu jusque-là en instaurant des redevances d'archéologie préventive, dont le mode de calcul a été modifié à de nombreuses reprises au cours de la navette.

Votre rapporteur avait souligné, lors de l'examen de la loi du 17 janvier 2001, la très grande complexité des modes de calcul des redevances, et plus particulièrement, celles dues pour la réalisation de fouilles. Le barème retenu varie selon que les sites sont ou non stratifiés, c'est-à-dire, selon les termes de l'article 9, qu'ils présentent « une accumulation sédimentaire ou une superposition de structures simples ou complexes comportant des éléments du patrimoine archéologique ». Les formules mathématiques figurant dans la loi se passent de commentaire.

Le Gouvernement avait précisé à l'Assemblée nationale et au Sénat que le financement par l'impôt des opérations archéologiques devait permettre de couvrir leur coût réel ainsi que les frais de fonctionnement de l'établissement.

Force avait été de constater qu'aucune simulation sur une longue période n'avait pu être effectuée par les services du ministère de la culture, faute de séries statistiques permettant d'évaluer le volume des opérations archéologiques à réaliser.

Par ailleurs, votre rapporteur avait fait observer que ce mode de financement conjugué aux contraintes de gestion imposées à l'établissement public par son statut ne présentait pas la souplesse nécessaire pour s'adapter au caractère aléatoire de l'activité de l'établissement. En effet, en période de croissance économique, l'établissement devrait faire face à une forte demande des aménageurs alors que la nature des ressources serait susceptible de se traduire par des décalages de trésorerie, qui pourraient déboucher sur des phénomènes de files d'attentes alors qu'en période de ralentissement, il serait contraint d'assumer des charges fixes très lourdes, alors même que ses ressources diminueraient.

Le principe de l'affectation d'une recette fiscale à un établissement public, solution appliquée dans de nombreux secteurs, était étendu par la loi de 2001 à l'archéologie préventive, non seulement afin de financer le coût des opérations de terrain, mais également pour assurer une mutualisation de leur coût. Or, cette mutualisation, souhaitée à la fois par les aménageurs et les archéologues, ne joue qu'à la marge dans le dispositif mis en place. D'une part, seuls les projets nécessitant des opérations archéologiques sont taxés ; d'autre part, le barème de la taxe a été conçu pour rapprocher autant que possible le montant des redevances et le coût réel des fouilles imposées au redevable.

Les inquiétudes que la loi du 17 janvier 2001 avait inspirées au Sénat ont été très rapidement confirmées par les difficultés soulevées par son application.

2. ... qui se heurte à d'insurmontables difficultés d'application

• Une application tardive

La complexité du dispositif adopté en 2001 s'est traduit dans les délais nécessaires à l'élaboration des textes réglementaires.

Ce n'est en effet que, depuis la publication du décret du 2 avril 2002 précité, que l'ensemble des dispositions de la loi sont devenues applicables, soit seize mois après sa promulgation. Le fait de remettre cette réforme sur le métier moins d'un an après son entrée en vigueur traduit un échec patent.

Dès les premiers mois de son application, la loi du 17 janvier 2001 a montré ses limites, la maladresse de certaines prescriptions s'ajoutant à la nouveauté de procédures que les aménageurs, insuffisamment informés, ne maîtrisaient pas.

Cette situation, dont les effets ont été accentués par les retards pris dans la mise en place de l'INRAP, a abouti à une nouvelle crise opposant les aménageurs, et en particulier les collectivités territoriales, aux archéologues. En effet, une des conséquences -pour le moins inattendue- de la réforme de 2001 a été de remettre en cause un principe « casseur-payeur » qui s'était imposé depuis le début des années 70 et qu'elle avait pourtant eu le mérite de consacrer.

Plusieurs initiatives législatives ont été prises afin de remédier aux difficultés rencontrées dans la mise en oeuvre des dispositions de la loi de 2001.

Lors de l'examen, le 12 novembre 2002, de la proposition de loi portant modification de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains 3 ( * ) , le Sénat avait adopté un amendement visant à rétablir un mécanisme contractuel, qui, dans l'esprit des auteurs, avait vocation à servir de dispositif transitoire dans l'attente d'une réforme de plus grande ampleur.

Inspirée par des préoccupations similaires, l'Assemblée nationale a introduit dans la loi de finances pour 2003 4 ( * ) un article 105 visant à réduire de 25 % le montant des redevances d'archéologie préventive.

C'est dans cette perspective également que s'inscrit la proposition de loi déposée par notre excellent collègue Claude Biwer qui vise à faire bénéficier les communes à faible potentiel fiscal d'un abattement supplémentaire sur le montant des redevances qu'elles doivent acquitter.

Si la préoccupation du législateur d'atténuer les effets les plus nocifs de la loi a présenté l'inconvénient de réduire les recettes d'un établissement public, déjà confronté à de graves difficultés financières, elle a toutefois eu le mérite de susciter une réflexion au sein du Gouvernement.

Cette réflexion a abouti, à l'issue d'une large concertation, à la réforme qui nous est présentée aujourd'hui, dans des délais dont la brièveté est à mettre à l'actif de la détermination du ministre de la culture à assurer dans de bonnes conditions la protection du patrimoine archéologique.

• Un dispositif à l'origine de graves dysfonctionnements

Les difficultés soulevées par la mise en oeuvre des dispositions de la loi du 17 janvier 2001 sont de plusieurs ordres.

En premier lieu, chez les aménageurs, le sentiment domine que les procédures de protection du patrimoine archéologique accordent aux services de l'Etat des compétences dont la mise en oeuvre comporte une large part d'arbitraire.

Certes, seules les prescriptions induisant des redevances exorbitantes au regard des capacités contributives des aménageurs ou imposant l'abandon pur et simple des projets sont contestées et il est difficile d'apprécier la proportion exacte des prescriptions illégitimes.

Toutefois, il semble que les dispositions de la loi et plus spécifiquement du décret du 16 janvier 1992, en étendant la saisine du préfet de région à tous les projets d'aménagement susceptibles d'affecter le patrimoine archéologique, qui, pour certains, ne lui étaient pas, jusque là soumis, ont débouché sur une augmentation du nombre de prescriptions.

En 2002, sous l'empire de la nouvelle loi, environ 11 % des demandes de permis de construire ont été transmis aux services régionaux de l'archéologie pour examen. Sur ce total, 12,8 % ont fait l'objet d'une prescription de diagnostics et 1,6 %, d'une prescription de fouilles. Le nombre total d'opérations prescrites est passé de 1 752 en 2000 à 4 270 en 2002. Il convient de souligner que cet accroissement des prescriptions a conduit à une forte progression, au sein des opérations de terrain, des diagnostics, dont le nombre est passé de 1 253 en 2000 à 1 755 en 2002. Il apparaît donc que les procédures de détection et de protection du patrimoine archéologique ont tendance à devenir systématiques, ce qui d'ailleurs constitue une conséquence mécanique, et parfaitement prévisible de la loi de 2001.

Cette automaticité a fait l'objet de vives réactions dans la mesure où le préfet de région détient un pouvoir d'appréciation considérable, pouvoir qui, dans les premiers mois d'application de la loi, n'a été encadré par aucune directive ministérielle. Votre rapporteur avait d'ailleurs perçu cette difficulté lors des débats et avait souligné que « le caractère aléatoire des prescriptions archéologiques demeurait faute d'un zonage du territoire en réalité impossible à réaliser ». En effet, la carte archéologique consacrée par l'article 3 de la loi du 17 janvier 2001, loin d'être achevée, ne contient que des informations parcellaires. Les modalités d'application de la loi sont donc très variables selon les régions : si dans l'une, les diagnostics sont systématiquement prescrits, dans une autre, les prescriptions sont très rares.

La voie du recours devant les juridictions administratives étant exclue par les aménageurs compte tenu des contraintes de temps qui pèsent sur eux, ces derniers, contraints de payer des redevances, se sont retournés contre les services de l'Etat, auxquels la loi n'a pas accordé les moyens d'arbitrer de tels conflits.

Le sentiment d'incompréhension suscité par la loi a été accentué par la rigueur des procédures qui prévoient que, dès lors que des prescriptions sont édictées par le préfet et transmises à l'INRAP, un avis de recouvrement est émis par l'établissement.

Cette rigueur des procédures n'a pu dans les faits être tempérée, les pratiques de l'établissement public ayant révélé, comme l'a souligné un rapport réalisé à la demande du ministre de la culture 5 ( * ) , une « absence de culture de la négociation et plus généralement du partenariat ».

L'exaspération des aménageurs a été, en outre, nourrie par l'opacité des modalités de calcul de la redevance qui produisent un certain nombre d'effets pervers à l'opposé du souci d'équité qui avait présidé à leur tâtonnante élaboration par le précédent Gouvernement.

Si près des trois quarts des aménageurs paient moins de redevance qu'ils n'en auraient payé dans le cadre de la facturation de l'AFAN, il n'en reste pas moins que, pour certaines opérations, l'application du barème se traduit par des coûts souvent insupportables.

On rappellera que, s'agissant des diagnostics, la loi retenait un barème forfaitaire de 2,58 francs par mètre carré, la surface prise en compte correspondant à l'emprise au sol. Pour les fouilles, si le barème est pondéré par la nature des structures archéologiques, le montant de la redevance est calculé par rapport à la surface soumise à l'emprise des fouilles. Votre commission avait estimé que, compte tenu de ces modalités de calcul, « les opérations urbaines devraient payer à ce titre moins cher que les opérations en périphérie des villes ou en milieu rural ».

C'est précisément sous cet aspect que les redevances ont été le plus vivement critiquées. Alors que seulement 2 % des diagnostics urbains reviennent plus cher après l'application de la loi, la proportion atteint 22 % pour les diagnostics ruraux. S'agissant des fouilles, on constate que les fouilles non stratifiées -essentiellement réalisées en zone rurale- sont plus coûteuses dans 44 % des cas tandis que pour les fouilles stratifiées, la redevance aboutit à un renchérissement dans seulement 20 % des cas.

Les contestations concernent essentiellement des opérations de grande superficie en zone rurale. Dans certains cas portés à la connaissance de votre rapporteur, le montant des redevances s'avère sans commune mesure avec le coût des opérations envisagées et les capacités contributives des aménageurs, les conduisant en pratique à abandonner ou à retarder leur projet.

A cet effet pervers des redevances, est venu s'ajouter un inconvénient, là encore parfaitement prévisible et prévu par votre rapporteur. Le produit global des redevances est insuffisant pour couvrir le coût des dépenses opérationnelles de l'établissement et ne permet donc pas de financer ses dépenses de structure pas plus que ses missions scientifiques. Le déficit cumulé de l'INRAP sur les exercices 2002 et 2003 s'élève à 40 millions d'euros, selon une mission d'inspection menée en avril 2003 6 ( * ) . On soulignera que ce déficit imputable à un rendement insuffisant des redevances, était acquis, pour plus de sa moitié avant la réduction de leur montant opérée par la loi de finances pour 2003.

L'inadaptation des ressources de l'INRAP à ses missions s'est traduite par les difficultés rencontrées par l'établissement pour faire face aux obligations que lui impose la loi de 2001, difficultés en partie inhérentes à la lenteur avec laquelle ses structures se sont mises en place. Il convient de souligner, ce qui apparaît symptomatique, que le conseil d'administration de l'établissement public ne s'est pas encore réuni à ce jour. Par ailleurs, les directions interrégionales ne sont pas encore totalement organisées, ce qui induit un fonctionnement très centralisé qui, à l'évidence, n'est guère de nature à faciliter les relations avec les aménageurs et à permettre une réactivité de l'établissement, dont les équipes sont peu ou prou laissées à elles-mêmes.

L'établissement semble donc incapable de faire face aux missions très larges que lui attribue la loi dans les limites actuelles de ses ressources.

La combinaison de ces difficultés que votre commission avait parfaitement anticipées nourrit un climat de crise qui impose une refonte des mécanismes de la loi du 17 janvier 2001 dans des délais très rapides. Si rien n'était fait, il y a fort à craindre que les acquis de la politique de protection du patrimoine archéologique mise en oeuvre depuis les années 1970 ne soient durablement fragilisés.

II. UN PROJET DE LOI NÉCESSAIRE

Le texte proposé par le Gouvernement vise, non pas à élaborer une nouvelle loi, mais à modifier les dispositions de la loi de 2001 qui s'avèrent inapplicables.

Force est de constater que cette méthode n'est guère de nature à rendre lisible le projet de loi dans la mesure où, à l'exception des articles relatifs aux compétences de l'Etat, l'ensemble des dispositions de la loi de 2001 sont modifiées, et cela de manière très significative.

Votre rapporteur regrettera ce choix dont la justification n'est pas évidente et qui, en tout état de cause, ne joue pas en faveur de la clarté et de la simplicité du dispositif.

Au-delà de ces observations de forme, il convient de souligner que le projet de loi poursuit un objectif dont la légitimité n'est pas contestable : rendre possible les opérations d'archéologie préventive, ce que, à l'évidence, ne permet pas aujourd'hui un système reposant sur un établissement doté de droits exclusifs et financé par l'impôt.

Dans cette perspective, les modifications apportées à la loi du 17 janvier 2001 visent :

- à ouvrir à une diversité d'opérateurs la réalisation des opérations d'archéologie préventive, tout en conservant à cette activité son caractère de service public ;

- à assurer le financement de ces opérations, dans des conditions qui garantissent une mutualisation de leurs coûts.

A. OUVRIR LA RÉALISATION DES OPÉRATIONS ARCHÉOLOGIQUES À UNE DIVERSITÉ D'OPÉRATEURS

1. Une ouverture à d'autres opérateurs qualifiés...

Comme l'avait pronostiqué votre commission, le monopole accordé à l'INRAP ne se justifie pas plus sur le plan de l'efficacité que de la nécessité d'assurer la qualité scientifique des fouilles.

Les assouplissements apportés au monopole par l'article 4 de la loi du 17 janvier 2001 n'ont pas trouvé à s'appliquer de manière efficace, l'établissement public n'ayant, semble-t-il, ni eu le temps ni véritablement la volonté d'associer à l'exécution de ses missions d'autres opérateurs de fouilles, privés ou publics, au demeurant assez peu nombreux.

Face à ce constat, une refonte des conditions de réalisation des opérations d'archéologie préventive s'impose.

Le projet de loi, tout en maintenant le cadre dans lequel sont exercées les prérogatives de l'Etat pour assurer la protection du patrimoine archéologique, revient sur l'attribution d'un monopole à un établissement public, qui constituait le fondement de la réforme de 2001.

S'il conserve le principe d'un établissement public national chargé de la recherche archéologique, le projet de loi en modifie significativement les missions.

En ce qui concerne les opérations archéologiques, le texte distingue deux régimes d'exécution des opérations de terrain, selon qu'il s'agit de diagnostics ou de fouilles.

• Les diagnostics

Pour les diagnostics, l'article 2 du projet de loi maintient le principe d'un monopole public.

Ce choix est guidé par la volonté du Gouvernement d'assurer la détection de la présence de vestiges archéologiques dans des conditions objectives sur le plan scientifique. En effet, confier cette phase des opérations archéologiques à des opérateurs privés risquerait d'aboutir à des conclusions trop hâtives, voire erronées, qui compromettraient la pertinence des prescriptions prises par l'Etat sur leur fondement.

Toutefois, ce monopole n'est plus l'apanage du seul INRAP, qui en partagera l'exercice avec les services archéologiques des collectivités territoriales.

Le projet de loi insère dans la loi du 17 janvier 2001 un article 4-2 (nouveau) qui précise les conditions dans lesquelles les services archéologiques des collectivités territoriales et de leurs groupements peuvent réaliser des diagnostics.

Leur compétence, déterminée par une décision de l'organe délibérant de la collectivité dont ils relèvent, peut être, au choix de ce dernier, soit ponctuelle, limitée à un projet d'aménagement déterminé, soit générale, pour l'ensemble des diagnostics réalisés sur leur territoire.

Votre commission voit dans ce système le moyen de remédier à une des faiblesses principales du dispositif de la loi du 17 janvier 2001 qui dissuadait les collectivités territoriales de se doter de services archéologiques.

Le rôle subsidiaire qui leur a été accordé jusqu'ici allait à l'encontre du rôle primordial qu'ils jouent dans la recherche archéologique, rôle qui a vocation à prendre tout son sens alors que les compétences des collectivités territoriales en matière d'urbanisme et d'aménagement du territoire continuent de s'affirmer. D'ores et déjà, ces services ont contribué de manière déterminante à sensibiliser les constructeurs, mais également les élus, aux nécessités de la protection du patrimoine archéologique et à permettre une valorisation culturelle et scientifique des découvertes au plus près des préoccupations des populations.

Le mécanisme d'exonération du paiement des redevances archéologiques prévu par la loi du 17 janvier 2001 pour les collectivités territoriales qui disposent de services archéologiques agréés n'apparaissait pas de nature à contrebalancer les effets du monopole accordé à l'INRAP dans la mesure où la mise en oeuvre de ce dispositif, complexe et de portée limitée, était laissée à la discrétion de l'établissement public.

En reconnaissant aux collectivités territoriales la possibilité de réaliser des diagnostics, le projet de loi ouvre la voie à une décentralisation de l'archéologie, décentralisation qui n'est pas imposée mais proposée aux collectivités territoriales, quel que soit leur niveau : régions, départements, communes ou établissements publics de coopération intercommunale.

Cependant, le texte, dans le souci de garantir la compétence scientifique des opérateurs de diagnostics, n'ouvre qu'aux seules collectivités territoriales dotées de services archéologiques agréés la possibilité de se saisir de cette compétence. Le projet de loi reprend sur ce point une des dispositions de la loi du 17 janvier 2001 qui avait institué une procédure d'agrément pour l'octroi des exonérations de redevances.

Le maintien d'un monopole public pour les diagnostics est fort opportunément contrebalancé par des dispositions de nature à prévenir les risques de dérive qui conduiraient l'INRAP et les collectivités locales à abuser de leur position dominante.

Votre rapporteur se félicitera notamment de la précision introduite dans l'article 4-5 (nouveau) de la loi du 17 janvier 2001 prévoyant que, lorsque du fait de l'opérateur, à l'issue des délais fixés contractuellement avec l'aménageur, les diagnostics ne sont pas achevés, la prescription est réputée caduque. Un telle disposition constitue une incitation puissante pour l'opérateur public à se conformer à ses engagements contractuels. Cependant, il convient de souligner que la caducité de prescriptions n'a pas pour conséquence de priver l'Etat de ses prérogatives en matière de protection du patrimoine. En effet, le texte précise que les dispositions de la loi du 27 septembre 1941 relatives aux découvertes fortuites s'appliquent en cas de mise à jour de vestiges.

• Les fouilles

En ce qui concerne les fouilles, le projet de loi retient une solution radicalement différente de celle adoptée en 2001.

En effet, abrogeant le monopole de l'INRAP, l'article 3 du projet de loi qui modifie la rédaction de l'article 5 de la loi de 2001 prévoit que leur réalisation incombe à la personne projetant d'exécuter les travaux : l'aménageur devient donc le maître d'ouvrage des fouilles.

Dans le cadre des règles du droit de la concurrence et de celles régissant les marchés publics, s'il s'agit d'une personne publique, l'opérateur pourra choisir soit l'INRAP, soit, dès lors que leurs compétences scientifiques sont reconnues par un agrément délivré par l'Etat, un service archéologique de collectivité territoriale ou tout autre opérateur public ou privé.

D'après les indications fournies par le Gouvernement, il semble que le texte de l'article 5 de la loi du 17 janvier 2001, tel qu'il résulte de l'article 3 du projet de loi, ne limite pas, pour les fouilles, la compétence des services archéologiques territoriaux au territoire de la collectivité ou du groupement de collectivités dont ils relèvent. Ainsi, un service municipal pourra effectuer des fouilles en dehors du territoire de la commune dont il dépend. Cette solution, originale, constitue pour les collectivités une incitation à se doter de tels services car elles sauront que leurs recettes ne seront pas limitées aux seules opérations d'aménagement réalisées sur leur territoire. Toutefois, en pratique, il sera vraisemblablement rare qu'un service territorial puisse intervenir en un lieu très éloigné de sa collectivité de rattachement, cela notamment du fait des difficultés à assurer la mobilité géographique de ses agents.

Il convient de souligner que la possibilité pour des opérateurs publics de fournir des prestations de service dans un cadre concurrentiel leur imposera de tenir une comptabilité conçue de telle sorte qu'elles puissent dégager un prix intégrant les coûts de structure, et de ce fait comparable à celui présenté par des concurrents privés. Les conditions d'établissement de cette comptabilité ont été définies par l'avis du Conseil d'Etat Sté Jean-Louis Bernard Consultants du 8 novembre 2000.

2. ... tempérée pour des raisons de droit et de fait

Toutefois, cette ouverture des opérations archéologiques à d'autres opérateurs que l'INRAP sera, dans la loi comme dans la pratique, tempérée.

• En premier lieu, la réalisation des diagnostics et des fouilles reste encadrée par les prescriptions édictées par l'Etat.

Le projet de loi ne remet pas en cause le pouvoir de police exercé par l'autorité administrative en matière de protection du patrimoine archéologique en vertu de l'article 2 de la loi du 17 janvier 2001.

Le seul aménagement proposé vise à prévoir que l'édiction de prescriptions par l'Etat est précédée d'une consultation de l'aménageur. Cette disposition traduit le souci louable d'atténuer le caractère unilatéral des décisions préfectorales en ce domaine, caractère qui nourrit les préventions des aménageurs à l'égard des décisions administratives, trop souvent considérées en ce domaine comme arbitraires.

Sous réserve de cette modification, les procédures définies par le décret du 16 janvier 2002 pour l'édiction des prescriptions par le préfet de région devraient demeurer inchangées.

Par ailleurs, les opérations d'archéologie préventive sont réalisées dans les conditions définies par l'Etat.

En effet, pour les diagnostics, comme votre rapporteur l'a souligné plus haut, seules les collectivités territoriales disposant de services archéologiques agréés pourront décider d'exercer les compétences prévues par l'article 4-2 (nouveau). Par ailleurs, il reviendra à l'Etat de désigner le responsable scientifique des opérations de diagnostics.

Pour les fouilles, les aménageurs pourront faire appel à l'INRAP ou à des opérateurs, publics ou privés, mais à la condition que ces derniers soient agréés. Les modalités de cet agrément seront définies par un décret en Conseil d'Etat.

En outre, le projet de loi introduit à l'article 5 de la loi du 17 janvier 2001, dont il propose une nouvelle rédaction, une procédure d'autorisation des fouilles destinée à contrôler la conformité des modalités de leur réalisation aux prescriptions édictées par l'Etat. Cela revient à dire que le choix de l'aménageur sera approuvé par les services de l'Etat. Cette procédure s'ajoute à la compétence dévolue à l'Etat par l'actuel article 2 pour désigner le responsable scientifique des opérations archéologiques.

Votre rapporteur soulignera, à cet égard, la nécessité pour l'Etat du fait de l'ouverture de l'archéologie préventive à une diversité d'opérateurs de se doter de services capables d'assurer de manière effective les compétences qui leur sont dévolues pour assurer le contrôle des opérations de terrain.

Les services de l'Etat en charge de l'archéologie sont actuellement sous-dotés et peinent à accomplir des missions déjà étendues par la loi du 17 janvier 2001 et que renforcera encore la présente loi.

Au-delà d'un manque de moyens flagrant, le ministre a souligné lors de son audition par la commission le 4 juin dernier que ces services souffraient d'un insuffisant encadrement hiérarchique de la part des directeurs régionaux des affaires culturelles.

Le renforcement des prérogatives de l'Etat dans le cadre d'une archéologie plus ouverte exige de remédier à ces carences, ce qui impliquera des services centraux du ministère d'accentuer le rôle d'impulsion et de coordination qui doit être le leur dans le cadre d'une administration déconcentrée.

• En second lieu, l'ouverture à la concurrence s'effectuera dans un contexte où l'INRAP continuera à occuper une place déterminante du fait des moyens humains et techniques dont il dispose.

Peu nombreuses encore sont les collectivités territoriales à s'être dotées de services archéologiques ; les organismes de recherche ou les universités ne disposent ni des équipes ni de la logistique leur permettant d'intervenir de manière systématique sur les projets d'aménagement, en particulier ceux de grande ampleur et s'agissant d'opérateurs privés, le monopole de fait de l'AFAN, puis de droit de l'INRAP, ne les a guère encouragés à se développer.

Au regard de cette analyse, le texte accorde au demeurant à l'établissement public un rôle d'« armée de réserve ». L'article 3 du projet de loi précise que dans les cas où les appels d'offre sont infructueux et ceux où aucun opérateur ne remplit les conditions pour réaliser les fouilles, l'établissement public est tenu d'y procéder.

La concurrence imposée par le texte ne revient pas, on le voit, à livrer l'archéologie préventive à la loi du marché. La souplesse qu'il introduit en permettant aux aménageurs de choisir leur opérateur de fouilles, dans des conditions toutefois compatibles avec le respect du patrimoine archéologique, est de nature à permettre le rééquilibrage nécessaire à l'acceptation par les aménageurs de la « contrainte archéologique », notamment à travers une meilleure maîtrise des délais et des prix.

Par ailleurs, contrairement à ce que certains ont pu affirmer, la possibilité pour les aménageurs de choisir leur opérateur de fouilles n'induira pas de délais supplémentaires pour les collectivités publiques, dans la mesure où compte tenu des niveaux actuels fixés pour le recours à des appels d'offre, qui devraient très prochainement être relevés, la quasi-totalité des marchés de fouilles seront négociés de gré à gré.

• Il convient de souligner également que la réforme proposée ne modifie en rien le statut et l'organisation interne de l'établissement public. L'article 4 dans la rédaction proposée par le projet de loi conserve à l'établissement public son caractère administratif et le statut de ses agents demeure inchangé.

Votre rapporteur s'est toutefois demandé si, compte tenu des conditions dans lesquelles l'établissement sera amené à exercer ses missions, le statut qui lui est dévolu lui permettrait de lutter à armes égales avec ses concurrents qui disposeront d'une plus grande souplesse de gestion, ce qui apparaît essentiel dans une activité dont le volume est sujet à des variations conjoncturelles.

Enfin, le projet de loi réaffirme la mission scientifique confiée à l'établissement public, mission qu'il ne peut aujourd'hui remplir en dépit -ou peut-être à cause- du monopole qu'il détient. Il s'agit là de l'occasion bienvenue de rappeler au ministère de la recherche, s'il l'avait oublié, -ce que votre rapporteur ne peut croire- qu'il exerce avec le ministère de la culture une co-tutelle sur cet établissement public.

Sans modifier sur ce point les termes de l'article 4 actuel de la loi de 2001 relatif aux modalités d'exercice de cette mission, l'article 7 (nouveau) précise les conditions dans lesquelles l'établissement est informé du déroulement et du résultat des fouilles conduites par d'autres opérateurs.

Le projet de loi précise que ces opérateurs sont tenus de remettre à l'Etat et à l'établissement public un exemplaire des rapports de fouilles, dont le contenu et la présentation devront obéir à des règles fixées par décret.

Il convient de souligner que les conditions dans lesquelles l'établissement public s'acquittera de sa mission de recherche sont étroitement tributaires des marges de manoeuvre budgétaire dont il disposera.

Ces marges devraient provenir, dans le schéma proposé par le Gouvernement, du produit de la redevance d'archéologie préventive. Sans vouloir douter a priori de la pertinence des hypothèses financières retenues par le ministère de la culture, votre rapporteur exprime la crainte que la multiplication prévisible des diagnostics n'ampute à l'avenir un produit fiscal, déjà calculé au plus juste, et ne compromette les moyens dont disposera l'INRAP pour mener à bien ses activités scientifiques. A cet égard, l'Etat devra assumer ses responsabilités en finançant par le biais de subventions ces activités, qui relèvent de la mission de service public assumée par l'établissement pour le compte de l'Etat.

A défaut de ce soutien, il y a fort à craindre que ces activités soient négligées -comme c'est déjà le cas actuellement- ou que leur coût ne pèse sur la compétitivité de l'établissement pour la réalisation des fouilles, ce qui conduirait à la mise en place d'un cercle vicieux préjudiciable à sa pérennité en tant qu'opérateur public.

B. UN FINANCEMENT FONDÉ SUR LA CONTRIBUTION DES AMÉNAGEURS

1. Le maintien du principe « casseur-payeur »

Le projet de loi, en abrogeant les redevances d'archéologie préventive instituées par la loi du 17 janvier 2001, substitue au financement par l'impôt un dispositif largement inspiré des mécanismes qui prévalaient avant son entrée en vigueur, tout en répondant à la nécessité de mettre en oeuvre une mutualisation efficace des coûts pour les aménageurs.

Le projet de loi ne remet pas en cause le principe « casseur-payeur » sur lequel était fondé ce texte.

En effet, les diagnostics seront financés par le biais d'une taxe d'un faible montant forfaitaire, soit 32 centimes d'euro par mètre carré, qui sera perçue par l'opérateur compétent pour réaliser les diagnostics, qui sera, selon les cas, l'établissement public ou la collectivité territoriale.

Cette taxe intitulée redevance d'archéologie préventive s'applique aux travaux visés par la loi de 2001, c'est-à-dire ceux qui nécessitent des affouillements susceptibles d'affecter les couches du sol renfermant des vestiges archéologiques mais, à la différence de ce que prévoit le texte en vigueur, elle concernera la totalité de ces travaux, qu'ils rendent nécessaire ou non la réalisation d'opérations de détection, cela dès lors qu'ils sont entrepris sur un terrain d'assiette d'une superficie supérieure ou égale à 5 000 m².

Le fait générateur de la redevance n'est donc plus l'édiction de prescriptions mais, selon les cas, la délivrance des autorisations d'urbanisme ou la non-opposition aux travaux, pour les travaux soumis à étude d'impact, l'acte qui décide de la réalisation du projet et, pour les autres affouillements, le dépôt de la déclaration administrative préalable.

Le projet de loi prévoit expressément le cas où l'aménageur souhaite, avant d'engager les travaux, lever l'hypothèque archéologique en procédant à des diagnostics.

• En ce qui concerne les fouilles, l'article 5 du projet de loi prévoit que « la réalisation des prescriptions de fouilles d'archéologie préventive (...) incombe à la personne projetant d'exécuter les travaux ayant donné lieu à la prescription », ce qui revient à affirmer qu'elle en assumera la maîtrise d'ouvrage et le coût.

Ce coût fera l'objet, selon les termes de l'exposé des motifs du projet de loi, d'« une régulation par le prix ».

Votre rapporteur ne peut que souligner que ce marché est aujourd'hui embryonnaire et ne produira tous les effets escomptés en termes de détermination des prix et de diversité des opérateurs qu'à un horizon relativement éloigné.

Le mérite immédiat de ce dispositif sera, à court terme, de rapprocher le prix payé par l'aménageur du coût réel des fouilles et, surtout, de permettre une négociation entre l'opérateur et l'aménageur, qui pourra ainsi limiter l'impact archéologique de son projet en fonction de son coût, le facteur du prix constituant un moyen efficace pour l'inciter à modifier son projet.

2. L'instauration d'un mécanisme de mutualisation

• Une assiette élargie

L'assiette et le mode de calcul de la redevance d'archéologie préventive retenus par le projet de loi font de cet impôt un instrument de mutualisation du coût des diagnostics.

Comme il a été indiqué plus haut, le projet de loi modifie la loi du 17 janvier 2001 afin d'assujettir à la redevance, non pas l'ensemble des travaux rendant nécessaires la réalisation d'opérations archéologiques, mais l'ensemble des travaux réalisés sur des terrains d'une superficie supérieure ou égale à 5 000 m2.

Cet élargissement de l'assiette permet donc d'accroître le rendement de la redevance.

D'après les informations fournies par le Gouvernement, le produit attendu s'élève à 66 millions d'euros. Il semble toutefois que les bases de calcul retenues par le Gouvernement laissent subsister dans cette estimation une certaine marge d'approximation.

Votre rapporteur s'est interrogé sur les risques que pourrait induire une généralisation des opérations de diagnostics, qui s'est déjà faite jour dans les premiers mois d'application de la loi du 17 janvier 2001, sur la situation financière des opérateurs chargés de les réaliser, qu'il s'agisse de l'établissement public ou des services archéologiques territoriaux.

On peut craindre, en effet, que dans la mesure où la charge de la réalisation des diagnostics n'est pas assumée par l'aménageur, les services régionaux archéologiques imposent de manière systématique des opérations de diagnostics et que les aménageurs, inspirés par un principe de précaution, demandent systématiquement à ce que soient réalisés des sondages. Une telle situation engendrera pour l'établissement public et les services territoriaux un coût qui ne sera pas compensé par une augmentation de leurs recettes, nécessitera un financement à ce titre de la part de leurs autorités de tutelle et provoquera vraisemblablement une inflation des prescriptions de fouilles. Il est souhaitable d'être conscient de ce risque.

Le principe d'un taux forfaitaire conjugué à des modalités de calcul simple, prenant en compte la superficie des terrains, permet aux aménageurs d'anticiper le coût de cette redevance et de l'intégrer dans leurs projections économiques.

Il convient de souligner que le projet de loi reprend les cas d'exonérations prévus par la loi du 17 janvier 2001, en faveur du logement social et des constructions de logements réalisées par une personne physique pour elle-même. Le coût de ces exonérations est évalué en année pleine à dix millions d'euros d'après les informations fournies par l'INRAP à votre rapporteur.

• Un mécanisme de péréquation

Outre l'effet mutualisateur induit par la définition de l'assiette de la redevance et les exonérations dont bénéficient certains types d'aménagement, le projet de loi prévoit un mécanisme de péréquation du coût des fouilles.

Une part du produit de la redevance d'archéologie préventive, fixée à 30 %, sera affectée à un fonds destiné à financer des subventions versées aux aménageurs qui doivent réaliser des fouilles.

Les critères d'attribution de ces subventions seront fixés par décret. Le ministère de la culture a indiqué que ces subventions devraient être destinées à soutenir les projets d'aménageurs qui ne peuvent faire face au coût des fouilles, en fonction notamment de l'impossibilité manifeste de déplacer le projet d'aménagement, de la capacité contributive du redevable ou du coût du projet d'aménagement.

Ces subventions seront attribuées par l'Etat après avis d'une commission composée en nombre égal, de représentants de l'Etat, des collectivités territoriales et de personnalités qualifiées.

Outre ces subventions, les recettes de ce fonds sont destinées à financer les fouilles archéologiques occasionnées par les travaux exonérés du paiement de la redevance d'archéologie préventive, à savoir la construction individuelle et celle de logements sociaux. Le projet de loi reprend sur ce point le principe d'exonération de ces travaux qui avait été posé par la loi du 17 janvier 2001.

Cette péréquation, qui emprunte au dispositif prévalant avant la loi de 2001, remédie à une lacune du dispositif actuellement en vigueur qui, du fait du caractère fiscal du financement des opérations de diagnostics et de fouilles, interdisait à l'Etat d'en assumer une part en lieu et place de l'aménageur.

III. LES PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION

A. ASSURER UN FINANCEMENT EFFICACE ET ÉQUITABLE DE L'ARCHÉOLOGIE PRÉVENTIVE

1. Garantir un prélèvement suffisant

Une des difficultés principales à laquelle s'est heurtée la mise en oeuvre de la loi du 17 janvier 2001 réside dans l'inadaptation du mode de financement retenu pour assurer la réalisation des diagnostics et des fouilles.

Les redevances présentaient deux inconvénients majeurs : d'une part, un rendement insuffisant qui a conduit à mettre l'établissement public dans l'incapacité d'assumer les missions que lui a assignées la loi, issue inacceptable pour les aménageurs dans une situation de monopole ; d'autre part, la redevance pesait plus lourdement sur les opérations rurales que sur les aménagements urbains, considérés comme généralement plus rentables que les premières.

Un des défis que doit relever la nouvelle loi est d'éviter ces écueils.

Si l'ouverture des fouilles à la concurrence, ou du moins à un plus large éventail d'opérateurs, permettra un financement de l'archéologie par le marché, le rendement attendu de la redevance est déterminant pour garantir l'efficacité des mécanismes proposés par le projet de loi.

La redevance devra permettre au monopole public des diagnostics d'être financé à un niveau suffisant pour prévenir tout nouveau phénomène de file d'attente. Il est probable que l'engagement des collectivités locales nécessitera de leur part un investissement, la perception de la redevance ne pouvant couvrir les coûts engendrés par la mise en place d'un service archéologique. En outre, comme votre rapporteur l'a souligné plus haut, il est prévisible que la tendance à la systématisation des diagnostics conduira à l'avenir à alourdir le coût des diagnostics, ce qui pèsera sur l'équilibre financier des opérateurs chargés de les réaliser, opérateurs dont les recettes demeureront stables ou n'évolueront qu'en fonction de critères liés à l'activité économique.

Par ailleurs, seul un rendement suffisant de la redevance garantira un bon fonctionnement des mécanismes de péréquation mis en place à travers le fonds créé par l'article 9-2 (nouveau). D'après les estimations réalisées par le Gouvernement, sur les quelque 22 millions d'euros qui seront versés au fonds, près de 10 millions d'euros seront affectés à la prise en charge du coût des fouilles réalisées pour les opérations exonérées. La marge de manoeuvre est donc étroite. Or, un financement des fouilles par le marché n'est acceptable que si la différence de capacités contributives entre les aménageurs peut être compensée par un mécanisme de subventions. Sans remettre en cause la légitimité des exonérations prévues par le projet de loi, votre rapporteur en soulignera le coût pour l'archéologie préventive.

Enfin, du niveau effectif de la redevance dépendent également les conditions dans lesquelles l'établissement public, mais également les collectivités territoriales, pourront assurer l'exploitation scientifique et la valorisation culturelle des découvertes archéologiques. Or, force est de constater que, jusqu'à présent, le système actuel, pas plus que le précédent, n'a permis une diffusion satisfaisante des connaissances, acquises au cours de près de trois décennies de fouilles préventives.

Au regard de ces observations, votre rapporteur regrettera la relative imprécision des estimations faites par le Gouvernement du rendement de la redevance. Sans méconnaître la difficulté de l'exercice, force est de constater que les paramètres retenus sont approximatifs et prennent en compte des données qui pourraient être amenées à évoluer, comme le coût estimé des diagnostics et les moyens nécessaires pour les réaliser.

Il lui a semblé à cet égard indispensable de garantir un produit suffisant de la redevance. Dans la mesure où le faible coût de l'imposition permet un élargissement de l'assiette sans pour autant générer des charges insupportables pour les aménageurs, votre commission vous proposera d'abaisser de 5 000 à 1 000 mètres carrés la superficie à partir de laquelle les opérations d'aménagement seront assujetties à la redevance. Consciente de la nécessité de ne pas obérer le produit ainsi généré par des frais de recouvrement excessif, votre commission estime souhaitable, pour les opérations concernées situées sur des terrains compris entre 1 000 et 5 000 mètres carrés, de retenir un montant forfaitaire.

Par ailleurs, au regard des contraintes pesant sur la gestion de l'INRAP, le choix opéré par le projet de loi de le désigner comme organisme collecteur de la redevance n'est pas de nature à améliorer sa situation financière et à lui permettre de dégager des capacités opérationnelles supplémentaires. En effet, les tâches administratives de perception de la redevance nécessiteront des créations d'emplois dans la mesure où les mécanismes de liquidation et de recouvrement exigeront la mise en place de circuits administratifs différents de ceux, finalement assez simples, qui président aujourd'hui à la collecte de ces redevances.

Votre commission vous proposera donc de confier la liquidation et le recouvrement de la redevance à l'Etat dont les services pourront, à moyens constants, faire face à ces tâches.

2. Résorber les déséquilibres entre zones urbaines et zones rurales

Le projet de loi s'est efforcé de tirer les conséquences de l'échec de la précédente réforme, dont une des raisons était le déséquilibre qu'elle générait entre opérations urbaines et opérations rurales.

Le texte proposé se prémunit par plusieurs dispositions contre le risque qu'il y aurait à reproduire les mêmes erreurs. En premier lieu, il assure une mutualisation élargie du coût des diagnostics. En second lieu, la régulation par le prix permet de faire payer à chaque aménageur le coût réel des fouilles, généralement plus élevé en zone urbaine où les sols sont stratifiés. Enfin, le mécanisme de péréquation permet de dégager les moyens de corriger d'éventuels déséquilibres, qu'ils soient économiques ou géographiques.

Cependant, le taux forfaitaire conjugué à un mode de calcul calé sur la surface du terrain d'assiette, fixé à un seuil assez élevé, conduit à exonérer en pratique les opérations en centre urbain. La diminution du seuil de 5 000 à 1 000 mètres carrés pour l'assiette de la redevance proposée par votre commission, comme les exonérations pour les affouillements agricoles qu'elle estime indispensables, répondent à la volonté de corriger un des effets pervers d'un impôt qui présente, par ailleurs, le mérite de la simplicité et l'avantage d'assurer une réelle mutualisation.

Par ailleurs, remédier à cet effet pervers apparaît indispensable si l'on veut inciter les communes d'une certaine taille à se doter de services archéologiques.

B. INCITER AU DÉVELOPPEMENT DE SERVICES ARCHÉOLOGIQUES TERRITORIAUX

Dans la mesure où il n'existe pas, de l'aveu de tous, un véritable « marché de l'archéologie », la suppression du monopole pour les fouilles n'aboutira pas à livrer les fouilles à la concurrence mais devrait générer une dynamique en faveur de la création de services archéologiques territoriaux.

Conscients désormais de l'importance du patrimoine dans la construction de l'identité locale, les élus doivent se sentir responsables de leur sous-sol.

Les compétences en matière d'urbanisme qui leur incombent ne peuvent que les encourager à contribuer à une meilleure connaissance des richesses archéologiques.

Souvent investis de missions de conseil et chargés de tâches de valorisation, les services territoriaux ne sont pas, pour leur grande majorité, dotés des moyens nécessaires pour leur permettre d'accéder au rang d'opérateur.

La voie ouverte par le projet de loi à une décentralisation des compétences archéologiques ne peut qu'encourager leur développement alors que la loi du 17 janvier 2001 les ravalait à un rang subalterne.

Toutefois, s'il leur accorde des compétences substantielles, le projet de loi soumet l'intervention des collectivités territoriales à un encadrement réglementaire, qui risque de décourager bon nombre d'entre elles de constituer des services archéologiques.

L'agrément, repris de la loi du 17 janvier 2001, sera octroyé selon des critères laissés à l'appréciation de l'Etat et de ses services. Or, les critères envisagés sont assez flous pour faire craindre un certain arbitraire, mais également une relative dispersion de l'effort des collectivités dans une multitude de services, qui n'atteindront pas la taille critique.

Or, les règles de la fonction publique territoriale qui confient les missions de conservation à des cadres d'emplois spécifiques, conjuguées à l'institution d'un contrôle scientifique et technique de l'Etat sur l'activité de ces services, apparaissent suffisantes pour garantir leurs compétences scientifiques. Adapté à l'activité forcément plus circonscrite de structures privées, l'agrément correspond, par ailleurs, assez mal à la réalité des services territoriaux.

C'est pourquoi votre commission vous proposera de substituer pour ces services à la procédure d'agrément prévu par le projet de loi un dispositif plus conforme au principe de libre administration des collectivités territoriales.

Votre rapporteur soulignera que l'essor des services territoriaux, indispensable pour faire face à des opérations archéologiques de plus en plus systématiques, exige que les collectivités puissent disposer des personnels compétents, ce qui nécessite un accroissement des postes ouverts aux concours organisés pour recruter des personnels scientifiques en nombre suffisant mais aussi la création des cadres d'emploi nécessaires pour constituer des équipes cohérentes.

C. PERMETTRE UNE MEILLEURE COMPRÉHENSION PAR LES AMÉNAGEURS DE LA « CONTRAINTE ARCHÉOLOGIQUE »

Lors de son audition devant la commission, le ministre a souligné que la clé de la crise engendrée par la loi du 17 janvier 2001 résidait dans un respect réciproque des aménageurs et des archéologues. Votre rapporteur ne pourra que souscrire à ce propos.

Le projet de loi doit s'attacher à cette fin à promouvoir un équilibre entre la nécessité de permettre à l'aménageur de contribuer au développement économique et celle d'assurer la protection du patrimoine, préoccupations également légitimes.

A cet égard, votre commission a estimé indispensable de renforcer la transparence des procédures selon lesquelles sont prescrits les diagnostics et les fouilles.

Une des critiques faites à la précédente réforme a été, en effet, de favoriser des décisions arbitraires ou mal fondées. Cette réalité, perçue par les aménageurs, a été dénoncée par le ministre lui-même dans la circulaire du 3 janvier 2003.

Afin de prémunir à l'avenir les services de l'Etat contre cette critique, votre commission vous proposera de prévoir que les prescriptions archéologiques sont motivées.

Cette obligation, qui sera appréciée par le juge administratif, apparaît nécessaire pour faciliter la compréhension par les aménageurs des obligations qui leur sont imposées, mais également pour contraindre l'administration à mieux fonder ses décisions.

La mise en oeuvre de la loi du 17 janvier 2001, en systématisant la consultation des services déconcentrés en charge de l'archéologie au sein du ministère de la culture, a fait apparaître de fortes disparités de pratiques, témoignant d'une application de la loi « à géométrie variable », inacceptable par les aménageurs. En effet, l'affirmation du pouvoir de prescription de l'Etat ne s'est pas accompagnée d'une réflexion sur les motivations scientifiques qui devaient le justifier. Cette situation est largement imputable à l'absence de connaissance des richesses du sous-sol, la carte archéologique prévue par l'article 3 de la loi du 17 janvier 2001 étant encore à l'état d'ébauche.

Afin de remédier à cette situation et de favoriser la mise en oeuvre d'une politique nationale de l'archéologie préventive, votre commission a adopté deux dispositifs de nature à accélérer la prospection du sol, indispensable pour assurer une meilleure prévisibilité du risque archéologique.

Votre commission vous proposera de prévoir la possibilité pour l'Etat de délimiter des zones où les projets d'aménagement seront présumés rendre nécessaire la réalisation d'opérations archéologiques. Ce dispositif, introduit à l'article 3 de la loi du 17 janvier 2001, sans pour autant instituer une obligation de diagnostics, permet d'alerter les aménageurs. Ce zonage sera établi sur des critères de prescription homogènes sur l'ensemble du territoire.

Par ailleurs, dans le souci d'accélérer la réalisation de la carte archéologique, votre commission a ouvert la possibilité à l'Etat de transférer les compétences qu'il détient pour l'établir à une collectivité qui pourra les exercer dans les limites de son territoire.

D. ADAPTER LE RÉGIME DE PROPRIÉTÉ DU MOBILIER ARCHÉOLOGIQUE AFIN DE GARANTIR SON INTÉGRITÉ

Le projet de loi en modifiant la rédaction de l'article 7 de la loi du 17 janvier 2001 a pour effet d'abroger les dispositions des lois de 1941 et de 2001 qui réglaient le régime de propriété des vestiges mobiliers exhumés à l'occasion de diagnostics ou de fouilles d'archéologie préventive.

L'article 7 de la loi du 17 janvier 2001 prévoyait que le mobilier archéologique ainsi découvert était régi, à l'issue du délai nécessaire à son étude scientifique par l'INRAP, par les dispositions de l'article 11 de la loi du 27 septembre 1941 qui dispose que la propriété des découvertes effectuées au cours des fouilles est partagée entre l'Etat et le propriétaire du terrain suivant les règles du droit commun, c'est-à-dire, celles de l'article 716 du code civil.

On rappellera que l'article 716 du code civil dispose que la propriété d'un trésor, défini comme toute chose cachée ou enfouie sur laquelle personne ne peut justifier sa propriété et qui est découverte par le pur effet du hasard, appartient au propriétaire du fonds. Dans le cas où le trésor est trouvé dans le fonds d'autrui, le trésor est considéré appartenir pour moitié à celui qui l'a découvert et pour moitié au propriétaire.

Dans la mesure où, dans le nouveau dispositif, le maître d'ouvrage de la fouille n'est plus l'Etat mais l'aménageur lui-même, on est en droit de s'interroger sur le régime applicable. Or, les dispositions de la loi du 27 septembre 1941 ne prévoient pas le cas spécifique des opérations d'archéologie préventive.

Cette incertitude juridique doit être résolue.

En effet, les difficultés rencontrées dans la conservation du mobilier tiennent, pour une bonne part, précisément à l'inadaptation des règles qui régissent sa propriété.

En effet, pour l'essentiel composé de séries de biens de faible valeur marchande, le mobilier archéologique est, en règle générale, après le délai nécessaire à son étude, laissé à l'abandon, les propriétaires des terrains fouillés ne le réclamant pas.

Faute pour l'Etat de disposer de locaux de stockage adaptés, les pièces sont bien souvent conservées dans des conditions précaires et, si elles ne sont pas épargnées par les risques de dégradation, elles sont en revanche préservées de toute tentative d'étude scientifique ou de valorisation. Par ailleurs, le fait qu'une partie des collections ainsi exhumées ne lui appartiennent pas n'incite guère l'Etat à prendre les mesures nécessaires à leur conservation. La situation des dépôts archéologiques qu'ils soient gérés par l'Etat ou les collectivités territoriales apparaît très préoccupante.

Ce constat est alarmant lorsque l'on mesure l'intérêt scientifique des vestiges exhumés. L'exploitation et la valorisation des découvertes, auxquelles sont consacrées par les aménageurs des sommes importantes, ne peuvent être en effet possibles que si, au-delà des rapports de fouilles, le mobilier archéologique est conservé dans des conditions satisfaisantes, qui en garantissent à la fois l'intégrité mais également l'accessibilité aux chercheurs.

Votre commission vous proposera donc de prévoir un régime de propriété des vestiges mobiliers qui les prémunisse contre des risques de dispersion voire de disparition pure et simple.

Le dispositif retenu vise à concilier cet impératif patrimonial avec le respect du droit du propriétaire du terrain.

En effet, est repris le principe institué par la loi de 1941 pour les fouilles exécutées par l'Etat et qui s'applique aujourd'hui -sans susciter de contestation- aux fouilles préventives selon lequel la propriété des vestiges est partagée pour moitié entre l'Etat et le propriétaire du terrain.

Toutefois, afin d'éviter que cette règle ne conduise à entériner la situation actuelle, qui n'est guère satisfaisante, le texte proposé prévoit que si à l'issue d'un délai d'un an à compter de la réception du rapport de fouilles, le propriétaire du terrain n'a pas manifesté une intention en sens contraire, il est réputé avoir renoncé à son droit de propriété sur les vestiges qui lui revenaient à l'issue du partage. La propriété des vestiges est alors transférée à titre gratuit à l'Etat.

Si la collectivité territoriale sur le territoire de laquelle ont été découverts les vestiges en fait la demande, l'Etat peut lui en transférer la propriété à titre gratuit à condition qu'elle s'engage à en assurer la bonne conservation.

Ce régime permet d'affirmer la responsabilité de l'Etat à l'égard du patrimoine archéologique et de lui donner les moyens juridiques d'en garantir l'intégrité. Cependant, cette responsabilité exigera sans doute un effort financier et administratif de la part de l'Etat pour organiser la conservation de ce mobilier.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

Modalités d'édiction des prescriptions archéologiques

I. Texte du projet de loi

Cet article introduit deux modifications à l'article 2 de la loi du 17 janvier 2001 afin de préciser les modalités d'édiction des prescriptions de sondages et de fouilles.

* La première modification proposée vise à prévoir que les prescriptions seront édictées après consultation de la personne projetant d'exécuter les travaux. Elle répond au souci de mieux faire accepter la contrainte archéologique aux aménageurs et de conférer à l'action de l'Etat une dimension pédagogique.

Il est évident qu'un des effets pour le moins paradoxal de la loi de 2001 a été de rendre insupportable une obligation de protection du patrimoine, jusque là assez bien comprise par les aménageurs.

Il semble toutefois que les critiques aient été suscitées, moins par le pouvoir de prescription du préfet de région, que la loi s'est bornée à préciser, que par le fait que les prescriptions constituent le fait générateur des redevances.

En effet, les procédures administratives fixées par le décret n° 2002-89 du 16 janvier 2002 précité pour l'application des dispositions de la loi du 17 janvier 2001 prévoient que dès lors que des prescriptions sont établies, elles sont transmises à l'INRAP qui émet un titre de paiement.

Ces mécanismes ont manifestement accentué le caractère unilatéral des compétences détenues par l'Etat et nourri les préventions des aménageurs à l'égard de procédures complexes qu'ils maîtrisaient encore assez mal.

Dans la mesure où le projet de loi ne conditionne plus la perception de la redevance à l'édiction de prescriptions et supprime la redevance pour fouilles -qui était la plus coûteuse-, il y a fort à parier que la principale source de mécontentement disparaîtra.

Au-delà, on voit mal dans quelle mesure la précision proposée permettra de mieux faire accepter les prescriptions de diagnostics et de fouilles.

Votre rapporteur s'est, en effet, interrogé sur la finalité exacte de la consultation prévue par le projet de loi et s'est demandé quelle pourra en être l'issue dans le cas où l'aménageur s'oppose à la prescription. Si l'aménageur conteste la prescription, la seule solution dont il disposera sera de renoncer à son projet qu'il y ait eu ou non consultation. Il y a en revanche à craindre que cette procédure ne conduise mécaniquement à un rallongement des délais d'instruction des dossiers par les services des directions régionales des affaires culturelles. Il convient de rappeler que le décret du 16 janvier 2002 prévoit un délai d'un mois à compter de la réception d'un dossier pour la prescription de diagnostics et un délai de trois mois à compter de la réception du rapport de diagnostics pour prescrire des fouilles.

Enfin, votre rapporteur craint que cette disposition ne laisse entendre que les prescriptions archéologiques sont négociables, ce qui serait inadmissible à plus d'un titre.

* Par ailleurs, cet article précise que les prescriptions peuvent porter sur des opérations soumises à la redevance.

Cette mention semble largement inutile même si on comprend le souci du Gouvernement de souligner que le champ du pouvoir de prescription n'est pas défini par rapport à l'assiette de la redevance archéologique.

II. Position de notre commission

Votre commission vous propose d'adopter deux amendements .

• Le premier vise à une nouvelle rédaction du premier alinéa du texte proposé par cet article. Cette rédaction substitue à la consultation préalable de la personne projetant d'exécuter des travaux, dont les inconvénients l'emportent sur les avantages, l'obligation de motiver les prescriptions de l'Etat.

Les décisions prises en application de la loi du 17 janvier 2001 ont, en effet, souvent été considérées par les aménageurs comme arbitraires. Le ministre de la culture, dans sa circulaire du 3 janvier 2003, a relevé que « le nombre très important de diagnostics négatifs laisse penser que la présomption de présence de vestiges sur l'emprise des travaux d'aménagement n'est pas appréciée avec suffisamment de rigueur ».

A cet égard, la motivation des prescriptions présente plusieurs avantages, en obligeant l'administration à examiner attentivement le bien-fondé des décisions qu'elle projette, notamment au regard de l'objectif de conciliation des exigences respectives de la recherche scientifique, de la conservation du patrimoine et du développement économique et social, et en garantissant la transparence de son action à l'égard des aménageurs.

• Le deuxième amendement vise à prévoir les conditions dans lesquelles l'Etat peut prescrire la conservation de la totalité ou d'une partie d'un site renfermant des vestiges archéologiques.

En effet, alors que la loi de 2001 ne prévoit pas explicitement cette possibilité, le décret du 16 janvier 2002 précité, dans son article 11, précise que la prescription peut avoir pour objet d'imposer la conservation de la totalité ou d'une partie du site. Dans ce cas, le texte dispose, d'une part, que « la prescription de la conservation du site vaut interdiction d'exécuter les travaux » et, d'autre part, que « lorsqu'il prescrit la conservation du site, le préfet de région définit les modalités de maintien en l'état des éléments du patrimoine archéologique ».

L'interprétation de ces dispositions réglementaires suscite des interrogations sur les droits à indemnisation dont disposent dans ce cas les propriétaires du terrain.

Considérer que toute indemnisation est exclue par le décret conduirait à penser que ses dispositions sont sur ce point entachées d'illégalité, car contraires au principe d'égalité devant les charges publiques. On peut donc se demander si, dans cette hypothèse, ne doivent pas trouver à s'appliquer les dispositions de la loi du 27 septembre 1941 qui précisent les compétences de l'Etat pour prendre les « mesures définitives » à l'égard des découvertes archéologiques à caractère immobilier. La logique de la loi de 1941 est en effet qu'exclure les fouilles impose à l'Etat de classer le site. Pour les fouilles autorisées par l'Etat comme pour les découvertes fortuites, les articles 4 et 16 prévoient dans ce cas qu'une instance de classement peut être ouverte. S'agissant des fouilles exécutées par l'Etat, l'article 10 prévoit que les terrains doivent être rétablis dans leur état antérieur à moins que l'Etat « ne poursuive le classement des terrains parmi les monuments historiques ou leur acquisition ». On rappellera que la procédure de classement est précisée par la loi du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques : en cas de désaccord du propriétaire, l'article 5 prévoit que le classement peut donner lieu à indemnisation à son profit, « s'il résulte, des servitudes et obligations qui lui sont imposées, une modification à l'état ou à l'utilisation des lieux déterminant un préjudice direct, matériel et certain ».

Pour dissiper toute ambiguïté, votre commission estime qu'il convient de compléter l'article 2 de la loi du 17 janvier 2001 afin de préciser que la conservation du site entraîne pour l'Etat une obligation de classement, et, donc éventuellement, d'indemnisation de son propriétaire.

Article additionnel après l'article 1er

Etablissement d'un zonage
dans le cadre de la carte archéologique

Le développement des prescriptions archéologiques impose que soit engagé un effort afin d'assurer une meilleure connaissance du sous-sol et de permettre ainsi aux aménageurs d'anticiper le « risque archéologique ».

A cet égard, la réalisation de la carte archéologique, dont l'élaboration incombe à l'Etat, constitue un enjeu majeur. Initiée en 1978 dans le cadre de l'inventaire national des sites archéologiques, cette entreprise n'a été véritablement lancée qu'en 1991. Dans la mesure où les services régionaux de l'archéologie ne disposaient pas de moyens suffisants, la réalisation de ce document a été confiée à l'AFAN. La loi du 17 janvier 2001 en a fait une mission de l'Etat.

La carte archéologique est cependant encore loin d'être achevée. Par ailleurs, il faut constater que le zonage du territoire, qui devait être entrepris dans le cadre de la loi du 17 janvier 2001, n'est encore qu'à l'état d'ébauche.

Cette situation est regrettable dans la mesure où les prescriptions de l'Etat seraient d'autant mieux comprises par les aménageurs qu'elles seraient prévisibles et édictées de manière transparente.

Pour cette raison, votre rapporteur, conscient de l'ampleur des travaux qu'implique l'élaboration de la carte archéologique, estime nécessaire de réaliser, à plus court terme, dans le cadre de ce document, un zonage du territoire destiné à indiquer aux aménageurs les territoires sur lesquels les opérations d'aménagement seront vraisemblablement soumises à prescriptions. La rédaction proposée n'induit pas que, dans ces zones, les opérations de détection seront systématiques. L'objectif poursuivi est de permettre aux services de l'Etat de disposer d'un outil destiné à alerter les aménageurs sur la probabilité de prescriptions pour les projets qui y seraient implantés.

Article additionnel après l'article 1er

Services archéologiques des collectivités territoriales

Votre commission vous propose d'adopter un article additionnel afin de préciser le cadre dans lequel les collectivités territoriales exerceront les compétences que leur accorde le projet de loi en matière de protection du patrimoine archéologique.

Si le texte traduit une incontestable ouverture à l'égard de ces services, il conditionne l'exercice des compétences que leur accorde la loi au respect de conditions qui seront définies par voie réglementaire selon des procédures qui ne sont guère satisfaisantes au regard, tant du principe d'autonomie des collectivités locales, que de l'objectif affiché par le Gouvernement, et auquel adhère votre rapporteur, d'inciter à la création de services archéologiques territoriaux.

En effet, le projet de loi reprend le mécanisme d'agrément qu'avait institué la loi du 17 janvier 2001 pour l'octroi de l'exonération prévue par l'actuel article 9 pour les travaux d'aménagement exécutés par une collectivité territoriale pour elle-même.

Ce dispositif, qui avait dans le texte actuel un objet limité, a vocation à l'avenir à déterminer si une collectivité territoriale a les moyens d'exercer les compétences, très larges, que lui accordent les articles 4-2 (nouveau) et 5, respectivement pour les diagnostics et les fouilles.

Selon les indications fournies à votre rapporteur par le ministère de la culture, les modalités de délivrance de l'agrément seraient peu ou prou reprises des dispositions du décret du 16 janvier 2002, dispositions qui laissent une large place à l'appréciation de l'administration.

Dans ce cadre, il y a fort à craindre que les collectivités hésitent à constituer des services archéologiques dès lors qu'elles ne seront pas assurées d'obtenir l'agrément.

Par ailleurs, votre rapporteur s'est interrogé sur les garanties qu'offrait un agrément qui, une fois octroyé, laissait aux services toute latitude -sous réserve de la menace du retrait de l'agrément- pour intervenir sur le terrain.

Cet argument s'applique surtout aux fouilles, opérations pour lesquelles les services des collectivités pourront s'affranchir de leur compétence territoriale et réaliser toutes sortes d'opérations, dont la nature ne pourra guère être anticipée lors de la délivrance de l'agrément.

On peut d'ailleurs légitimement se demander au vu de ces observations, si l'agrément ne fait pas double emploi avec la procédure d'autorisation des fouilles prévue par le projet de loi à l'article 5 (nouveau).

A l'évidence, le Gouvernement, s'il marque sa volonté d'ouvrir l'archéologie préventive aux collectivités territoriales, encadre leurs compétences dans un dispositif très contraignant. A trop vouloir se prémunir contre le risque d'un désengagement de l'Etat en introduisant des mécanismes de contrôle, le projet de loi risque d'aller à l'encontre de l'objectif poursuivi, en décourageant les collectivités de se doter de services archéologiques.

Votre commission vous proposera donc de substituer à la procédure d'agrément un dispositif reposant sur l'exercice par l'Etat d'un contrôle scientifique et technique sur les services archéologiques des collectivités territoriales, dispositif plus conforme à la logique qui préside aux dispositions du code général des collectivités territoriales et aux lois de décentralisation relatives aux compétences culturelles des collectivités territoriales.

Le texte proposé précise que les collectivités peuvent se doter de services archéologiques. Il s'agit donc là d'une compétence facultative, ce qui n'est pas différent de ce que prévoit le projet de loi.

Ces services, en vertu du principe d'autonomie des collectivités territoriales, sont organisés et financés par les collectivités.

Leur activité sera soumise au contrôle scientifique et technique de l'Etat, dont les modalités seront précisées par le pouvoir réglementaire auquel il appartiendra notamment de définir les conditions auxquelles doivent satisfaire les personnels.

S'agissant du déroulement des opérations de terrain, l'activité des services archéologiques des collectivités locales sera soumise au contrôle de l'Etat dans les conditions prévues par les lois de 1941, de 1989 et de 2001.

Enfin, votre commission estime nécessaire de prévoir que l'Etat pourra transférer, par convention, aux services territoriaux l'élaboration de la carte archéologique. Cette mission s'inscrit dans le droit fil du rôle qu'assument aujourd'hui ces services et constitue le complément logique des compétences qui leur sont dévolues par le projet de loi en matière de réalisation de diagnostics et de fouilles. Cette faculté ne peut qu'accélérer le rythme d'élaboration de la carte archéologique qui est actuellement ralentie par les difficultés que rencontrent les services régionaux d'archéologie dans l'exécution de leurs tâches.

Article 2

Réalisation des diagnostics d'archéologie préventive

I. Texte du projet de loi

Cet article modifie et complète les dispositions de la loi du 17 janvier 2001 afin de préciser les conditions dans lesquelles seront réalisés les diagnostics d'archéologie préventive.

Le texte propose de conserver le principe d'un monopole public pour la réalisation de ces opérations, mais en le partageant entre l'établissement public et les services archéologiques des collectivités territoriales.

• Paragraphe I

Le paragraphe I de cet article propose une nouvelle rédaction de l'article 4 de la loi du 17 janvier 2001 qui définit les missions de l'INRAP.

Le projet de loi limite les missions de cet établissement public, dont le caractère administratif est maintenu, à deux compétences :

- la première, partagée avec les services des collectivités territoriales, consiste à exécuter les diagnostics d'archéologie préventive. Le maintien d'un monopole public est justifié par le souci de « garantir l'objectivité du diagnostic » selon les termes de l'exposé des motifs ;

- la seconde, pour laquelle l'établissement détient une mission spécifique, est d'assurer l'exploitation scientifique des opérations d'archéologie préventive et la diffusion de leurs résultats.

Cette rédaction de l'article 4 de la loi du 17 janvier 2001 a pour effet d'abroger le monopole attribué à l'établissement public pour la réalisation des fouilles préventives.

* La réalisation des diagnostics d'archéologie préventive

Sous réserve de la compétence des services archéologiques des collectivités territoriales, qui est définie par l'article 4-2 (nouveau) que le projet de loi propose d'insérer dans la loi du 17 janvier 2001, les conditions dans lesquelles l'établissement procédera aux diagnostics ne sont pas modifiées par rapport à ce que prévoyait la législation actuelle.

Ces opérations seront exécutées conformément aux décisions et aux prescriptions imposées par l'Etat et sous la surveillance de ses représentants en application des dispositions de la loi du 27 septembre 1941, de la loi 7 ( * ) du 1er décembre 1989 relative aux biens culturels maritimes et de la présente loi.

Par ailleurs, comme le prévoyait l'article 4 de la loi de 2001 dont cet article reprend sur ce point la rédaction -au demeurant maladroite-, l'établissement public associe pour l'exécution de sa mission, les services archéologiques des collectivités territoriales, précision qui peut apparaître à certains égards redondante -ou à tout le moins source de confusion- avec les termes de l'article 4-2 (nouveau), mais également les autres personnes morales de droit public, en pratique les universités et les organismes de recherche. En outre, l'établissement peut faire appel, par voie de convention, à d'autres personnes morales dotées de services archéologiques, disposition qui répondait à la volonté du législateur de prévoir la possibilité de recours à des sous-traitants.

Jusqu'ici, ces dispositions ont été peu appliquées, du fait des difficultés rencontrées dans la mise en place de l'INRAP, qui s'est révélée plus laborieuse que prévu. En ce qui concerne la réalisation d'opérations archéologiques, seules deux conventions cadre ont été signées avec des services archéologiques de collectivités territoriales ; six autres sont en cours de négociation. S'agissant des missions scientifiques, pour lesquelles les mêmes possibilités de conventionnement étaient ouvertes par la loi, deux conventions ont été signées et dix-sept sont en cours d'élaboration.

Votre rapporteur estime souhaitable qu'au-delà de la part prise par les services territoriaux, l'INRAP puisse à l'avenir faire évoluer sur ce point ses pratiques afin de nouer des collaborations susceptibles d'encourager des opérateurs privés à développer une activité archéologique, mais également d'initier avec les universités ou les organismes de recherche des relations qui s'avèrent indispensables à l'affirmation de sa vocation scientifique.

* Une mission scientifique

Le projet de loi, tout en réaffirmant le rôle scientifique de l'établissement public, adapte les modalités selon lesquelles il s'en acquitte au cadre nouveau que définit le projet de loi.

En effet, la loi de 2001 tirant les conséquences du monopole accordé à l'INRAP, prévoyait que l'établissement assurait l'exploitation de ses activités, tout en précisant, selon une formule très générale, qu'il concourait à « l'enseignement, à la diffusion culturelle et à la valorisation de l'archéologie ».

Confortant cette mission, le projet de loi attribue à l'établissement la responsabilité de l'exploitation scientifique de l'ensemble des opérations d'archéologie préventive, qu'ils les ait ou non réalisées.

Afin de lui permettre d'assumer cette responsabilité, la nouvelle rédaction proposée par le projet de loi pour l'article 7 de la loi du 17 janvier 2001 définit les modalités selon lesquelles les rapports de fouilles sont communiqués par les opérateurs à l'établissement public et peuvent être exploités à des fins scientifiques par l'établissement public et par les organismes qui lui sont associés.

Par ailleurs, la rédaction proposée pour l'article 4 prévoit qu'un décret en Conseil d'Etat précise les conditions d'exploitation scientifique des résultats des opérations d'archéologie préventive. Ce texte aura pour vocation de normaliser le contenu des rapports de fouilles et d'éviter que ne soient élaborés des documents incomplets.

• Paragraphe II

Cette redéfinition des missions de l'établissement n'emporte pas de conséquence sur son organisation et son fonctionnement. L'article 4 (nouveau) conserve, en effet, à l'INRAP son statut d'établissement public à caractère administratif.

En conséquence, le paragraphe II de cet article insère dans la loi du 17 janvier 2001 un article 4-1 (nouveau), qui reprend, sans en modifier les termes, les quatre derniers alinéas de l'actuel article 4 qui prévoient :

- d'une part, la composition du conseil d'administration ;

- d'autre part, l'existence d'un conseil scientifique ;

- et enfin, le statut du personnel de l'établissement. Rappelons que par dérogation à la règle posée par l'article 3 du statut général de la fonction publique selon laquelle les emplois permanents des établissements publics administratifs de l'Etat sont occupés par des fonctionnaires, la loi du 17 janvier 2001 dispose que les personnels permanents de l'établissement sont des agents contractuels. Le statut de ces personnels est fixé par le décret n °2002-450 du 2 avril 2002 précité.

Votre rapporteur s'est interrogé sur l'adéquation de cette organisation administrative aux nouvelles missions de l'établissement public et aux conditions dans lesquelles il les exercera. Si, pour la réalisation des diagnostics, elle ne pose pas de difficultés particulières, le statut d'établissement public à caractère administratif n'apparaît guère compatible avec le cadre fixé par le nouvel article 4-2 qui le place dans une situation concurrentielle pour la mise en oeuvre des fouilles. Ce statut risque fort d'imposer à l'opérateur public des contraintes incompatibles avec les exigences particulières d'une activité par définition tributaire du volume d'opérations à réaliser.

• Paragraphe III

Ce paragraphe insère dans la loi du 17 janvier 2001 un article 4-2 (nouveau) qui définit les compétences des services archéologiques des collectivités territoriales pour l'exécution des diagnostics d'archéologie préventive.

En effet, si le projet de loi conserve le principe d'un monopole public pour l'exécution des diagnostics, il en partage l'exercice entre l'établissement public prévu à l'article 4 -en pratique l'INRAP- et les services archéologiques des collectivités territoriales.

A la différence de l'INRAP, qui bénéficie d'un monopole de droit, la capacité des services territoriaux à réaliser des diagnostics d'archéologie préventive est soumise à plusieurs conditions.

En premier, le projet de loi n'instaure pas au profit des collectivités territoriales une compétence obligatoire. Il reviendra à l'organe délibérant de la collectivité territoriale -ou du groupement de collectivités territoriales- de décider si son service archéologique est compétent pour réaliser des diagnostics.

Cette décision peut avoir une portée limitée à un projet spécifique ou bien instituer une compétence plus générale.

En effet, le texte proposé pour l'article 4-2 (nouveau) de la loi du 17 janvier 2001 ouvre deux possibilités.

L'organe délibérant de la collectivité territoriale dont dépend le service peut décider de sa compétence sur une opération d'aménagement déterminée réalisée sur son territoire, quel qu'en soit le maître d'ouvrage. La collectivité peut également décider, selon les mêmes formes, pour une période de trois ans minimum, d'exercer cette compétence pour l'ensemble des opérations d'aménagement donnant lieu à prescription de diagnostic sur son territoire.

Afin d'éviter qu'une collectivité -par exemple, une commune- soit dissuadée de se doter d'un service archéologique lorsqu'une collectivité d'un niveau supérieur -région ou département sur le territoire duquel elle se trouve- dispose déjà d'un tel service, le projet de loi précise que la collectivité en question peut se déclarer compétente pour établir les diagnostics sur son territoire, alors même qu'existent de tels services au niveau départemental ou régional.

Ces dispositions constituent une avancée très positive qui ouvre la voie vers une décentralisation de la compétence archéologique, décentralisation dont la mise en oeuvre effective et le rythme seront déterminés par les collectivités territoriales elles-mêmes.

Pour exercer ces compétences, le texte précise que ces services devront être agréés par l'Etat. Le projet de loi ne prévoit toutefois pas les modalités de délivrance de cet agrément, qui s'appliquera également aux autres opérateurs publics ou privés -autres que l'INRAP- pour la réalisation des fouilles. Votre rapporteur s'est toutefois interrogé sur le point de savoir si cet agrément recouvrait celui visé à l'article 5 (nouveau) pour la réalisation de fouilles.

On rappellera que la loi du 17 janvier 2001 prévoyait d'ores et déjà un mécanisme d'agrément pour la mise en oeuvre de l'exonération prévue par l'actuel article 9 pour les travaux d'aménagement exécutés par une collectivité territoriale pour elle-même, lorsque cette collectivité réalisait, à la demande de l'établissement public, les opérations archéologiques prescrites.

Les conditions d'octroi de cet agrément sont pour l'heure précisées par les dispositions du chapitre VI du décret du 16 janvier 2002 précité dont la nouvelle procédure devrait s'inspirer selon les réponses fournies à votre rapporteur par le ministère de la culture. L'agrément, qui peut être limité à certains domaines de la recherche archéologique, est accordé pour une durée de cinq ans renouvelable, par le ministre de la culture, après avis du Conseil national de la recherche archéologique, au vu :

- des qualifications, statut et expérience des personnels employés par le service ;

- des moyens financiers et matériels mis à sa disposition ;

- de son organisation administrative ainsi que de « sa place dans l'organisation générale de la collectivité », formule assez obscure.

Il convient de souligner qu'à l'encadrement résultant de cet agrément, s'ajoutera le contôle exercé par les représentants de l'Etat sur les opérations de terrain en vertu des dispositions des lois de 1941, de 1989 8 ( * ) sur les fouilles sous-marines et de 2001, contrôle qui s'applique également aux diagnostics réalisés par l'INRAP.

• Paragraphe IV

Ce paragraphe prévoit que la réalisation par un service archéologique territorial de diagnostics pour le compte d'une autre collectivité, d'un groupement de collectivités ou de l'Etat est soumise à l'accord de cette collectivité, de ce groupement ou de l'Etat, qui se trouvent ainsi investis d'un pouvoir de récusation.

• Paragraphe V

L'article 4-4 (nouveau) ouvre la possibilité aux collectivités territoriales de recruter en qualité d'agents non titulaires les agents de l'INRAP qui bénéficient d'un contrat de travail à durée indéterminée.

Cette possibilité est dérogatoire à plusieurs titres : d'une part, au regard des modalités de recours à des agents publics non titulaires par les collectivités territoriales, qui reposent sur le principe général à l'ensemble de la fonction publique selon lequel les emplois permanents de l'administration doivent normalement être occupés par des fonctionnaires et, d'autre part, au regard des conditions d'emploi de ces agents. En effet, les agents de l'INRAP ainsi recrutés pourront conserver le bénéfice de leur contrat à durée indéterminée, de la rémunération qu'ils percevaient ainsi que celui de leur régime de retraite complémentaire et de prévoyance.

Votre rapporteur s'est interrogé sur la pertinence de cette disposition qui place les agents concernés dans une situation quelque peu complexe et n'est guère de nature à les inciter à rejoindre les services territoriaux.

La mobilité des personnels entre l'INRAP et les services territoriaux, objectif louable s'il en est, pourrait se trouver plus efficacement assurée à travers la mise en oeuvre de la possibilité de mise à disposition prévue par l'article 25 du décret n° 2002-450 du 2 avril 2002 précité.

• Paragraphe VI

Le paragraphe VI propose d'insérer un article 4-5 (nouveau) dans la loi du 17 janvier 2001 afin de préciser le contenu des conventions passées entre les aménageurs et les opérateurs chargés de réaliser les diagnostics, à savoir selon les cas, l'établissement public ou les services archéologiques des collectivités territoriales, compétents en application de l'article 4-2 (nouveau).

On rappellera que la loi de 2001 avait prévu dans son article 5 que les modalités de réalisation des opérations d'archéologie préventive faisaient l'objet d'une convention entre la personne projetant d'exécuter des travaux et l'établissement public. Cette convention avait pour objet de fixer les diverses conditions matérielles d'exécution de ces opérations, et notamment les modalités de mise à disposition des terrains, les délais de réalisation des opérations archéologiques et les conséquences d'un éventuel dépassement de ces délais.

Lors des débats au Sénat, votre rapporteur avait souligné que cette procédure contractuelle n'était guère de nature à limiter les contraintes pesant sur les aménageurs compte tenu du caractère fortement déséquilibré des rapports de force en présence. Il y avait fort à craindre que l'établissement public doté de droits exclusifs, ne soit tenté d'imposer ses conditions, l'aménageur ne disposant d'aucun moyen pour faire prévaloir ses vues.

Le mécanisme proposé par le projet de loi est très sensiblement différent du dispositif prévu par l'actuel article 5.

En premier lieu, il n'y a plus dans le dispositif un opérateur doté de droits exclusifs mais un monopole partagé, ce qui est de nature à rééquilibrer la relation contractuelle au profit de l'aménageur.

Par ailleurs, le texte précise qu'à défaut d'accord entre les parties sur les délais de réalisation, qui constituent l'aspect essentiel de cette négociation pour les aménageurs, il revient à l'Etat de les fixer à l'initiative de la partie la plus diligente. Une telle disposition présente le mérite de permettre la résolution d'éventuels conflits mais également, en ménageant une possibilité de recours, de prévenir des comportements abusifs de l'établissement public ou des services territoriaux qui conduiraient à faire supporter aux aménageurs des contraintes de temps inadmissibles au regard des conditions de réalisation de leurs projets.

Enfin, et surtout, la sanction applicable en cas de dépassement des délais fixés par la convention imputable à l'opérateur est prévue par la loi elle-même : dans cette hypothèse, le projet de loi précise que la prescription est réputée caduque à l'expiration d'un délai fixé par voie réglementaire. Cette disposition ne signifie pas pour autant que le patrimoine archéologique cesse d'être protégé dans la mesure où en cas de mise à jour de vestiges, s'appliquent les dispositions de la loi de 1941 relatives aux découvertes fortuites.

II. Position de la commission

• Paragraphe I

Outre un amendement rédactionnel , votre commission vous propose d'adopter deux amendements visant :

- d'une part, à préciser dans les missions de l'établissement public la réalisation de fouilles d'archéologie préventive. C'est en effet dans la mesure où la loi attribue cette mission à l'établissement public que ce dernier est dispensé de l'octroi de l'agrément prévu à l'article 5 (nouveau) pour les autres opérateurs publics ou privés ;

- et, d'autre part, à prévoir que l'établissement peut recourir à la possibilité qui lui est ouverte de s'associer avec d'autres opérateurs pour l'ensemble de ses missions, y compris la réalisation de fouilles, possibilité qu'avait pour effet de supprimer la nouvelle rédaction de l'article 4.

• Paragraphe II

Votre commission vous propose d'adopter un amendement rédactionnel destiné à assurer une meilleure lisibilité de la loi.

• Paragraphe III

Votre commission vous propose d'adopter deux amendements de coordination avec le dispositif adopté après l'article 1 er qui supprime la procédure d'agrément pour les services archéologiques des collectivités territoriales.

• Paragraphe IV

Votre commission vous propose d'adopter un amendement de coordination.

• Paragraphe V

Votre commission vous propose d'adopter ce paragraphe sans modification .

• Paragraphe VI

Votre commission vous propose d'adopter deux amendements .

Le premier vise à préciser les conditions dans lesquelles l'Etat peut décider d'opérations d'archéologie préventive en cas de caducité de la prescription de diagnostic dans l'hypothèse où, du fait de l'opérateur, les délais de réalisation prévus par la convention n'ont pas été tenus.

Le texte prévoit que s'appliquent les dispositions du titre III de la loi du 27 septembre 1941 relatif aux découvertes fortuites. En cas de mise à jour de vestiges, son article 14 précise que l'inventeur des vestiges et le propriétaire de l'immeuble où ils sont découverts sont tenus d'en faire la déclaration au maire de la commune, qui doit la transmettre sans délai au préfet. Par ailleurs, si des fouilles doivent être poursuivies à l'issue de ces découvertes, l'article 15 prévoit qu'elles « ne peuvent être poursuivies que par l'Etat ou après l'autorisation de l'Etat » dans le cadre des dispositions des titres Ier et II. Ces dispositions sont à l'évidence peu adaptées à la réalisation d'opérations d'archéologie préventive pour lesquelles la loi du 17 janvier 2001 édicte au demeurant un régime spécifique. Il semble donc plus cohérent de prévoir qu'en cas de découverte fortuite, les prescriptions de l'Etat sont prises en application de l'article 2 de la loi du 17 janvier 2001 et que les opérations archéologiques se dérouleront conformément aux dispositions de cette loi.

Le deuxième amendement tend à préciser que les conclusions des diagnostics sont adressées, non seulement au propriétaire du terrain -comme le prévoit le projet de loi mais également à l'aménageur quand il ne s'agit pas de la même personne. Il semble nécessaire d'améliorer l'information des aménageurs sur les obligations qui leur ont été imposées pour mieux leur faire comprendre la légitimité d'éventuelles fouilles prescrites au vu des diagnostics.

Article 3

Réalisation des fouilles d'archéologie préventive

I. Texte du projet de loi

Cet article qui propose une nouvelle rédaction de l'article 5 de la loi du 17 janvier 2001 constitue une des modifications majeures proposées par le projet de loi en supprimant le monopole confié à l'INRAP pour la réalisation des fouilles d'archéologie préventive.

En effet, le premier alinéa du dispositif proposé par cet article introduit le principe selon lequel la réalisation des fouilles incombe à la personne projetant d'exécuter les travaux ayant donné lieu à prescription, qui en assure la maîtrise d'ouvrage au lieu et place de l'INRAP.

Ces fouilles, à la différence de ce que prévoyait l'actuel article 4 de la loi de 2001 qui en confiait la réalisation à l'INRAP, seront exécutées par l'opérateur choisi par l'aménageur.

L'aménageur pourra faire appel à l'établissement public, qui de monopolistique, devient dans les textes, sinon dans la pratique, un opérateur parmi d'autres, ou, dès lors qu'ils seront agréés, aux services archéologiques des collectivités territoriales ou à d'autres opérateurs privés ou publics.

Il convient de souligner que, d'après les indications fournies par le ministère de la culture à votre rapporteur, la compétence des services archéologiques locaux en matière de réalisation de fouilles ne sera pas limitée au territoire de la collectivité dont ils relèvent. Ainsi, il est envisageable que tel service communal soit désigné par un aménageur pour réaliser des fouilles sur un terrain situé sur le territoire d'une autre commune. Cette possibilité constitue une incitation pour les collectivités à se doter de services archéologiques. En effet, dans la mesure où leur compétence ne se limitera pas aux seules opérations d'aménagement situées sur le territoire de la collectivité dont ils relèvent, leurs perspectives de rentabilité s'en trouveront accrues.

Si le projet de loi abroge le monopole institué au bénéfice de l'INRAP par la loi de 2001 pour la réalisation des fouilles d'archéologie préventive et soumet le choix de l'opérateur de fouilles aux règles du droit de la concurrence, le texte encadre le choix des aménageurs de manière à garantir l'intégrité du patrimoine archéologique.

Le projet de loi prévoit, en effet, des dispositions de nature à permettre à l'Etat de s'assurer non seulement des compétences des opérateurs auxquels pourront recourir les aménageurs, mais également à vérifier la conformité des conditions de réalisation des fouilles aux prescriptions.

Outre l'INRAP, seules pourront réaliser des fouilles les personnes de droit public ou privé dont la compétence scientifique sera garantie par la délivrance d'un agrément délivré par l'Etat.

La procédure d'agrément pour les personnes morales de droit public peut susciter des interrogations. La question pour ces dernières est plutôt de savoir si la réalisation de fouilles entre ou non dans leurs compétences telles qu'elles sont définies, selon les cas, par la loi ou le règlement et, si c'est le cas, l'agrément apparaît superfétatoire. S'agissant des collectivités territoriales, le rapporteur renverra aux analyses qu'il a développées plus haut.

En ce qui concerne les personnes privées, entreprises ou associations, l'agrément est de nature à apporter des garanties à la fois au regard de l'aménageur -capacité à respecter les délais, qualifications nécessaires pour se conformer aux prescriptions- et de l'Etat qui a en charge la protection du patrimoine archéologique. Il convient de souligner que le décret en Conseil d'Etat qui précisera les modalités d'octroi de l'agrément devra prévoir les modalités d'accès à ces marchés des ressortissants communautaires.

Votre rapporteur observera que l'ouverture à la concurrence de la réalisation des fouilles archéologiques, du moins dans un premier temps, constituera plus un principe qu'une réalité. Il est vraisemblable qu'à court et moyen terme, seuls l'INRAP et les services archéologiques des collectivités territoriales disposeront des moyens et des qualifications nécessaires pour exécuter les opérations prescrites. De plus, la concurrence entre l'INRAP et les services territoriaux sera également limitée aux seules collectivités qui se sont dotées d'un service archéologique et, parmi ces dernières, aux rares qui disposent de capacités opérationnelles suffisantes.

Au-delà de l'agrément, la qualification de l'opérateur de fouilles est garantie par une procédure d'autorisation des fouilles qu'introduit l'article 5 (nouveau).

L'autorité administrative devra, en quelque sorte, approuver le choix de l'aménageur afin de vérifier la conformité des modalités de réalisation des fouilles proposées par l'opérateur avec les prescriptions qu'elle aura édictées.

Si l'on comprend les préoccupations -au demeurant louables- qui ont inspiré cette disposition, on peut se demander, au regard des délais supplémentaires qu'elle induit dans la réalisation des fouilles, si cette autorisation se justifie dès lors qu'existe une procédure d'agrément et que les représentants de l'Etat disposent des prérogatives nécessaires pour assurer la surveillance des fouilles. On doit, en outre, rappeler que l'article 2 de la loi du 17 janvier 2001 prévoit d'ores et déjà que l'Etat désigne le responsable scientifique des fouilles, prérogative qui fait pour une large part double emploi avec la procédure d'autorisation ainsi introduite. Dans la mesure où cette procédure doit être maintenue, votre rapporteur soulignera la nécessité de prévoir dans les textes d'application des délais aussi courts que possible afin que la délivrance de cette autorisation ne se traduise pas par un allongement excessif de la durée pendant laquelle la réalisation des projets d'aménagement sera suspendue.

Bien qu'ouvrant la réalisation des fouilles à la concurrence, le projet de loi précise toutefois le cadre contractuel de la relation entre l'aménageur et l'opérateur de fouilles. Dans le contrat qui les lie, ces derniers doivent fixer le prix et les délais de réalisation des fouilles ainsi que les indemnités en cas de dépassement de ces délais. Dans le cadre nouveau établi par le projet de loi, on voit mal comment les parties pourraient oublier de définir ces points. Cette disposition présente toutefois le mérite de rappeler que l'exécution des fouilles doit faire l'objet d'un contrat, même lorsqu'il s'agit de deux personnes morales de droit public.

Le texte proposé pour l'article 5 (nouveau) prévoit que l'établissement public chargé des diagnostics est tenu de réaliser les fouilles dès lors qu'aucun opérateur n'a été désigné, hypothèse qui recouvre le cas d'appels d'offres infructueux et celui où aucun opérateur ne remplit les conditions pour réaliser les fouilles. L'INRAP a donc bien vocation à constituer une « armée de réserve » et à assurer les fouilles d'archéologie préventive en tout temps et en tout lieu.

Afin d'éviter que dans ce cas, l'INRAP ne soit tenté d'abuser de sa position dominante, le projet de loi prévoit une procédure d'arbitrage -dont les modalités seront définies par un décret en Conseil d'Etat- pour régler les désaccords qui pourraient survenir entre l'aménageur et l'opérateur sur les modalités de réalisation des fouilles ou sur le prix.

II. Position de votre commission

Outre un amendement rédactionnel, votre commission vous propose d'adopter un amendement de coordination avec le dispositif adopté après l'article 1 er afin de tirer les conséquences de la suppression de la procédure d'agrément pour les services archéologiques de collectivités territoriales.

Article 4

Modalités d'exploitation scientifique
des fouilles d'archéologie préventive

I. Texte du projet de loi

Cet article a pour objet de déterminer les modalités d'exploitation scientifique des opérations de fouilles d'archéologie préventive lorsque ces dernières ne sont pas réalisées par l'établissement public.

Afin de permettre à cet établissement d'accomplir la mission de recherche que lui attribue l'article 4 (nouveau), est proposée une nouvelle rédaction de l'article 7 de la loi du 17 janvier 2001.

Cet article, dans sa rédaction actuelle, dispose que le mobilier archéologique issu des opérations d'archéologie préventive est confié à l'établissement le temps nécessaire à son étude scientifique pour une durée, qui ne peut excéder cinq ans. Par ailleurs, il précise qu'au terme de ce délai, la propriété du mobilier est régie par les dispositions de l'article 11 de la loi du 27 septembre 1941 qui prévoit que : « la propriété des découvertes de caractère mobilier effectuées au cours des fouilles est partagée entre l'Etat et le propriétaire du terrain selon les règles du droit commun » .

Le projet de loi modifie ces dispositions afin de prévoir que :

- l'opérateur de fouilles est tenu de remettre à l'Etat et à l'établissement public le rapport de fouilles afin que ce dernier puisse être informé de leur déroulement et des découvertes réalisées. Le texte précise que l'auteur du rapport ne peut s'opposer à l'utilisation de ces documents à des fins scientifiques par l'établissement public et les organismes de recherche et les établissements publics d'enseignement supérieur, avec lesquels il collabore ;

- le mobilier archéologique est confié, sous le contrôle des services de l'Etat, à l'opérateur de fouilles pour la durée nécessaire à la rédaction de ce rapport ;

- la documentation afférente aux opérations de fouilles est remise à l'Etat ;

- dans le cas où l'autorisation de fouilles est retirée ainsi que dans celui où l'opérateur cesse son activité, le mobilier archéologique et la documentation sont remis à l'établissement public afin qu'il en achève l'étude scientifique.

II. Position de la commission

Votre commission vous propose d'adopter deux amendements de coordination.

Par ailleurs, elle vous propose d'adopter un amendement visant à préciser le délai maximal dont bénéficiera l'opérateur de fouilles pour procéder à l'étude du mobilier archéologique. Un délai de deux ans semble pertinent.

Article additionnel après l'article 4

Régime de propriété du mobilier archéologique
issu des opérations d'archéologie préventive

Votre commission vous propose d'adopter un amendement tendant à insérer un article additionnel destiné à préciser le régime de propriété du mobilier issu des opérations d'archéologie préventive.

En effet, la nouvelle rédaction de l'article 7 de la loi du 17 janvier 2001 proposée par le projet de loi supprime le texte actuel qui appliquait à ces découvertes le régime de propriété prévu pour les découvertes effectuées dans le cadre du titre II de la loi du 27 septembre 1941, c'est-à-dire de fouilles exécutées par l'Etat, solution qui présentait l'avantage de la logique dans la mesure où l'on pouvait considérer que les fouilles étaient exécutées par l'Etat à travers l'INRAP.

La rédaction proposée par le projet de loi créée donc une incertitude sur la propriété des vestiges découverts à l'occasion d'opérations d'archéologie préventive.

Il convient de souligner que la loi du 27 septembre 1941 ne crée pas un régime uniforme de propriété pour les découvertes mobilières.

S'agissant des fouilles autorisées par l'Etat, la loi se borne à prévoir la possibilité pour ce dernier de classer les découvertes immobilières et de revendiquer les vestiges mobiliers. Dans cette hypothèse, les dispositions de l'article 716 du code civil relatives à la propriété des trésors ne peuvent pas s'appliquer dans la mesure où les découvertes ne résultent pas du « pur effet du hasard » pour citer le code civil mais d'une entreprise volontaire visant leur exhumation. En l'absence de convention conclue entre le propriétaire du terrain et le titulaire de l'autorisation de fouiller sur ce point, le premier pourrait soutenir que les objets sont sa propriété dans la mesure où ils ont été trouvés dans son fonds. L'article 539 du code civil prévoit en effet que « la propriété du sol emporte la propriété du dessus et du dessous ».

Pour les fouilles exécutées par l'Etat, l'article 11 de la loi du 27 septembre 1941 modifié prévoit qu'à l'issue de leur étude par l'Etat, la propriété des vestiges mobiliers est partagée entre l'Etat et le propriétaire du terrain selon les règles du droit commun, c'est-à-dire celles de l'article 716 du code civil qui, on le rappelle, dispose que « la propriété d'un trésor appartient à celui qui le trouve dans son propre fonds ; si le trésor est trouvé dans le fonds d'autrui, il appartient pour moitié à celui qui l'a découvert, et pour moitié au propriétaire du fonds ». L'application de l'article 716 du code civil se justifie dans les deux cas dans la mesure où l'Etat est le maître d'ouvrage de la fouille et peut être assimilé à « l'inventeur ». C'est cette solution qui avait été retenue par la loi du 17 janvier 2001 pour régler le sort des découvertes mobilières faites à l'occasion d'opérations d'archéologie préventive.

En ce qui concerne les découvertes fortuites, l'article 16 de la loi du 27 septembre 1941, modifiée par la loi du 17 janvier 2001, prévoit qu'après leur étude par l'Etat, leur propriété est réglée par l'article 716 du code civil, c'est-à-dire partagée entre l'inventeur et le propriétaire du fonds, sous réserve d'un droit de revendication ouvert à l'Etat moyennant une indemnisation de ces derniers.

En l'absence de dispositions spécifiques, il semble difficile d'appliquer l'un ou l'autre de ce régime dans le cadre de l'organisation des fouilles prévue par le projet de loi.

Le dispositif que votre commission vous proposera d'adopter vise à concilier deux objectifs considérés jusque là comme incompatibles : le respect du droit de la propriété et la nécessité d'éviter la dispersion des archives du sol.

Il est proposé, à l'image de ce que prévoyait la loi de 1941 pour les fouilles autorisées par l'Etat et par la loi de 2001 pour les opérations d'archéologie préventive, que la propriété des vestiges mobiliers est partagée pour moitié entre l'Etat et le propriétaire du terrain.

Il reviendra au propriétaire, à l'issue d'un délai d'un an à compter de la transmission du rapport de fouilles de déclarer s'il souhaite exercer ce droit ou non. S'il ne le fait pas, il sera réputé avoir renoncé à son droit de propriété sur les vestiges. Ce droit de propriété sera alors transféré à titre gratuit à l'Etat.

Dans le souci de permettre aux communes de bénéficier des découvertes réalisées sur leur territoire, le texte prévoit qu'à leur demande, l'Etat peut à son tour leur en transférer la propriété à titre gratuit, à condition qu'elles s'engagent à en assurer la bonne conservation.

Article 5

Recettes de l'établissement public

I. Texte du projet de loi

Cet article tire les conséquences de la modification des modalités de financement des fouilles sur la rédaction de l'article 8 de la loi du 17 janvier 2001 qui précise les recettes de l'établissement public.

En premier lieu, cet article assure la coordination de ses dispositions avec la suppression proposée à l'article 9 de la redevance d'archéologie préventive pour fouilles.

En second lieu, sont ajoutées, dans la liste des ressources de l'établissement public, les rémunérations qu'il perçoit en contrepartie des opérations de fouilles qu'il réalise.

II. Position de la commission

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 6

Redevance d'archéologie préventive

I. Texte du projet de loi

Tirant les conséquences du principe de financement des fouilles par les aménageurs proposé par l'article 3, cet article instaure un nouveau mécanisme de redevance d'archéologie préventive.

Aux deux redevances prévues par le texte en vigueur, l'une forfaitaire, pour les diagnostics, et la seconde variable, selon la nature des sols, pour les fouilles, le projet de loi substitue une imposition unique, qui conserve l'appellation de redevance d'archéologie préventive.

La nouvelle rédaction de l'article 9 proposée par le projet de loi fixe le taux, l'assiette et les modalités de recouvrement de cette imposition.

• L'assiette de la redevance d'archéologie préventive

Une des modifications principales introduites par le projet de loi concerne l'assiette de la redevance.

En effet, la loi du 17 janvier 2001 assujettissait à la redevance les opérations d'aménagement pour lesquelles des prescriptions de diagnostics ou de fouilles avaient été édictées.

Dorénavant, l'ensemble des travaux d'aménagement visés par la loi, qu'ils nécessitent ou non la réalisation d'opérations d'archéologie préventive, seront soumis au paiement de la redevance.

Les travaux qui entrent dans l'assiette de la redevance sont définis par la combinaison de deux critères, le premier étant lié à la nature des travaux, et le second, à la superficie des terrains sur lesquels ils sont exécutés.

Sont concernés les travaux :

- qui sont soumis à une autorisation ou à une déclaration préalable en application du code de l'urbanisme ;

- qui donnent lieu à une étude d'impact en application du code de l'environnement ;

- ou, pour les autres affouillements, ceux soumis à une déclaration administrative préalable.

Sur ces opérations, seuls les travaux effectués sur un terrain d'une superficie de plus de 5 000 m 2 seront taxés.

Votre rapporteur observe que ce seuil, qui semble justifié pour des raisons liées au coût de perception de la redevance, a pour effet d'exclure de l'assiette de la redevance la quasi-totalité des opérations situées en zone urbaine. Par ailleurs, le principe d'un taux d'imposition forfaitaire conduit à imposer plus lourdement les projets en zone rurale, souvent plus étendus mais moins rentables, que les aménagements réalisés dans les agglomérations, pour lesquels la taxe sera relativement moins lourde.

En l'état actuel du droit, le fait générateur de la redevance était constitué par l'édiction de prescriptions archéologiques par le préfet de région. En effet, dès lors que des diagnostics ou des fouilles étaient prescrits, le préfet de région adressait le dossier à l'INRAP, qui calculait le montant des redevances et émettait un titre de recette envoyé à l'aménageur en même temps qu'un projet de convention destiné à préciser les modalités de réalisation des opérations archéologiques. Cette procédure fixée par le décret du 16 janvier 2002, qui a fait l'objet de nombreuses critiques, est pour une large part à l'origine de l'échec de la loi du 17 janvier 2001.

Dans la mesure où l'impôt n'est plus lié à l'édiction de prescriptions archéologiques, le fait générateur de la redevance sera désormais constitué soit :

- pour les travaux soumis à autorisation ou à déclaration préalable en application du code de l'urbanisme, par la délivrance de cette autorisation ou par la non-opposition à ces travaux ;

- pour les travaux autres qui donnent lieu à étude d'impact, par l'acte qui décide, éventuellement après enquête publique, la réalisation du projet et en détermine l'emprise ;

- pour les autres types d'affouillements, par le dépôt de la déclaration administrative préalable.

Les aménageurs disposeront de la possibilité de lever « l'hypothèque archéologique » en amont des travaux. En effet, le projet de loi prévoit le cas où l'aménageur souhaite réaliser les diagnostics avant la délivrance de l'autorisation d'urbanisme. Le fait générateur est alors le dépôt de la demande de diagnostics. Cette disposition permet d'éviter que soient effectués des diagnostics sans perception de la redevance.

Le texte proposé reprend la disposition, qui figure dans le dernier alinéa du I de l'article 9 actuellement en vigueur, prévoyant le cas des lotissements et des zones d'aménagement concertées. Dans ce cas, la personne privée ou publique qui réalise ou fait réaliser le projet d'aménagement est débitrice de la redevance pour l'ensemble du projet d'aménagement sous réserve des exonérations prévues par la loi.

Enfin, le dernier alinéa du I vise à éviter que la redevance soit perçue deux fois pour un même terrain. De même, la redevance n'est pas due lorsque le terrain a déjà fait l'objet d'opérations archéologiques.

• Le taux de la redevance

Les modalités de calcul de la redevance sont fixées par le paragraphe II du texte proposé pour l'article 9.

Le taux, forfaitaire, indexé sur le coût de la construction, est fixé à 0,32 euro par mètre carré.

Ce taux s'applique selon des bases différentes en fonction de la nature des travaux d'aménagement.

Est retenue :

- pour les zones d'aménagement concerté, la surface des périmètres composant la zone ;

- pour les travaux soumis à autorisation en application du code de l'urbanisme, la surface du terrain d'assiette de l'opération ;

- pour les travaux soumis ou non à autorisation d'urbanisme et précédés d'une étude d'impact, la surface au sol des installations, aménagements ou ouvrages ;

- et, pour les cas où l'aménageur souhaite procéder à des opérations de détection du patrimoine archéologique, la surface du terrain sur laquelle porte la demande de diagnostics.

• Les modalités de recouvrement de la redevance

Le calcul de la redevance et son recouvrement sont effectués, selon les cas, par l'agent comptable de l'établissement public ou par la collectivité territoriale dès lors que cette dernière est compétente pour exécuter les diagnostics d'archéologie préventive sur l'ensemble de son territoire, c'est-à-dire, dans le cas visé au 2° de l'article 4-2 (nouveau).

Le projet de loi prévoit dans cette dernière hypothèse les modalités de perception de la taxe afférente à une opération conduite par une collectivité qui se serait opposée à l'intervention du service territorialement compétent : la redevance est alors perçue par la collectivité qui en reverse le montant à l'établissement public.

Dans la situation visée au 1° de l'article 4-2 (nouveau) où une collectivité réalise des diagnostics sur un projet ponctuel, la redevance lui est reversée, selon les cas, par l'établissement public ou la collectivité territoriale compétente.

Le mécanisme de remboursement des redevances prévu par la loi de 2001 est repris dans son esprit. La redevance est remboursée si deux conditions sont réunies : d'une part, les travaux ayant donné lieu à perception n'ont pas été réalisés par le redevable et, d'autre part, les diagnostics n'ont pas été engagés. Par ailleurs, sont déduits, du montant à reverser, les frais d'établissement de dossier qui sont fixés à 300 euros, indexés sur le coût de la construction.

Le projet de loi prévoit des pénalités de retard en cas de retard de paiement, d'un montant de 10 % des sommes restant dues.

Enfin, il est précisé que la redevance est prescrite à l'expiration d'un délai de quatre ans.

II. Position de la commission

Votre commission vous proposera d'adopter plusieurs amendements rédactionnels ou de précision.

Au-delà, votre commission a souhaité corriger le déséquilibre qu'induisent au détriment des opérations implantées en zone rurale les dispositions du projet de loi.

En effet, l'assiette retenue par le projet de loi conjuguée à un mécanisme de redevance forfaitaire ne permet pas de corriger un des aspects les plus critiqués du dispositif en vigueur.

Par ailleurs, au regard de l'objectif poursuivi par le Gouvernement de développer les services territoriaux, il y a fort à craindre que l'exonération de fait des opérations en zone urbaine décourage la plupart des communes de créer de tels services qui, pour leur activité de diagnostics, devront être financés pour l'essentiel par les seules recettes communales.

Enfin, il importe de prévoir une assiette assez large pour garantir le rendement de la redevance. En limitant son assiette, on risque de ne pas disposer d'un produit suffisant pour assurer le financement des diagnostics, ce qui reviendrait à retomber dans les errements du système actuel, mais également à réduire les recettes dont bénéficiera le fonds de péréquation prévu par l'article 7 et donc de priver d'effet le mécanisme mutualisateur fondé sur les subventions qu'il accorde.

Compte tenu de ces observations, votre commission vous proposera d'adopter un amendement visant à élargir l'assiette de la redevance en abaissant à 1 000 mètres carrés, au lieu de 5 000 mètres carrés, le seuil à partir duquel les projets d'aménagement y sont soumis afin d'y inclure les opérations en zone urbaine ou péri-urbaine.

Pour les aménagements réalisés sur un terrain d'une superficie comprise entre 1 000 et 5 000 mètres carrés, un amendement propose de fixer de manière forfaitaire son montant à 1 000 euros, indexé sur le coût de la construction.

Par ailleurs, dans le souci de ne pas faire peser des charges trop lourdes sur les opérations en zone rurale, un amendement vise à exonérer du paiement de la redevance les affouillements liés à la réalisation de travaux agricoles et forestiers.

Enfin, un amendement vise à corriger un des effets pervers du mode de calcul de la redevance en prenant, pour les constructions agricoles, comme référence l'emprise au sol de la construction envisagée et non la superficie du terrain d'assiette.

La seconde préoccupation de votre commission a été d'alléger autant que possible les frais de recouvrement de la redevance.

Afin d'éviter d'imputer sur l'INRAP des frais de structure qui pèseront in fine sur les sommes disponibles pour la réalisation des opérations archéologiques, un amendement vise à faire assurer le recouvrement de la redevance par les services de l'Etat. Par ailleurs, il précise les modalités de versement de la redevance pour le cas de travaux dont la réalisation dépasse cinq ans, tels les opérations liées à l'exploitation d'une carrière.

Article additionnel après l'article 6

Frais d'assiette et de recouvrement de
la redevance d'archéologie préventive

Dans la mesure où il est proposé que la redevance d'archéologie préventive soit perçue par les services de l'Etat pour le compte de l'INRAP et des collectivités territoriales compétentes pour réaliser des diagnostics, votre commission vous propose de prévoir un prélèvement de 1,5 % sur le produit de la redevance au profit de l'Etat.

Tel est l'objet de l'article additionnel que votre commission vous propose d'adopter.

Article 7

Exonération du paiement de la redevance
et régime de subventionnement des fouilles archéologiques

I. Texte du projet de loi

Cet article prévoit les cas d'exonération de la redevance (paragraphe I) et les conditions de subventionnement des fouilles d'archéologie préventive (paragraphe II).

• Paragraphe I

Le projet de loi maintient les exonérations prévues par l'actuel article 9 de la loi du 17 janvier 2001 pour les travaux relatifs, d'une part, à la construction de logements locatifs aidés, et d'autre part, pour la construction de logements réalisés par une personne physique pour elle-même.

Ces dispositions figureront dans un article 9-1 (nouveau).

Il convient de souligner que ces exonérations n'ont pas la même portée que dans le cadre de la loi du 17 janvier 2001. En effet, dans le nouveau mécanisme, si les diagnostics seront pris en charge par la redevance, le coût des fouilles elles-mêmes demeurent à la charge de ces aménageurs, ce qui confère toute son importance à l'existence d'un mécanisme de subventionnement dont le paragraphe II prévoit les modalités.

• Paragraphe II

Le paragraphe II de cet article insère dans la loi du 17 janvier 2001 un article 9-2 (nouveau) qui créé un fonds destiné à financer les subventions versées aux aménageurs dont les projets ont donné lieu à des prescriptions de fouilles d'archéologie préventive.

Ce mécanisme est inspiré du dispositif qui prévalait avant l'entrée en vigueur de la réforme de 2001. Le coût des fouilles incombait alors à l'aménageur, qui pouvait éventuellement, dans la pratique rarement, bénéficier d'une subvention de l'Etat pour assurer leur réalisation. Dans les faits, cette subvention se traduisait par une réduction du montant du devis de l'AFAN.

Le projet de loi systématise cette possibilité en mettant en place un mécanisme mutualisateur grâce aux ressources dégagées par la redevance.

En effet, le projet de loi prévoit que 30 % des sommes collectées au titre de la redevance d'archéologie préventive sont versées à un fonds géré par l'établissement public. Les recettes de ce fonds seront destinées à financer les subventions attribuées aux aménageurs pour la réalisation de fouilles d'archéologie préventive.

Ces subventions seront attribuées par l'Etat selon des modalités définies par un décret en Conseil d'Etat après avis d'une commission composée, en nombre égal, de représentants de l'Etat, des collectivités territoriales et de personnalités qualifiées.

Le projet de loi prévoit d'ores et déjà que les subventions versées par le fonds auront notamment pour objet de prendre en charge le coût des fouilles pour les constructions exonérées, à savoir le logement social et la construction individuelle.

Votre rapporteur formulera à l'égard de ce mécanisme deux observations.

La première concerne le mécanisme de prise en charge automatique par le fonds du coût des fouilles pour les travaux exonérés de redevance. Une prise en charge par le fonds des fouilles nécessaires à la réalisation de logements sociaux et de constructions individuelles, aussi légitime soit-elle, risque d'introduire une très grande rigidité dans la gestion de ce fonds. En effet, dans l'hypothèse de faibles rentrées de redevances, la quasi-totalité des ressources du fonds sera affectée au subventionnement de ces fouilles, ce qui risque de priver certaines opérations, dont la réalisation est tout aussi légitime, de la possibilité de bénéficier du mécanisme mutualisateur. De surcroît, le mécanisme de subvention automatique a pour effet de déresponsabiliser les aménageurs qui n'auront pas à assumer le coût de la fouille et, de ce fait, ne seront pas incités à modifier leurs projets si ce dernier s'avère trop élevé.

La seconde observation a trait au mode de gestion du fonds. Votre rapporteur regrette que le texte cantonne la commission créée par le projet de loi à un simple rôle consultatif. Sans dénuer à l'Etat la compétence qui lui est attribuée par le projet de loi, il serait opportun que les modalités d'octroi des subventions par l'autorité administrative puissent être arrêtées de manière transparente et démocratique.

II. Position de la commission

• Paragraphe I

Votre commission vous propose d'adopter un amendement visant à exonérer de redevance d'archéologie préventive les affouillements liés à la réalisation de travaux agricoles ou forestiers.

• Paragraphe II

Votre commission vous propose d'adopter un amendement visant à modifier la rédaction du texte proposé par le paragraphe II de cet article pour l'article 9-2 (nouveau) de la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001.

Ces modifications ont pour objet de renforcer le rôle du fonds :

- en accentuant son autonomie. Ce fonds sera administré par un conseil composé à parité de représentants de l'Etat, des collectivités territoriales, d'aménageurs et de personnalités qualifiées, auxquels s'ajouteront un député et un sénateur désignés par leur assemblée respective. Ce conseil élira au sein de ses membres son président ;

- de confier au conseil d'administration du fonds un réel pouvoir. Il reviendra au conseil d'administration du fonds d'arrêter les modalités selon lesquelles seront attribuées par l'Etat les subventions destinées à prendre en charge le coût des fouilles. Ces modalités devront être établies au regard de critères scientifiques permettant de garantir que les fouilles présentant un intérêt historique majeur puissent être conduites indépendamment des capacités contributives des aménageurs.

Ce dispositif apparaît de nature à garantir la souplesse de gestion des recettes du fonds au regard des recettes disponibles d'une année sur l'autre, tout en assurant la transparence de la procédure de subventionnement.

Il apparaît en effet essentiel d'éviter de retomber dans un des inconvénients de la situation qui prévalait avant la loi du 17 janvier 2001 où l'attribution des subventions relevait de décisions au coup par coup, dont la logique échappait aux aménageurs.

Article 8

Contentieux de la redevance d'archéologie préventive

I. Texte du projet de loi

Cet article introduit dans la loi du 17 janvier 2001 un article 10 (nouveau) qui précise les règles applicables aux litiges relatifs à la redevance d'archéologie préventive afin de lever toute ambiguïté sur la juridiction compétente.

Ces litiges ressortissent de la compétence de la juridiction administrative selon les règles applicables en matière d'impôts directs.

II. Position de votre commission

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 9

Modalités d'application de la loi

I. Texte du projet de loi

Cet article a un double objet.

• Le paragraphe I vise à modifier l'article 14 de la loi du 17 janvier 2001 qui prévoyait le dépôt sur le bureau des assemblées d'un rapport sur l'exécution de la loi avant le 31 décembre 2003.

Compte tenu du calendrier probable d'adoption de la présente loi et de l'ampleur des modifications apportées aux dispositions de la loi du 17 janvier 2001, le dépôt de ce rapport ne se justifie plus.

Le projet, tout en conservant le principe d'un rapport permettant d'établir un bilan de la loi, précise que son dépôt s'effectuera avant le 31 décembre 2006.

• Le paragraphe II de cet article introduit dans la loi de 2001 une « disposition balai » visant à prévoir que ses modalités d'exécution sont déterminées par un décret en Conseil d'Etat.

II. Position de votre commission

Votre commission vous propose d'adopter un amendement qui a pour objet :

- d'avancer la date de dépôt du rapport d'application de la loi au 31 décembre 2005, cela dans le souci d'insister sur la nécessité d'assurer une mise en oeuvre rapide de ses dispositions, à la différence de ce qui a prévalu pour la loi du 17 janvier 2001 dont les dispositions n'ont été appliquées que près d'un an et demi après son adoption par le Parlement ;

- d'actualiser la rédaction de l'article 14 de la loi de 2001 au regard des dispositions proposées par le projet de loi.

Article 10
(art. L. 421-2-4 du code de l'urbanisme)

Coordination

I. Texte du projet de loi

L'article 10 actualise la rédaction de l'article L. 421-2-4 du code de l'urbanisme afin de prévoir que lorsque des prescriptions archéologiques sont édictées à l'occasion de la délivrance d'un permis de construire, ce dernier indique que les travaux ne peuvent être entrepris avant l'achèvement des opérations archéologiques.

Dans la rédaction actuelle, l'obligation d'information ne portait que sur les fouilles.

II. Position de votre commission

Votre commission vous propose d' adopter cet article sans modification.

Article 11

Entrée en vigueur de la loi

I. Texte du projet de loi

Cet article précise les conditions d'entrée en vigueur de la loi.

La présente loi entrera en vigueur dans les conditions de droit commun sous réserve des dispositions suivantes.

• Le paragraphe I précise que la concertation préalable à l'édiction des prescriptions archéologiques ne sera obligatoire qu'à compter de l'entrée en vigueur du décret qui en fixe les modalités.

• Le paragraphe II prévoit que les dispositions de l'article 4-5 (nouveau) de la loi du 17 janvier 2001 relatives aux conventions conclues pour la réalisation de diagnostics ne s'appliquent qu'aux conventions conclues postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi et non pas aux conventions en cours.

• Le paragraphe III vise à appliquer le nouveau régime des fouilles archéologiques fixé par les articles 5 et 7 issus de la rédaction proposée par le projet de loi à compter du premier jour du troisième mois qui suit la publication de la présente loi aux prescriptions n'ayant pas donné lieu à la signature de conventions avec l'INRAP. Ces opérations d'aménagement ne seront pas soumises aux redevances archéologiques prévues sous l'empire de l'ancienne loi ;

• Le paragraphe IV dispose que la nouvelle redevance d'archéologie préventive n'est due que pour les travaux pour lesquels le fait générateur de la redevance archéologique intervient à compter du premier jour du troisième mois qui suit la publication de la présente loi, soit à compter de la date à partir de laquelle s'appliqueront les articles 5 et 7 fixant le nouveau régime des fouilles.

II. Position de votre commission

Votre commission vous propose d'adopter un amendement de coordination.

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours d'une réunion tenue le 11 juin 2003 sous la présidence de M. Jacques Valade, président , la commission a examiné le rapport de M. Jacques Legendre sur le projet de loi n° 320 (2002-2003) modifiant la loi n°2001-44 du 17 janvier 2001 relative à l'archéologie préventive et sur la proposition de loi n° 311 (2002-2003) de M. Claude Biwer visant à réduire le montant de la redevance d'archéologie préventive pour les collectivités territoriales .

A l'issue de l'exposé du rapporteur un large débat s'est engagé.

M. Jacques Valade, président , a souligné l'urgence qu'il y avait à réformer la loi du 17 janvier 2001. Il a insisté sur la nécessité de prendre conscience des contraintes générées par ce texte pour les aménageurs, notamment les collectivités territoriales, et plus particulièrement celles situées en milieu rural qui, pour certaines, ont été confrontées à des difficultés considérables compte tenu des barèmes actuels des redevances d'archéologie préventive.

Mme Françoise Férat, après avoir approuvé la réforme proposée, s'est demandée quels seraient les critères auxquels devront satisfaire les opérateurs de fouilles pour être agréés. Elle a estimé à cet égard indispensable de garantir l'indépendance de l'opérateur de fouilles par rapport à l'aménageur. Elle a observé qu'il conviendrait de trouver, dans le cadre de l'application de la loi un équilibre entre l'encadrement strict des opérations de fouilles et la liberté nécessaire à une diversification des opérateurs de fouilles.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe , tout en approuvant les analyses du rapporteur, a exprimé le souhait que les délais nécessaires, tant à l'édiction des prescriptions archéologiques qu'à la réalisation des opérations de terrain, puissent être réduits. Il s'est interrogé sur les modalités de réalisation des diagnostics de la qualité desquels dépend l'ampleur des fouilles à réaliser. Il a souligné que, dans la situation actuelle, l'Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP) était incapable de répondre à la demande des aménageurs. S'il a relevé que les services archéologiques territoriaux disposaient encore de moyens limités, il a admis l'opportunité d'ouvrir à une diversité d'opérateurs la réalisation des opérations archéologiques.

M. Jacques Valade, président , a considéré que le projet de loi créait une très forte incitation pour les collectivités territoriales à se doter de services archéologiques qui, par leur proximité et leur complémentarité avec l'opérateur national, contribueraient à accroître les moyens disponibles pour garantir la bonne réalisation des diagnostics et des fouilles.

M. Yves Dauge , après avoir déclaré apprécier l'orientation des propositions formulées par le rapporteur, a estimé que le dispositif proposé par le Gouvernement supposait que l'Etat exerce un rôle actif dans la conduite de la politique archéologique et dispose des moyens budgétaires nécessaires. A cet égard, il s'est demandé quels seraient les moyens mis en oeuvre pour accélérer la réalisation de la carte archéologique. Il s'est également interrogé sur les intentions du Gouvernement en matière de décentralisation des compétences archéologiques.

Il a considéré que le projet de loi ne permettrait sans doute pas de réduire les coûts induits par les diagnostics et les fouilles. Ces coûts doivent être évalués le plus finement possible en tenant compte de la nécessité d'assurer l'exploitation et la valorisation des résultats des opérations de terrain.

Evoquant les exonérations prévues par le projet de loi, il a souligné que l'archéologie ne devait pas supporter la charge de politiques nationales, par ailleurs légitimes, mais étrangères à son objet.

Il s'est demandé quels types d'opérateurs pourraient venir compléter l'offre de l'INRAP. A cet égard, il a estimé que les alternatives étaient peu nombreuses, à l'exception des services territoriaux et d'entreprises ou d'associations de taille modeste.

Rappelant que les difficultés engendrées par l'application de la loi du 17 janvier 2001 ne résultaient pas du coût de l'archéologie, mais plutôt de sa répartition entre les aménageurs, il a jugé souhaitable de mettre en place des mécanismes de mutualisation plus larges que ceux proposés par le projet de loi. Il a considéré qu'une taxe additionnelle à la taxe locale d'équipement constituerait un système à la fois simple et efficace.

Après s'être félicité de l'esprit d'ouverture manifesté par le Gouvernement pour résoudre les problèmes soulevés par la loi du 17 janvier 2001, M. Philippe Richert a considéré que l'échec de ce texte n'était pas imputable au coût de l'archéologie préventive mais à l'existence d'un monopole. Ce monopole a engendré des délais insupportables pour les aménageurs et a généré une absence de dialogue inacceptable. L'ouverture à une diversité d'opérateurs, qui est proposée par le projet de loi, sans avoir pour effet de diminuer directement la charge financière qui pèsera sur les aménageurs, constituera une avancée très positive, notamment dans la perspective du développement de services territoriaux. Enfin, il a regretté l'absence de sens de la concertation qui prévalait aujourd'hui parmi les personnels de l'INRAP.

Mme Marie-Christine Blandin s'est également inquiétée des liens de subordination qui pourraient exister entre les opérateurs de fouilles et les aménageurs dans la perspective d'une concentration du marché de l'archéologie. Puis, évoquant une possible pression à la baisse du prix des fouilles résultant de l'ouverture à la concurrence, elle s'est interrogée sur l'avenir de l'INRAP. Enfin, elle a souligné la nécessité d'instaurer un dialogue entre les différents opérateurs, notamment pour assurer la mutualisation des savoirs nécessaire à la préservation de la mémoire collective.

Soulignant les divergences d'appréciation qui les séparaient, M. Dominique Mortemousque a considéré que le succès de la nouvelle loi dépendrait de sa capacité à restaurer un dialogue entre les aménageurs et les archéologues.

Mme Annie David a estimé opportun d'ouvrir la possibilité aux aménageurs de procéder à des diagnostics avant le lancement de leur projet. Elle a également insisté sur l'importance de restaurer la confiance entre les archéologues et les aménageurs. Enfin, elle a à son tour évoqué les risques d'émergence d'opérateurs de fouilles liés à des entreprises d'aménagement.

Observant que le coût des fouilles était très étroitement déterminé par des choix scientifiques, M. Serge Lepeltier a déploré que ne soient pas définies au niveau national une politique de l'archéologie préventive et des priorités en matière de recherche. Il a relevé que la mauvaise connaissance du contenu archéologique du sous-sol, conjuguée à l'application du principe de précaution, conduisait à systématiser des prescriptions archéologiques induisant des coûts et des délais parfois sans rapport avec l'intérêt scientifique des terrains.

M.  Jacques Valade, président , a indiqué que les universités rencontraient des difficultés pour assurer la bonne conservation des vestiges exhumés dans le cadre de fouilles conduites par leurs équipes.

Mme Brigitte Lyupaert a insisté sur la nécessité d'accélérer la réalisation de la carte archéologique. Elle estimé souhaitable que, lors de l'élaboration des cartes communales et des plans locaux d'urbanisme, puissent être prises en compte, de manière systématique, les données relatives à la localisation du patrimoine archéologique. Enfin, elle s'est interrogée sur le seuil qu'il serait souhaitable de retenir pour définir l'assiette de la redevance de l'archéologie préventive afin d'éviter que ne se reproduisent les effets pervers engendrés par l'actuelle législation.

En réponse aux intervenants, M. Jacques Legendre a apporté les éléments de réponse suivants :

- le renforcement des services de l'Etat est une des clés de la réussite du dispositif proposé par le Gouvernement ;

- la procédure d'agrément constitue le moyen de se prémunir contre les risques de collusion entre les aménageurs et les opérateurs de fouilles ;

- la principale faiblesse du dispositif actuel consiste dans le fait que le monopole place les autres opérateurs de fouilles en situation de dépendance par rapport à l'INRAP, ce qui ne les incite guère à se développer. Les diplômés en archéologie n'ont pour seul débouché que de devenir salariés de l'établissement public. Or, le nombre de postes budgétaires dont dispose cet établissement est soumis à des contraintes financières qui en limitent les possibilités de recrutement. Les moyens opérationnels disponibles pour répondre aux besoins des aménageurs sont donc limités. Le projet de loi, s'il ne résoudra pas à court terme toutes les difficultés, introduira un élément de souplesse indispensable en ouvrant la réalisation des fouilles à une diversité d'opérateurs. Ce dispositif devrait notamment permettre d'espérer un raccourcissement des délais nécessaires à la réalisation des opérations de terrain ;

- la réalisation de la carte archéologique constitue une priorité. Les services archéologiques territoriaux doivent être associés aux travaux conduits par l'Etat en ce domaine. L'amélioration de la connaissance de la richesse archéologique du territoire national, en assurant la transparence des prescriptions archéologiques, apparaît comme une condition nécessaire pour faire accepter aux aménageurs la nécessité de réaliser des opérations archéologiques et les convaincre d'en supporter le coût ;

- l'amélioration des conditions de conservation du patrimoine archéologique passe par la constitution d'un réseau de dépôts de fouilles qui exigera l'effort conjugué de l'Etat et des collectivités territoriales ;

- la loi ne devrait pas se traduire par une réduction de l'effort national en matière d'archéologie préventive, mais permettra d'en assurer une meilleure répartition ;

- le monopole instauré par la loi du 17 janvier 2001 conduit inévitablement l'établissement public à être tenté d'abuser de sa position dominante à l'égard des aménageurs ;

- l'avenir de l'INRAP était hypothéqué par le dispositif même de la loi du 17 janvier 2001. L'insuffisance de ses ressources a eu pour conséquence une dégradation de sa situation financière et une réduction de ses marges opérationnelles. A terme, cette rigidité aurait conduit à placer l'établissement dans la situation de ne plus pouvoir assumer les missions que la loi lui attribue ;

- le dispositif proposé par le Gouvernement repose sur l'existence d'un organisme national disposant des moyens nécessaires pour faire face en complémentarité avec d'autres opérateurs aux besoins des aménageurs ;

- la définition d'une politique archéologique nationale constitue une nécessité. Pour l'heure, les organismes consultatifs prévus par la loi du 17 janvier 2001 n'exercent pas les compétences qui leur sont dévolues en ce domaine. Par ailleurs, le relatif désintérêt manifesté par le ministère en charge de la recherche constitue un obstacle à la formalisation de choix scientifiques clairs. A l'avenir, le fonds prévu par l'article 7 du projet de loi a vocation à contribuer à définir des priorités en matière de recherche archéologique. A côté des diagnostics, des méthodes d'investigation nouvelles doivent être développées pour assurer la détection du patrimoine archéologique en limitant les atteintes portées aux terrains.

La commission a ensuite procédé à l'examen des articles.

Après avoir adopté les amendements proposés par son rapporteur, la commission a adopté le projet de loi ainsi modifié.

*

* *

* 1 Décret n° 2002-89 du 16 janvier 2002 pris pour l'application de la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 et relatif aux procédures administratives et financières en matière d'archéologie préventive.

* 2 Décret n° 2000-450 du 2 avril 2002 portant dispositions applicables aux agents de l'Institut national de recherches archéologiques préventives.

* 3 Proposition en instance à l'Assemblée nationale (AN, n° 374 - 2002-2003)

* 4 n° 2002-1575 du 30 décembre 2002

* 5 Rapport sur l'application de la loi du 17 janvier 2001, Alain Van der Malière, inspecteur général de l'administration des affaires culturelles - 15 janvier 2003

* 6 Mission conjointe menée par l'inspection générale des finances, l'inspection générale des affaires culturelles et l'inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche.

* 7 N° 89-874

* 8 Loi n° 89-874 du 1 er décembre 1989 relative aux biens culturels maritimes.

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