Chapitre II
Procédure

Section 1
De la surveillance
Article 706-80 du code de procédure pénale

L'article 706-32 du code de procédure pénale prévoit qu'afin de constater certaines infractions en matière de stupéfiants, d'en identifier les auteurs et d'effectuer des saisies, les officiers et les agents de police judiciaire peuvent, après en avoir informé le procureur de la République, procéder à la surveillance de l'acheminement de stupéfiants ou de produits tirés de la commission desdites infractions.

Cette disposition résulte de la loi n° 91-1264 du 19 décembre 1991 relative au renforcement de la lutte contre le trafic de stupéfiants, qui a par ailleurs prévu la possibilité de procéder à des infiltrations au sein des réseaux de trafiquants de stupéfiants. Les mêmes possibilités avaient été ouvertes aux agents des douanes.

Dans son rapport présenté lors de l'élaboration de cette loi, notre ancien collègue M. Paul Masson écrivait à propos des livraisons surveillées : « (...) la simple surveillance de ces livraisons est normalement licite. L'article n'a donc pas pour objet de créer de nouvelles règles dans ce domaine. Il se limite à rappeler la faculté ainsi offerte aux officiers et agents de police judiciaire de procéder à cette surveillance » 4 ( * ) .

Le texte proposé pour l'article 706-80 du code de procédure pénale a pour objet d' étendre les dispositions relatives à la surveillance à l'ensemble des infractions relevant de la criminalité et de la délinquance organisées mentionnées aux articles 706-73 et 706-74 nouveaux du code de procédure pénale.

Toutefois, le dispositif proposé ne constitue pas un simple rappel de la possibilité pour des officiers de police judiciaire de surveiller des suspects ou l'acheminement de biens ou d'objets tirés de la commission d'infractions.

Il revêt une portée normative en ce qu'il prévoit que les officiers de police judiciaire et, sous leur autorité, les agents de police judiciaire, après en avoir informé le procureur de la République et sauf opposition de ce magistrat, peuvent étendre à l'ensemble du territoire national la surveillance de personnes suspectées d'avoir commis une infraction entrant dans le champ de la criminalité et de la délinquance organisées ou la surveillance de l'acheminement ou du transport des objets, biens ou produits tirés de la commission de ces infractions ou servant à les commettre .

L'information préalable à l'extension de compétence devrait être donnée, par tout moyen , au procureur de la République près le tribunal de grande instance dans le ressort duquel les opérations de surveillance sont susceptibles de débuter ou au procureur de la République saisi en application des dispositions du nouvel article 706-76 du code de procédure pénale, relatif aux juridictions spécialisées en matière de criminalité organisée.

Le principal intérêt du dispositif proposé réside donc dans la possibilité offerte aux officiers de police judiciaire d'étendre leur compétence à l'ensemble du territoire national pour les besoins d'une opération de surveillance.

Les règles relatives à la compétence territoriale des officiers de police judiciaire figurent actuellement aux articles 15-1 et 18 du code de procédure pénale, qui a été récemment modifié par la loi n° 2002-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure.

L'article 15-1 prévoit que la compétence des services ou unités dans lesquels les officiers et agents de police judiciaire exercent leurs fonctions habituelles s'exerce soit sur l'ensemble du territoire national, soit sur une ou plusieurs zones de défense, ou parties de celles-ci, soit sur l'ensemble d'un département.

L'article 18 prévoit notamment que les officiers de police judiciaire peuvent, sur commission rogatoire expresse du juge d'instruction ou sur réquisitions du procureur de la République prises au cours d'une enquête préliminaire ou d'une enquête de flagrance, procéder aux opérations prescrites par ces magistrats sur toute l'étendue du territoire national. Ils sont tenus d'être assistés d'un officier de police judiciaire territorialement compétent si le magistrat dont ils tiennent la commission ou la réquisition le décide. Le procureur de la République territorialement compétent en est informé par le magistrat ayant prescrit l'opération.

Il existe donc déjà une possibilité d'extension à l'ensemble du territoire national de la compétence des officiers de police judiciaire. Le texte proposé pour l'article 706-80 vise à prévoir une procédure moins formelle lorsqu'une opération de surveillance est en cours. De fait, la délivrance d'une commission rogatoire ou de réquisitions du procureur de la République paraît peu compatible avec les exigences d'une opération en train de se dérouler.

Néanmoins, le système proposé pourrait soulever quelques difficultés d'application dès lors qu'il prévoit une information du procureur de la République par tout moyen, l'extension de compétence étant valable « sauf opposition » du magistrat.

Votre commission rappelle qu'aux termes de l'article 12 du code de procédure pénale, la police judiciaire est exercée sous la direction du procureur de la République. Elle craint que le dispositif proposé ne rende très difficile le contrôle du procureur en matière d'extension de compétence. Elle est néanmoins consciente de la nécessité de disposer d'une procédure souple en matière d'extension de compétence, afin d'éviter l'interruption d'une opération en cours.

Dans ces conditions, votre commission vous soumet un amendement tendant à subordonner l'extension de compétence à tout le territoire national des officiers de police judiciaire pour les besoins d'une opération de surveillance à une autorisation du procureur de la République, qui pourrait être donnée par tout moyen . Ce dispositif, plus souple que celui de l'article 18 du code de procédure pénale, devrait permettre d'être sûr que le procureur de la République a eu personnellement connaissance de la demande d'extension. Il pourrait renforcer la sécurité juridique des opérations de surveillance. Il est déjà appliqué en matière de visites de véhicules.

Section 2
De l'infiltration
Articles 706-81 à 706-87 du code de procédure pénale

La section 2 du nouveau titre XXV que le présent article tend à insérer dans le code de procédure pénale a pour objet d'étendre les possibilités de recourir à l'infiltration de réseaux se livrant à des actes relevant de la criminalité et de la délinquance organisées. Actuellement, le code de procédure pénale n'autorise l'infiltration, depuis la loi n° 91-1264 du 19 décembre 1991, qu'en matière de trafic de stupéfiants.

L'article 706-32 du code de procédure pénale dispose en effet que les officiers et agents de police judiciaire ne sont pas pénalement responsables lorsque, aux fins de constater un trafic de stupéfiants et d'en identifier les auteurs, ils acquièrent, détiennent, transportent ou livrent des stupéfiants ou des produits tirés de la commission d'un trafic de stupéfiants, ou qu'ils mettent à la disposition des personnes se livrant au trafic des moyens de caractère juridique, ainsi que des moyens de transport, de dépôt, de stockage, de conservation et de communication.

Très peu d'éléments statistiques sont disponibles en ce qui concerne la fréquence du recours à l'infiltration. La plupart des opérations d'infiltration ne sont pas versées au dossier de la procédure. Elles visent davantage à mettre à jour un processus criminel et à fournir des orientations d'enquête qu'à obtenir des preuves tendant à rétablir la culpabilité des membres d'une organisation.

D'après les informations communiquées à votre rapporteur au cours de ses auditions, le nombre d'opérations d'infiltration demeure très limité. 122 opérations d'infiltration auraient été réalisées entre 1996 et 2002.

Plusieurs instruments internationaux invitent les Etats signataires à permettre des procédures d'infiltration en matière de criminalité organisée. Ainsi, la recommandation n° 2001-11 du 19 septembre 2001 du Conseil de l'Europe concernant les principes directeurs pour la lutte contre le crime organisé incite les Etats membres à adopter une législation permettant « les opérations d'infiltrations, les livraisons surveillées et les recours à des informateurs ».

Le présent projet de loi tend à prévoir explicitement la possibilité de recourir aux infiltrations lorsque l'enquête ou l'instruction concerne l'une des infractions mentionnées à l'article 706-73 nouveau du code de procédure pénale, tout en encadrant précisément les conditions du recours à cette technique d'enquête. Notons que l'article 11 du projet de loi tend à modifier le code des douanes pour autoriser les agents des douanes à recourir aux infiltrations afin de constater les infractions douanières d'importation, d'exportation ou de détention de produits stupéfiants ou de contrebande de tabacs manufacturés, d'alcool et spiritueux.

Le texte proposé pour l' article 706-81 du code de procédure pénale définit l'infiltration comme le fait, pour un officier ou un agent de police judiciaire spécialement habilité et agissant sous la responsabilité d'un officier de police judiciaire chargé de coordonner l'opération, de surveiller des personnes suspectées de commettre un crime ou un délit en se faisant passer, auprès de ces personnes, comme un de leurs coauteurs, complices ou receleurs .

Dans le cadre d'une opération d'infiltration, l'officier ou l'agent de police judiciaire serait autorisé à faire usage d'une identité d'emprunt. Il pourrait également commettre certains actes illégaux (énumérés dans le texte proposé pour l'article 706-82 du code de procédure pénale), à condition que ces actes ne constituent pas une incitation à commettre l'infraction.

Le texte proposé prévoit que l'opération d'infiltration doit être autorisée par le procureur de la République (au cours d'une enquête) ou, après avis de ce magistrat, par le juge d'instruction saisi. Ces magistrats seraient chargés de contrôler le déroulement de l'opération, ce qui constitue une novation par rapport à l'actuel article 706-32 du code de procédure pénale qui, en matière de trafic de stupéfiants, ne prévoit qu'une autorisation de l'opération par un magistrat.

Le projet de loi initial prévoyait que les opérations d'infiltration pourraient être autorisées « à titre exceptionnel », mais l'Assemblée nationale a supprimé à juste titre cette précision. Compte tenu des difficultés propres à la mise en oeuvre de telles opérations, il paraît évident qu'elles resteront cantonnées à un nombre limité d'affaires.

Le projet de loi initial disposait que l'infiltration devrait faire l'objet d'un rapport rédigé par l'officier de police judiciaire ayant coordonné l'opération. A l'initiative du rapporteur de la commission des Lois, l'Assemblée nationale a complété le dispositif en prévoyant que le rapport ainsi prévu comprendrait les éléments strictement nécessaires à la constatation des infractions et ne mettent pas en danger la sécurité de l'agent infiltré et des personnes requises.

Le texte proposé pour l' article 706-82 du code de procédure pénale énumère les actes que peuvent accomplir les officiers et agents de police judiciaire dans le cadre d'une opération d'infiltration sans être pénalement responsables. De manière très similaire aux dispositions prévues par l'actuel article 706-32 du code de procédure pénale en matière de trafic de stupéfiants, les officiers ou agents de police judiciaire pourraient :

- acquérir, détenir, transporter, livrer ou délivrer des substances, biens, produits, documents ou informations tirés de la commission des infractions ou servant à la commission de ces infractions ;

- utiliser ou mettre à disposition des personnes se livrant à ces infractions, des moyens de caractère juridique ou financier ainsi que des moyens de transport, de dépôt, d'hébergement, de conservation et de télécommunication.

Le texte proposé précise que l'exonération de responsabilité est également applicable aux personnes requises par les officiers ou agents de police judiciaire pour permettre de procéder à l'opération d'infiltration.

La rédaction de cette disposition est quelque peu ambiguë. Elle semble en effet viser des personnes qui contribueraient à l'opération d'infiltration en acceptant par exemple de fournir des moyens logistiques (un entrepôt susceptible de servir à stocker des marchandises...). Elle pourrait cependant également s'appliquer aux membres du réseau criminel qui faciliteraient l'infiltration d'un officier ou d'un agent de police judiciaire dans le réseau. Or, le fait de faciliter une opération d'infiltration ne saurait constituer pour un membre de réseau une cause d'exonération automatique de sa responsabilité pénale pour l'ensemble des actes illégaux qu'il aurait commis.

Dans un souci de rigueur juridique, votre commission vous soumet un amendement prévoyant que l'exonération de responsabilité pénale prévue pour les personnes requises pour permettre de procéder à l'opération d'infiltration ne vaut que pour les actes accomplis à seule fin de permettre la réalisation de l'opération d'infiltration .

Le texte proposé pour l' article 706-83 du code de procédure pénale énumère les conditions devant être respectées pour que l'opération d'infiltration soit valide :

- à peine de nullité, l'autorisation devrait être délivrée par écrit et spécialement motivée ;

- elle devrait mentionner la ou les infractions qui justifient le recours à cette procédure et l'identité de l'officier de police judiciaire sous la responsabilité duquel se déroule l'opération. Le projet de loi initial prévoyait également la mention de l'identité d'emprunt des agents effectuant l'opération, mais l'Assemblée nationale a supprimé cette disposition dans un souci de protection des agents infiltrés ;

- l'autorisation devrait fixer la durée de l'opération d'infiltration, qui ne pourrait excéder quatre mois. Notons que cette durée est la même que celle prévue par le code de procédure pénale en matière d'interception de correspondances émises par la voie des télécommunications. L'opération pourrait être renouvelée dans les mêmes conditions de forme et de durée. Le magistrat l'ayant autorisée pourrait, à tout moment, ordonner son interruption avant l'expiration de la durée fixée ;

- l'autorisation serait versée au dossier de la procédure après achèvement de l'opération d'infiltration. Il s'agit d'une précision très importante. Actuellement, en effet, l'article 706-32 du code de procédure pénale n'impose pas le versement au dossier de l'autorisation d'infiltration, de sorte que l'opération peut demeurer entièrement secrète.

La commission des Lois de l'Assemblée nationale, lors de l'examen du présent projet de loi, a adopté un amendement supprimant le versement systématique au dossier de l'autorisation d'infiltration. Le garde des Sceaux a cependant demandé et obtenu le retrait de l'amendement, en justifiant ainsi le recours exclusif à des opérations d'infiltration dites « ouvertes » : « L'option fondamentale qui a été retenue repose sur la transparence de l'opération d'infiltration, transparence qui est d'ailleurs consacrée dans la plupart des législations étrangères. L'exigence d'une procédure ouverte se justifie également au regard des impératifs de l'entraide pénale internationale.

« Accorder la possibilité de ne pas systématiquement recourir à une procédure d'infiltration ouverte serait susceptible d'aboutir à des incohérences préjudiciables dans le cadre de l'entraide, entraînant une occultation de la procédure réalisée sur le territoire national alors que celle-ci serait transparente pour l'Etat requérant ».

Votre commission approuve le choix consistant à imposer le versement au dossier de la procédure de l'autorisation d'infiltration dès lors que celle-ci ne permet pas la révélation de l'identité de l'agent infiltré 5 ( * ) .

Le texte proposé pour l' article 706-84 du code de procédure pénale dispose que l'identité réelle des officiers ou agents de police judiciaire ayant effectué l'infiltration sous une identité d'emprunt ne doit apparaître à aucun stade de la procédure et punit de cinq ans d'emprisonnement et de 75.000 euros d'amende la révélation de l'identité de ces officiers ou agents de police judiciaire.

A l'initiative du rapporteur de la commission des Lois, l'Assemblée nationale a complété ces dispositions pour punir de peines aggravées la révélation de l'identité des officiers et agents de police judiciaire, d'une part, lorsqu'elle a causé des violences, coups et blessures à l'encontre de ces personnes ou de leurs conjoints, enfants et ascendants directs (sept ans d'emprisonnement et 100.000 euros d'amende), d'autre part lorsqu'elle a causé la mort de ces personnes ou de leurs conjoints, enfants et ascendants directs (dix ans d'emprisonnement et 150.000 euros d'amende).

Le texte proposé pour l' article 706-85 du code de procédure pénale autorise l'agent infiltré, en cas de décision d'interruption de l'opération ou à l'issue du délai fixé par la décision autorisant l'infiltration ou en l'absence de prolongation, à poursuivre ses activités sans être pénalement responsable, le temps strictement nécessaire pour lui permettre de cesser sa surveillance dans des conditions assurant sa sécurité . Le magistrat ayant délivré l'autorisation devrait en être informé dans les meilleurs délais. Il devrait également être informé de l'achèvement de l'opération d'infiltration.

Le dispositif proposé paraît insuffisamment précis, en ce qu'il permet à un officier ou agent de police judiciaire de poursuivre des activités illicites « le temps strictement nécessaire pour lui permettre de cesser sa surveillance dans des conditions assurant sa sécurité ».

L'imprécision de cette expression pourrait donner lieu à des contentieux concernant le respect de cette obligation. Par un amendement , votre commission propose que le magistrat chargé de contrôler l'opération fixe le délai à l'issue duquel l'officier ou l'agent de police judiciaire devra avoir cessé sa surveillance.

Certes, il peut paraître délicat pour le magistrat de fixer un délai pour la cessation de l'infiltration. Cependant, dès lors que ce magistrat est chargé de contrôler l'opération d'infiltration, il doit disposer d'éléments d'appréciation suffisants pour évaluer le délai nécessaire à l'officier ou à l'agent de police judiciaire pour mettre fin à la surveillance.

La solution proposée par votre commission devrait permettre d'éviter tout contentieux sur le respect par l'officier de police judiciaire de l'obligation de mettre fin à l'opération dans le délai strictement nécessaire pour permettre d'assurer sa sécurité. Elle assurera donc une meilleure protection juridique aux officiers et agents de police judiciaire participant à une opération d'infiltration.

Le texte proposé pour l' article 706-86 du code de procédure pénale dispose que l'officier de police judiciaire sous la responsabilité duquel se déroule l'opération d'infiltration peut seul être entendu en qualité de témoin sur l'opération. Cela signifie a contrario que les officiers ou agents de police judiciaire infiltrés ne peuvent être entendus en qualité de témoins.

Toutefois, la personne mise en examen ou comparaissant devant la juridiction de jugement pourrait demander à être confrontée à un agent ayant personnellement réalisé les opérations d'infiltration s'il ressortait du rapport établi à propos de l'opération d'infiltration que cette personne était directement mise en cause par des constatations effectuées par cet agent. Dans un tel cas, la confrontation devrait être faite en utilisant des moyens techniques empêchant d'identifier l'agent infiltré, conformément aux règles posées par l'article 706-61 du code de procédure pénale à propos des « témoins anonymes ».

A l'initiative du rapporteur de la commission des Lois, l'Assemblée nationale a précisé que les questions posées à l'agent infiltré à l'occasion de cette confrontation ne devraient pas avoir pour objet ni pour effet de révéler, directement ou indirectement, sa véritable identité.

Les règles proposées paraissent tout à fait justifiées afin de préserver l'anonymat d'officiers et d'agents de police judiciaire dont la sécurité pourrait être menacée si leur identité était révélée.

Le texte proposé pour l' article 706-87 du code de procédure pénale prévoyait, dans le projet de loi initial, qu'aucune condamnation ne pouvait être prononcée sur le seul fondement des déclarations faites par les officiers ou agents de police judiciaire ayant procédé à une opération d'infiltration. L'Assemblée nationale, à l'initiative du rapporteur de la commission des Lois, a supprimé ce texte.

Le texte proposé avait pour objet de respecter la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Celle-ci stipule notamment que tout accusé a droit à interroger ou faire interroger les témoins à charge et à obtenir la convocation et l'interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge.

Interprétant les dispositions de la Convention, la Cour européenne des droits de l'homme a formulé les observations suivantes : « La Convention n'empêche pas de s'appuyer, au stade de l'instruction préparatoire, sur des sources telles que des indicateurs occultes, mais l'emploi ultérieur de déclarations anonymes comme des preuves suffisantes pour justifier une condamnation soulève un problème différent . » La Cour a condamné les Pays-Bas à propos d'une affaire dans laquelle la condamnation du requérant se fondait « à un degré déterminant » sur des dépositions anonymes 6 ( * ) .

Dans un autre arrêt, la Cour a rappelé de manière très explicite qu' « une condamnation ne peut se fonder uniquement, ni dans une mesure déterminante, sur des déclarations anonymes » 7 ( * ) .

En 2001, le législateur a introduit la possibilité pour des témoins d'être entendus sans que leur identité figure au dossier de la procédure. Il a alors précisé explicitement qu'aucune condamnation ne pourrait être prononcée sur le seul fondement d'une déclaration recueillie dans ces conditions.

Le Gouvernement, lors de l'élaboration du présent projet de loi, a jugé nécessaire de prévoir la même réserve en cas de recours à une opération d'infiltration, dès lors que les officiers et agents de police judiciaire infiltrés sont appelés à conserver l'anonymat.

L'Assemblée nationale a supprimé cette disposition. Au cours du débat en séance publique, M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur de la commission des Lois, a ainsi justifié cette décision : « Il est normal de prévoir qu'une condamnation ne peut être fondée sur les seule paroles d'un témoin anonyme ou d'un repenti. Mais là, il ne s'agit ni de l'un, ni de l'autre, mais d'un officier de police judiciaire dûment autorisé par un magistrat. L'adoption d'une telle disposition pourrait conduire à ne pas pouvoir poursuivre un acte très grave, un crime dont un officier de police judiciaire a connaissance, par exemple, dans le cas où on a jeté un corps à la mer qui n'a pu être retrouvé » 8 ( * ) .

S'il est certain qu'un officier ou un agent de police judiciaire ne peut être assimilé à un témoin anonyme et encore moins à un repenti, votre commission craint cependant que la possibilité de fonder une condamnation uniquement sur les déclarations d'un officier ou agent de police judiciaire infiltré dont l'identité serait inconnue de la personne mise en cause heurte de front la Convention européenne des droits de l'homme telle qu'interprétée par la Cour.

En pratique, la Cour européenne des droits de l'homme a déjà connu une situation similaire et a condamné les Pays-Bas après avoir constaté qu'une condamnation avait été fondée de manière déterminante sur les déclarations de policiers ayant conservé l'anonymat. Dans cet arrêt, la Cour a notamment apporté les précisions suivantes :

« La Cour estime que la mise en balance des intérêts de la défense et des arguments militant en faveur du maintien de l'anonymat des témoins pose des problèmes particuliers si les témoins en question appartiennent aux forces de police de l'Etat. Si les intérêts de ces derniers -comme évidemment ceux de leurs familles- méritent eux aussi la protection de la Convention, il faut reconnaître que leur situation diffère quelque peu de celle d'un témoin désintéressé ou d'une victime. Ils ont un devoir général d'obéissance envers les autorités exécutives de l'Etat, ainsi d'ordinaire que des liens avec le ministère public ; pour ces seules raisons déjà, il ne faut les utiliser comme témoins anonymes que dans des circonstances exceptionnelles. De surcroît, il est dans la nature des choses que parmi leurs devoirs figure, spécialement dans le cas de policiers investis de pouvoirs d'arrestation, celui de témoigner en audience publique.

« Par ailleurs, la Cour a reconnu en principe que, pourvu que les droits de la défense soient respectés, il peut être légitime pour des autorités de police de souhaiter préserver l'anonymat d'un agent employé à des activités secrètes, afin non seulement d'assurer sa protection et celle de sa famille, mais aussi de ne pas compromettre la possibilité de l'utiliser dans des opérations futures (...) .

« Eu égard à la place éminente qu'occupe le droit à une bonne administration de la justice dans une société démocratique, toute mesure restreignant les droits de la défense doit être absolument nécessaire. Dès lors qu'une mesure moins restrictive peut suffire, c'est elle qu'il faut appliquer (...).

« (...) le seul élément de preuve identifiant formellement les requérants comme les auteurs des infractions sur lequel se soit fondée la cour d'appel était constitué des déclarations des policiers anonymes. Dès lors, la condamnation des requérants repose « dans une mesure déterminante » sur ces dépositions anonymes.

« (...) Dans ces conditions, la Cour estime que la procédure considérée dans son ensemble n'a pas revêtu un caractère équitable (...) ». 9 ( * )

Votre commission n'estime donc pas possible de fonder une condamnation uniquement sur des déclarations anonymes, même si ces déclarations émanent d'officiers ou d'agents de police judiciaire. Rappelons que, désormais, lorsque la France est condamnée pour non-respect de la Convention européenne des droits de l'homme, une procédure de réexamen de l'affaire peut être entreprise. Espérant la pleine réussite du dispositif de l'infiltration, votre commission ne souhaite pas qu'il conduise à des condamnations de la France par la Cour européenne des droits de l'homme.

Par un amendement , elle vous propose de rétablir le texte proposé pour l'article 706-87 du code de procédure pénale, tout en précisant explicitement que l'interdiction de condamner une personne sur le seul fondement de déclarations de policiers infiltrés n'est pas applicable lorsque ceux-ci acceptent de lever leur anonymat .

Cette précision permet de répondre à la préoccupation du rapporteur de l'Assemblée nationale, qui s'inquiétait qu'un crime constaté par un agent infiltré puisse rester impuni en cas de disparition du corps. Dans un cas aussi grave, il reviendra à l'agent infiltré de témoigner publiquement, en sorte que ses déclarations puissent, le cas échéant, constituer le seul fondement de la condamnation. L'Etat devra naturellement, dans une telle hypothèse, prendre les mesures nécessaires pour assurer la protection de l'officier ou de l'agent de police judiciaire ayant ainsi accepté de mettre fin à son anonymat pour servir la justice.

Section 3
De la garde à vue
Article 706-88 du code de procédure pénale

Le texte proposé pour l'article 706-88 du code de procédure pénale a pour objet essentiel de permettre de placer en garde à vue pendant quatre-vingt seize heures, soit quatre jours, les personnes suspectées d'avoir commis une des infractions entrant dans le champ d'application du nouvel article 706-73 du code de procédure pénale.

1. Le droit actuel

Aux termes de l'article 63 du code de procédure pénale, qui concerne l'enquête de flagrance, l'officier de police judiciaire peut, pour les nécessités de l'enquête, placer en garde à vue toute personne à l'encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction.

Les articles 77 et 154 du code de procédure pénale prévoient la même règle en enquête préliminaire et sur commission rogatoire. En ce qui concerne les modalités de la garde à vue et les droits ouverts aux personnes gardées à vue, trois régimes coexistent actuellement :

- Le régime de droit commun

En principe, la durée maximale d'une garde à vue est de vingt-quatre heures . Cette durée peut cependant être prolongée pour une nouvelle période de vingt-quatre heures , sur autorisation écrite du procureur de la République (au cours d'une enquête) ou du juge d'instruction (au cours d'une instruction). Le procureur de la République ou le juge d'instruction peut subordonner cette autorisation à la présentation préalable de la personne gardée à vue. Le procureur ou le juge d'instruction doit être avisé du placement en garde à vue d'une personne dès le début de la mesure.

Toute personne placée en garde à vue doit être immédiatement informée de la nature de l'infraction sur laquelle porte l'enquête, de son droit de faire prévenir un proche, d'être examinée par un médecin et de s'entretenir avec un avocat.

Dans un délai de trois heures après le placement en garde à vue, la personne peut, à sa demande, faire prévenir une personne avec laquelle elle vit habituellement ou l'un de ses parents en ligne directe, l'un de ses frères et soeurs ou son employeur.

Dans le même délai, la personne peut, à sa demande, être examinée par un médecin désigné par le procureur de la République ou l'officier de police judiciaire. En cas de prolongation, elle peut demander à être examinée une seconde fois. En outre, à tout moment, le procureur de la République ou l'officier de police judiciaire peut d'office désigner un médecin pour examiner la personne gardée à vue. Enfin, en l'absence de demande de la personne gardée à vue, du procureur de la République ou de l'officier de police judiciaire, un examen médical est de droit si un membre de sa famille le demande.

Dès le début de la garde à vue ainsi qu'à l'issue de la vingtième heure, la personne peut demander à s'entretenir avec un avocat . Si elle n'est pas en mesure d'en désigner un ou si l'avocat choisi ne peut être contacté, elle peut demander qu'il lui en soit commis un d'office par le bâtonnier.

Lorsque la garde à vue fait l'objet d'une prolongation, la personne peut également demander à s'entretenir avec un avocat à l'issue de la douzième heure de cette prolongation .

- Le régime de l'article 63-4, septième alinéa

Le septième alinéa de l'article 63-4 du code de procédure pénale prévoit que l'entretien d'une personne gardée à vue avec un avocat ne peut intervenir qu' à l'issue d'un délai de trente-six heures lorsque l'enquête a pour objet l'une des infractions suivantes :

* participation à une association de malfaiteurs ;

* proxénétisme aggravé ;

* extorsion de fonds aggravée ;

* enlèvement et séquestration en bande organisée ;

* vol en bande organisée ;

* destruction, dégradation ou détérioration en bande organisée.

- Le régime applicable au terrorisme et au trafic de stupéfiants

En matière de terrorisme et de trafic de stupéfiants, le régime de droit commun de la garde à vue est modifié sur deux points :

* d'une part, la garde à vue peut être prolongée au-delà de la durée maximale de quarante-huit heures pour une nouvelle période de quarante-huit heures . Cette prolongation est autorisée soit, à la requête du procureur de la République, par le juge des libertés et de la détention, soit par le juge d'instruction. L'intéressé doit être présenté à l'autorité qui statue sur une prolongation préalablement à sa décision. En matière de trafic de stupéfiants, la personne doit être examinée par un médecin toutes les vingt-quatre heures. En matière de terrorisme, un examen médical est de droit lorsque la prolongation est décidée ;

* d'autre part, l'entretien avec un avocat ne peut intervenir que lorsque s'est écoulé un délai de soixante-douze heures .

2. Le projet de loi initial

Le projet de loi présenté par le Gouvernement tendait à apporter plusieurs modifications au régime de la garde à vue :

- le texte proposé pour l'article 706-88 avait pour objet de prévoir que les gardes à vue relatives aux infractions entrant dans le champ d'application de l'article 706-73 nouveau du code de procédure pénale pouvaient, à titre exceptionnel, faire l'objet de deux prolongations supplémentaires de vingt-quatre heures chacune après la première prolongation de vingt-quatre heures.

Le texte prévoyait que les prolongations étaient autorisées, par décision écrite et motivée, soit à la requête du procureur de la République, par le juge des libertés et de la détention, soit par le juge d'instruction saisi. Il précisait que la personne gardée à vue devait être présentée au magistrat statuant sur la prolongation préalablement à cette décision, mais que la seconde prolongation pouvait, à titre exceptionnel, être accordée sans présentation préalable de la personne en raison des nécessités des investigations en cours ou à effectuer. Le texte proposé pour l'article 706-88 disposait en outre que la personne pouvait demander à s'entretenir avec un avocat à l'issue de la quarante-huitième heure puis de la soixante-douzième heure de la mesure. Il était enfin précisé que ces dispositions ne remettaient pas en cause le régime spécifique de garde à vue prévu en matière de terrorisme et de trafic de stupéfiants ;

- l'article 29 du projet de loi a par ailleurs prévu de modifier le régime de droit commun de la garde à vue pour remplacer les interventions de l'avocat à la vingtième et à la trente-sixième heure de garde à vue par une intervention à l'issue de la vingt-quatrième heure , afin que celle-ci intervienne au moment de la décision de prolongation de la mesure.

Les régimes de garde à vue dans le projet de loi initial

Durée initiale

Durée de la prolongation

Intervention Avocat

Présentation aux fins de prolongations O bligatoire ou F acultative

Médecin O bligatoire ou F acultatif

1 ère

2 ème

3 ème

Droit commun


24 H

224 H

X

X

- 1 è heure
- 24 è heure

F

F

Infractions relevant de l'article 706-73

24 H

24 H

- 1 è heure
- 24 è heure
- 48 è heure
- 72 è heure

F - O - F

O

Infractions relevant à la fois de l'article 706-73 et de l'article 63-4, septième alinéa

24 H

24 H

- 36 è heure

- 48 è heure

- 72 è heure

F - O - F

O

Infractions relevant uniquement de l'article 63-4, septième alinéa

X

X

- 36 è heure

F

F

Terrorisme

et

Stupéfiants

48 H

X

- 72 è heure

Terrorisme F - O



S
tupéfiants F-F

F puis O à la 48 è heure

O dès le début et toutes les 24 H

3. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale, à l'initiative du rapporteur de la commission des Lois, M. Jean-Luc Warsmann, a souhaité simplifier les régimes de garde à vue, qu'elle a jugé trop complexes. Elle a donc modifié sur plusieurs points importants les dispositions du projet de loi.

Elle a tout d'abord modifié le texte proposé pour l'article 706-88 du code de procédure pénale pour :

- prévoir la possibilité, comme en matière de terrorisme et de trafic de stupéfiants, de prolonger par une seule décision pour quarante-huit heures la garde à vue, à l'issue des premières quarante-huit heures, pour les infractions suivantes : crimes et délits aggravés de proxénétisme ; crimes aggravés d'extorsion ; crimes de destruction, dégradation et détérioration d'un bien commis en bande organisée ; délits d'association de malfaiteurs ayant pour objet la préparation de l'une des infractions de l'article 706-73 ; enlèvement et séquestration en bande organisée ;

- prévoir qu'en cas de prolongation de la garde à vue en matière de criminalité et de délinquance organisées, l'examen médical n'est de droit que si la personne gardée à vue le demande ;

- renvoyer à la soixante-douzième heure de garde à vue l'intervention de l'avocat pour toutes les infractions entrant dans le champ de l'article 63-4, septième alinéa, du code de procédure pénale.

Par ailleurs, l'Assemblée nationale a inséré dans le projet de loi un article 29 quinquies, qui tend à modifier le champ d'application du septième alinéa de l'article 63-4.

Dans un souci de simplicité, l'Assemblée nationale a prévu que cet alinéa, qui énumère des infractions pour lesquelles l'intervention de l'avocat au cours de la garde à vue est repoussée dans le temps, aurait un champ d'application identique à celui prévu par le nouvel article 706-88 et justifiant une prolongation unique de quarante-huit heures de la garde à vue à l'issue des premières quarante-huit heures : crimes et délits aggravés de proxénétisme ; crimes aggravés d'extorsion ; crimes de destruction, dégradation et détérioration d'un bien commis en bande organisée ; délits d'association de malfaiteurs ayant pour objet la préparation de l'une des infractions de l'article 706-73 ; enlèvement et séquestration en bande organisée.

Les régimes de garde à vue dans le projet de loi adopté
par l'Assemblée nationale

Durée initiale

Durée de la prolongation

Intervention Avocat

Présentation aux fins de prolongations O bligatoire ou
F acultative

Médecin O bligatoire ou
F acultatif

1 ère

2 ème

3 ème

Droit commun

2

24 H

2

24 H

X

X

X

X

- 1 è heure
- 24 è heure

F

F

Délinquance organisée

Certaines infractions du 706-73

24 H

24 H

- 1 è heure
- 24 è heure
- 48 è heure
- 72 è heure

F - O - F

F

Autres infractions du 706-73


48 H


X

- 72 è heure

F - O

F



Terrorisme


et


Stupéfiants

48 H

X

- 72 ème heure



Terrorisme
F-O


Stupéfiants
F-F



F
puis O à la 48 è heure


O dès le début et toutes les
24 H

La solution proposée par l'Assemblée nationale constitue une simplification par rapport aux propositions formulées par le Gouvernement. Elle modifie très substantiellement le régime des gardes à vue en étendant fortement la liste des infractions pouvant donner lieu à une prolongation unique de quarante-huit heures de la garde à vue. Jusqu'à présent, ce régime était strictement cantonné aux infractions de terrorisme et de trafic de stupéfiants.

Le texte adopté par l'Assemblée nationale a également des conséquences importantes sur les règles relatives à l'entretien de la personne gardée à vue avec un avocat. Alors que, pour un nombre important d'infractions, l'entretien avec l'avocat intervient actuellement à la trente-sixième heure, il prendrait désormais place à la soixante-douzième heure, comme en matière de terrorisme ou de trafic de stupéfiants.

4. Les propositions de votre commission des Lois

Afin de concilier le mieux possible les nécessités de l'enquête, les droits de la défense et la lisibilité de notre procédure pénale, votre commission vous propose de modifier substantiellement les dispositions du projet de loi relatives à la garde à vue.

Votre commission propose, par un amendement , une nouvelle rédaction de l'article 706-88 nouveau du code de procédure pénale, prévoyant :

- la possibilité de prolonger deux fois, au-delà de la période normale de quarante-huit heures, pour vingt-quatre heures , la garde à vue des personnes suspectées d'avoir commis l'une des infractions entrant dans le champ de l'article 706-73 du code de procédure pénale ;

- l'obligation de présenter la personne au magistrat qui statue sur la prolongation préalablement à cette décision. La seconde prolongation pourrait cependant être autorisée sans présentation préalable de la personne ;

- un examen médical obligatoire lors de la première prolongation ,

- la possibilité pour le juge des libertés et de la détention ou le juge d'instruction de décider que la garde à vue fera l'objet d'une seule prolongation de quarante-huit heures si la durée prévisible des investigations restant à réaliser le justifie ;

- la possibilité pour la personne gardée à vue de s'entretenir avec un avocat à la quarante-huitième heure puis à la soixante-douzième heure de garde à vue (après des premiers entretiens à la première heure et à la vingt-quatrième heure). Toutefois, la personne continuerait à ne pouvoir s'entretenir avec un avocat qu'à la soixante-douzième heure en matière de terrorisme et de trafic de stupéfiants.

Votre commission vous proposera, par ailleurs, à l'article 5 du projet de loi, de modifier l'article 63-4, septième alinéa, du code de procédure pénale, afin de maintenir à la trente-sixième heure ( contre la soixante-douzième heure dans le projet de loi adopté par l'Assemblée nationale ) l'intervention de l'avocat pour certaines infractions (crimes et délits aggravés de proxénétisme, crimes et délits aggravés d'extorsion ; crimes de destruction, dégradation et détérioration d'un bien commis en bande organisée; délits d'association de malfaiteurs ayant pour objet la préparation de l'une des infractions mentionnées à l'article 706-73 ; enlèvement et séquestration en bande organisée).

Le système proposé permettra de supprimer les articles 706-23 et 706-29 du code de procédure pénale instituant des régimes dérogatoires de garde à vue en matière de terrorisme et de trafic de stupéfiants tout en conservant à ces cas un régime particulier pour la seule présence de l'avocat.

Les régimes de garde à vue dans la proposition de votre commission

Durée initiale

Durée de prolongation

Intervention Avocat

Présentation aux fins de prolongations O bligatoire ou
F
acultative

Médecin O bligatoire ou
F
acultatif

1 ère

2 ème

3 ème

Droit commun

24 h

24 H

X

X

- 1 è heure
- 24 è heure

F

F

Délinquance organisée

Infractions visées par l'art. 706-73

Certaines infractions du 706-73

2

224 H

ou

48 H

24 H

si

2

22 è de 24 H

- 1 è heure
- 24 è heure
- 48 è heure
- 72 è heure

F - O - (F)

F
puis
O
à la 48 è heure

Autres infractions du 706-73

- 36 è heure
- 48 è heure
- 72 è heure

Terrorisme

Stupéfiants

- 72 ème heure

Section 4
Des perquisitions
Articles 706-89 à 706-95 nouveaux du code de procédure pénale

Le texte proposé par l'article premier du projet de loi pour les articles 706-89 à 706-95 du code de procédure pénale a pour objet d'assouplir les conditions dans lesquelles il peut être procédé à des perquisitions pour les nécessités d'une enquête ou d'une instruction portant sur des infractions relevant de la criminalité et de la délinquance organisées.

1. Le régime des perquisitions

Le régime actuel des perquisitions est au premier abord d'une grande simplicité :

- les perquisitions de jour sont possibles sans l'accord de la personne concernée en enquête de flagrance ou à l'instruction, avec l'accord de la personne en enquête préliminaire ;

- les perquisitions de nuit (entre vingt-et-une heures et six heures) sont interdites.

Néanmoins, ces principes généraux s'accompagnent de nombreuses dispositions dérogatoires :

- en enquête préliminaire, des perquisitions peuvent être conduites, sur décision du juge des libertés et de la détention, sans l'assentiment de la personne, en matière de terrorisme, de trafic de stupéfiants et d'infractions à la législation sur les armes (articles 76-1 et 706-24 du code de procédure pénale) ;

- en ce qui concerne les perquisitions de nuit, les règles en vigueur sont les suivantes :

* en enquête de flagrance, des perquisitions de nuit peuvent être conduites en matière de terrorisme (avec l'accord du juge des libertés et de la détention), de trafic de stupéfiants et de proxénétisme. En ce qui concerne le proxénétisme, les perquisitions ne sont possibles que dans des lieux de prostitution habituelle ouverts au public ou utilisés par le public. En ce qui concerne les stupéfiants, les perquisitions sont possibles dans les lieux où se commet un trafic. Si le lieu concerné est une habitation, une autorisation du juge des libertés et de la détention est nécessaire ;

* en enquête préliminaire, des perquisitions de nuit sont possibles, sur autorisation du juge des libertés et de la détention, en matière de terrorisme et de trafic de stupéfiants à condition que les perquisitions n'aient pas lieu dans des locaux d'habitation ;

* au cours d'une instruction, les perquisitions de nuit sont possibles, en matière de trafic de stupéfiants et de proxénétisme dans les mêmes conditions qu'au cours d'une enquête de flagrance. En matière de terrorisme, les perquisitions de nuit sont possibles, sur autorisation du juge d'instruction, en cas d'urgence lorsqu'il s'agit d'un crime ou d'un délit flagrant, qu'il existe un risque immédiat de disparition des preuves ou qu'il existe un risque de préparation de nouveaux actes de terrorisme.

Les règles relatives aux perquisitions sont donc relativement complexes.

2. Les dispositions du projet de loi

Afin d'améliorer les conditions de lutte contre la criminalité organisée, le projet de loi tend à étendre les possibilités de perquisitions pour les crimes et délits entrant dans le champ de l'article 706-73 nouveau du code de procédure pénale.

Le texte proposé pour l' article 706-89 du code de procédure pénale a pour objet de permettre, au cours de l'enquête de flagrance , sur autorisation du juge des libertés et de la détention, la conduite de perquisitions de nuit lorsque l'enquête concerne l'une des infractions mentionnées à l'article 706-73.

Le texte proposé pour l' article 706-90 du code de procédure pénale tend à permettre la conduite de perquisitions en enquête préliminaire sans l'assentiment de la personne concernée lorsque l'enquête concerne l'une des infractions mentionnées à l'article 706-73. Ces perquisitions pourraient se dérouler de nuit, à condition de ne pas concerner des locaux d'habitation.

Le texte proposé pour l' article 706-91 du code de procédure pénale a pour objet de permettre au juge d'instruction -donc dans le cadre d'une information judiciaire- d'autoriser des perquisitions de nuit , à condition qu'elles ne concernent pas des locaux d'habitation, lorsque l'instruction porte sur l'une des infractions mentionnées à l'article 706-73. En cas d'urgence, le juge d'instruction pourrait autoriser les officiers de police judiciaire à procéder à ces opérations dans des locaux d'habitation , à condition qu'il s'agisse d'un crime ou d'un délit flagrant ou qu'il existe un risque immédiat de disparition des preuves ou des indices matériels.

Le texte proposé pour l' article 706-92 du code de procédure pénale tend à définir les formes des décisions autorisant les perquisitions prévues par les nouveaux articles 706-89 à 706-91 du code de procédure pénale. A peine de nullité, les autorisations devraient être données pour des perquisitions déterminées et faire l'objet d'une ordonnance motivée, précisant la qualification de l'infraction dont la preuve est recherchée ainsi que l'adresse des lieux dans lesquels les visites, perquisitions et saisies peuvent être faites. L'ordonnance ne serait pas susceptible de recours et devrait être motivée par référence aux éléments de fait justifiant la nécessité des perquisitions.

En cas de perquisition de nuit autorisée dans des locaux d'habitation, l'ordonnance devrait comporter l'énoncé des conditions de droit et de fait constituant le fondement de cette décision par référence aux critères prévus pour justifier ce type de perquisitions.

Les conditions prévues sont semblables à celles mentionnées à l'article 76-1 du code de procédure pénale, qui prévoit la possibilité d'autoriser des perquisitions sans l'assentiment de la personne concernée lorsqu'une enquête préliminaire concerne certaines infractions à la législation sur les armes ou le trafic de stupéfiants. Toutefois, l'article 76-1 fait référence à une décision du juge des libertés et de la détention et non à une ordonnance motivée par référence aux éléments de fait justifiant la nécessité des opérations.

Le texte proposé pour l' article 706-93 du code de procédure pénale a pour objet de préciser explicitement que les perquisitions prévues par les articles 706-89 à 706-91 nouveaux du code de procédure pénale ne peuvent avoir un autre objet que la recherche et la constatation des infractions visées dans la décision du juge des libertés et de la détention ou du juge d'instruction.

En revanche, comme cela est déjà prévu par le code de procédure pénale, le fait que les perquisitions révèlent des infractions autres que celles visées dans la décision du juge des libertés et de la détention ou du juge d'instruction ne constituerait pas une cause de nullité des procédures incidentes.

Le texte proposé pour l' article 706-94 du code de procédure pénale dispose que les règles relatives aux perquisitions posées par le présent projet de loi ne remettent pas en cause les dispositions spécifiques du code de procédure pénale concernant les perquisitions dans le cadre de la recherche et de la constatation d'actes de terrorisme ou de trafic de stupéfiants.

Enfin, dans un souci d'efficacité, le texte proposé pour l' article 706-95 du code de procédure pénale prévoit qu'au cours d'une enquête de flagrance ou d'une instruction portant sur une infraction mentionnée à l'article 706-73, la perquisition peut être faite, sur autorisation du procureur de la République ou du juge d'instruction, en présence de deux témoins majeurs, lorsque la personne au domicile de laquelle est faite la perquisition est gardée à vue ou détenue dans un autre lieu et que son transport sur place paraît devoir être évité en raison des risques graves soit de troubles à l'ordre public ou d'évasion, soit de disparition des preuves pendant le temps nécessaire au transport.

La même règle serait applicable au cours de l'enquête préliminaire en cas de perquisition accomplie dans les conditions prévues à l'article 706-90 nouveau du code de procédure pénale. L'accord devrait alors être donné par le juge des libertés et de la détention.

3. Les propositions de votre commission

La mise en place d'un régime spécifique de perquisitions en matière de criminalité et de délinquance organisées apparaît tout à fait utile. Le législateur s'est déjà engagé dans cette voie en prévoyant des règles spécifiques de perquisitions pour certaines infractions telles que le terrorisme ou le trafic de stupéfiants.

Toutefois, les dispositions proposées, si elles étaient adoptées en l'état, auraient pour effet de rendre particulièrement complexes les règles applicables en matière de perquisitions. Certes, les nouveaux régimes dérogatoires proposés sont directement inspirés de ceux qui ont été précédemment mis en oeuvre pour quelques infractions. Ils ne sont cependant pas absolument identiques et viendraient se superposer aux autres régimes, de telle sorte que coexisteraient plus d'une dizaine d'hypothèses différentes en matière de perquisitions.

Votre commission vous propose, par sept amendements , présentés au présent article et à l'article 5 du projet de loi, de simplifier le dispositif proposé, afin d'éviter des confusions, qui pourraient être source d'erreurs de procédure.

A l'article 5, votre commission proposera de modifier le régime de droit commun des perquisitions en enquête préliminaire . Rappelons qu'actuellement, en principe, les perquisitions ne sont possibles au cours d'une enquête préliminaire qu'avec l'accord de l'intéressé. Dans ces conditions, il est fréquent qu'une instruction soit ouverte uniquement pour pouvoir opérer une perquisition sans le consentement de l'intéressé.

La loi n° 2001-1062 relative à la sécurité quotidienne a prévu la possibilité, sur autorisation du juge des libertés et de la détention, de procéder à des perquisitions sans l'accord de l'intéressé au cours d'une enquête préliminaire lorsque celle-ci concerne le trafic de stupéfiants et les infractions à la législation sur les armes. La même possibilité avait déjà été ouverte auparavant par le législateur en matière de terrorisme.

Votre commission proposera de prévoir que, pour tous les délits punis d'au moins cinq ans d'emprisonnement, une autorisation motivée du juge des libertés et de la détention saisi par requête motivée du procureur de la République pourra permettra de surmonter l'absence de consentement de la personne. Ainsi, les articles prévoyant la même possibilité en matière de terrorisme, de trafic de stupéfiants, d'infractions sur les armes ou de délinquance et de criminalité organisée n'auront plus de raison d'être .

Une telle proposition ne constitue en aucun cas un recul dans l'encadrement des perquisitions. Actuellement, le refus d'une personne de se soumettre à une perquisition est surmonté par l'ouverture d'une instruction. La solution proposée par votre commission, qui facilitera les perquisitions au cours des enquêtes préliminaires, offrira les mêmes garanties qu'au cours d'une instruction, une autorisation motivée du juge des libertés et de la détention étant nécessaire .

En ce qui concerne les perquisitions de nuit , votre commission propose de prévoir un régime unique pour l'ensemble des faits de criminalité et de délinquance organisées, y compris le terrorisme et le trafic de stupéfiants. Au cours de l'enquête de flagrance, les perquisitions de nuit seraient possibles dans tous les locaux, sur autorisation du juge des libertés et de la détention. Au cours de l'enquête préliminaire, les perquisitions de nuit ne seraient possibles, sur autorisation du juge des libertés et de la détention, que dans les locaux ne servant pas à l'habitation.

Enfin, au cours de l'instruction, les perquisitions de nuit seraient possibles sur autorisation motivée du juge d'instruction :

- dans les locaux ne servant pas à l'habitation ;

- dans les locaux servant à l'habitation si on se trouve toujours dans le temps de la flagrance par rapport à la commission de l'infraction, qu'il y a un risque immédiat de disparition de preuves ou que des infractions similaires à celles dont le juge est saisi sont en train de se commettre dans les locaux.

Ces propositions rendent sans objet plusieurs dispositions du code de procédure pénale, qui peuvent ainsi être supprimées.

Les seules dispositions spécifiques à certaines infractions, appelées à subsister dans le système proposé par votre commission, sont le premier alinéa de l'article 706-28 du code de procédure pénale, qui permet des perquisitions dans des locaux où l'on use de stupéfiants ou où on se livre à un trafic de stupéfiants et l'article 706-35, qui prévoit, en matière de proxénétisme, la possibilité de procéder à des perquisitions dans certains lieux ouverts au public.

Section 5
Des interceptions de correspondances
émises par la voie des télécommunications
Article 706-96 du code de procédure pénale

Actuellement, les interceptions de correspondances émises par la voie des télécommunications ne sont possibles que dans le cadre d'une instruction , selon des modalités définies par les articles 100 à 100-7 du code de procédure pénale.

Les interceptions ne sont possibles, en matière criminelle et en matière correctionnelle, que si la peine encourue est égale ou supérieure à deux ans d'emprisonnement. Elles sont ordonnées par le juge d'instruction et sont effectuées sous son autorité et son contrôle. La décision est prise pour une durée maximale de quatre mois. Elle ne peut être renouvelée que dans les mêmes conditions de forme et de durée.

Le texte proposé pour l'article 706-96 a pour objet de prévoir la possibilité de procéder à des interceptions de correspondances au cours de l'enquête . Il prévoit que, si les nécessités de l'enquête de flagrance ou de l'enquête préliminaire relative à l'une des infractions entrant dans le champ d'application de l'article 706-73 l'exigent, le juge des libertés et de la détention peut, à la requête du procureur de la République, autoriser l'interception, l'enregistrement et la transcription de correspondances émises par la voie des télécommunications pour une durée maximale de quinze jours, renouvelable une fois dans les mêmes conditions de forme et de durée . Les opérations seraient faites sous le contrôle du juge des libertés et de la détention.

Un tel dispositif est particulièrement bienvenu. Dans certains cas, il peut apparaître nécessaire de procéder à des interceptions de correspondances sans qu'il soit cependant avéré que les faits sur lesquels porte l'enquête justifient l'ouverture d'une information. Le dispositif proposé, dont le champ d'application serait limité aux seules infractions relevant de l'article 706-73 du code de procédure pénale, c'est-à-dire aux infractions les plus graves parmi celles qui constituent la criminalité et la délinquance organisée, pourrait permettre de vérifier la pertinence de l'ouverture d'une information judiciaire. Au cours des déplacements et auditions, plusieurs interlocuteurs de votre rapporteur ont estimé que la durée proposée pour les interceptions était trop courte pour être utile.

Votre rapporteur estime au contraire que la durée proposée est particulièrement pertinente. Les interceptions de correspondances ne sont aujourd'hui possibles qu'au cours d'une instruction. Elles doivent, pour l'essentiel, demeurer l'apanage de l'instruction. La nouvelle procédure est précisément conçue pour éviter l'ouverture d'une information judiciaire qui s'avérerait inutile et en aucun cas pour concurrencer l'instruction.

Le texte proposé prévoit que l'autorisation d'interception, d'enregistrement et de transcription de correspondances devra être faite selon les modalités prévues par les articles 100-1 et 100-3 à 100-7 du code de procédure pénale, relatifs aux interceptions de correspondances au cours d'une instruction. Ces articles prévoient notamment que :

- la décision doit comporter tous les éléments d'identification de la liaison à intercepter, l'infraction qui motive le recours à l'interception ainsi que la durée de celle-ci ;

- le juge d'instruction ou l'officier de police judiciaire commis par lui dresse procès-verbal de chacune des opérations d'interception et d'enregistrement ;

- le juge d'instruction ou l'officier de police judiciaire commis par lui transcrit la correspondance utile à la manifestation de la vérité ; il en est dressé procès-verbal et la transcription est versée au dossier ;

- les enregistrements sont détruits à l'expiration du délai de prescription de l'action publique ;

- aucune interception ne peut avoir lieu sur la ligne d'un député ou d'un sénateur sans que le président de l'assemblée à laquelle il appartient en soit informé ;

- aucune interception ne peut avoir lieu sur une ligne dépendant du cabinet d'un avocat ou de son domicile sans que le bâtonnier en soit informé.

Le projet de loi initial renvoyait également, en ce qui concerne les modalités des interceptions de correspondances, à l'article 100 du code de procédure pénale, mais l'Assemblée nationale, à l'initiative du rapporteur de la commission des Lois, a supprimé cette référence. Pourtant ce renvoi paraît tout à fait utile dès lors que l'article 100 énonce, dans son deuxième alinéa, que la décision d'interception est écrite, qu'elle n'a pas de caractère juridictionnel et qu'elle n'est susceptible d'aucun recours. Ces règles doivent pouvoir s'appliquer aux interceptions décidées au cours d'une enquête comme à celles prévues lors d'une instruction. Par un amendement , votre commission vous propose de rétablir le renvoi à l'article 100, tout en ne visant que le deuxième alinéa de cet article. Les dispositions du premier alinéa, qui prévoient notamment que les interceptions ne peuvent être faites que lorsque sont encourues des infractions punies de deux ans d'emprisonnement au moins ne sont pas pertinentes pour les interceptions prévues par le nouvel article 706-96. L'article 80-4 du code de procédure pénale, qui a prévu des interceptions dans le cadre de la recherche de personnes disparues, renvoie d'ailleurs au deuxième alinéa de l'article 100.

Le texte proposé pour l'article 706-96 prévoit logiquement que, pour l'application des dispositions des articles 100-3 à 100-5, les attributions confiées au juge d'instruction ou à l'officier de police judiciaire commis par lui sont exercées par le procureur de la République ou l'officier de police judiciaire requis par ce magistrat.

Le texte précise enfin que le juge des libertés et de la détention qui a autorisé l'interception est informé par le procureur de la République des actes accomplis par le procureur ou l'officier de police judiciaire. Le projet de loi initial prévoyait que l'information devait être donnée « sans délai », mais l'Assemblée nationale a prévu une information « dans les meilleurs délais ». Par un amendement , votre commission vous propose de rétablir la rédaction initiale, qui marque bien que le juge des libertés et de la détention chargé de contrôler le déroulement des interceptions, doit être informé aussitôt que possible. En tout état de cause, la formalité n'est pas prescrite à peine de nullité et une information tardive liée à des circonstances particulières ne saurait avoir pour conséquence l'annulation des opérations d'interception.

Section 6
Dispositions relatives à la sonorisation
de certains lieux ou véhicules
Articles 706-97 à 706-97-2 nouveaux du code de procédure pénale

Le projet de loi initial prévoyait, dans le texte proposé pour l'article 706-97 du code de procédure pénale, la possibilité de recourir à la vidéo-conférence pour les audiences ayant pour objet la prolongation des détentions provisoires ou l'examen de demandes de mise en liberté.

A l'initiative du rapporteur de la commission des Lois, l'Assemblée nationale a supprimé ces dispositions - qu'elle a en partie reprises dans l'article 63 du projet de loi - pour les remplacer par une nouvelle section relative à la « sonorisation de certains lieux ou véhicules ».

Présentant ce dispositif lors des débats à l'Assemblée nationale, M. Jean-Luc Warsmann a notamment observé que « (...) la plupart des pays développés se sont dotés de ce type de moyens et que la France est régulièrement sollicitée par les services de pays voisins qui, par exemple, ont sonorisé des véhicules de trafiquants de drogue et se voient dans l'impossibilité de poursuivre l'enquête -ou alors de manière illégale- lorsque ces véhicules passent nos frontières » 10 ( * ) . Le texte adopté par l'Assemblée nationale dispose que lorsque les nécessités de l'instruction concernant l'une des infractions entrant dans le champ du nouvel article 706-73 l'exigent, le juge d'instruction peut prescrire la mise en place d'un dispositif technique ayant pour objet, sans le consentement des intéressés, l'interception, l'enregistrement, y compris audiovisuel, et la transcription des paroles prononcées par eux-mêmes ou par plusieurs autres personnes à titre privé dans tout lieu ou véhicule public ou privé.

Le texte précise que les opérations sont effectuées sous l'autorité et le contrôle du juge d'instruction, que la décision d'interception est écrite et qu'elle n'est susceptible d'aucun recours. La décision serait prise pour une durée maximum de quatre mois et ne pourrait être renouvelée que dans les mêmes formes. Les opérations ne pourraient concerner les cabinets d'avocats, les locaux des entreprises de presse, le cabinet d'un médecin, d'un notaire, d'un avoué ou d'un huissier, le véhicule, le bureau ou le domicile d'un député ou d'un sénateur.

Ce dispositif peut susciter de légitimes interrogations. Ne risque-t-il pas de conduire à une atteinte à la vie privée disproportionnée par rapport aux besoins des informations judiciaires ? Dès lors cependant que ce type de dispositif est probablement déjà utilisé dans certaines circonstances, n'est-il pas préférable d'encadrer son utilisation ?

Au cours des débats à l'Assemblée nationale, M. Dominique Perben, garde des Sceaux, s'est ainsi exprimé sur cette question : « (...) l'Assemblée doit être bien consciente du caractère extrêmement intrusif de ce type de dispositif. Il s'agit de mettre en place dans des domiciles ou des bureaux, après s'y être introduit de manière subreptice, des moyens techniques dont l'existence n'est évidemment pas connue par les personnes. Nous discutons donc d'une mesure lourde de sens du point de vue des libertés publiques. En conséquence, je m'en remettrai dans l'immédiat à la sagesse de l'Assemblée, en espérant que notre réflexion se poursuivra au cours des navettes. Si le Gouvernement s'est volontairement abstenu de demander l'urgence sur ce texte, c'est précisément pour permettre une réflexion sereine sur des sujets aussi sensibles.

« (...) la plupart des grands pays démocratiques ont adopté -je le reconnais bien volontiers- ce type de dispositif. Je m'en suis entretenu avec mes collègues du G8 lors de la réunion qui a eu lieu il y a quelques jours à Paris. Effectivement, aussi bien la Grande-Bretagne que l'Allemagne ou les Etats-Unis ont mis en place de telles mesures dans leur législation. Cet argument va plutôt dans le sens de la proposition du rapporteur » 11 ( * ) .

Après réflexion, votre commission a estimé utile d'inscrire dans la loi et d'encadrer la pratique consistant à capter à leur insu l'image et la parole de personnes dans des lieux privés. Elle approuve les principes posés par l'Assemblée nationale, en particulier le cantonnement de cette technique à la procédure d'instruction. Cependant, le texte adopté par l'Assemblée nationale apparaît insuffisamment précis. En particulier, il n'évoque pas les conditions d'installation des dispositifs destinés à capter l'image et les paroles de personnes.

Par un amendement , votre commission vous propose une nouvelle rédaction pour la nouvelle section du chapitre du code de procédure pénale relatif à la criminalité et à la délinquance organisées. Cette section, qui s'intitulerait : « Des sonorisations et des fixations d'images de certains lieux ou véhicules » comporterait sept articles, énonçant les principes suivants :

- l'autorisation de sonorisation ou de captation d'images serait donnée par le juge d'instruction, par ordonnance motivée, après avis du procureur de la République ;

- en vue de mettre en place le dispositif technique, le juge d'instruction pourrait autoriser l'introduction dans un véhicule ou un lieu privé, y compris en dehors des heures pendant lesquelles peuvent se dérouler des perquisitions. Si la sonorisation ou la captation d'images concernait un lieu d'habitation et qu'il était nécessaire d'intervenir pendant la nuit, la décision serait prise par le juge des libertés et de la détention ;

- les personnes participant à ce type d'opération seraient tenues de respecter des obligations similaires à celles prévues en matière d'interceptions de correspondances par la voie des télécommunications : obligation de mentionner dans les décisions tous les éléments permettant d'identifier les véhicules ou les lieux visés, l'infraction qui motive le recours à ces mesures et la durée de celles-ci ; possibilité de requérir tout agent qualifié d'un service, d'une unité ou d'un organisme placé sous l'autorité ou la tutelle du ministre de l'intérieur ou du ministre de la défense ; établissement d'un procès-verbal des opérations de mise en place du dispositif technique et de captation d'images et de sons ; transcription ou description des images ou conversations enregistrées ; destruction des enregistrements à l'expiration du délai de prescription de l'action publique.

Il convient de noter que les enregistrements obtenus dans les conditions prévues par le présent projet de loi pourraient être utilisés pour l'administration de la preuve des infractions. En l'absence de toute base légale, une telle utilisation est aujourd'hui impossible.

Section 7
Des mesures conservatoires
Article 706-98 du code de procédure pénale

Bien souvent, dans les affaires de criminalité organisée, la durée des procédures permet aux personnes poursuivies d'organiser leur insolvabilité, de sorte que les condamnations pécuniaires sont difficilement exécutables.

Pour remédier à ce type de comportement, le législateur a déjà prévu la possibilité d'ordonner des mesures conservatoires sur les biens des personnes poursuivies. L'article 706-30 du code de procédure pénale prévoit ainsi la possibilité d'ordonner des mesures conservatoires sur les biens de la personne mise en examen en cas d'information ouverte pour trafic de stupéfiants. La loi n° 2003-299 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure a prévu, à l'initiative du Sénat, la même possibilité en matière de proxénétisme (article 706-36-1 du code de procédure pénale).

Le texte proposé pour l'article 706-98 du code de procédure pénale a pour objet de permettre des mesures conservatoires pour l'ensemble des infractions entrant dans le champ d'application des articles 706-73 et 706-74 nouveaux du code de procédure pénale.

En cas d'information ouverte pour l'une de ces infractions, afin de garantir le paiement des amendes encourues et, le cas échéant, l'exécution de la confiscation, le juge des libertés et de la détention, sur requête du procureur de la République, pourrait ordonner, aux frais avancés du Trésor et selon les modalités prévues par les procédures civiles d'exécution, des mesures conservatoires sur les biens meubles ou immeubles, divis ou indivis, de la personne mise en examen.

A l'initiative de M. Thierry Mariani, l'Assemblée nationale a prévu que les mesures conservatoires pourraient également garantir l'indemnisation des victimes.

Par ailleurs, le projet de loi initial précisait que les mesures conservatoires étaient prises « selon les modalités prévues par les articles 67 à 79 de la loi n° 91-150 du 3 juillet 1991 », mais l'Assemblée nationale a estimé préférable, à l'initiative du rapporteur de la commission des Lois, de viser les procédures civiles d'exécution en général, afin d'éviter qu'une éventuelle modification de la loi de 1991 ne rende erronées les dispositions du nouvel article 706-98 du code de procédure pénale.

Conformément aux dispositions déjà prévues par le code de procédure pénale en matière de terrorisme, de trafic de stupéfiants et de proxénétisme, la condamnation vaudrait validation des saisies conservatoires et permettrait l'inscription définitive des sûretés. A l'inverse, la décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement emporterait de plein droit, aux frais du Trésor, mainlevée des mesures ordonnées. Il en serait de même en cas d'extinction de l'action publique et de l'action civile.

Le texte proposé précise in fine que, pour son application, le juge des libertés et de la détention est compétent sur l'ensemble du territoire national. Une telle solution est logique, dès lors que les biens des personnes mises en examen pour des infractions relevant de la criminalité ou de la délinquance organisées ne sont pas nécessairement localisés dans le ressort du tribunal saisi de l'affaire.

Section 8
Dispositions communes
Article 706-99 nouveau du code de procédure pénale
Changement de qualification d'une infraction

Le texte proposé pour l'article 706-99 du code de procédure pénale a pour objet de prévoir que le fait qu'à l'issue de l'enquête ou de l'information ou devant la juridiction de jugement la circonstance aggravante de bande organisée ne soit pas retenue ne constitue pas une cause de nullité des actes régulièrement accomplis en application des dispositions du code de procédure pénale créées par le présent projet de loi.

De fait, il n'est pas rare que des infractions fassent l'objet d'un changement de qualification au cours de la procédure, compte tenu de l'évolution des investigations. Il serait particulièrement préjudiciable à l'efficacité de la procédure pénale qu'un changement de qualification entraîne la nullité des actes régulièrement accomplis sur le fondement de la qualification erronée.

Il reste que les magistrats du parquet et les magistrats instructeurs devront être particulièrement vigilants dans le choix de retenir ou non la circonstance aggravante de bande organisée, compte tenu des conséquences très importantes qu'entraînera le choix de cette qualification en termes de procédure.

Article 706-100 du code de procédure pénale
Possibilité pour une personne placée en garde à vue d'interroger le procureur de la République sur les suites données à l'enquête

Le texte proposé pour l'article 706-100 a pour objet de renforcer les droits de la défense au cours des enquêtes portant sur des infractions entrant dans le champ de la criminalité ou de la délinquance organisées pour tenir compte de l'important renforcement des instruments d'investigation prévu par le présent projet de loi.

Le texte initial proposé pour l'article 706-100 disposait que lorsqu'il a été fait application des articles 706-80 à 706-96 nouveaux du code de procédure pénale, le procureur de la République, interrogé en application des articles 77-2 et 77-3 par une personne ayant été placée en garde à vue six mois auparavant doit, lorsqu'il est décidé de poursuivre l'enquête préliminaire et dans les deux mois suivant la réception de la demande, informer le demandeur de la décision.

Rappelons que l'article 77-2 du code de procédure pénale permet à toute personne placée en garde à vue au cours d'une enquête préliminaire ou de flagrance qui, à l'expiration d'un délai de six mois à compter de la fin de la garde à vue, n'a pas fait l'objet de poursuites, peut interroger le procureur de la République dans le ressort duquel la garde à vue s'est déroulée sur la suite donnée ou susceptible d'être donnée à la procédure.

L'article 77-3 prévoit, quant à lui, que lorsque l'enquête n'a pas été menée sous la direction du procureur de la République du tribunal de grande instance dans le ressort duquel la garde à vue a été réalisée, celui-ci adresse sans délai la demande au procureur de la République qui dirige l'enquête.

Le texte initial proposé pour l'article 706-100 prévoyait également qu'en cas de poursuite de l'enquête préliminaire, la personne ayant été gardée à vue pourrait demander qu'un avocat désigné par elle ou commis d'office à sa demande par le bâtonnier puisse consulter le dossier de la procédure, celui-ci devant alors être mis à la disposition de l'avocat par le procureur de la République dans un délai de quinze jours à compter de la demande.

L'objectif de ce texte était donc de prévoir des garanties accrues pour les personnes en cas d'utilisation des moyens renforcés d'enquête créés par le projet de loi.

L'Assemblée nationale a profondément modifié le dispositif proposé. Le rapporteur de la commission des Lois, M. Jean-Luc Warsmann, s'est en effet interrogé sur l'opportunité de permettre à l'avocat d'une personne gardée à vue d'accéder au dossier de la procédure dès lors que le procureur décidait de poursuivre l'enquête préliminaire.

L'Assemblée nationale a donc décidé d'encadrer davantage le dispositif proposé. Elle a en conséquence :

- supprimé le renvoi aux articles 77-2 et 77-3 du code de procédure pénale pour prévoir un dispositif entièrement autonome ;

- prévu que la personne gardée à vue ne pourrait demander qu'un avocat ait accès au dossier de la procédure que dans l'hypothèse où le procureur déciderait la poursuite de l'enquête préliminaire et envisagerait en outre de procéder à une nouvelle audition de la personne au cours de cette enquête ;

- prévu que le procureur devrait informer la personne, dans les deux mois de sa demande, d'un éventuel classement de l'affaire ;

- prévu enfin que, dans les autres cas, en particulier en cas de poursuite de l'enquête préliminaire sans qu'une nouvelle audition de la personne soit envisagée, le procureur n'était pas tenu de répondre à la personne.

Votre commission vous soumet un amendement tendant à prévoir que lorsque l'enquête n'a pas été menée sous la direction du procureur de la République du tribunal dans le ressort duquel s'est déroulée la garde à vue, celui-ci transmet sans délai la demande au procureur qui dirige l'enquête. Cette précision apparaît nécessaire dès lors que le dispositif proposé ne renvoie plus aux articles 77-2 et 77-3 du code de procédure pénale, contrairement au dispositif du projet de loi initial.

Votre commission vous soumet également un amendement de précision rédactionnelle.

Article 706-101 du code de procédure pénale
Droits de la défense en cas de recours à la
procédure de comparution immédiate

Dans la même logique que le texte proposé pour l'article 706-100, le texte proposé pour l'article 706-101 a pour objet de renforcer les droits de la défense lorsqu'une personne est déférée devant le procureur de la République après qu'il a été fait application des articles 706-80 à 706-96 nouveaux du code de procédure pénale.

Actuellement, en application de l'article 393 du code de procédure pénale, lorsqu'en matière correctionnelle une personne est déférée devant le procureur de la République à l'issue d'une garde à vue, celui-ci lui fait connaître les faits qui lui sont reprochés et, après avoir recueilli ses déclarations si elle en fait la demande, peut, s'il estime qu'une information n'est pas nécessaire, soit inviter la personne à comparaître dans un délai compris entre dix jours et deux mois, soit traduire le prévenu sur le champ devant le tribunal correctionnel (procédure de comparution immédiate).

Le procureur doit alors informer la personne qu'elle a droit à l'assistance d'un avocat de son choix ou commis d'office, lequel peut consulter sur-le-champ le dossier et communiquer librement avec le prévenu.

Le texte proposé pour l'article 706-101 prévoit que lorsqu'il a été fait application des articles 706-80 à 706-96 nouveaux du code de procédure pénale, la personne déférée devant le procureur a droit à la désignation d'un avocat avant sa comparution devant le procureur. L'avocat pourrait consulter sur-le-champ le dossier et communiquer librement avec la personne, qui comparaîtrait en présence de son avocat devant le procureur de la République. Ce dernier pourrait alors, après avoir entendu les déclarations de la personne et les observations de son avocat, soit requérir l'ouverture d'une information, soit convoquer la personne dans un délai de dix jours à deux mois, soit encore traduire sur-le-champ le prévenu devant le tribunal correctionnel.

Le texte proposé prévoit que si le procureur de la République saisit le tribunal correctionnel selon la procédure de comparution immédiate, les dispositions du code de procédure pénale permettant au prévenu de demander le renvoi de l'affaire à une audience devant avoir lieu dans un délai de deux à quatre mois sont applicables, quelle que soit la peine encourue.

Rappelons qu'en principe, aux termes de l'article 397-1 du code de procédure pénale, le prévenu ne peut demander le renvoi de l'affaire à une audience devant intervenir dans un délai compris entre deux et quatre mois que lorsque la peine encourue est supérieure à sept ans d'emprisonnement.

Le dispositif proposé paraît tout à fait justifié, même s'il devrait être rarement utilisé. Les dispositions des articles 706-80 à 706-96 nouveaux ont pour objet de renforcer la lutte contre la délinquance et la criminalité organisées. Compte tenu de la complexité des affaires en cause, le recours à la procédure de comparution immédiate devrait demeurer limité. Il paraît cependant bienvenu que, dans une telle hypothèse, la personne poursuivie puisse comparaître devant le procureur assistée de son avocat et bénéficier d'un délai conséquent pour préparer sa défense.

*

Le paragraphe II de l'article premier, inséré dans le projet de loi par l'Assemblée nationale à l'initiative de M. Thierry Mariani, tend à insérer un titre XXV dans le livre IV du code de procédure pénale, intitulé « Dispositions relatives à la répartition du produit des amendes et confiscations ». Ce nouveau titre comporterait un article unique numéroté 706-101-1.

Article 706-101-1 du code de procédure pénale
Rémunération des indicateurs

Le texte proposé pour l'article 706-101-1 du code de procédure pénale prévoit que la part attribuée au Trésor dans les produits d'amendes et de confiscations prononcées par les juridictions pénales est de 40 % du produit net des saisies. Il précise que les conditions dans lesquelles le surplus est réparti sont déterminées par arrêtés conjoints du ministre de la justice, du ministre chargé de l'intérieur et du ministre de l'économie et des finances. Ce dispositif très général a en fait pour objet de faciliter la rémunération des indicateurs de police, dont les informations sont absolument indispensables au déroulement de certaines enquêtes.

Présentant son amendement à l'Assemblée nationale, M. Thierry Mariani a notamment formulé les observations suivantes :

« En matière de lutte contre la délinquance et la criminalité organisée, le renseignement humain est indispensable et il serait hypocrite de continuer à le nier plus longtemps. (...) ».

« Dans la pratique, la rémunération des indicateurs a déjà lieu. En effet, il existe aujourd'hui, dans certains services de police, la possibilité de rémunérer les informations sur la base des fonds spéciaux. Toutefois, les montants versés, nous le savons tous, sont dérisoires -au mieux quelques centaines d'euros pour le démantèlement de trafics internationaux de stupéfiants ayant permis la saisie de plusieurs centaines de kilos de drogue et d'importantes sommes d'argent.

« C'est pour permettre aux différents services de police et de gendarmerie appelés à lutter quotidiennement contre le trafic de stupéfiants et les autres formes de criminalité organisée d'avoir des outils adaptés que je vous propose aujourd'hui cet amendement (...) ».

1. Le droit existant

Comme l'indiquait M. Thierry Mariani à l'Assemblée nationale, les services de police et de gendarmerie rémunèrent d'ores et déjà certaines personnes fournissant des informations utiles à l'enquête sans que cette pratique repose sur une quelconque base légale.

* La rémunération des « aviseurs » des douanes dispose en revanche d'une base légale. L'article 391 du code des douanes dispose en effet que la part attribuée au Trésor dans les produits d'amendes et de confiscations résultant d'affaires suivies à la requête de l'administration des douanes est de 40 % du produit net des saisies. Un arrêté du ministre des finances détermine les conditions dans lesquelles le surplus est réparti.

Un arrêté du 18 avril 1957 est venu préciser les conditions d'application de cet article.

Aux termes de cet arrêté, le produit brut des amendes et confiscations pour infractions aux lois douanières supporte d'abord les prélèvements liés aux droits et taxes d'entrée afférents aux marchandises étrangères saisies ainsi qu'aux frais non recouvrés sur les prévenus.

Une fois ces prélèvements effectués, toute personne ayant fourni des renseignements aux services des douanes reçoit une part du produit disponible, susceptible d'atteindre le tiers du produit disponible de l'affaire considérée dans le cas où ses renseignements ou avis ont amené directement la découverte de la fraude.

La rétribution de l'aviseur ne peut excéder 3.100 euros, sauf décision contraire du directeur général des douanes.

Une fois ce prélèvement effectué, le produit net de chaque saisie est affecté :

- au versement d'une part de 40 % au Trésor ;

- au paiement d'une part de 10 % à l'oeuvre des orphelins des douanes ;

- au paiement d'une part de 10 % aux sociétés de secours mutuels intéressant le personnel des douanes ;

- au paiement d'une part, qui peut atteindre 40 %, sous forme de primes au personnel des douanes ayant opéré la saisie et réalisé l'intervention.

* Un autre système est censé permettre de rémunérer les indicateurs dans le domaine spécifique du trafic de stupéfiants. En 1993, à la demande du ministère de l'Intérieur, le comité interministériel de lutte contre la drogue et la toxicomanie a décidé la création d'un fonds de concours destiné à recueillir le produit des biens confisqués aux trafiquants.

Le décret n° 95-322 du 17 mars 1995 a autorisé le rattachement par voie de fonds de concours du produit de cession des biens confisqués dans le cadre de la lutte contre les produits stupéfiants. Un arrêté du 23 août 1995 est venu fixer les modalités pratiques de ce rattachement.

En pratique, des sommes dérisoires ont été affectées à ce fond, sans rapport aucun avec le produit de cession des biens confisqués dans le cadre de la lutte contre les produits stupéfiants.

L'une des raisons de l'échec de ce fonds est l'impossibilité d'y affecter le produit de la vente des biens confisqués dans le cadre d'une infraction douanière liée au trafic de stupéfiants, ce produit étant réparti conformément aux dispositions de l'arrêté du 18 avril 1957.

Une circulaire du 15 février 2002 adressée par le Garde des Sceaux aux procureurs généraux a tenté de dynamiser le fonds de concours, notamment en formulant des recommandations destinées à « garantir la traçabilité des biens saisis ».

De fait, l'une des difficultés du système du fonds de concours est de parvenir à identifier certaines recettes spécifiques censées alimenter le fonds.

* Il convient enfin de signaler que le chapitre 34-41 du budget du ministère de l'Intérieur, qui recense l'ensemble des moyens affectés au fonctionnement de la police nationale, contient une ligne budgétaire consacrée aux « enquêtes et surveillances », dotée en loi de finances initiale pour 2003 de 10,61 millions d'euros. Rien n'interdirait la rémunération d'indicateurs de police sur la base de cette ligne budgétaire, même si les montants concernés paraissent aujourd'hui insuffisants.

2. Les propositions de votre commission

L'amendement adopté par l'Assemblée nationale s'inspire fortement des règles permettant aujourd'hui la rémunération des aviseurs des douanes. Il prévoit seulement que 60 % du produit des amendes et confiscations prononcées par les juridictions pénales feront l'objet d'une répartition par arrêté conjoint du ministre des finances, du ministre de la justice et du ministre de l'Intérieur. Aucune clé de répartition ne figure dans le texte de même qu'aucune référence aux indicateurs de police.

Si cet amendement a permis de mettre en évidence le caractère peu satisfaisant du droit actuel, qui ignore purement et simplement les indicateurs, alors même que ceux-ci font de fait l'objet de rémunérations, il présente néanmoins certains inconvénients sérieux :

- le système proposé constitue une entorse au principe de la non-affectation des recettes aux dépenses posé par l'article 18 de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 relative aux lois de finances. Sur ce point, votre commission sera particulièrement attentive aux observations formulées par la commission des finances du Sénat, qui s'est saisie pour avis du présent projet de loi ;

- les montants concernés par le texte de l'amendement paraissent particulièrement élevés s'ils doivent avoir pour seul objet de rémunérer les indicateurs de police. A titre d'indication, le produit des amendes recouvrées par les comptables du Trésor s'est élevé à 346,7 millions d'euros en 2002 ;

- le texte proposé ne s'appliquerait pas à la gendarmerie, dès lors que le ministre de la défense n'est pas mentionné parmi les signataires de l'arrêté.

Dans ces conditions, votre commission propose de retenir un système différent.

Elle propose de prévoir explicitement dans la loi la possibilité de rémunérer des personnes fournissant à la police, à la gendarmerie ou à la douane des renseignements permettant de découvrir des crimes et délits ou d'identifier les auteurs de tels crimes et délits.

En revanche, la création d'un support budgétaire pour la rémunération des indicateurs ne relève pas du présent projet de loi, mais d'une loi de finances. Votre commission considère que la commission des Finances de notre assemblée est la mieux à même d'apprécier s'il est souhaitable de prévoir une affectation de recettes ou si la création d'un chapitre budgétaire de droit commun paraît suffisante pour parvenir au résultat recherché.

Votre commission estime par ailleurs que la disposition relative à la rémunération des indicateurs n'a pas sa place dans l'article premier du projet de loi, relatif à la définition de la criminalité organisée et aux instruments procéduraux permettant de lutter contre cette criminalité, ni même dans le code de procédure pénale, mais bien plutôt dans la loi du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation pour la sécurité.

Par un amendement , elle vous propose la suppression du texte proposé pour l'article 706-101-1 du code de procédure pénale et en conséquence du paragraphe II du présent article. Le dispositif proposé sera repris dans un article additionnel après l'article premier.

Votre commission vous propose d'adopter l'article premier ainsi modifié .

Article additionnel
Rémunération des indicateurs

Votre commission vous soumet un amendement tendant à insérer un article additionnel après l'article premier pour prévoir dans la loi n°95-73 du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation pour la sécurité la possibilité de rémunérer les personnes fournissant des renseignements aux services de police, de gendarmerie ou des douanes conformément au dispositif qui a été présenté à l'article premier.

Article 1er bis
(art. 77-2 du code de procédure pénale)
Coordination

Le présent article, inséré dans le projet de loi par l'Assemblée nationale à l'initiative du rapporteur de la commission des Lois, a pour objet de compléter l'article 77-2 du code de procédure pénale pour prévoir que ses dispositions ne s'appliquent pas aux crimes et délits entrant dans le champ de l'article 706-73 nouveau du code de procédure pénale.

Rappelons que l'article 77-2 permet à une personne placée en garde à vue et qui n'a fait l'objet d'aucune poursuite ni d'un classement sans suite d'interroger le procureur de la République six mois après la garde à vue sur les suites données ou susceptibles d'être données à la procédure.

Dès lors que l'article premier du présent projet de loi prévoit un mécanisme spécifique d'interrogation du procureur de la République lorsqu'une personne a été placée en garde à vue dans le cadre d'une enquête au cours de laquelle ont été utilisés les nouveaux instruments de lutte contre la criminalité organisée, il est logique que le dispositif de droit commun ne s'applique pas.

Pour autant, l'intérêt du présent article est très limité, dans la mesure où l'article 77-2 ne prévoit aucune obligation pour le procureur de la République de répondre à la demande de la personne placée en garde à vue, contrairement au dispositif proposé à l'article premier du projet de loi.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 1 er bis sans modification .

Article 1er ter
(art. 100-7 du code de procédure pénale)
Interceptions de correspondances sur la ligne d'un magistrat

Dans sa rédaction actuelle, l'article 100-7 du code de procédure pénale prévoit qu'aucune interception de correspondance ne peut avoir lieu sur la ligne d'un député ou d'un sénateur sans que le président de l'assemblée à laquelle il appartient en soit informé par le juge d'instruction.

De même, aucune interception ne peut avoir lieu sur une ligne dépendant du cabinet d'un avocat ou de son domicile sans que le bâtonnier en soit informé par le juge d'instruction.

Le présent article, inséré dans le projet de loi par l'Assemblée nationale à l'initiative de M. Christian Estrosi a pour objet de compléter l'article 100-7 pour prévoit qu'aucune interception ne peut avoir lieu sur une ligne dépendant du cabinet d'un magistrat ou de son domicile sans que le premier président ou le procureur général de la juridiction où il réside en soit informé.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 1 er ter sans modification .

SECTION 2
Dispositions relatives à la répression de la délinquance
et de la criminalité organisées
Article 2
(art. 221-4, 221-5-1, 222-4, 222-49, 227-22, 227-23, 312-7-1 nouveau, 313-2, 421-5, 434-30, 442-1, 442-2, 450-5 nouveau du code pénal,
art. 3 de la loi du 19 juin 1871, art. 24, 26 et 31 du décret du 18 avril 1939,
art. 6 de la loi n° 70-575 du 3 juillet 1970,
art. 4 de la loi n° 72-467 du 9 juin 1972,
art. 4 de la loi du 2 juin 1891,
art. 1er et 2 de la loi n° 83-628 du 12 juillet 1983)
Élargissement de la circonstance aggravante de bande organisée et de la peine complémentaire de confiscation des biens - renforcement de la répression du faux monnayage - dispositions diverses

Le présent article tend à modifier de nombreuses dispositions de droit pénal, afin notamment d'élargir le champ d'application de la circonstance aggravante de bande organisée et d'aggraver les peines encourues pour certaines infractions.

Le principal objet de l'article 2 est d'élargir la liste des infractions pour lesquelles la circonstance de bande organisée est prévue .

Comme votre rapporteur l'a indiqué à l'article 1 er , le projet de loi tend à faire de cette circonstance aggravante le critère essentiel de définition de la criminalité et de la délinquance organisées.

Le présent article tend à prévoir la circonstance aggravante de bande organisée pour les infractions suivantes prévues par le code pénal :

- meurtre ( paragraphe I du présent article, article 221-4 du code pénal). Votre commission vous soumet un amendement corrigeant une erreur matérielle ;

- tortures et actes de barbarie ( paragraphe III du présent article; article 222-3 du code pénal) ;

- corruption de mineurs ( paragraphe V du présent article; article 227-22 du code pénal) ;

- diffusion, enregistrement, transmission de l'image à caractère pornographique d'un mineur ( paragraphe VI du présent article; article 227-23 du code pénal) ;

- escroquerie ( paragraphe VII du présent article; article 313-2 du code pénal). En cette matière, la circonstance aggravante de bande organisée est déjà prévue, mais n'est punie que de sept ans d'emprisonnement. Le présent article tend à porter cette peine à dix ans d'emprisonnement.

Les paragraphe XIII à XVIII tendent à prévoir la circonstance de bande organisée et à la punir de peines très lourdes (dix ans d'emprisonnement et 500.000 euros d'amende) pour plusieurs infractions en matière d'armes et de substances dangereuses :

- la fabrication ou la détention, sans motifs légitimes, de machines ou engins meurtriers ou incendiaires agissant par explosion ou autrement, réprimées par l'article 3 de la loi du 18 juin 1871 ;

- la fabrication, le commerce, le stockage, l'importation ou la tentative d'importation, sans autorisation régulière, des matériels de guerre prohibés prévus par les articles 24, 26 et 31 du décret du 18 avril 1939 fixant le régime des matériels de guerre, armes et munitions ;

- la vente, la production, l'exportation ou l'importation de poudres ou substances explosives, dont la liste est prévue par décret, réprimées par les dispositions de l'article 6 de la loi n° 70-575 du 3 juillet 1970 portant réforme du régime des poudres et des substances explosives ;

- la mise au point, la fabrication, la détention, le stockage, la cession des agents microbiologiques et des toxines biologiques, en quantités non destinées à des fins prophylactiques, de protection ou à d'autres fins pacifiques, réprimés par les dispositions de l'article 4 de la loi n°72-467 du 9 juin 1972 interdisant la mise au point d'armes biologiques.

Enfin, les paragraphes XIX à XXI , insérés dans le projet de loi par l'Assemblée nationale à l'initiative de M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur de la commission des Lois, tendent à prévoir la circonstance aggravante de bande organisée et la peine de sept ans d'emprisonnement et 100.000 euros d'amende pour plusieurs infractions au régime des jeux :

- le fait d'offrir de recevoir ou de recevoir des paris sur les courses de chevaux, soit directement, soit par intermédiaire, réprimé par l'article 4 de la loi du 2 juin 1891 ayant pour objet de réglementer l'autorisation et le fonctionnement des courses de chevaux ;

- le fait de participer, y compris en tant que banquier, à la tenue d'une maison de jeux de hasard où le public est librement admis, réprimé par l'article 1er de la loi n° 83-628 du 12 juillet 1983 relative aux jeux de hasard ;

- l'importation ou la fabrication de tout appareil dont le fonctionnement repose sur le hasard et qui permet de procurer, moyennant argent, un avantage direct ou indirect de quelque nature que ce soit, réprimée par l'article 2 de la même loi.

Par trois amendements , votre commission vous propose d'aggraver les peines encourues pour les infractions qui viennent d'être énumérées lorsqu'elles ne sont accompagnées d'aucune circonstance aggravante. Ces infractions, aujourd'hui punies de deux ans d'emprisonnement, seraient désormais punies de trois ans d'emprisonnement. Au cours de ses auditions et déplacements, votre rapporteur a constaté que les infractions à la réglementation sur les jeux semblaient prendre une importance grandissante dans notre pays. Les peines proposées permettront de recourir à la détention provisoire lorsque celle-ci s'avère indispensable.

Le paragraphe II tend à faire de l'actuel article 221-5-1 du code pénal, qui prévoit la responsabilité des personnes morales en matière d'atteintes volontaires à la vie, un article 221-5-2 et à incriminer, à l'article 221-5-1 le fait de faire à une personne des offres ou de lui proposer des dons, présents ou avantages quelconques afin qu'elle commette un assassinat ou un empoisonnement lorsque ce crime n'a été ni tenté ni commis. La nouvelle infraction serait punie de dix ans d'emprisonnement et de 150.000 euros d'amende. Notre droit réprime aujourd'hui la tentative de commettre un crime. Toutefois, le fait de passer un « contrat » pour faire assassiner une personne ne constitue pas une tentative au sens du code pénal, dès lors que la tentative doit être manifestée par un commencement d'exécution. Si la personne n'accomplit pas l'acte pour lequel elle est engagée, le commanditaire ne peut être poursuivi. Le présent paragraphe a pour objet de combler ce vide juridique.

Le paragraphe VI bis , inséré dans le projet de loi par l'Assemblée nationale à l'initiative du rapporteur de la commission des lois, tend à insérer dans le code pénal un article 312-7-1 punissant de dix ans d'emprisonnement et de 150.000 euros d'amende le fait de ne pouvoir justifier de ressources correspondant à leur train de vie tout en étant en relations habituelles avec des personnes ayant commis des extorsions aggravées ou le fait de faciliter la justification de ressources fictives pour ces mêmes personnes.

Le paragraphe VII tend à aggraver certaines peines en matière de terrorisme. Dans sa rédaction actuelle, l'article 421-5 du code pénal punit de dix ans d'emprisonnement et de 225.000 euros d'amende le fait de participer à un groupement formé ou une entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d'un acte de terrorisme. Le présent paragraphe tend à punir de la réclusion criminelle à perpétuité le fait de diriger un tel groupement ou une telle entente.

Les paragraphes IV et XII ont pour objet d'élargir le champ des infractions pour lesquelles la peine complémentaire de confiscation des biens peut être prononcée.

Cette peine pourrait désormais être appliquée aux personnes condamnées pour avoir été en relations habituelles avec des individus se livrant au trafic de stupéfiants sans être en mesure de justifier de ressources correspondant à leur train de vie (article 222-49 du code pénal).

La même peine pourrait être appliquée aux personnes physiques et morales condamnées soit pour association de malfaiteurs en vue de la préparation de crimes ou de délits punis de dix ans d'emprisonnement, soit pour avoir été en relations habituelles avec une ou plusieurs personnes participant à une association de malfaiteurs sans être en mesure de justifier de ressources correspondant à leur train de vie (article 450-5 nouveau du code pénal).

Les paragraphes X et XI ont pour objet de transposer en droit interne l'article 4 de la décision-cadre du Conseil de l'Union européenne du 29 mai 2000 visant à renforcer par des sanctions pénales et autres la protection contre le faux monnayage en vue de la mise en circulation de l'euro. Cet article prévoit tout d'abord que chaque Etat membre doit prendre les mesures nécessaires pour s'assurer qu'est pénalement puni le fait de : fabriquer frauduleusement ou de mettre en circulation frauduleusement de la monnaie ; d'importer, d'exporter, de transporter ou de recevoir, ou de se procurer de la fausse monnaie ; de fabriquer, recevoir ou se procurer les instruments ou les programmes destinés à fabriquer de la fausse monnaie ou les hologrammes servant à protéger la monnaie contre la falsification. Il précise en outre que les Etats membres doivent également réprimer des agissements de cette nature « lorsqu'il s'agit des billets de banque ou des pièces de monnaie fabriqués en utilisant des installations ou du matériels légaux, en violation des droits ou des conditions en vertu desquels les autorités compétentes peuvent mettre de la monnaie en circulation, et sans l'accord de ces autorités. »

Dans ces conditions, le paragraphe X tend à compléter l'article 442-1 du code pénal, qui punit de trente ans de réclusion criminelle et de 450.000 euros d'amende la contrefaçon ou la falsification des pièces de monnaie ou des billets de banque ayant cours légal en France ou émis par les institutions étrangères ou internationales habilitées à cette fin, pour punir des mêmes peines la fabrication des pièces de monnaie et des billets de banque réalisée à l'aide d'installations ou de matériels autorisés destinés à cette fin, lorsqu'elle est effectuée en violation des conditions fixées par les institutions émettrices et sans leur accord.

Le paragraphe XI tend, pour sa part, à modifier l'article 442-2 du code pénal, qui incrimine le transport, la mise en circulation ou la détention en vue de la mise en circulation, des signes monétaires contrefaits ou falsifiés, pour sanctionner également ces faits lorsqu'ils concernent de la monnaie fabriquée à l'aide d'installation ou de matériels autorisés, en violation des conditions fixées par les institutions habilitées à émettre des signes monétaires et sans l'accord de ces institutions.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 2 ainsi modifié .

Article 2 bis
(art. 322-6-1 nouveau du code de procédure pénale)
Diffusion de procédés permettant la fabrication d'engins de destruction

Le présent article, inséré dans le projet de loi par l'Assemblée nationale à l'initiative du rapporteur de la commission des Lois a pour objet d'insérer un article 322-6-1 dans le code pénal pour punir d'un an d'emprisonnement et de 15.000 euros d'amende le fait de diffuser par tout moyen, sauf à destination des professionnels, des procédés permettant la fabrication d'engins de destruction élaborés à partir de poudre ou de substances explosives, de matières nucléaires, biologiques ou chimiques, ou à partir de tout autre produit destiné à l'usage domestique, industriel ou agricole.

Les peines seraient portées à trois ans d'emprisonnement et à 45.000 euros d'amende en cas d'utilisation, pour la diffusion des procédés, d'un réseau de télécommunication à destination d'un public non déterminé.

De fait, il semble qu'il soit particulièrement aisé d'accéder sur Internet à des informations permettant la fabrication d'engins de destruction. Même s'il est souvent très difficile de parvenir à appréhender les personnes mettant en circulation ces informations, il paraît tout à fait nécessaire de sanctionner pénalement de tels comportements.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 2 bis sans modification .

Article 2 ter
(art. 421-2 du code pénal)
Acte de terrorisme consistant à introduire une substance toxique
dans les aliments ou la chaîne alimentaire

Dans sa rédaction actuelle, l'article 421-2 du code pénal dispose que constitue un acte de terrorisme, lorsqu'il est intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur, le fait d'introduire dans l'atmosphère, sur le sol, dans le sous-sol ou dans les eaux, y compris celles de la mer territoriale, une substance de nature à mettre en péril la santé de l'homme ou des animaux ou le milieu naturel.

Le présent article, inséré dans le projet de loi par l'Assemblée nationale à l'initiative du rapporteur de la commission des Lois, tend à compléter cet article, afin que constitue également un acte de terrorisme le fait d'introduire dans les aliments ou les composants alimentaires une substance toxique lorsque cet acte est en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 2 ter sans modification .

Article 3
(art. 132-78, 221-5-3, 222-6-2 nouveaux, 222-43, 222-43-1 nouveau, 224-5-1, 224-8-1, 225-4-9, 225-11-1, 311-9-1, 312-6-1 nouveaux du code pénal,
art. 3-1 nouveau de la loi du 19 juin 1871, art. 35-1
nouveau du décret du 18 avril 1939,
art. 6-1 nouveau de la loi du 3 juillet 1970,
art. 4-1 nouveau de la loi du 9 juin 1972)
Exemptions ou réductions de peine pour les auteurs ou complices d'infractions apportant leur concours à la justice

« Certains tribunaux offrent l'impunité à celui qui a participé à un forfait, si grave soit-il, à condition qu'il dénonce ses complices. Semblable expédient a ses inconvénients et ses avantages. Le principal inconvénient est d'autoriser officiellement la trahison, détestable même entre les scélérats ; les crimes courageux sont moins funestes à une nation que les crimes lâches, parce que le courage n'est pas fréquent, et qu'il n'attend qu'une force bienfaisante qui le dirige et le fasse concourir au bien général, tandis que la lâcheté est beaucoup plus répandue et contagieuse et qu'elle puise sans cesse en elle-même de nouvelles forces. En outre, le tribunal, en prenant cette mesure, laisse voir ses propres incertitudes et la faiblesse de la loi, réduite à implorer l'aide de ceux qui l'ont violée. D'autre part, les avantages de ladite mesure sont d'abord d'empêcher des forfaits considérables et de rassurer le peuple qui s'inquiète devant les effets visibles de certains délits dont les auteurs restent inconnus. De plus, elle montre que celui qui ne respecte pas les conventions publiques que sont les lois ne respecte pas davantage les contrats privés. Il me semble qu'une loi générale promettant l'impunité au complice qui révèle un délit serait préférable à une décision spéciale prise dans un cas particulier, car on éviterait que les complices s'entendent entre eux, chacun craignant d'être seul exposé au danger. Enfin, le tribunal ne pousserait pas les scélérats à s'enhardir en voyant que dans certains cas on a besoin de leur concours. »

Cesare Beccaria

Des délits et des peines

(1764)

L'introduction dans notre droit des dispositions relatives aux « repentis » est l'une des évolutions les plus commentées du présent projet de loi. Le terme de « repentis » est à vrai dire impropre. Il est directement inspiré du terme italien employé pour évoquer les terroristes ayant renoncé à la violence. La législation italienne utilise cependant le terme de « collaborateurs de justice » pour désigner ceux qui, ayant commis des infractions, donnent des informations aux autorités judiciaires permettant d'identifier les autres auteurs ou complices.

Avant de présenter les dispositions du présent article, il convient de rappeler brièvement les caractéristiques principales des systèmes italien et américain, qui sont incontestablement les plus élaborés en cette matière 12 ( * ) . On trouvera en annexe au présent rapport une étude de législation comparée présentant les législations de plusieurs pays relatives aux collaborateurs de justice.

1. Le système italien

a) Champ d'application

Les premières mesures en faveur des repentis résultent d'un décret-loi de mars 1978, qui a modifié le code pénal pour prévoir des exemptions ou des réductions de peine en faveur des auteurs d'enlèvements acceptant de coopérer avec la justice. Un décret-loi de 1979 a offert d'importantes réductions de peine aux terroristes acceptant de fournir à la justice ou à la police des informations sur leur organisation. Progressivement, le champ d'application des dispositions permettant d'obtenir des réductions de peines a été étendu au trafic de stupéfiants puis à toutes les infractions relevant de l'association mafieuse.

b) Les avantages accordés aux « collaborateurs de justice »

En règle générale, la collaboration des accusés avec la justice ou la police entraîne une réduction de peine comprise entre le tiers et la moitié. Tel est notamment le cas en matière d'appartenance à une association mafieuse.

La réduction est comprise entre la moitié et les deux tiers en matière de trafic de stupéfiants.

Lorsque la peine applicable est la réclusion à perpétuité, elle est remplacée par une peine de durée limitée. Ainsi, dans le cadre de la criminalité de type mafieux, la réclusion à perpétuité est remplacée par la réclusion de douze à vingt ans.

L'impunité a été prévue dans certains cas, notamment pour les auteurs de crimes et délits contre l'Etat qui dissolvaient l'organisation, agissaient de façon à permettre sa dissolution, fournissaient des informations sur sa structure ou son organisation ou empêchaient la réalisation d'infractions constituant l'un de ses objectifs.

Les « collaborateurs de justice » peuvent bénéficier d'un aménagement du régime pénitentiaire. Ces dispositions sont réservées aux personnes condamnées pour terrorisme, association mafieuse, trafic de stupéfiants ou enlèvement crapuleux, dans la mesure où elles ont pleinement collaboré avec la justice, y compris après leur condamnation. Après avoir purgé au moins le quart de leur peine (ou dix ans si elles ont été condamnées à perpétuité), elles peuvent prétendre à des permissions, à un régime d'assignation à résidence, de libération conditionnelle ou de semi-liberté.

c) Les mesures de protection

Les mesures de protection des repentis ont été définies par un décret-loi du 15 janvier 1991, modifié par une loi de 2001, destinée à prendre en compte l'expérience acquise en cette matière.

La loi de 2001 a conduit à opérer une distinction entre les « collaborateurs de justice » et les témoins de justice, ces derniers dénonçant des faits auxquels ils n'ont pas participé. Pour les témoins, une véritable logique de compensation a été mise en oeuvre, pour permettre à toute personne contrainte de modifier son mode de vie pour délivrer des informations, puisse conserver le même niveau de vie.

Le bénéfice des mesures de protection est réservé aux seuls « collaborateurs de justice » qui remplissent les conditions suivantes :

- ils ont été accusés ou condamnés pour terrorisme, association mafieuse, trafic de stupéfiants ou enlèvements crapuleux ;

- leur collaboration les menace de façon grave et réelle, de sorte que les règles générales de protection applicables à tout accusé sont insuffisantes ;

- les déclarations ont un caractère de nouveauté, d'exhaustivité ou revêtent une importance exceptionnelle dans le cadre de la procédure pénale les concernant ou d'enquêtes sur des organisations mafieuses ou terroristes.

Parmi les mesures de protection pouvant être accordées figurent le transfèrement de la personne dans un autre lieu de résidence, la délivrance à l'intéressé et à ses proches de documents d'identité de couverture pouvant lui servir dans tous les aspects de sa vie sociale, des mesures de réinsertion telles que l'attribution d'un logement ou le remboursement des frais de déménagement, la possibilité de changer définitivement d'identité...

d) La gestion administrative du système

Les mesures de protection sont accordées, sur proposition du procureur de la République, par une commission placée auprès du ministre de l'Intérieur, composée de magistrats et de représentants des services de police et présidée par un sous-secrétaire d'Etat. Pour bénéficier des mesures, le collaborateur de justice doit prendre certains engagements. Ainsi, depuis 2001, il est exigé que la personne fournisse toutes les informations en sa possession susceptibles d'être utiles à la justice dans un délai de six mois suivant sa déclaration d'intention. Un contrat est signé entre la commission et le collaborateur de justice.

La commission peut révoquer ou modifier le programme de protection. La gestion pratique du système est confiée à un service central de protection.

Le président de la commission doit rendre compte régulièrement des activités de la commission devant la commission anti-mafia du Parlement italien.

Au 31 mai 2003, les personnes bénéficiant de mesures de protection se répartissaient de la manière suivante :

Erreur ! Liaison incorrecte.

Le coût de ce système de protection oscille entre cinquante et soixante millions d'euros par an.

*

De sa visite en Italie, votre rapporteur tire les conclusions suivantes :

- les autorités italiennes considèrent qu'elles n'auraient jamais pu obtenir de résultats significatifs dans la lutte contre la mafia sans le recours aux collaborateurs de justice ;

- le système ne peut fonctionner que lorsque les garanties offertes aux personnes concernées sont suffisantes. Dans un premier temps, l'Italie avait prévu des réductions de peine sans mesures de protection particulière. Il en est résulté de multiples assassinats de proches des collaborateurs de justice, et une raréfaction du nombre de ces derniers ;

- les déclarations des collaborateurs de justice doivent être appréciées avec la plus grande prudence et être soumises à de multiples vérifications, car le système engendre des tentatives de manipulation de la part de groupes criminels désireux d'éliminer leurs rivaux.

2. Le système américain

Le système pénal américain prévoit plusieurs dispositifs propres à encourager la coopération de témoins jugés importants.

Le procureur fédéral peut avoir recours à l'octroi d' immunités , qui permettent au témoin coopératif de livrer en justice toutes informations utiles sans crainte de voir ses déclarations pénalement qualifiées. Dans les affaires les plus graves, lorsque la personne dont le témoignage est souhaité est directement impliquée dans la commission de crimes, les procureurs fédéraux ont recours au plaider coupable avec coopération, qui permet de bénéficier de réductions de peines plus importantes que dans le cadre d'une procédure de plaider coupable sans coopération.

Les règles relatives à la protection des témoins sont déterminées par une loi de 1970 amendée par le « Comprehensive Crime Control Act » de 1984, qui donne compétence à l'Etat fédéral pour mettre en oeuvre des mesures adaptées aux risques encourus par des témoins de l'accusation. Ces dispositions peuvent bénéficier tant à des témoins menacés qu'à des personnes impliquées dans la commission d'infractions et dont le témoignage est souhaité.

Le code fédéral de procédure pénale confie à l'Attorney general des Etats-Unis la responsabilité de la mise en oeuvre de ces dispositions qui peuvent bénéficier aussi bien aux personnes appelées à témoigner devant des juridictions fédérales qu'à celles intéressant la justice des Etats fédérés.

Un témoin peut être reconnu éligible au programme spécifique de protection dès lors que son témoignage est considéré comme essentiel pour des affaires relevant notamment de la criminalité organisée, du trafic de stupéfiants ou de tout autre crime fédéral dès lors que le témoignage serait de nature à entraîner des menaces physiques sur l'intéressé.

Les moyens mis en oeuvre pour garantir la protection du témoin peuvent comprendre :

- la fourniture d'une nouvelle identité ;

- la mise à disposition d'un nouveau logement avec prise en charge des frais de déménagement et d'installation ;

- le versement de fonds devant permettre de faire face aux besoins de la vie courante ;

- l'aide pour trouver un emploi.

La protection s'applique non seulement au témoin lui-même mais également aux membres de sa famille.

La mise en oeuvre d'un programme de protection est subordonnée au respect de certaines règles par le témoin :

- l'accord de la personne pour témoigner et répondre aux demandes des enquêteurs ;

- l'engagement de la personne de ne pas commettre d'infraction pendant la durée du programme ;

- l'engagement de la personne de prendre toutes dispositions nécessaires pour ne pas révéler aux tiers les informations portant sur le programme de protection la concernant.

Les demandes visant à faire bénéficier une personne d'un programme de protection sont adressées à l' « Office of Enforcement Operation », division spéciale de la direction criminelle du département de la justice. Celle-ci est chargée d'instruire les demandes, notamment pour vérifier que la personne répond bien aux critères d'éligibilité au programme et déterminer les modalités pratiques de sa protection.

La mise en oeuvre de la protection relève du « US Marshals Service ». Créé en 1789, ce service avait à l'origine pour mission de servir d'auxiliaire au juge, notamment en remettant les convocations et en exécutant les mandats. Aujourd'hui, les Marshals sont chargés de la recherche et de l'appréhension des fugitifs, de la saisie et de la confiscation des avoirs ainsi que de leur conservation, de certaines opérations spéciales, enfin de la protection des témoins.

Lorsqu'un témoin bénéficie d'un programme de protection, les US Marshals sont chargés de sa sécurité. Ils prennent donc en charge la fourniture d'une nouvelle identité, la recherche d'un logement, les soins médicaux, la formation, la recherche d'emploi. Lors de l'instruction des demandes visant à accorder une protection à un témoin, ils doivent formuler une recommandation sur la faisabilité de l'opération.

Le budget consacré au programme de protection des témoins est d'environ trente millions de dollars par an. D'après les informations fournies à votre rapporteur par le « US Marshals Service », le taux moyen de condamnation a été de 89% dans les dossiers dans lesquels sont intervenus des personnes bénéficiant d'un programme de protection.

En août 2003, 16.998 personnes avaient bénéficié d'un programme de protection depuis la création de ce système (7.472 témoins et 9.526 membres de leurs familles. Entre octobre 2002 et août 2003, 99 nouveaux témoins ont bénéficié d'un programme de protection.

3. Le dispositif du projet de loi

Notre droit pénal prévoit déjà, dans certains cas très limités, des exemptions ou des réductions de peine pour les auteurs d'infractions apportant leur concours à la justice.

Ainsi, l'article 422-1 du code pénal exempte de peine l'auteur d'une tentative d'acte terroriste qui aura « permis d'éviter la réalisation de l'infraction et d'identifier, le cas échéant, les autres coupables ». En outre, l'article 422-2 réduit la peine de moitié, ou ramène celle-ci à vingt ans de réclusion criminelle, si l'auteur ou le complice d'un acte de terrorisme, ayant informé les autorités, « a permis de faire cesser les agissements incriminés ou d'éviter que l'infraction n'entraîne mort d'homme ou infirmité permanente et d'identifier, le cas échéant, les autres coupables ». S'agissant du trafic de stupéfiants, l'article 222-43 réduit la peine de moitié si les informations fournies par l'auteur ou le complice de ces infractions ont « permis de faire cesser les agissements incriminés et d'identifier, le cas échéant, les autres coupables . » Par ailleurs, l'article 450-2 dispose que toute personne ayant participé à une association de malfaiteurs est exempte de peine si elle a « avant toute poursuite, révélé le groupement ou l'entente aux autorités compétentes et permis l'identification des autres participants . » D'autres dispositions portant exemption de peines existent en matière d'évasion (article 434-37) et de fausse monnaie (442-9).

Le présent article tend à étendre considérablement ces dispositifs.

Le paragraphe I tend à modifier l'intitulé de la section du code pénal relative aux circonstances entraînant l'aggravation des peines, afin que celle-ci puisse également accueillir des dispositions relatives aux circonstances entraînant la diminution ou l'exemption des peines.

Le paragraphe II tend à insérer dans le code pénal un article 132-78 destiné à définir la circonstance d'exemption ou de réduction de peine en cas de coopération avec la justice.

Le texte proposé pour l'article 132-78 du code pénal dispose tout d'abord que la personne qui a tenté de commettre un crime ou un délit est exemptée de peine si, ayant averti l'autorité administrative ou judiciaire, elle a permis d'éviter la réalisation de l'infraction et, le cas échéant, d'identifier les autres auteurs ou complices.

Rappelons que la tentative est constituée, aux termes de l'article 121-5 du code pénal, lorsque « manifestée par un commencement d'exécution, elle n'a été suspendue ou n'a manqué son effet qu'en raison de circonstances indépendantes de la volonté de son auteur ».

Le texte proposé par l'article 132-78 prévoit également que la durée de la peine privative de liberté encourue par une personne ayant commis un crime ou un délit est réduite si, ayant averti l'autorité administrative ou judiciaire, elle a permis de faire cesser l'infraction, d'éviter que l'infraction ne produise un dommage ou d'identifier les autres auteurs ou complices. Le même dispositif serait applicable aux infractions connexes de même nature que le crime ou le délit pour lequel la personne est poursuivie.

Cette dernière disposition est particulièrement importante, compte tenu de l'existence de réseaux criminels développant de multiples activités illégales.

Le dispositif proposé n'a pas vocation à s'appliquer à l'ensemble des infractions, mais seulement « dans les cas prévus par la loi ».

En ce qui concerne la protection des personnes concernées, le texte précise seulement qu'elles peuvent bénéficier « en tant que de besoin » de la part des autorités d'une protection destinée à assurer leur sécurité. En cas de nécessité, ces personnes pourraient être autorisées, par ordonnance motivée, rendue par le président du tribunal de grande instance, à faire usage, après leur condamnation, d'une identité d'emprunt, en utilisant à cette fin les moyens mis à leur disposition par les autorités publiques. Les proches des personnes concernées pourraient également bénéficier de ces dispositions.

Le dispositif proposé pour assurer la protection des personnes acceptant de coopérer avec la justice paraît insuffisant et risque de rendre inopérantes les nouvelles dispositions. Certes, les voies et moyens de la protection ne relèvent pas nécessairement du domaine législatif, mais il paraît néanmoins nécessaire d'être plus précis si le législateur souhaite que les textes qu'il adopte soient appliqués.

L'Assemblée nationale a apporté une première précision au dispositif en prévoyant que les mesures de protection soient accordées « sur réquisition du procureur de la République ».

Par un amendement , votre commission propose d'insérer les dispositions relatives à la protection des personnes coopérant avec la justice dans le code de procédure pénale où elles ont davantage leur place et de prévoir la création d'une commission chargée d'accorder les mesures de protection et d'en assurer le suivi.

A l'initiative de l'Assemblée nationale, le texte proposé pour l'article 132-78 du code pénal prévoit que la révélation de l'identité d'emprunt d'une personne coopérant avec la justice est punie de cinq ans d'emprisonnement et de 75.000 euros d'amende. En cas de mort des personnes concernées, les peines seraient portées à dix ans d'emprisonnement et 150.000 euros d'amende. Votre commission vous soumet un amendement de coordination.

Enfin, le texte prévoit qu'aucune condamnation ne peut être prononcée sur le fondement de déclarations émanant de personnes ayant décidé de coopérer avec la justice dans le cadre du nouvel article 132-78 du code pénal. Un tel dispositif, déjà prévu par le code de procédure pénale en ce qui concerne les témoins anonymes, est particulièrement justifié dans le cas de personnes auteurs d'infractions qui coopèrent avec la justice dans l'espoir de voir leur peine réduite.

Les paragraphes III à XV tendent à modifier le code pénal, ainsi que plusieurs lois, afin de définir le champ d'application des mesures prévues par le présent article.

Les infractions pour lesquelles la personne tentant de les commettre serait exemptée de peine sont :

- l'assassinat et l'empoisonnement , en application de l'article 221-5-3 nouveau du code pénal ;

- les tentatives et actes de barbarie, en application de l'article 222-6-1 nouveau du code pénal ;

- le trafic de stupéfiants en application de l'article 222-43-1 nouveau du code pénal ;

- l'enlèvement et la séquestration , en application de l'article 224-5-1 nouveau du code pénal ;

- le détournement d'aéronef, de navire ou de tout autre moyen de transport , en application de l'article 224-8-1 nouveau du code pénal ;

- la traite des êtres humains , en application de l'article 225-4-9 nouveau du code pénal ;

- le proxénétisme , en application de l'article 225-11-1 nouveau du code pénal ;

- le vol et l'extorsion en bande organisée , en application des articles 311-9-1 et 312-6-1 nouveaux du code pénal.

Les infractions pour lesquelles un auteur pourrait bénéficier de réductions de peine sont :

- l'assassinat ou l'empoisonnement. Dans cette hypothèse, la peine du complice ou de l'auteur de ces faits serait ramenée à vingt ans de réclusion criminelle (2è alinéa de l'article 221-5-3 nouveau inséré par le paragraphe III) contre trente ans si ces infractions ne sont pas commises avec l'emploi de circonstances aggravantes, auquel cas la peine encourue est la réclusion criminelle à perpétuité ;

- les tortures et actes de barbarie. La peine du « repenti », auteur ou complice, serait réduite de moitié et, lorsque la peine encourue est la réclusion criminelle à perpétuité, celle-ci serait ramenée à vingt ans de réclusion criminelle (2è alinéa de l'article 222-6-2 nouveau, paragraphe IV) ;

- le trafic de stupéfiants. Ainsi qu'il a été indiqué plus haut, les auteurs ou complices des infractions de trafic de stupéfiants bénéficient d'ores et déjà d'un mécanisme d'atténuation de peines prévu par l'article 222-43. Ce dernier, qui réduit de moitié les peines encourues, intègre cependant dans son champ d'application les personnes dirigeant ou organisant un groupement ayant pour objet la production, la fabrication, l'importation, l'exportation, le transport, la détention, l'offre, la cession, l'acquisition ou l'emploi de produits stupéfiants et qui encourent la réclusion criminelle à perpétuité (article 222-34). Or, chacun comprend aisément l'incohérence d'une disposition tendant à réduire de moitié la réclusion à « perpétuité ». Le paragraphe V du présent article corrige cette imperfection en prévoyant que ces personnes « repenties » verront leur peine ramenée à vingt ans de réclusion criminelle ;

- l'enlèvement et la séquestration. La peine de l'auteur et du complice serait réduite de moitié lorsqu'ils ont permis, avant toute poursuite, de faire cesser l'infraction ou « d'éviter qu'elle n'entraîne mort d'homme ou infirmité permanente » et d'identifier, le cas échéant, les autres coupables. Là aussi, lorsque la peine encourue est la réclusion criminelle à perpétuité, celle-ci serait ramenée à vingt ans de réclusion (2è alinéa de l'article 224-8-1 nouveau, paragraphe VII) ;

- le détournement d'aéronef , de navire ou de tout autre moyen de transport. Là encore, la peine de l'auteur et du complice serait réduite de moitié lorsqu'ils ont permis, avant toute poursuite, de faire cesser l'infraction ou « d'éviter qu'elle n'entraîne mort d'homme ou infirmité permanente » et d'identifier, le cas échéant, les autres coupables. De même, lorsque la peine encourue est la réclusion criminelle à perpétuité, celle-ci serait ramenée à vingt ans de réclusion (2è alinéa de l'article 224-8-1 nouveau, paragraphe VIII) ;

- la traite des êtres humains et le proxénétisme. La peine de l'auteur et du complice serait également réduite de moitié lorsqu'ils ont permis, avant toute poursuite, de faire cesser l'infraction ou « d'éviter qu'elle n'entraîne mort d'homme ou infirmité permanente » et d'identifier, le cas échéant, les autres coupables. Lorsque la peine encourue est la réclusion criminelle à perpétuité, celle-ci serait également ramenée à vingt ans de réclusion (respectivement 2è alinéa des articles 225-4-9 et 225-11-1 nouveaux, paragraphes IX et X) ;

- le vol et l'extorsion en bande organisée. L'auteur ou le complice de ces infractions verraient leur peine réduite de moitié si, avant tout acte de poursuite, ils ont permis de faire cesser l'infraction en cours ou d'éviter qu'elle n'entraîne mort d'homme ou infirmité permanente et d'identifier les coupables. S'agissant de la seule extorsion, que l'emploi de certaines circonstances aggravantes rend passible de la réclusion criminelle à perpétuité, par exemple lorsqu'elle a été commise avec usage ou menace d'une arme dont le port est prohibé (article 312-6), son auteur « repenti » verrait sa peine ramenée à vingt ans de réclusion criminelle (2è alinéa des articles 311-9-1 nouveaux, paragraphes XI et XII) ,

- la fabrication ou la détention illégales d'armes. Les paragraphes XIII à XVI prévoient de réduire « de moitié » la peine encourue par les auteurs ou les complices repentis en cette matière, dont les déclarations auront permis de faire cesser les agissements incriminés et d'identifier, le cas échéant, les autres coupables. Les infractions concernées sont : la fabrication ou la détention, sans motifs légitimes, de machines ou engins meurtriers ou incendiaires agissant par explosion ou autrement réprimées par l'article 3 de la loi du 18 juin 1871 (article 3-1 nouveau de cette loi, paragraphe XIII) ; la fabrication, le commerce, le stockage, l'importation ou la tentative d'importation, sans autorisation régulière, des matériels de guerre prohibés prévus par les articles 24, 26 et 31 du décret du 18 avril 1939 fixant le régime des matériels de guerre, armes et munitions (article 35-1 nouveau de cette loi, inséré par le paragraphe XIV) ; la vente, la production, l'exportation ou l'importation de poudres ou substances explosives, dont la liste est prévue par décret, réprimées par les dispositions de l'article 6 de la loi n° 70-575 du 3 juillet 1970 portant réforme du régime des poudres et des substances explosives (article 6-1 nouveau de la loi précitée, paragraphe XV) ; la mise au point, la fabrication, la détention, le stockage, la cession des agents microbiologiques et des toxines biologiques, en quantités non destinées à des fins prophylactiques, de protection ou à d'autres fins pacifiques, réprimés par les dispositions de l'article 4 de la loi n° 72-467 du 9 juin 1972 interdisant la mise au point d'armes biologiques (article 4-1 nouveau de cette même loi, paragraphe XVI).

Votre commission vous propose d'adopter l'article 3 ainsi modifié.

Article 4
(art. 434-7-2 nouveau du code pénal)
Révélation d'informations de nature à entraver
le déroulement de la procédure pénale

Le présent article tend à insérer dans le chapitre du code pénal consacré aux actions de justice un article 434-7-2 pour punir de cinq ans d'emprisonnement et de 75.000 euros d'amende le fait, pour toute personne qui, du fait de ses fonctions, a connaissance, en application des dispositions du code de procédure pénale, d'informations issues d'une enquête ou d'une instruction en cours concernant un crime ou un délit, de révéler, directement ou indirectement, ces informations à des personnes susceptibles d'être impliquées, comme auteurs, coauteurs, complices ou receleurs, dans la commission de ces infractions, lorsque cette révélation est de nature à entraver le déroulement des investigations ou la manifestation de la vérité.

Comme l'indique l'étude d'impact jointe au projet de loi, cette nouvelle incrimination doit permettre de lutter contre le comportement de personnes qui, ayant connaissance, du fait de leurs fonctions, d'informations relatives à une enquête ou à une instruction, révèlent ces informations afin d'entraver le déroulement de l'enquête, par exemple en prévenant un complice qu'il est recherché par la police, ce qui lui permettra de prendre la fuite ou de faire disparaître des preuves.

Actuellement, deux dispositifs sont censés permettre de préserver la confidentialité des informations issues d'enquêtes ou d'instructions :

- l'article 11 du code de procédure pénale prévoit que, sans préjudice des droits de la défense, la procédure au cours de l'enquête et de l'instruction est secrète. Il dispose que les personnes concourant à la procédure sont tenues au secret professionnel ;

- l'article 226-13 du code pénal punit d'un an d'emprisonnement et de 15.000 euros d'amende la révélation d'une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire.

La création d'une nouvelle incrimination est justifiée par l'insuffisance des dispositifs qui viennent d'être rappelés pour sanctionner des comportements beaucoup plus graves qu'une simple violation du secret professionnel. Le texte proposé vise en effet des personnes qui révèleraient des informations dans le but d'entraver le cours de la justice, ce qui va bien au-delà de la violation du secret.

Si elle approuve la création de cette infraction, votre commission souhaite néanmoins qu'elle ne puisse être interprétée d'une manière qui remettrait en cause les droits de la défense. A titre d'exemple, si un avocat découvrait dans le dossier de la procédure des actes concernant une personne qui lui est inconnue et interrogeait son client sur ses éventuelles relations avec cette personne, ne risquerait-il pas d'être poursuivi si son client alertait alors la personne en question de l'existence d'une enquête la concernant ?

Pour éviter toute ambiguïté, votre commission vous propose, par trois amendements , d'encadrer le dispositif du présent article. Elle propose tout d'abord de rappeler, comme le fait l'article 11 du code de procédure pénale, que la nouvelle incrimination s'applique sans préjudice des droits de la défense. Elle propose également de préciser que la révélation des informations, pour être pénalement punissable au titre de la nouvelle infraction doit avoir « pour objectif » d'entraver le déroulement des investigations et non seulement être « de nature » à entraver ces investigations. Enfin, elle propose de supprimer les termes « directement ou indirectement » qui sont source d'ambiguïté.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 4 ainsi modifié.

SECTION 3
Dispositions diverses
Article 5
(art. 63-4, 85, 706-26, 706-24-2, 706-30, 706-32
et 706-36-1 du code de procédure pénale)
Coordinations en matière de garde à vue,
de saisine des juridictions spécialisées, de saisies
conservatoires et d'infiltration

Le présent article tend à opérer des coordinations avec les dispositions relatives à la criminalité organisée dans d'autres parties du code de procédure pénale.

Le paragraphe I a pour objet de modifier l'article 63-4 du code de procédure pénale, relatif à l'intervention de l'avocat au cours de la garde à vue. Dans sa rédaction actuelle, cet article prévoit notamment que l'entretien avec un avocat ne peut intervenir qu'à l'issue d'un délai de soixante-douze heures lorsque la garde à vue est soumise à des règles particulières de prolongation.

Cette précision est destinée à prendre en compte les règles particulières de garde à vue prévues en matière de terrorisme et de trafic de stupéfiants, caractérisées d'une part par la possibilité de prolonger par une seule décision la garde à vue pour quarante-huit heures au-delà des quarante-huit heures initiales, d'autre part par l'impossibilité d'une intervention de l'avocat avant la soixante-douzième heure de garde à vue.

Le présent paragraphe tend à insérer, dans l'article 63-4, un renvoi aux articles 706-16 et 706-26 du code de procédure pénale, relatifs aux règles spécifiques applicables en matière de terrorisme et de trafic de stupéfiants. Le renvoi aux cas dans lesquels des « règles particulières de prolongation » sont prévues n'est en effet plus pertinent, dès lors que le présent projet de loi tend à étendre à de nouvelles infractions ces règles particulières de prolongation.

Compte tenu des modifications qu'elle a proposées à l'article premier à propos des règles de garde à vue en matière de criminalité et de délinquance organisées, votre commission vous soumet un amendement réécrivant les trois derniers alinéas de l'article 63-4 du code de procédure pénale. L'Assemblée nationale a proposé que, pour certaines infractions entrant dans le champ de l'article 706-73 du code de procédure pénale, la première intervention de l'avocat intervienne après soixante-douze heures de garde à vue. Votre commission vous propose de prévoir pour ces infractions une première intervention de l'avocat après trente-six heures de garde à vue, conformément à la règle déjà posée par l'article 63-4, septième alinéa.

Elle propose également de mentionner dans cet article la règle repoussant à la soixante-douzième heure la première intervention de l'avocat en matière de terrorisme et de trafic de stupéfiants.

Après le paragraphe I, votre commission vous soumet un amendement tendant à insérer un paragraphe additionnel, pour modifier l'article 76 du code de procédure pénale, relatif aux perquisitions réalisées au cours d'une enquête préliminaire. Dans sa rédaction actuelle, l'article 76 dispose que les perquisitions, visites domiciliaires et saisies de pièces à conviction ne peuvent être effectuées sans l'assentiment exprès de la personne chez laquelle l'opération a lieu.

La loi n° 2001-1062 du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne a inséré un article 76-1 dans le code de procédure pénale, qui permet de procéder à des perquisitions en enquête préliminaire sans l'accord de la personne concernée lorsque l'enquête concerne certaines infractions en matière d'armes et d'explosifs ainsi que le trafic de stupéfiants. Par ailleurs, l'article 706-24 du code de procédure pénale permet de procéder à des perquisitions sans l'accord de la personne lorsque l'enquête porte sur une infraction terroriste.

Le présent projet de loi tend à prévoir la possibilité de procéder à des perquisitions sans l'accord de la personne pour toutes les infractions entrant dans le champ de l'article 706-73 nouveau du code de procédure pénale.

Votre commission a souhaité simplifier les règles applicables en matière de perquisitions. La multiplication de régimes dérogatoires figurant dans différentes parties du code de procédure pénale risque d'être à l'origine d'erreurs de procédure. Elle propose donc de supprimer l'ensemble des dispositions figurant dans le code et le projet de loi qui prévoient un régime dérogatoire en matière d'enquête préliminaire. En contrepartie, votre commission propose de prévoir, dans l'article 76 du code de procédure pénale, que des perquisitions peuvent avoir lieu au cours d'une enquête préliminaire, sans l'accord de la personne intéressée, dès lors que l'enquête porte sur une infraction punie d'au moins cinq ans d'emprisonnement.

La modification proposée permettra de clarifier substantiellement les règles relatives aux perquisitions sans remettre en cause nos principes fondamentaux.

Actuellement, lorsqu'une personne refuse une perquisition au cours d'une enquête préliminaire, le procureur ouvre une information et le juge d'instruction ordonne alors la perquisition, qui se déroule sans le consentement de la personne. La modification proposée par votre commission permettra plus facilement de procéder à des perquisitions au cours des enquêtes préliminaires, mais le procureur de la République ne pourra les ordonner de sa propre initiative. Elles ne pourront être ordonnées que par le juge des libertés et de la détention, par décision écrite et motivée. Les perquisitions seront effectuées sous le contrôle du juge des libertés et de la détention, qui pourra se déplacer sur les lieux pour veiller au respect des dispositions légales.

Le paragraphe II tend à modifier l'article 85 du code de procédure pénale qui, dans sa rédaction actuelle, prévoit que toute personne qui se prétend lésée par un crime ou un délit peut en portant plainte se constituer partie civile devant le juge d'instruction compétent. La modification proposée a pour objet de renvoyer, dans l'article 85, aux règles de compétence prévues par l'article 52 du code de procédure pénale pour les personnes physiques et par l'article 706-42 du même code pour les personnes morales. Il s'agit d'éviter que des plaintes avec constitution de partie civile soient adressées aux juridictions spécialisées.

Le paragraphe III a pour objet de modifier l'article 706-26 du code de procédure pénale, qui prévoit l'application de règles procédurales spécifiques pour certaines infractions de trafic de stupéfiants afin de mentionner la tentative de ces infractions dans la liste des comportements permettant l'application des règles procédurales spécifiques.

Après le paragraphe III, votre commission vous soumet un amendement de coordination, modifiant l'article 706-28 du code de procédure pénale, relatif aux perquisitions au cours d'enquêtes ou d'instructions concernant le trafic de stupéfiants, pour tenir compte des modifications apportées au régime de perquisitions proposé par l'article premier du présent projet de loi.

Enfin, le paragraphe IV tend à supprimer plusieurs articles du code de procédure pénale, devenus inutiles du fait de l'élaboration de règles procédurales applicables à l'ensemble des infractions relevant de la criminalité et de la délinquance organisées. Cette suppression concerne :

- l'article 706-24-2 (saisies conservatoires en matière de terrorisme) ;

- l'article 706-30 (saisies conservatoires en matière de trafic de stupéfiants) ;

- l'article 706-32 (infiltrations en matière de trafic de stupéfiants) ;

- l'article 706-36-1 (saisies conservatoires en matière de proxénétisme et de traite des êtres humains) ; la suppression de cet article, logique dès lors que le projet de loi tend à créer un régime de saisies conservatoires pour l'ensemble des infractions relevant de la criminalité organisée, résulte d'un amendement adopté par l'Assemblée nationale à l'initiative du rapporteur de la commission des Lois.

Par un amendement votre commission vous propose de supprimer d'autres articles du code, rendus inutiles par les amendements proposés par votre commission en matière de garde à vue et de perquisitions. Il s'agit de :

- l'article 76-1 (perquisitions au cours de l'enquête préliminaire) ;

- l'article 706-23 (règles de garde à vue applicables en matière de terrorisme) ;

- l'article 706-24 (perquisitions au cours d'une enquête préliminaire en matière de terrorisme) ;

- l'article 706-24-1 (perquisitions de nuit en matière de terrorisme) ;

- l'article 706-29 (règles de garde à vue applicables en matière de trafic de stupéfiants).

Votre commission vous propose d'adopter l'article 5 ainsi modifié .

Article 5 bis
(art. L. 10 B du livre des procédures fiscales)
Recherche et constatation de certaines infractions
par les agents de la direction générale des impôts

L'article L. 10 B du livre des procédures fiscales dispose que les agents de la direction générale des impôts concourent à la recherche de certaines infractions dans le cadre des enquêtes menées sur instructions du procureur de la République. Les infractions concernées sont le blanchiment de fonds provenant du trafic de stupéfiants (art. 222-38 du code pénal), l'impossibilité de justifier de ressources correspondant à son train de vie, tout en étant en relations habituelles avec une ou plusieurs personnes se livrant à un trafic de stupéfiants (art. 222-39-1 du code pénal), le proxénétisme (art. 215-5 et 225-6 du code pénal), le recel (art. 321-1 du code pénal), l'impossibilité de justifier de ressources correspondant à son train de vie tout en ayant autorité sur un mineur qui se livre habituellement à des crimes ou à des délits contre les biens d'autrui (art. 321-6 du code pénal).

Pour la mise en oeuvre de l'article L. 10 B, les agents de la direction générale des impôts procèdent à des recherches de nature fiscale permettant de contribuer à la preuve des infractions concernées. Ils doivent en porter le résultat à la connaissance du procureur de la République.

Une circulaire du 7 mai 2003 adressée aux procureurs est venue préciser les modalités d'application de l'article L. 10 B du livre des procédures fiscales.

Le présent article, inséré dans le projet de loi par l'Assemblée nationale à l'initiative de M. Gérard Léonard, vise à étendre la liste des infractions pour la recherche desquelles le concours des agents de la direction générale des impôts pourrait être requis. Dorénavant, leur concours pourrait être également sollicité pour la recherche des infractions suivantes :

- impossibilité de justifier de ressources correspondant à son train de vie tout en étant en relations habituelles avec des personnes se livrant à la traite des êtres humains (art. 225-4-8 du code pénal) ;

- impossibilité de justifier de ressources correspondant à son train de vie tout en étant en relations habituelles avec des personnes participant à un groupement terroriste ou finançant une entreprise terroriste (art. 421-2-3 du code pénal) ;

- impossibilité de justifier de ressources correspondant à son train de vie tout en étant en relations habituelles avec des personnes participant à une association de malfaiteurs (art. 450-2-1 du code pénal).

Votre commission vous propose d'adopter l'article 5 bis sans modification .

CHAPITRE II
DISPOSITIONS CONCERNANT LA LUTTE CONTRE LA DÉLINQUANCE ET LA CRIMINALITÉ INTERNATIONALES

Le chapitre II du titre premier du présent projet de loi, composé d' un article (article 6), tend vise à moderniser les règles d'entraide judiciaire internationale inscrites dans le code de procédure pénale, en vue de mettre le droit français en conformité avec les avancées accomplies en ce domaine par l'Union européenne .

Composé de trois volets respectivement relatifs au fonctionnement de l'entraide judiciaire internationale, aux équipes communes d'enquête et à Eurojust, il a pour objet de transposer plusieurs instruments européens adoptés récemment.

1. La multiplication des instruments européens de coopération judiciaire en matière pénale depuis les attentats terroristes du 11 septembre 2001 survenus aux Etats-Unis

a) La lente émergence de l'espace judiciaire européen

La réalisation de l'espace judiciaire européen s'est effectuée avec lenteur.

Les premières formes de coopération européenne apparues de manière informelle au milieu des années 1970 ont porté sur le domaine de la sécurité. En 1975, les ministres de l'intérieur ont en effet créé le groupe terrorisme, radicalisme, extrémisme et violence internationale (TREVI) qui réunissait les responsables de la police des Etats membres.

La coopération judiciaire s'est véritablement développée après la signature du traité de Maastricht , le 7 février 1992. En institutionnalisant les questions relatives à la justice et aux affaires intérieures regroupées sous le titre VI du traité sur l'Union européenne dénommé « troisième pilier » et en imposant que les décisions relatives à ce domaine soient prises à l'unanimité au sein du Conseil de l'Union européenne, ce texte a permis d'accomplir des progrès décisifs. Sur cette base, de nombreuses conventions, par exemple en matière d'extradition 13 ( * ) , ont pu être adoptées par le Conseil de l'Union européenne.

En complément de ces initiatives ont été menées des actions communes en vue de créer des organes spécifiquement dédiés à la coopération judiciaire .

Une action commune adoptée le 22 avril 1996 a facilité l'échange de magistrats de liaison ayant vocation à exercer des activités non juridictionnelles variées , telles que veiller au bon déroulement des procédures d'entraide judiciaire (suivi des commissions rogatoires internationales et des procédures d'extradition), rédiger des notes de droit comparé et participer à l'organisation des relations et des négociations entre les Etats dans le cadre de la préparation de futures conventions. Grâce à un contact personnel avec les autorités judiciaires compétentes des Etats auprès desquels ils sont détachés, ces magistrats jouent avant tout un rôle de médiateur 14 ( * ) . Le Conseil « justice et affaires intérieures » (JAI) a également créé le 29 juin 1998 un réseau judiciaire européen pour faciliter les contacts entre les autorités judiciaires exerçant des responsabilités dans le cadre de la coopération judiciaire internationale 15 ( * ) .

Le traité d'Amsterdam , signé en 1997 et entré en vigueur le 1 er mai 1999, a permis de franchir une nouvelle étape en transférant du troisième au premier pilier la coopération judiciaire en matière civile et la coopération administrative et en modifiant les règles d'adoption des textes en matière pénale. Tout en maintenant le vote à l'unanimité, il a ainsi prévu un droit d'initiative de la Commission européenne jusqu'alors exclu et donné compétence à la Cour de justice des Communautés européennes pour interpréter les textes adoptés dans le cadre du  « troisième pilier ». Deux instruments nouveaux (décision et décision-cadre) ont été créés 16 ( * ) , le traité d'Amsterdam ayant en outre assoupli les conditions d'entrée en vigueur des conventions en exigeant leur ratification par la moitié des Etats membres et non plus par tous les Etats membres.

Le Conseil européen des 15 et 16 octobre 1999 réuni à Tampere (Finlande) s'est assigné l'objectif de promouvoir « un espace de liberté, de sécurité et de justice en exploitant pleinement les possibilités offertes par le traité d'Amsterdam ».

A la suiteConformément au du programme de vingt-quatre mesures approuvé par le Conseil de l'Union  européenne au mois de novembre 2000 qui regroupait vingt-quatre mesures, différents projets d'instruments ayant notamment pour objet le renforcement des mécanismes de reconnaissance mutuelle des décisions de justice ont été adoptés .

La convention relative à l'entraide judiciaire internationale en matière pénale du 29 mai 2000 complétée par un protocole du 16 octobre 2001 consacré plus spécifiquement aux comptes bancaires 17 ( * ) a constitué la première étape d'une réforme d'envergure des règles d'entraide judiciaire en matière pénale entre les Etats membres de l'Union européenne.

Fruit de six années de discussion, ce texte ne se présente pas comme un instrument autonome mais complète d'autres conventions plus anciennes tels la convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale du 20 avril 1959, la convention du 17 mars 1978, la convention d'application de l'accord de Schengen conclue le 14 juin 1990 18 ( * ) , ou encore le traité Benelux d'extradition et d'entraide judiciaire en matière pénale du 27 juin 1968.

Etendu à la Norvège et à l'Islande 19 ( * ) , son champ d'application concerne les enquêtes pénales ainsi que les faits susceptibles de donner lieu à certaines sanctions administratives.

Comme l'indique le rapport explicatif concernant ce texte 20 ( * ) , plusieurs raisons ont justifié une rénovation des règles de coopération judiciaire en matière pénale :

- trop rigide et peu efficace , l'entraide judiciaire est demeurée plus théorique qu'effective ;

- la disparition des contrôles aux frontières entre les Etats membres, parties aux accords de Schengen , accentuée par « un accroissement considérable des mouvements de personnes, de biens et de capitaux au sein de l'Union européenne imposait que soient mises à la disposition des autorités policières et judiciaires des règles adaptées » ;

- il est apparu indispensable d'exploiter les nouveaux outils technologiques (vidéoconférence, téléconférence) mis à la disposition des Etats grâce aux progrès technologiques.

La convention du 29 mai 2000 comporte donc plusieurs innovations notables telles que la consécration du principe de transmission directe des demandes d'entraide entre les autorités judiciaires de l'espace européen , la légalisation de l'utilisation de moyens de communication modernes pour procéder à des auditions de témoins par vidéoconférence ou encore la mise en place de moyens d'investigation opérationnels spécialisés comme les livraisons surveillées particulièrement efficaces pour lutter contre les trafics internationaux et la mise en place d'équipes communes d'enquête.

L'entrée en vigueur de ce texte est fixée au quatre-vingt-dixième jour après la notification par l'Etat membre de l'Union européenne qui procède le huitième à sa ratification 21 ( * ) . Trois Etats (le Danemark, l'Espagne et le Portugal) seulement l'ayant ratifié à ce jour, il n'est donc toujours pas applicable.

En mai 2001, le rapport final sur le premier exercice d'évaluation consacré à l'entraide judiciaire en matière pénale soulignait une augmentation des flux d'entraide concernant tous les Etats membres de l'Union européenne. Il indiquait que « si l'entraide judiciaire pénale n'atteint pas le niveau de perfection et de fiabilité attendu par nombre de praticiens, elle ne fonctionne pas toujours aussi mal que certains l'affirment (...) dans le domaine de la drogue ou des infractions graves de droit commun, la majorité des praticiens rencontrés considèrent que les choses fonctionnent mieux qu'on le dit ».

b) L'apparition de nouveaux mécanismes d'entraide depuis les évènements événements du 11 septembre 2001

L'élaboration des textes européens s'est considérablement accélérée à la suite des évènements événements survenus aux Etats-Unis le 11 septembre 2001, les Etats membres de l'Union européenne, conscients de la nécessité de renforcer sans attendre les mécanismes de coopération judiciaire, ayant négocié et adopté en quelques mois plusieurs instruments parmi lesquels  :

? la décision-cadre du Conseil relative à l'exécution des décisions de gel des biens ou des éléments de preuve , élaborée à la suite d'une initiative conjointe de la France, de la Suède et de la Belgique, a fait l'objet d'un accord politique lors du Conseil JAI du 28 février 2002 .

Ce texte prévoit un mécanisme rapide et efficace mis à la disposition des Etats pour faire exécuter immédiatement une mesure conservatoire dans un autre Etat , afin d'empêcher la dissimulation d'avoirs ou la destruction d'éléments de preuve ;

? la décision-cadre du Conseil relative au mandat d'arrêt européen a été adoptée le 13 juin 2002. Elle vise à supprimer le mécanisme traditionnel de l'extradition au profit d'une procédure exclusivement judiciaire ayant vocation à être plus rapide et plus simple . Sa date limite de transposition a été fixée au 31 décembre 2003.

D'autres projets d'instruments destinés à améliorer la reconnaissance mutuelle des décisions en matière pénale devraient être adoptés prochainement. On peut citer notammentIl s'agit de la décision-cadre sur l'exécution des sanctions pécuniaires , qui a ayant fait l'objet d'un accord politique le 8 mai 2003 sans avoir été encore formellement entérinée et duou encore le projet déposé par la présidence danoise sur l'exécution des décisions de confiscation , en cours de négociation ;

? la décision du Conseil instituant Eurojust, adoptée le 28 février 2002 en vue de renforcer la lutte contre les formes les plus graves de criminalité organisée , s'inscrit dans le prolongement du traité de Nice qui avait consacré son existence à l'article 31 du traité sur l'Union européenne.

En mars 2002, cette structure de coopération intégrée a succédé à l'unité provisoire Pro-Eurojust précédemment instituée par une décision du 14 décembre 2000, qui fonctionnait depuis le 1 er mars 2001. Depuis décembre dernier, Eurojust est installée à la Haye.

Cet organe dont la création a été décidée en 1999 au Conseil européen de Tampere, et qui constitue l'aboutissement de longues négociations, vise à répondre à deux préoccupations principales, d'une part, « la nécessité d'améliorer davantage la coopération judiciaire entre les Etats membres, notamment dans la lutte contre les formes graves de criminalité qui sont souvent le fait d'organisations transnationales », d'autre part, la recherche d'une « amélioration effective de la coopération judiciaire entre les Etats membres (qui) requiert d'urgence l'adoption au niveau de l'Union de mesures structurelles destinées à faciliter la coordination optimale des actions d'enquête et de poursuites des Etats membres couvrant le territoire de plusieurs d'entre eux ».

Eurojust n'est pas compétente pour effectuer par elle-même des actes d'enquête. Elle ne constitue donc pas un parquet européen , mais plutôt un outil de coopération destiné à coordonner l'action des autorités nationales chargées des enquêtes ou de l'engagement des poursuites, lesquelles conservent la maîtrise de l'action publique et la possibilité de rejeter une demande adressée par cette unité.

Le champ de compétence d'Eurojust, étendu à toutes les affaires susceptibles de revêtir une dimension transnationale, se limite toutefois aux formes les plus graves de la criminalité organisée tels la criminalité informatique, la fraude, la corruption, le terrorisme, le trafic de stupéfiants, le blanchiment des produits du crime ou la criminalité portant atteinte à l'environnement (article 4 de la décision-cadre). Pour d'autres types d'infractions, cet organe peut également apporter son concours à des enquêtes ou à des poursuites à titre complémentaire, et sous réserve qu'un Etat membre le demande.

Cette unité effectue ses missions en relation étroite avec Europol, l'office européen de lutte anti-fraude (OLAF) et le réseau judiciaire européen.

Elle est composée d'un collège de 15 membres  nationaux (un membre détaché par Etat membre) dotés au sein de l'organe de prérogatives équivalentes qu'ils aient la qualité de procureur, de juge ou d'officier de police. Sa capacité d'action sur le territoire de l'Union européenne est double, elle peut intervenir :

- au quotidien, par l'intermédiaire des chaque représentant national agissant au nom d'Eurojust  vis à vis de son Etat d'origine ;

- de manière plus officielle, par l'intermédiaire d'un collège agissant pour le compte d'Eurojust.

Plusieurs Etats ont désigné des assistants chargés d'apporter leur concours aux membres nationaux. Six d'entre eux sont en poste à la Haye, auprès du membre national, les autres demeurant dans leur pays d'origine.

A la différence du réseau judiciaire européen ou des magistrats de liaison ou du réseau judiciaire européen, Eurojust est un organe autonome par rapport aux Etats membres , doté de la personnalité juridique et financé par le budget communautaire 22 ( * ) , les salaires et les émoluments des membres nationaux et de leurs assistants étant toutefois pris en charge par les Etats membres d'origine, contrairement aux six agents permanents et aux deux agents exerçant à titre temporaire, rémunérés par l'unité permanente.

La date limite de transposition de cette décision a été fixée au 6 septembre 2003 (article 42 de la décision), sept Etats membres s'étant engagés à adapter leur droit interne par anticipation ;

? la décision-cadre relative aux équipes communes d'enquête , issue d'un projet déposé par la France, le Royaume-Uni, l'Espagne et la Belgique, a été adoptée le 13 juin 2002. Ce texte se borne en fait pour l'essentiel à reproduire, moyennant quelques compléments, le contenu de l'article 13 de la convention d'entraide judiciaire du 29 mai 2000 ayant le même objet 23 ( * ) , sous réserve de quelques compléments, en vue d'en anticiper l'application de dispositions en attente de ratification.

La collaboration entre des agents des services de police de plusieurs Etats membres de l'Union européenne s'est révélée indispensable pour enquêter sur des infractions de dimension transfrontalière. L'article 30 du traité sur l'Union européenne a d'ailleurs consacré l'importance de la coopération opérationnelle entre les services de police. Complétant ce mouvement, la décision-cadre du 13 juin 2002 instaure un nouveau mode d'action commune et en fixe les modalités . Elle prévoit :

- de subordonner la création d'une équipe commune d'enquête à l'accord conjoint des autorités compétentes de deux pays membres au moins , la composition de l'équipe devant être arrêtée par un accord conjoint entre les pays concernés ;

- que ces équipes soient constituées au cas par cas pour une durée limitée en vue d'effectuer des enquêtes pénales dans un ou plusieurs des Etats membres participants (trafic de drogue, traite des êtres humains, terrorisme...). Elles ne sont donc pas des structures permanentes et se composent en majorité d'agents des services de police 24 ( * ) , de procureurs et de magistrats.

De plus, la décision-cadre définit des règles souples destinées à faciliter le circuit des échanges entre les équipes d'enquête et les Etats membres , les membres détachés 25 ( * ) ayant la possibilité de demander à leurs autorités nationales de prendre les mesures dont l'équipe a besoin sans exiger de demande d'entraide formelle de la part de l'Etat membre d'intervention (paragraphe 7 de l'article 13 de la convention du 29 mai 2000).

Aux termes de l'article 4 de la décision-cadre du 13 juin 2002, la date limite de transposition de ce texte par les Etats membres a été fixée au 1 er janvier 2003 .

Le 8 mai 2003 , le Conseil a adopté une recommandation relative à un modèle d'accord pour la création d'une équipe commune d'enquête en vue d'inciter les autorités compétentes des Etats membres à mettre rapidement en place cet outil. A ce jour, plusieurs pays membres tels le Royaume-Uni, la Finlande, l'Autriche, l'Allemagne, l'Espagne et la Suède ont transposé ce texte.

? Achevés en juillet dernier, les travaux de la Convention européenne , et notamment ceux du groupe de travail sur la justice et les affaires intérieures constitué en son sein 26 ( * ) , devraient donner un nouvel élan à la coopération judiciaire en matière pénale .

Le tableau ci-après retrace les propositions formulées par cette instance, susceptibles de servir de base aux futures discussions qui devraient avoir lieu dans le cadre de la conférence Conférence intergouvernementale prévue en à partir d'octobre prochain2003.


principaux points desPRINCIPALES RECOMMANDATIONS RELATIVES À LA coopération COOPÉRATION policière POLICIÈRE ET JUDICIAIRE (troisième TROISIÈME PILIER) FORMULéÉES

DANS LE CADRE DE LA CONVENTION européenneEUROPÉENNE


- La suppression des instruments juridiques spécifiques au troisième pilier au profit d'un alignement de la procédure législative sur la méthode communautaire avec certaines spécificités (en particulier un droit d'initiative partagé entre la Commission et les Etats membres) et d'un assouplissement du processus décisionnel avec le passage de l'unanimité à la majorité qualifiée au Conseil avec un pouvoir de codécision du Parlement européen ;

- la consécration par le traité constitutionnel du principe de reconnaissance mutuelle des décisions par le traité constitutionnel ;

- le rapprochement du droit pénal des Etats membres (par exemple dans des domaines ayant un caractère transfrontalier) par l'adoption de règles minimales sur les éléments constitutifs de certaines infractions pénales d'une gravité particulière et sur leurs sanctions ;

- une meilleure délimitation des compétences entre l'Union et les Etats membres ;

- un renforcement d'Eurojust et la possibilité d'instituer, à l'unanimité, un parquet européen à partir d'Eurojust de cette unité.

Source : Délégation pour l'Union européenne du Sénat.

2. La mise en oeuvre par la France des instruments européens de coopération judiciaire

? L'élaboration progressive récente d'un cadre juridique précis en matière d'entraide judiciaire

Jusqu'en 1999, le système français d'entraide judiciaire internationale était essentiellement régi par des conventions internationales , les échanges entre pays s'effectuant sur la base soit de la convention européenne du 20 avril 1959, soit de la convention d'application des accords de Schengen conclue le 14 juin 1990 ou encore sur le fondement de multiples conventions bilatérales (Australie, Brésil, Mexique, Monaco...).

Le code de procédure pénale ne comportait donc aucune disposition particulière relative à l'entraide judiciaire internationale , à l'exception de l'article 30 de la loi du 10 mars 1927 relative à l'extradition des étrangers contenant quelques dispositions relatives à la transmission des demandes d'entraide émanant des autorités judiciaires étrangères.

La loi n° 99-515 du 23 juin 1999 renforçant l'efficacité de la procédure pénale a innové en insérant dans le livre IV du code de procédure pénale consacré à « quelques procédures particulières » un titre X intitulé « de l'entraide judiciaire internationale » .

Outre des dispositions spécifiques relatives à l'entraide entre la France et les Etats adhérents à l'espace Schengen (articles 695, 696), des règles générales consacrées à l'exécution des demandes d'entraide (articles 694, 696-1 et 696-2) sont désormais définies.

Comme l'indique la circulaire du 29 décembre 1999 relative à l'entraide judiciaire internationale , après avoir longtemps été considérée comme un domaine ressortant relevant fondamentalement à de la souveraineté nationale de chaque Etat, « les diverses instances politiques ont récemment pris conscience que cette conception devait être dépassée, l'efficacité de la lutte contre les agissements de délinquance internationale, et notamment de la criminalité organisée, passant par une collaboration étroite et efficace, et la plus directe possible entre les différentes autorités judiciaires, notamment européennes . S'en dégage une nouvelle conception de l'entraide pénale, dans laquelle l'autonomie des instances judiciaires est renforcée ».

En octobre 2000, le rapport d'évaluation du Conseil de l'Union européenne  sur la situation de la France en matière d'entraide judiciaire et de demandes urgentes de dépistage et de saisie/gel des biens notait :

- le grand nombre de demandes d'entraide adressées à la France par la Belgique, observant que l'utilisation d'une langue commune en facilitait l'exécution ;

- les nombreuses demandes émanant du Royaume-Uni et l'exécutionlequel exécutait souvent tardivement des les commissions rogatoires internationales françaises formulées par la France ;

- une amélioration de la coopération avec les Pays-Bas ;

- d'importants retards avec l'Espagne et le Portugal, le retour des pièces d'exécution intervenant parfois après le jugement.

Il est difficile de fournir des statistiques précises relatives aux demandes d'entraide judiciaire internationale, une grande partie des commissions rogatoires internationales échangées entre les autorités judiciaires et leurs homologues européens ne transitant pas par le canal du ministère de la justice. En 2002 , le ministère de la justice a toutefois eu connaissance de 777 commissions rogatoires adressées aux autorités judiciaires françaises dont 303 provenant des Etats membres de l'Union européenne (notamment 8 provenant d'Allemagne, 30 de Belgique, 23 d'Espagne, 165 du Royaume-Uni et 16 d'Italie) et 474 des Etats tiers (dont 54 provenant des Etats-Unis, 30 du Maroc et 28 de Monaco). Les commissions rogatoires délivrées par les autorités judiciaires des Etats étrangers portées à la connaissance du ministère de la justice se sont élevées à 870 dont 380 émanant des Etats membres de l'Union européenne (notamment 16 issues d'Allemagne, 33 d'Autriche, 99 de Belgique, 66 d'Espagne, 21 des Pays-Bas et 108 du Royaume-Uni) et 490 émanant des autres Etats (dont 226 issues de Turquie, 48 de Pologne et 29 des Etats-Unis).

EN ATTENTE DE STAT DE LA CHANCELLERIE SUR LA SITUATION ACTUELLE (DEMANDES D'ENTRAIDE PASSIVES ET ACTIVES)

Le présent projet de loi vise à prolonger ce mouvement en complétanter un cadre légal de création récente pour en améliorer la cohérence et en faciliter le fonctionnement.

? Une participation au fonctionnement d'Eurojust d'ores et déjà effective

Le 29 mars 2001, le Sénat a adopté une résolution relative à Eurojust. Notre excellent collègue M. Pierre Fauchon, à l'époque, rapporteur de ce textela proposition de résolution, avait formulé le souhait que cet organe ait une réelle utilité et « ne soit pas un organe supplémentaire n'apportant aucune plus-value par rapport à l'action des magistrats de liaison ou du réseau judiciaire européen  (...) et soit doté de compétences opérationnelles les plus étendues possibles » 27 ( * ) .

Dès le 6 mars 2002, soit avant même la mise en place de l'organe définitif et sans que le statut du représentant national ait été défini, la France a désigné un magistrat français en qualité de membre national français de l'unité provisoire pro-Eurojust . Les quatorze autres Etats membres ont également désigné leur représentant national.

? Le mandat d'arrêt européen, en attente de transposition

En décembre 2001, le Sénat a adopté une résolution relative au mandat d'arrêt et à la lutte contre le terrorisme approuvant l'économie générale de la décision-cadre. Notre excellent collègue M. Pierre Fauchon, à l'époque rapporteur de ce textela proposition de résolution, avait fait valoir que « la création d'un mandat d'arrêt européen appelé à se substituer aux traditionnelles procédures  d'extradition pourrait considérablement améliorer l'efficacité de la répression de la criminalité et limiter à l'avenir une certaine forme de « protectionnisme judiciaire » qui n'a pas sa place au sein d'un ensemble tel que l'Union européenne » 28 ( * ) .

La loi constitutionnelle n° 2003-267 du 25 mars 2003 relative au mandat d'arrêt européen a été adoptée en vue de permettre la transposition de la décision-cadre relative au mandat d'arrêt européen, le Conseil d'Etat, dans un avis du 26 septembre 2002, ayant jugé nécessaire une révision constitutionnelle préalable à l'adoption d'une loi de transposition au motif que le texte européen ne prévoyait pas la possibilité de refuser l'exécution d'un mandat d'arrêt portant sur une infraction à caractère politique.

A l'occasion de l'examen de ce texte, le Sénat avait souhaité « qu'un projet de loi de transposition soit déposé dans les plus brefs délais après l'adoption définitive de la loi constitutionnelle afin que la France puisse mettre en oeuvre dès cette année le mandat d'arrêt européen » 29 ( * ) . Marquant le souci de respecter les exigences européennes, le 17 juin dernier lors de son audition devant votre commission des Lois, le garde des Sceaux avait annoncé le dépôt d'un texte de transposition dès l'automne prochain.

Article 6
(art. 694, art. 694-1 à 694-9 nouveaux, art. 695, art. 695-1 à 695-10 nouveaux et art. 706-71 du code de procédure pénale, art. 30 de la loi du 10 mars 1927)
Règles relatives à l'entraide judiciaire internationale

Le présent article comprend trois paragraphes d'importance inégale, le premier, très dense, ayant pour objet de proposer une nouvelle rédaction du titre X du livre IX IV du code de procédure pénale en vue d'une modernisation des règles d'entraide judiciaire, les deux paragraphes suivants se bornant à opérer des coordinations pour supprimer des dispositions devenues inutiles.

? Le paragraphe I propose une refonte complète du régime d'entraide judiciaire internationale .

Tout en conservant l'intitulé du titre X, cet article propose d'en réécrire le contenu en vue d'établir une distinction entre deux régimes d'entraide judiciaire internationale , déclinés en deux chapitres autonomes , le premier de portée générale relatif à l'entraide judiciaire entre la France et tout Etat étranger, le deuxième consacré à l'entraide entre la France et les autres Etats de l'Union européenne transposant des mécanismes d'entraide spécialisés ayant vocation à fonctionner à l'échelle européenne uniquement . Un troisième chapitre plus spécifiquement consacré à l'entraide entre la France et certains Etats (chapitre III) serait également ajouté en vue d'étendre à certains pays étrangers non membres de l'Union européenne le bénéfice de certaines dispositifs dispositions visées au chapitre II spécifiquement aménagés au profit des Etats membres de l'Union européenne à certains pays étrangers non membres.

Il convient néanmoins de noter que le projet de loi propose de transposer une partie des dispositions de la convention du 29 mai 2000 pour les faire figurer sous le chapitre premier du titre X du livre IV du code de procédure pénale applicable à tout Etat étranger, ce qui témoigne d'une volonté d'unifier les régimes d'entraide en appliquant les mêmes règles à tous les Etats et de faire bénéficier les pays étrangers non-membres de l'Union européenne des mécanismes très souples issus de la législation européennetrès.

Chapitre premier
Dispositions générales

L'article 6 du projet de loi propose de regrouper les règles d'entraide judiciaire sous un chapitre premier traitant de « dispositions générales », divisé en deux sections respectivement relatives aux modalités de transmission et d'exécution des demandes d'entraide (articles 694 à 694-4 du code de procédure pénale) et à des dispositions plus spécifiques applicables à certains types de demandes d'entraide (articles 694-5 à 694-9 du même code).

Section 1
Transmission et exécution des demandes d'entraide
Article Article 694 du code de procédure pénale
Modalités de transmission des demandes
d'entraide judiciaire internationale

Dans sa rédaction actuelle, l'article 694 du code de procédure pénale traite des modalités d'exécution des demandes d'entraide judiciaire adressées par les juridictions étrangères .

Le projet de loi propose de réécrire l'article 694, dont le contenu serait déplacé à l'aux articles 694-2 et 694-3, pour y regrouper les règles relatives à la transmission des demandes d'entraide judiciaire internationale . Le champ d'application de cet article concernerait toutes les demandes d'entraide, françaises et étrangères .

S'inspirant des dispositions figurant à l'article 30 de la loi du 10 mars 1927, l'article 694 réécrit par le projet de loi propose d'en moderniser le contenu et de les codifier . Par coordination, le paragraphe III du présent article propose l'abrogation des dispositions figurant dans la loi de 1927 (voir infra ).

Dans sa rédaction actuelle , l'article 30 de la loi du 10 mars 1927 concerne les seules demandes adressées par les autorités judiciaires étrangères et destinées à leurs homologues françaises . En outre, son champ d'application est limité aux commissions rogatoires internationales. Cet article définit un double régime de transmission des demandes d'entraide qui diffère selon le degré d'urgence de la situation :

- hors le cas d'urgence, le principe d'une transmission indirecte s'applique, la voie diplomatique devant être empruntée. Actuellement, il appartient donc au ministère français des affaires étrangères préalablement saisi par son homologue étranger de faire suivre au ministère de la justice une demande d'entraide ;

- en cas d'urgence , le circuit est plus rapide , les demandes pouvant faire l'objet de communications directes entre les autorités judiciaires de chaque Etat, sous réserve toutefois d'en aviser par voie diplomatique le ministère français des affaires étrangères. L'article 696-1 du code de procédure pénale, qui vise à la fois les demandes émanant des autorités judiciaires françaises et celles de leurs homologues étrangers, rappelle d'ailleurs les principes existants en cas d'urgence. Comme l'indique la circulaire du 29 décembre 1999 à titre d'exemple, « le juge d'instruction français désirant obtenir un acte urgent s'adressera aux autorités compétentes de l'Etat requis . ».

Conservant cette dualité de régime selon que l'urgence est ou non caractérisée, l'article le texte proposé pour l'article 694 réécrit par le projet de loi établit une distinction nouvelle en fonction de l'origine (française ou étrangère) de la demande d'entraide . En outre, même si la commission rogatoire internationale 30 ( * ) constitue le principal instrument de l'entraide judiciaire en matière pénale, le dispositif vise désormais de manière plus générale l'ensemble toutes dles demandes d'entraide.

Hors le cas d'urgence , le principe d'une transmission indirecte , décliné selon des modalités différentes liées à l'origine de la demande, demeure.

- Le premier alinéa (1°) du texte proposé pour l'article 694 prévoit, pour les demandes d'entraide formulées par les juridictions françaises une transmission par l'intermédiaire du ministère de la justice , le retour des pièces devant emprunter une voie identique.

Actuellement, en l'absence de convention ou lorsqu'une convention le prévoit expressément, la transmission s'effectue par la voie diplomatique . La demande formulée par la juridiction française est transmise au ministère de la justice, lequel saisit ensuite le ministère des affaires étrangères. Après exécution, la demande est renvoyée par les mêmes canaux.

La procédure serait donc simplifiée en vue d'une plus grande célérité mais un filtre serait conservé ;

- le deuxième alinéa (2°) du texte proposé pour l'article 694 concerne les demandes d'entraide formulées par les autorités judiciaires étrangères et se bornent à reprendre les règles énoncées à l'article 30 de la loi du 10 mars 1927 précitée. La voie diplomatique serait donc maintenue tant pour la transmission de la demande que pour le retour des pièces d'exécution.

En cas d'urgence , le troisième alinéa du texte proposé pour l'article 694 se borne à reprendrereprend les règles en vigueur relatives à la transmission directe des demandes d'entraide entre les autorités judiciaires compétentes de chaque Etat. Pour la France, il s'agira selon le cas, du procureur de la République ou du juge d'instruction. Une règle analogue est posée pour le retour des pièces d'exécution. La formalité supplémentaire actuellement imposée aux demandes formulées par les autorités étrangères relatives à l'obligation d'aviser la France de sa leur démarche par la voie diplomatique serait conservée , sauf convention internationale en stipulant autrement.

Pour les demandes formulées par la France, Comme le relève paradoxalement la circulaire du 29 décembre 1999 relève paradoxalement, qu'iil n'est toutefois pas certain que dans la pratique ce système soit le plus « efficace » s'agissant des demandes formulées par la France, l'autorité judiciaire étrangère d'exécution directement saisie « devant parfois obtenir une approbation ou une autorisation d'une autre autorité (cour d'appel, ministère de la justice) avant de procéder à l'exécution de la mission ». Toutefois, le passage obligatoire par l'intermédiaire de ministères paraît susceptible de créer des délais incompressibles.

TABLEAU RÉCAPITULATIF LES DIFFÉRENTS CIRCUITS
DE DEMANDES D'ENTRAIDE JUDICIAIRE INTERNATIONALE
AUX TERMES DU PRÉSENT PROJET DE LOI

DEMANDES D'ENTRAIDE JUDICIAIRE INTERNATIONALE

DEMANDES D'ENTRAIDE JUDICIAIRE INTERNATIONALE URGENTES

DEMANDES D'ENTRAIDE FORMULÉES PAR LA FRANCE

Transmission indirecte de la demande par l'intermédiaire du ministère de la justice

Transmission directe des demandes entre les autorités judiciaires

DEMANDES D'ENTRAIDE FORMULÉES PAR UN ÉTAT ÉTRANGER

Transmission indirecte de la demande par la voie diplomatique (le ministère des affaires étrangères, préalablement saisi par son homologue faisant suivre la demande au ministère de la justice)

Transmission directe des demandes entre les autorités judiciaires, sous réserve que le Gouvernement étranger en ait avisé la France par la voie diplomatique.

Votre commission des Lois estime le maintien d'une dualité de régime selon le caractère urgent de la situation pleinement justifié . les autorités judiciaires devant être suffisamment armées pour disposer d'une capacité de réaction suffisamment grande et adaptée à la rapidité d'action des délinquants.

ElleVotre commission des Lois vous soumet un amendement rédactionnel tendant à améliorer la cohérence du dispositif proposé pour l'article 694 du code de procédure pénale.

Article Article 694-1 nouveau du code de procédure pénale
Modalités de transmission des demandes urgentes d'entraide judiciaire internationale adressées à la France
par les autorités judiciaires étrangères

L'article 694-1 inséré dans le code de procédure pénale par le présent projet de loi a pour objet de préciser les modalités pratiques de transmission des demandes urgentes d'entraide judiciaire formulées par les autorités judiciaires étrangères.

Ces dispositions, qui relèvent soit de conventions soit de la pratique, ne font actuellement l'objet d'aucun encadrement législatif.

Le premier alinéa du texte proposé pour l'article 694-1 désigne les autorités judiciaires françaises susceptibles d'être directement saisies par les autorités étrangères. Il s'agit du procureur de la République ou du doyen des juges d'instruction du tribunal de grande instance compétent.

Cette disposition paraît tout à fait cohérente, ces autorités étant compétentes pour l'exécution des demandes d'entraide. Il est d'ailleurs renvoyé à l'article 694-2 inséré dans le code de procédure pénale par le présent projet de loi, qui distingue les cas dans lesquels chacun de ces magistrats est compétent en précisant que le juge d'instruction exécute les demandes lorsque les actes de procédure sont ordonnés dans le cadre d'une instruction préparatoire, tandis qu'il revient au procureur de la République de répondre aux autres demandes avec la possibilité pour ces magistrats de requérir les autorités policières pour cette exécution 31 ( * ) .

Afin d'éviter des retards de transmission des demandes d'entraide, le deuxième alinéa du texte proposé pour l'article 694-1 impose au procureur de la République auquel est adressée directement par erreur une demande relevant du juge d'instruction l'obligation de la lui transmettre , sauf si l'acte demandé est de nature à porter atteinte à l'ordre public ou aux intérêts essentiels de la Nation. Dans cette dernière hypothèse, il est renvoyé aux dispositions de l'article 694-4, créé par le projet de loi, relatif à la clause de sauvegarde 32 ( * ) . selon lequel le procureur de la République sollicité doit faire suivre la demande au procureur général qui peut, à son tour, saisir le ministère de la justice et en aviser le juge d'instruction.

Le dernier alinéa du texte proposé pour l'article 694-1 concerne l'hypothèse d'une saisine directe du juge d'instruction et impose à ce dernier, avant d'exécuter la demande d'entraide, l'obligation de la communiquer immédiatement au procureur de la République pour recueillir son avis. Ainsi que le souligne l'étude d'impact jointe en annexe, ce dispositif vise à garantir l' information systématique du ministère public et à concilier « la volonté du Gouvernement de favoriser la transmission directe des demandes d'entraide et la nécessité d'assurer la sauvegarde des intérêts essentiels de la Nation et le respect de l'ordre public ».

Votre commission vous soumet un amendement rédactionnel en vue, d'une part, d'harmoniser la terminologie retenue pour caractériser une situation d'urgence et, d'autre part, de supprimer la référence au « doyen des juges d'instruction » pour ne mentionner que le seul « juge d'instruction ».

Article Article 694-2 nouveau du code de procédure pénale
Modalités d'exécution des demandes d'entraide judiciaire adressées par les autorités judiciaires étrangères -
Désignation des autorités judiciaires françaises chargées d'exécuter ces demandes et définition de leurs compétences respectives

L'article 694-2 inséré dans le code de procédure pénale par le I de l'article 6 du projet de loi a pour objet de désigner les autorités judiciaires françaises chargées d'exécuter les demandes d'entraide judiciaire internationale adressées par leurs homologues étrangers et de préciser le champ de leurs compétences respectives.

Actuellement , ces règles figurent à l'article 694 du code de procédure pénale dont le premier alinéa dispose que les demandes d'entraide sont exécutées, selon les cas, dans les formes prévues par le code de procédure pénale pour l'enquête, l'instruction ou le jugement. Ainsi, il revient soit au procureur de la République, soit au juge d'instruction, ou encore au tribunal correctionnel statuant à juge unique ou au tribunal de police de répondre aux demandes.

Les deuxième et troisième alinéas de cet article se bornent à décliner ce principe général en traitant plus spécifiquement des attributions respectives du juge d'instruction, compétent pour exécuter les actes de procédure relevant de sa seule compétence et de la juridiction de jugement, chargée d'effectuer certains actes, tels ceux réalisés en audience publique ou les actes contradictoires.

Le texte proposé pour l'article 694-2 reprend les règles actuelles figurant à l'article 694 relatives aux compétences du procureur de la République et du juge d'instruction :

- son premier alinéa attribue au procureur de la République une compétence de principe pour l'exécution des demandes d'entraide . Par rapport aux règles actuelles est ajoutée une précision relative à la possibilité qu'il aura de déléguer cette tâche à des officiers ou des agents de police judiciaire requis à cette fin ; le droit est ainsi aligné sur la pratique ;

- son deuxième alinéa précise le cadre juridique d'intervention du juge d'instruction , limité aux actes de procédure susceptibles d'être ordonnés ou exécutés au cours d'une instruction préparatoire. Le dispositif mentionne en outre la possibilité pour ce magistrat de déléguer deconfiers l'exécution des demandes d'entraide à des officiers de police judiciaire agissant sur commission rogatoire pour l'exécution des demandes d'entraide.

En revanche, est supprimée toute référence à la juridiction de jugement , cette modalité d'exécution des demandes d'entraide, étant jugée trop contraignante, ayant été supprimée. Dans le souci d'alléger et de simplifier la procédure, iIl appartiendrait désormais au juge d'instruction d'exécuter les demandes relevant actuellement de la juridiction de jugement, ce qui constitue une opportune mesure de simplification.

Article Article 694-3 nouveau du code de procédure pénale
Modalités d'exécution des demandes d'entraide judiciaire formulées par les autorités judiciaires étrangères -
Applicabilité du code de procédure pénale

L'article 694-3 inséré dans le code de procédure pénale par le I du présent article définit la procédure applicable pour l'exécution par les autorités judiciaires françaises des demandes d'entraide judiciaire formulées par les autorités judiciaires étrangères.

Le premier alinéa du texte proposé pour l'article 694-3 reprend le principe énoncé au premier alinéa de l'actuel article 694 du code de procédure pénale selon lequel les règles de droit français s'appliquent .

Le deuxième alinéa du texte proposé pour l'article 694-3 introduit une dérogation nouvelle à ce principe, relative à la possibilité pour l'autorité étrangère requérante d'obtenir l'exécution de la demandede préciser selon lles règles de procédure de son choix . L'exercice de cette faculté est soumis à la double condition que cette requête figure dans la demande d'entraide et que les règles applicables ne réduisent pas les droits des parties ou les garanties procédurales prévues par la loi française, cette dernière exigence s'imposant sous peine de nullité.

Cette innovation qui autorise l'application sur le sol français d'une procédure étrangère constitue une inversion de l'adage « locus regit actum » applicable en France jusqu'à présent. Elle se justifie par le double souci de mieux prendre en compte la législation de l'Etat requérant et de faciliter l'utilisation des informations recueillies grâce à l'entraide judiciaire .

Le dispositif vise à transposer les règles énoncées au paragraphe 1 de l'article 4 de la convention européenne du 29 mai 2000 précitée, qui impose à l'Etat membre requis de se conformer aux formalités et aux procédures souhaitées par l'Etat membre requérant, pour autant qu'elles ne soient pas contraires aux principes fondamentaux de son droit . Pourtant, Notons d'ailleurs il convient de noter que son champ d'application, plus large que l'espace communautaire, concerne tout Etat étranger . Le projet de loi fait donc le choix d'aligner le régime applicable aux Etats n'appartenant pas à l'Union européenne sur celui institué au profit des pays membres de l'Union européenne. Cette démarche témoigne d'une volonté d'ouverture en matière d'entraide judiciaire, ce que votre rapporteur ne manque pas dpeut qu''approuver.

Toutefois, il convient de noter une lacune du dispositif qui n'envisage pas l'hypothèse d'une demande qui ne pourrait être exécutée conformément aux formalités requises par l'Etat requérant. On notera que le paragraphe 3 de l'article 4 de la convention du 29 mai 2000 précitée prévoit cette hypothèse situation en à laquelle elle tente de remédier imposant à en imposant à l'Etat requis d'informer l'autorité de l'Etat requérant de sa décision dans les meilleurs délais 33 ( * ) .

Outre que l'information de l'Etat requérant constitue une obligation résultant de la convention du 29 mai 2000, elle s'avère souhaitable pour éviter des lenteurs dans la procédure. En effet, il paraît important que les autorités des deux Etats puissent se mettre en relation le plus vite possible afin de trouver un accord permettant de faire aboutir la demande d'entraide. Tel est l'objet d'un amendement que votre commission vous soumet.

Elle vous propose également d'adopter un amendement de précision en vue de faire référence « à l'autorité compétentes de l'Etat requérant » plutôt qu'aux « aux autorités étrangères ».

Le troisième et dernier alinéa du texte proposé pour l'article  694-3 tend à affirmer le principe selon lequel l'irrégularité de la transmission de la demande d'entraide ne constitue pas une cause de nullité des actes exécutés sur son fondement .

La chambre criminelle de la Cour de cassation a, dans un arrêt du 4 novembre 1997, consacré ce principe, après avoir considéré que la chambre d'accusation (devenue depuis chambre de l'instruction), compétente dans certaines conditions pour contrôler la régularité des actes d'instruction effectués sur le territoire français en vue d'exécuter une commission rogatoire internationale, « ne saurait, sans excéder ses pouvoirs,, porter une appréciation sur les modalités de délivrance et de transmission d'une telle délégation ».

Le projet de loi marque donc la volonté de confirmer cette interprétation en lui donnant une base légale incontestable .

Article Article 694-4 nouveau du code de procédure pénale
Clause de sauvegarde de l'ordre public
et des intérêts essentiels de la Nation

L'article 694-4 inséré dans le code de procédure pénale par le I de l'article 6 du projet de loi tend à reprendre, moyennant quelques précisions, l'exception relative à la clause de sauvegarde de l'ordre public et des intérêts essentiels de la Nation actuellement énoncée à l'article 696-2 dans sa rédaction actuelle.

Lorsque certaines demandes d'entraide étrangères sont susceptibles de porter atteinte à la sécurité, à l'ordre public ou aux intérêts essentiels de la Nation, les autorités judiciaires sont actuellement soumises à l'obligation d'en informer les autorités compétentes, auxquelles il appartient lesquelles dée décidercident des suites à leur donner . La circulaire du 29 décembre 1999 apporte des précisions à cet égard, mentionnant que la saisine du ministère de la justice s'effectue « par le canal du ministère public ».

Cette clause de sauvegarde de l'ordre public et des intérêts de la Nation reproduit en droit interne une des exceptions énoncées à l'article 2 de la convention européenne d'entraide judiciaire du 20 avril 1959, qui permet d'opposer un refus à une demande d'entraide notamment de nature à porter atteinte à l'ordre public et aux intérêts essentiels de la Nation. Cette règle figure également dans de nombreuses conventions bilatérales.

Comme l'indique la circulaire du 29 décembre 1999 précitée, « cette disposition sera évidemment d'application très rare : en effet, l'action judiciaire n'est pas en soi de nature à porter atteinte aux intérêts essentiels d'un pays, et doit tout particulièrement entre les Etats de l'Union européenne se développer dans un climat de confiance ». Elle précise qu'il s'agit essentiellement de « demandes mettant en jeu des secrets dont la divulgation pourrait s'avérer dangereuse, notion qui concerne non seulement le domaine militaire, mais aussi notamment les domaines économique, écologique ou sociauxsocial ».

Le texte proposé pour l'article 694-4 reprend ce principe, sous réserve de quelques précisions et compléments.

Le premier alinéa du texte proposé pour l'article 694-4 dispose qu'il appartient au procureur de la République de transmettre une demande d'entraide dont l'exécution risque de porter atteinte à l'ordre public ou aux intérêts essentiels de la Nation au procureur général , auquel il revient de décider de saisir le ministre de la justice.

Ce dispositif concerne les demandes adressées directement au procureur de la République comme celles adressées au juge d'instruction , qui, comme il l'a été indiqué précédemment, doit obligatoirement aviser le procureur de la République de toutes les demandes qui lui sont adressées directement 34 ( * ) . Dans cette dernière hypothèse, le texte prévoit que le juge d'instruction est informé par le procureur général de la transmission de la demande d'entraide au ministère de la justice de la demande d'entraide.

La philosophie des règles actuelles n'est donc pas bouleversée par le projet de loi mais plutôt confortée, la saisine du ministère de la justice s'effectuant toujours par le canal du ministère public .

Soucieux d'améliorer la lisibilité du dispositif, votre rapporteur vous propose de le compléter par une précision. En effet, il n'est pas indiqué clairement qu'il revient au ministre de la justice d'apprécier des suitesde décider de la suite à réserver à à réserver à une demande d'entraide, même si cette règle se déduit implicitement de la lecture du premier alinéa. Il paraît opportun d'apporter cette précision par amendement .

Le second alinéa du texte proposé pour l'article 694-4 vise le cas d'un refus de poursuivre totalement ou partiellement l'exécution de la demande d'entraide. Il prévoit une obligation pour le ministre de la justice d'informer l'autorité de l'Etat membre requérant de sa décision . Le texte prévoit que cette décision, notifiée à l'autorité judiciaire saisie de la demande d'entraide (le procureur de la République ou le juge d'instruction), fait obstacle à l'exécution de la demande ou au retour des pièces d'exécution.

Cette obligation d'information de l'autorité de l'Etat requérant figure déjà dans la circulaire du 29 décembre 1999, sous des modalités différentes. En effet, elle prévoit qu'en cas de refus il revient à l'autorité judiciaire initialement saisie de la demande d'entraide, informée par le ministère de la justice, de notifier cette décision à l'autorité de l'Etat requérant.

Le dispositif proposé par le projet de loi propose un circuit plus simple et plus rapide en confiant directement au ministère de la justice directement le soin d'informer l'autorité de l'Etat requérant de sa décision, sans passer par l'intermédiaire de l'autorité chargée d'exécuter la demande.

Section 2
Dispositions applicables à certains types de demandes d'entraide
Article Article 694-5 nouveau du code de procédure pénale
Audition à distance

L'article 694-5 inséré dans le code de procédure pénale par le I de l'article 6 permet l'utilisation de l'audition à distance prévue par l'article 706--71 du code de procédure pénale dans le cadre des demandes d'entraide formulées par les autorités judiciaires françaises ou étrangères.

L'utilisation de techniques modernes de communication à distance a déjà été consacrée en 1998 pour la juridiction de Saint-Pierre-et-Miquelon par les articles L. 952-7 et L.  952-11 du code de l'organisation judiciaire. Préconisée par plusieurs instruments internationaux, elle présente un intérêt tout particulier en matière d'entraide judiciaire internationale, spécialement en matière de lutte contre le terrorisme.

Il est apparu indispensable au législateur d'autoriser l'utilisation de moyens de communication audiovisuelle (« vidéoconférence ») et téléphonique (« téléconférence ») garantissant la confidentialité de la transmission au cours de la procédure pénale et la sécurité de la procédure en vue d' interroger des personnes à distance et de surmonter les obstacles procéduraux ou matériels liés au déplacement de ces personnes ou des autorités susceptibles de les entendre.

La loi n° 2001-1062 du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne a donc introduit dans le code de procédure pénale des dispositions en vue de donner une base légale à des pratiques innovantes définies à l'article 706-71 35 ( * ) . Ce dispositif permet l'audition, l'interrogatoire ou la confrontation de plusieurs personnes à distance . Applicable aux témoins, aux personnes gardées à vue et aux interprètes, il a été adopté à l'initiative du précédent Gouvernement, peu après les évènements événements survenus aux Etats-Unis le 11 septembre 2001, pour lutter plus efficacement contre le terrorisme. Ces règles transitoires avaient vocation à s'appliquer jusqu'au 31 décembre 2003. La loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice les a pérennisées et confortées.

En parallèle, la législation européenne a défini un cadre légal destiné à promouvoir l'utilisation de moyens modernes de communication à distance particulièrement adaptés au cadre de l'Union européenne .

L'article 10 de la convention relative à l'entraide judiciaire en matière pénale du 29 mai 2000 ouvre aux Etats membres de l'Union européenne la possibilité de présenter une demande d'audition d'un témoin ou d'un expert par vidéoconférence (paragraphe 1). Le paragraphe 9 de ce même article 10 permet l'audition par vidéoconférence d'une personne poursuivie pénalement , sous réserve de son consentement avant la tenue de l'audience.

Les formalités pratiques de cette procédure à distance sont précisées :

- l'Etat requérant doit justifier sa demande ;

- l'audition a lieu en présence d'une autorité judiciaire de l'Etat requis, au besoin assistée d'un interprète, la personne entendue peut pouvant également être assistée d'un interprète ;

- l'Etat requis peut, sous certaines conditions, obtenir un remboursement dedes charges liées à la procédure de la part de l'Etat requérant de charge liées à la procédure ;

- l'autorité de l'Etat membre requis doit établir un procès-verbal de l'audition à transmettre à l'autorité de l'Etat requérant.

Son paragraphe 5 (c) exige que l'audition soit effectuée directement par l'autorité judiciaire de l'Etat membre requérant ou sous son contrôle et conformément à son droit interne. En revanche, son paragraphe 8 prévoit qu'en cas de refus de témoigner ou de faux témoignage pendant l'audition, l'Etat membre requis applique ses propres règles nationales.

Plus succinct, l'article 11 de la convention européenne du 29 mai 2000 précitée concerne les auditions par téléconférence et diffère de l'article 9 10 en ce qu'il exige dans tous les cas le consentement de la personne entendue et ne s'applique pas aux personnes poursuivies pénalement.

Le texte proposé pour l'article 694-5 tend à actualiser les règles actuelles relatives aux auditions à distance dans le cadre de demandes d'entraide en vue d'assurer la transposition des articles 10 et 11 de la convention du 29 mai 2000 précitée et de mettre le droit français en conformité avec les exigences européennes . Comme l'article 694-3 créé par le projet de loi, le champ d'application de cet article s'étend à tout pays étranger , ce qui témoigne là encore d'une conception extensive du projet de loi et d'une démarche ambitieuseet non aux seuls pays de l'Union européenne.

Moyennant quelques modifications rédactionnelles, le premier alinéa du texte proposé pour l'article 694-5 se borne à reproduire, le troisième alinéa de l'actuel article 706-71 qui autorise les auditions à distance prévues par cet article pour l'exécution simultanée en France et à l'étranger, des demandes d'entraide émanant des autorités françaises ou étrangères. Afin d'éviter des redondances, le II du présent article propose, par coordination, d'abroger les dispositions devenues inutiles figurant à l'article 706-71.

Le deuxième alinéa du texte proposé pour l'article 694-5 concerne plus spécifiquement le cas de l'exécution d'une demande émanant des autorités judiciaires françaises. Transposant le c) du paragraphe 5 de l'article  10 de la convention, il prévoit l'application de la loi française aux interrogatoires, auditions ou confrontation réalisés à l'étranger. Le texte mentionne toutefois que cette règle s'applique à condition qu'une convention internationale ne prévoie pas de stipulations contraires. Notons que cette précision n'a de ce sens qu'à l'égard des Etats non membres de l'Union européenne, les Etats membres étant soumis aux règles de droit communautaire.

Transposant le paragraphe 9 de l'article 10 de la convention européenne du 29 mai 2000, le troisième alinéa du texte proposé pour l'article 694-5 autorise l'interrogatoire ou la confrontation de la personne  pénalement poursuivie moyennant son consentement . L'Assemblée nationale, à l'initiative du rapporteur de sa commission des Lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, a adopté un amendement de précision terminologique destiné à remplacer le terme d'  « audition », insusceptible d'être employé pour une personne poursuivie pénalement, par les expressions juridiquement plus appropriées relatives à « l'interrogatoire ou la confrontation ».

Transposant le paragraphe 8 de l'article 10 de la convention précitée, le dernier alinéa du texte proposé pour l'article 694-5 précise que les peines infligées aux témoins entendus dans le cadre d'une procédure française dans l'hypothèse d'une témoignage mensonger fait sous serment ou d'un refus de comparaître sont applicables aux témoins entendus sur le territoire français à la demande d'une autorité étrangère dans le cadre d'une audition à distance.

Il est donc renvoyé aux articles correspondants du code pénal : à l'article 434-13 qui punit le témoignage mensonger d'une peine de cinq ans d'emprisonnement et d'une amende de 75.000 euros d'amende et à l'article  434-15-1 qui sanctionne le fait de ne pas prêter serment ou de ne pas déposer, sans excuse ni justification, devant le juge d'instruction d'une amende de 3.750 euros.

Votre commission vous soumet un amendement de cohérence rédactionnelle.

Article Article 694-6 nouveau du code de procédure pénale
Extension des compétences de la police judiciaire pour les opérations de surveillance effectuées à l'étranger

L'article 694-6 du code de procédure pénale créé par le I de l'article 6 du projet de loi a pour objet d'autoriser la poursuite dans un Etat étranger des opérations de surveillance effectuées par les autorités de police françaises dans le cadre d'une affaire de criminalité organisée en application de l'article 706-80 créé par le projet de loi (voir supra ).

On rappellera brièvement que l'article 706-80 a vocation à s'appliquer à l'occasion de crimes ou de délits commis en entrant dans le champ d'application des articles 706-73 (meurtre en bande organisée, torture et actes de barbarie commis en bande organisée, trafic de stupéfiants, enlèvement et séquestration, traite des êtres humains) ou 706-74 (crimes aggravés contre les biens, vol en bande organisée, extorsion de fonds commise en bande organisée). Il tend à apporter une dérogation au principe mentionné à l'article 18 du code de procédure pénale selon lequel la compétence territoriale des officiers de police judiciaire se limite au lieu d'exercice de leurs fonctions habituelles .

Le premier alinéa du texte proposé pour l'article 694-6 précise les conditions dans lesquelles la compétence territoriale des officiers de police judiciaire, et des agents de police judiciaire placés sous leur autorité, peut être étendue, exigeant l'autorisation préalable du procureur de la République chargé de l'enquête , dans les conditions prévues par une convention internationale (premier alinéa). Ainsi, une telle procédure ne pourra s'effectuer sans base conventionnelle entre la France et l'Etat étranger sollicité.

A cet égard, il convient d'observer que l'article 706-80 créé par le projet de loi prévoit des modalités différentes, en n'accordant pas de droit de veto aule procureur de la République simplement informé par tout « moyen » par les autorités de police lequel ne dispose disposant d'aucune marge d'appréciation sur l'extension au territoire national de la leurs compétences des autorités de police mais est simplement informé par tout « moyen » par ces dernières.

Le second alinéa du texte proposé par cet article prévoit le versement au dossier des procès-verbaux d'exécution des opérations de surveillance, des rapports y afférents et de l'autorisation d'en poursuivre l'exécution.

L'Assemblée nationale, à l'initiative du rapporteur de sa commission des Lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, a adopté un amendement de précision pour faire référence aux « opérations de surveillance » plutôt qu'à « l'observation ».

Articlesicles 694-7 et 694-8 nouveaux du code de procédure pénale
Droit de poursuivre en France une opération d'infiltration effectuée par des agents de police étrangers dans le cadre d'une procédure étrangère - Droit accordé aux autorités françaises de recourir à des agents étrangers dans le cadre d'une procédure d'infiltration sur le territoire national

Transposant les articles 12 et 14 de la convention du 29 mai 2000 précitée, les articles 694-7 et 694-8 du code de procédure pénale créés par le I de l'article 6 du projet de loi ont pour objets respectifs d'autoriser les agents de police étrangers à poursuivre sur le territoire français des opérations d'infiltration étrangères pour des les affaires de criminalité organisée les plus graves et de permettre aux autorités françaises de recourir à des agents infiltrés étrangers pour des opérations analogues.

1. Les règles prévues par la convention du 29 mai 2000

L'article 12 de la convention du 29 mai 2000 impose aux Etats membres de l'Union européenne de prendre les mesures nécessaires pour garantir qu' à la demande d'un autre Etat membre, une livraison surveillée puisse être avoir lieu sur son territoire (paragraphe 1). Comme l'indique le rapport explicatif de la convention, cCe terme n'est pas précisément défini et « il convient de l'interpréter conformément à la loi et aux pratiques nationales » ;, ajoutant qu' il « s'agit d'une technique qui s'est révélée très efficace dans la lutte contre le trafic de drogue et d'autres formes graves de criminalité » 36 ( * ) . Europol a d'ailleurs élaboré un manuel de l'Union européenne sur ce type d'opération contenant d'utiles informations quant à son déroulement. Le champ d'application de ce dispositif s'étend aux opérations portant sur les seules infractions pénales susceptibles de donner lieu à une extradition 37 ( * ) .

Le paragraphe 2 de l'article 12 prévoit qu'il appartient à l'Etat membre requis de décider d'autoriser la prolongation d' opérations d'infiltration sur son territoire. En outre, par dérogation au principe prévu à l'article 4 de la convention (paragraphe 1) selon lequel l'exécution des demandes d'entraide doit respecter les formalités indiquées par l'Etat requérant, le paragraphe 3 de l'article 12 précise que les livraisons doivent se dérouler selon le droit de l'Etat requis.

L'article 14 de la convention du 29 mai 2000 précitée traite des enquêtes discrètes effectuées par des agents intervenant sous le couvert du secret ou sous une identité fictive dénommés « agents infiltrés ». Le champ d'application de cet article est plus large que celui de l'article 12 puisqu'il s'étend à toutes les infractions pénales .

Cet article définit un cadre souple , selon lequel les Etats membres requérant et requis doivent devant d'accorder s'accorder sur l'intervention d'un agent infiltré et décider dans chaque affaire d'une réponse adaptée. Il indique que lL'entraide peut donc être demandée au titre de la poursuite sur le territoire d'un autre Etat membre d'une opération menée par un agent infiltré ou au titre de la mise à disposition d'un agent infiltré par l'Etat membre requis pour mener une enquête discrète sur ce territoire.

Son paragraphe 2 encadre cette pratique en imposant aux Etats de fixer la durée des enquêtes, leurs modalités et le statut juridique des agents concernés.

Son paragraphe 3 précise que ces enquêtes se déroulent selon le droit et les procédures en vigueur dans l'Etat requis, par dérogation à l'article 4 de la convention précitée (paragraphe 1). En outre, il est indiqué que la préparation et la direction sont assurées par les deux Etats intéressés, appelés à coopérer étroitement.

L'article 14 ne s'impose pas impérativement aux Etats membres (paragraphe 4).

2. Une transposition fidèle de ces règles par le projet de loi

? L'article 694-7 du code de procédure pénale créé par le projet de loi a pour objet de définir les règles relatives à la poursuite sur le territoire français d'opérations d'infiltration décidées par des autorités étrangères et effectuées par des agents étrangers .

Son premier alinéa définit le régime de cette procédure nouvelle par référence au cadre légal national défini aux articles 706-81 à 706-86 du code de procédure pénale créés par l'article premier du présent projet de loi auxquels il est expressément renvoyé ( supra ). Ainsi, à l'instar des opérations d'infiltration décidées par les autorités françaises et menées sur le territoire national :

- le champ d'application des opérations d'infiltration étrangères se limite aux affaires entrant dans le champ d'application de l'article 706-73 qui vise les cas de criminalité organisée les plus graves (article 706-81) ; ;

- ces enquêtes sont soumises à l'autorisation du procureur de la République ou du juge d'instruction après avis de ce dernierdu ministère public et se déroulent sous le contrôle du magistrat compétent (article 706-81) ;

- les actes exonérés de responsabilité pénale auxquels les officiers peuvent procéder sont limitativement énumérés (acquisition, transport, livraison de substances, biens, documents tirés de la commission d'infractions par exemple) (article 706-82) ;

- le délai de l'autorisation de l'opération d'infiltration ne peut excéder quatre mois renouvelables (article 706-83) ;

- la révélation de l'identité réelle des agents est sanctionnée (article 706-84) ;

- l'irresponsabilité pénale se prolonge en cas d'interruption de l'opération ou à l'issue d'un délai fixé par l'autorisation le temps strictement nécessaire pour cesser la surveillance dans des conditions assurant la sécurité de l'agent (article 706-85)  ;

- l'officier de police judiciaire responsable de la conduite de l'opération peut seul être entendu en qualité de témoin, avec la possibilité pour la personne mise en examen de lui être confrontée (article 706-86).

L'Assemblée nationale, à l'initiative du rapporteur de sa commission des Lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, a adopté un amendement de coordination pour tirer les conséquences de la suppression de l'article 706-87 auquel le projet de loi faisait initialement référence 38 ( * ) .

En outre, le premier alinéa du texte proposé pour l'article 694-7 exige l'accord du ministère de la justice préalablement à la poursuite d'opérations d'infiltration étrangères, lequel peut assortir sa décision de conditions. Il est également précisé que les agents de police étrangers agissent sous la direction d'officiers de police judiciaire français.

Par coordination avec le rétablissement de l'article 706-87 du code de procédure pénale créé par l'article premier du projet de loi initial et supprimé par les députés qui vous a été précédemment proposé, votre commission des Lois vous propose d'adopter un amendement de coordination tendant à rétablir la référence à cet article dans le texte proposé pour l'article 694-7.

En application des exigences prévues à l'article 706-81 créé par l'article premier du projet de loi, le texte soumet la poursuite de ces opérations à l'autorisation du procureur de la République ou du juge d'instruction spécialisé exerçant près le tribunal de grande instance de Paris . Il est indiqué que ces opérations ne peuvent être confiées qu'à des agents spécialement habilités à cet effet , exerçant des missions analogues à celles dévolues aux officiers ou agents de police judiciaire .

Cette innovation destinée à rendre le régime d'enquête plus souple a été unanimement saluée par les personnes auditionnées entendues par votre rapporteur. En effet, une telle souplesse est impossible actuellement, les officiers de police judiciaire devant prendre systématiquement le relais des agents de police étrangers une fois la frontière française franchit, ce qui alourdit considérablement la procédure et peut nuire à sa confidentialité.

- L'article 694-8 créé par le projet de loi ouvre aux autorités judiciaires françaises la faculté nouvelle de s'appuyer sur des agents de police étrangers pour mener une opération d'infiltration sur le territoire de la république République dans le cadre d'une procédure nationale .

A l'instar de l'article 694-7 précédemment commenté, il est renvoyé au cadre légal des opérations d'infiltration prévu aux articles 706-81 à 706--86. L'Assemblée nationale, à l'initiative du rapporteur de sa commission des Lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, a adopté un amendement de coordination pour tirer les conséquences de la suppression de l'article 706-87 créé par l'article premier du projet de loi, auquel le projet de loi initial faisaitil était initialement fait référence.

Le projet de loi subordonne le recours à des agents de police étrangers infiltrés à l'accord des autorités judiciaires étrangères , étant précisé qu'il s'agirait des mêmes agents que ceux visés par l'article 694-7, c'est-à-dire d'agents spécialement habilités à cette fin et « exerçant des missions similaires à celles des agents nationaux spécialement habilités ».

A la différence de l'article 694-7, l'autorisation du ministère de la justice ne serait pas requise, la décision de recourir à des agents de police étrangers incombant exclusivement aux magistrats compétents (procureur de la République ou juge d'instruction). En outre, il ne serait pas prévu un monopole exclusif au bénéfice du tribunal de grande instance de Paris. Les autres pôles de lutte contre la criminalité organisée pourraient donc également faire usage cette faculté nouvelle.

La transposition de la convention du 29 mai 2000 dépasse le seul cadre de l'Union européenne : les dispositions proposées par les articles 694-7 et 694-8 sont applicables à tout agent issu d'un Etat étranger quelle que soit son origine géographique.

Par coordination avec le rétablissement de l'article 706-87 du code de procédure pénale créé par l'article premier du projet de loi initial et supprimé par les députés qui vous a été précédemment proposé, votre commission des Lois vous propose d'adopter un amendement de coordination tendant à rétablir la référence à cet article dans le texte proposé pour l'article 694-8.

Article 694-9 nouveau du code de procédure pénale
Modalités de communication d'informations issues d'une procédure pénale en cours aux autorités judiciaires étrangères

Transposant les articles 7 et 13 de la convention du 29 mai 2000, l'article 694-9 du code de procédure pénale créé par le projet de loi définit les modalités de communication spontanée d'informations issues d'une procédure pénale en cours aux autorités judiciaires étrangères.

1. Le cadre juridique des échanges d'informations entre les Etats membres défini par la convention du 29 mai 2000 relative à l'entraide judiciaire en matière pénale

L'article 7 de la convention du 29 mai 2000 précitée fixe un cadre juridique permettant « l'échange spontané d'informations » c'est-à-dire sans demande préalable. Son paragraphe 1 permet aux autorités compétentes des Etats membres d'échanger des informations sans présenter de demande d'entraide judiciaire formelle. Sont visés par ce dispositif les renseignements relatifs à des faits pénalement punissables ainsi qu'à certaines infractions administratives .

Ces dispositions sont facultatives , les Etats demeurant libres de procéder à des échanges dans les limites de leur droit national.

Le paragraphe 2 de l'article 7 de la convention prévoit la possibilité pour l'autorité judiciaire à l'origine de l'information de soumettre son utilisation à certaines conditions que l'autorité étrangère destinataire est tenue de les respecter.

L'article 13 de la convention du 29 mai 2000 précitée traite également des échanges d'informations spontanés entre Etats membres dans le cadre des équipes communes d'enquête 39 ( * ) . Son paragraphe 9 ouvre aux Etats la faculté, et non l'obligation, de prévoir la possibilité pour un membre détaché auprès de l'équipe commune, de fournir à l'équipe des informations disponibles dans l'Etat membre qui l'a détaché . Son paragraphe 10 soumet l'utilisation d'une information recueillie par un membre ou un membre détaché dans le cadre de sa participation à une équipe commune d'enquête pour poursuivre d'autres infractions pénales, à l'accord de l'Etat dans lequel elle a été obtenue, sauf s'il existe un risque de mettre en danger l'enquête pénale en cours sur le territoire de ce dernier.

Ces dispositions ne constituent pas une innovation, des mécanismes d'échanges d'informations entre les services de police des Etats membres existant déjà aux termes de la convention d'application de l'accord de Schengen conclue le 19 juin 1990.

2. Le dispositif proposé par le projet de loi

Le texte proposé pour l'article 695694-9 ouvre au procureur de la République ou au juge d'instruction la possibilité, lorsque des conventions internationales les y autorisent, de communiquer aux autorités judiciaires étrangères des informations issues d'une procédure pénale en cours.

Toutefois, il permet à ces derniers d'assortir l'utilisation des renseignements fournis de conditions qu'ils déterminent. Comme l'indique l'étude d'impact, ce dispositif laisse toutes latitude à ces magistrats  « de décider si l'information transmise peut ou non être versée à la procédure étrangère ».

Ces échanges d'informations s'effectuent directement entre autorités judiciaires sans intermédiaire, ce qui paraît conforme aux dispositions prévues par le paragraphe 1 de l'article 6 de la convention du 29 mai 2000 précitée. Ce mécanisme constitue une dérogation à la règle du secret de l'instruction consacrée à l'article 11 du code de procédure pénale. Toutefois, seul ces échanges ne peuvent être effectués qu'entreun magistrats disposant de la faculté de communiquer une information relative à une procédure pénale en cours.

Chapitre II
Dispositions propres à l'entraide
entre les Etats membres de l'Union européenne

L'article 6 du projet de loi propose d'insérer un chapitre II regroupant des « dispositions propres à l'entraide entre les Etats membres de l'Union européenne », lequel serait divisé en trois sections respectivement relatives aux modalités de transmission et d'exécution des demandes d'entraide (article 695-1), aux équipes communes d'enquête (articles 695-2 et 695-3) et à l'unité Eurojust (articles 695-4 à 695-9).

Par souci de précision, votre commission vous propose également par un amendement en vue de modifier le l'intitulé du chapitre II pour faire référence à des « dispositions relatives à l'entraide entre la France et les Etats membres de l'Union européenne ».

Les dispositions figurant sous ce chapitre remplacent les actuels articles 695 et 696-1 du code de procédure pénale relatifs aux demandes d'entraide entre la France et les Etats européens parties à la convention d'application des accords de Schengen conclue le 19 juin 1990, qui constituait la base juridique la plus récente des demandes d'entraide effectuées au sein de l'espace européen, désormais dépassées du fait de l'adoption le 29 mai 2000 de la convention relative à l'entraide judiciaire en matière pénale précitée.

Article Article 695 du code de procédure pénale
Définition du champ d'application du chapitre II

L'article 695 créé par le projet a pour objet d'indiquer que le champ d'application du chapitre II concerne les demandes d'entraide entre la France et les autres Etats membres de l'Union européenne.

L'Assemblée nationale, à l'initiative du rapporteur de sa commission des Lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, a adopté un amendement rédactionnel supprimant la mention inutile selon laquelle il s'agit des demandes d'entraide présentées en application de la convention du 29 mai 2000 relative à l'entraide judiciaire en matière pénale.

Section 11
Transmission et exécution des demandes d'entraide
Article Article 695-1 nouveau du code de procédure pénale
Modalités de transmission et d'exécution des demandes d'entraide entre la France et les Etats membres de l'Union européenne

Transposant l'article 6 de la convention du 29 mai 2000, l'article  695-1 créé par le projet de loi a pour objet de poser le principe de la transmission directe des demandes d'entraide entre les autorités judiciaires compétentes, cette règle s'appliquant également au retour des pièces d'exécution.

Les modalités de transmission des demandes d'entraide entre les Etats de l'Union européenne ont évolué. La convention européenne d'entraide judiciaire du 20 avril 1959 prévoyait un mode de transmission centralisé entre chaque pays, la transmission directe étant toutefois prévue en cas d'urgence. Tout en autorisant la transmission directe, la convention d'application de l'accord de Schengen de 1990 n'a pas supprimé la faculté d'envoi par l'intermédiaire des ministères de tutelle, instaurant ainsi un système mixte.

L'article 6 de la convention du 29 mai 2000 consacre le principe de la transmission et de l'exécution directe des demandes d'entraide, le retour des pièces d'exécution devant suivre le même canal . Il constitue un progrès, l'article 53 de la convention d'application de l'accord (abrogé par l'article 2 de la convention du 29 mai 2000) n'ayant donné aux autorités judiciaires qu'une simple faculté de communiquer entre elles sans intermédiaire . La convention précitée précise que ces demandes peuvent être formulées par écrit mais également par tout moyen permettant d'en obtenir une trace écrite, ce qui autorise l'utilisation de la télécopie ou encore du courrier électronique.

Cet article prévoit toutefois des exceptions à ce principe en imposant que certaines demandes liées aux demandes de transfèrement temporaire ou de transit de détenus ainsi que les avis de condamnation soient transmis par des autorités centrales des Etats membres (paragraphe 8).

Actuellement , l'article 695 du code de procédure pénale relatif à la transmission des demandes d'entraide applicable entre la France et les Etats parties à l'accord de Schengen, en application de l'article 53 de la convention de Schengen précitée, donne compétence au procureur général du ressort de la cour d'appel pour transmettre les demandes d'entraide auprès des autorités judiciaires compétentes et assurer le retour des pièces. En pratique, bien que le passage obligatoire par le parquet général soit clairement affirmé, il n'est pas rare que les juges d'instruction reçoivent directement des demandes d'entraide. L'article 696 du code de procédure pénale confie au procureur général le soin d'assurer le retour des pièces dont l'exécution a été demandée en urgence sans qu'il soit nécessaire de passer par le ministère de la justice.

Force est de constater que ces dispositions paraissent désormais en décalage avec les exigences européennes relatives à la transmission directe des demandes d'entraide judiciaire.

Telle est la raison pour laquelle le projet de loi propose de modifier les règles en la matière en vue de mettre le droit français en conformité avec le cadre juridique défini par la convention du 29 mai 2000.

A la différence du dispositif prévu à l'article 694 du code de procédure pénale modifié par le projet de loi (voir supra ), il est proposé que le principe de la transmission et de l'exécution directes s'étende à toutes les demandes d'entraide sans que soit établie de distinction relative à leur degré d'urgence.

Il est prévu une dérogation relative à la clause de sauvegarde de l'ordre public et des intérêts essentiels de la Nation identique à celle énoncée pour les demandes d'entraide adressées par les Etats étrangers, le texte proposé pour l'article 695-1 renvoyant expressément aux dispositions de l'article 694-4 précédemment présentées.

Le projet de loi initial ne prévoyait pas d'autre dérogation particulière. Toutefois, rappelant opportunément que l'article 6 de la convention du 29 mai 2000 exigeait un passage obligatoire par l'intermédiaire des autorités centrales des transmissions d'avis de condamnation et de certaines demandes liées au transfèrement temporaire ou au transit des détenus , l'Assemblée nationale, à l'initiative de son rapporteur et avec l'avis favorable du Gouvernement, a adopté un amendement en vue de préciser que ce principe s'applique,  « sauf si une convention internationale en dispose autrement ». Votre commission des Lois vous propose d'améliorer ce dispositif en adoptant un amendement rédactionnel.

Les modalités pratiques de transmission d'entraide ainsi que les conditions d'exécution des actes des demandes d'entraide seraient identiques à celles applicables à tout Etat étranger (définies aux articles 694-1 à 694-3 insérés par le projet de loi) auxquelles le dispositif renvoie expressément.

Section 2
Des équipes communes d'enquête
Articles Articles 695-2 et 695-3 nouveaux du code de procédure pénale
Missions et compétences des agents détachés auprès d'une équipe commune d'enquête appelée à intervenir en France

Transposant l'article 13 de la convention relative à l'entraide judiciaire en matière pénale, les articles 695-2 et 695-3 créés par le projet de loi ont respectivement pour objet de définir le champ de compétence des agents étrangers détachés auprès d'une équipe commune d'enquête intervenant sur le territoire national et de préciser les modalités d'intervention des agents français détachés auprès d'une équipe commune d'enquête opérant dans un autre Etat membre.

L'article 13 de la convention du 29 mai 2000 précitée précise que les équipes communes d'enquête agissent sous la responsabilité d'un représentant de l'autorité compétente de l'Etat sur le territoire duquel l'opération se déroule, ajoutant que le droit de cet Etat régit les opérations d'enquête (paragraphe 3). Ainsi, la responsabilité de l'équipe changera si l'équipe effectue des enquêtes dans plusieurs Etats membres.

Lorsque les enquêtes ont lieu dans un Etat membre, la présence de membres d'une équipe détachés par un autre Etat membre est autorisée , sauf si le responsable de l'équipe en décide autrement « pour des raisons particulières » qui, selon le rapport explicatif de la convention, peuvent inclure des affaires relatives à des délits ou des crimes sexuels, notamment concernant les victimes mineures (paragraphe 5 de l'article 13). Les membres détachés peuvent accomplir des actes d'enquête dans l'Etat membre d'intervention conformément au droit national de ce dernier , sur instruction du responsable de l'équipe et sous réserve du consentement des autorités compétentes de l'Etat membre d'intervention et de celles de l'Etat membre à l'origine du détachement (paragraphe 6).

Ces règles ne font que prendre acte de la pratique, les premières équipes d'enquête ayant été mises en place dès janvier 2000 dans le cadre de la coopération franco-néerlandaise et franco-espagnole notamment dans la lutte contre le trafic de stupéfiants.

? Les cinq premiers alinéas du texte proposé pour l'article 695-2 définissent les pouvoirs des agents détachés auprès des équipes communes d'enquête appelés à intervenir sur le territoire français . Votre rapporteur vous propose un amendement de précision en vue d'indiquer clairement que le présent dispositif concerne les seuls agents étrangers . En effet, si la participation d'agents issus d'instances créées en vertu du traité sur l'Union européenne n'est pas à exclure, le dernier paragraphe de l'article 13 de la convention du 29 mai 2000 précitée précise que ces derniers auront essentiellement un rôle d'appui ou consultatif sans disposer des prérogatives des membres détachés auprès de l'équipe.

Ces agents étrangers seraient dotés de pouvoirs limitativement énumérés (premier alinéa de l'article 695-2) mais étendus à l'ensemble du territoire national.

Une partie de leurs attributions seraient identiques à celles des agents de police judiciaire énoncées à l'article 20 du code de procédure pénale dont le contenu est rigoureusement repris aux 1°, 2° et 3° du texte proposé pour l'article 695-2. Il s'agirait de :

- constater tous crimes, délits ou contraventions et d'en dresser procès-verbal, au besoin dans les formes prévues par le droit de leur Etat ;

- recevoir par procès-verbal les déclarations de toute personne susceptible de fournir des renseignements utiles à l'enquête ; le dispositif, soucieux de faire prévaloir le droit de l'Etat étranger, prévoyant prévoit même la possibilité de recevoir ces déclarations dans les formes prévues par le droit de leur Etat ;

- seconder les officiers de police judiciaire français dans l'exercice de leurs fonctions.

A l'instar des officiers de police judiciaire français désormais compétents sur le territoire national pour effectuer des opérations de surveillance liées à la criminalité organisée aux termes de l'article 706-80 créé par l'article premier du projet de loi, les agents étrangers détachés seraient également autorisés à procéder à des opérations de surveillance sur le territoire national (4° du texte proposé pour l'article 695-2).

Ces derniers, sous réserve d'y avoir été spécialement habilités, pourraient également réaliser des infiltrations dans les conditions prévues aux articles 706-81 et suivants. Dans cette hypothèse, la procédure serait assouplie puisque par dérogation au principe posé par les articles 694-7 et 694-8 précédemment présentés, l'accord des autorités judiciaires concernées (étrangères ou françaises selon le cas) ne serait pas requis (4° du texte proposé pour l'article 695-2).

L'antepénultième alinéa du texte proposé pour l'article 695-2 précise que la décision de création d'une équipe commune d'enquête relève de « l'autorité judiciaire territorialement compétente » . Notons également qu'aux termes de l'article 695-5 insérés par le projet de loi dans le code de procédure (voir infra ), le procureur général serait également compétent pour ordonner la mise en place d'une équipe commune d'enquête à la demande d'Eurojust agissant soit en tant que collège, soit par l'intermédiaire d'un de ses représentants nationaux.

La direction de l'enquête commune serait également dévolue à cette même autorité judiciaire , chargée de définir les missions susceptibles d'être confiées aux membres détachés, dans les conditions fixées par la décision-cadre du 13 juin 2002.

Ce dispositif propose une transposition du texte européen prenant en compte la spécificité du système français énoncée à l'article 12 du code de procédure pénale selon lequel  « la police judiciaire est exercée, sous la direction du procureur de la République, par les officiers de police, fonctionnaires et agents (...) ».

Outre deux amendements rédactionnels, l'Assemblée nationale, à l'initiative du rapporteur de sa commission des Lois, a adopté un amendement de forme en vue de substituer la référence à la décision-cadre du 13 juin 2002 relative aux équipes communes d'enquête à la mention relative à la convention européenne du 29 mai 2000 au motif que ce texte n'était pas encore applicable.

Si votre rapporteur approuve la philosophie du présent article, le dispositif proposé par le projet de loi paraît toutefois insuffisamment précis pour plusieurs raisons.

D'une part, il renvoie de manière trop générale « aux conditions fixées par la décision-cadre » sans en préciser la teneur. Telle est la raison pour laquelle votre commission vous soumet un amendement en vue de clarifier les règles applicables aux membres détachés auprès d'une équipe commune d'enquête appelée à intervenir sur le territoire et de simplifier la rédaction du texte proposé pour l'article 695-2.

Outre quelques améliorations rédactionnelles apportées aux cinq premiers alinéas, elle vous propose :

- d'indiquer plus clairement les modalités de création d'une équipe commune d'enquête appelée à intervenir en France. Tout en maintenant le principe selon lequel l'autorité judiciaire est compétente pour créer une équipe commune d'enquête, votre commission vous propose de prévoir que deux conditions s'imposent, respectivement relatives à l'accord préalable du ministère de la justice et au consentement des autres Etats membres concernés ;  cette dernière condition destinée à améliorer la lisibilité du dispositif viendrait se substituer à la référence aux conditions fixées par la décision-cadre du 13 juin 2002 ;

- de préciser les conditions dans lesquelles les autorités judiciaires sont compétentes pour créer une équipe commune d'enquête : lorsque l'affaire présent certaines spécificités (dans le cas d'enquêtes complexes ou nécessitant la mobilisation d'importants moyens concernant d'autres Etats membres ou encore lorsque ces enquêtes exigent une action coordonnée et concertée entre les Etats membres concernés) ;

- de préciser que les missions de police judiciaire sont exercées par les agents, sous la direction de l'autorité judiciaire compétente ;

- de distinguer les règles relatives à la création cette mention paraît conforme à la philosophie du code de procédure pénale, qui place la police judiciaire sous l'autorité du juge ;de celles relatives à la direction de ces équipes ;

- que le consentement de l'Etat membre ayant procédé au détachement auprès de l'équipe commune d'enquête de l'agent étranger est nécessaire pour lui permettre d'accomplir ses missions sur le territoire national, .

De plus, votre rapporteur vous propose dans ce même amendement de supprimer toute référence particulière aux textes européens relatifs aux équipes communes d'enquête. D'une part, comme l'a fort justement indiqué M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur du texte à l'Assemblée nationale, la référence à la convention du 29 mai 2000, ne paraît pas opportune, celle-ci n'étant pas encore applicable, ne paraît pas opportune. D'autre part, la mention relative à la décision-cadre du 13 juin 2002 précitée ne semble pas davantage appropriée, cette disposition étant appelée à deveniradoptée en vue d'anticiper caduque le jour de l'entrée en vigueur de la convention du 29 mai 2000 devant devenir caduque une fois cette convention entrée en application entrée en vigueur (article  5  de la décision-cadre), il ne paraît pas opportun d'y faire référence. De plusEnfin, le dispositif figurant sous un chapitre spécifiquement dédié à l'entraide entre les Etats membres de l'Union européenne , il paraît inutile, voire redondant, de se référer explicitement aux instruments européens dans le cadre desquels ils s'inscrivent.

L'avant-dernier alinéa du texte proposé pour l'article 695-2 tend à encadrer l'intervention des agents détachés en leur imposant de se conformer strictement aux opérations auxquelles ils participent . Il est également prévu qu'ils ne peuvent se voir déléguer les pouvoirs propres de l'officier de police judiciaire français, responsable de l'équipe commune d'enquête. Aucun pouvoir coercitif ne serait donc confié aux agents détachés, dont l'action serait contrôlée par l'officier de police judiciaire, responsable de l'équipe, et les magistrats .

Cette précaution du projet de loi paraît nécessaire eu égard à la jurisprudence du Conseil constitutionnel qui admet l'intervention d'agents étrangers sous réserve d'un strict encadrement.

Dans une décision n° 91-294 DC du 25 juillet 1991 relative à la loi autorisant l'approbation de la convention d'application de l'accord de Schengen, il n' a validé la procédure de poursuite transfrontalière qu'après avoir estimé qu'elle ne procédait pas à un « transfert de souveraineté » dans la mesure où les agents poursuivants ne disposaient pas d'un droit d'interpellation, non plus que de la possibilité d'entrer dans les domiciles et les lieux non accessibles au public.

Dans une décision n° 98-408 DC du 22 janvier 1999 relative au traité portant statut de la Cour pénale internationale, le juge constitutionnel a au surplus estimé que la possibilité pour le procureur de la Cour pénale internationale de procéder à certains actes d'enquête sur le territoire d'un autre Etat (tels l'inspection d'un site public ou tout autre lieu public ou le recueil de dépositions de témoins), sans la présence des autorités de l'Etat requis et sur le territoire de ce dernier, en dehors même du cas d'indisponibilité de l'appareil judiciaire national, était de « nature à porter atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté » et alors même que ces mesures étaient « exclusives de toute contrainte ».

Enfin, le dernier alinéa du texte proposé pour l'article 695-2 impose l'obligation de verser à la procédure française un original des procès-verbaux établis par les membres détachés, rédigé ou traduit en langue française .

? Le texte proposé pour l'article 695-3 créé par le projet de loi constitue le pendant de l'article 695-2 pour les agents français détachés auprès d'une équipe commune d'enquête 40 ( * ) .

Son premier alinéa précise le champla liste des personnes susceptibles d'être détachées auprès d'une équipe commune d'enquête et mentionne les officiers et les agents de police judiciaire. A l'instar des agents détachés par d'autres Etats membres et par dérogation aux articles 18 et 21-1 du code de procédure pénale, une compétence large leur est reconnue, étendue à tout le territoire de l'Etat sur lequel ils interviennent. En outre, lors des opérations prescrites par le responsable de l'équipe commune, ceux-ci ne peuvent pas disposer de pouvoirs plus étendus que ceux reconnus par le code de procédure pénale.

Son deuxième alinéa précise qu'il appartient à l'autorité judiciaire compétente pour créer et diriger l'équipe commune d'enquête de définir les missions dévolues à ces agents.

Outre un amendement rédactionnel, l'Assemblée nationale a, à l'initiative du rapporteur de sa commission des Lois, adopté un amendement tendant à remplacer la mention relative à la convention d'entraide du 29 mai 2000 non applicable par celle relative à la décision-cadre du 13 juin 2002.

Ce dispositif s'inspirant du dispositif proposé à l'article 695-2 ne paraît pas tenir compte de la diversité des situations au sein de l'Union européenne 41 ( * ) . Faisant référence à l'autorité judiciaire compétente pour créer et diriger une équipe commune d'enquête, il se contente de transposer la décision-cadre en fonction d'une logique française.

Il est apparu préférable de retenir une rédaction assez générale, pour s'adapter à la spécificité des différents régimes d'enquête au sein de l'Union européenne. Telle est la raison pour laquelle il vous est proposé de mentionner que les missions des agents français détachés sont définies par le représentant de l'autorité compétente de l'Etat membre d'intervention . Votre commission vous soumet donc un amendement en ce sens, inspiré des termes de la décision-cadre.

En effet, l'organisation française selon laquelle l'autorité judiciaire dirige l'enquête n'est pas forcément généralisable aux autres pays membres, de même que ceux-ci n'accorderont pas forcément la compétence de créer et de diriger les enquêtes à la même autorité.

En outre, comme précédemment et pour les mêmes raisons, votre commission vous soumet un amendement tendant à supprimer toute référence à la décision-cadre du 13 juin 2002 appelée à devenir caduque dès l'entrée en vigueur de la convention du 29 mai 2000 précitée. Plutôt que de viser un texte particulier susceptible de devenir obsolète ou caduc, il paraît préférable de faire référence au cadre juridique général de « l'équipe commune d'enquête » qui renvoie implicitement aux textes européens correspondants.

Section 3
De l'unité Eurojust
articles Articles 695-4 à 695-7 nouveaux du code de procédure pénale
Nature, mission et compétences de l'unité Eurojust

Transposant les articles de la décision du Conseil du 28 février 2002 instituant EUROJUST Eurojustdu 28 février 2002, les articles 695-4 à 695-7 insérés dans le code de procédure pénale par le I de cet article ont pour objet de définir la nature, les missions et les compétences dévolues à l'unité cette unitéEUROJUST.

Avant d'aborder l'analyse du dispositif proposé par le projet de loi, il paraît important de rappeler les activités exercées par EUROJUST Eurojust et les ses modalités d'intervention de cet organe.

LES ACTIVITÉS ACTIVITÉS EXERCÉES EXERCÉES PAR EUROJUST (extrait du premier rapport annuel du collège EUROJUST pour 2002 )

? Le traitement de cas
« Le traitement de cas est au coeur de l'activité d'd'Eurojust
(....). Les membres nationaux d'Eurojust et leurs assistants offrent aux autorités nationales chargées des enquêtes et des poursuites un service de résolution de problèmes « 24 heures sur 24 ». (...) La plupart des cas dont l'unité est saisie sont résolus par le biais de réunions entre les membres nationaux représentant les pays concernés. » (extrait du premier rapport annuel du collège Eurojust pour 2002).
Eurojust joue à cet égard un rôle double , opérationnel , en permettant aux autorités chargées des enquêtes et des poursuites d'échanger des informations concrètes sur des affaires en cours et stratégique , en engageant des actions en matière de criminalité internationale complexe nécessitant une coordination ou une expertise.

Selon le rapport annuel pour 2002, EUROJUST a Eurojust a traité 202 dossiers dont les trois quarts relèvent de cas bilatéraux. Entre janvier et juin 2003, 173 nouveaux dossiers lui ont été soumis à EUROJUST, ce qui témoignante ainsi d'e sa une montée en puissance progressive de cet organe.


Les catégories d'infractions soumises à Eurojust sont notamment :
- la fraude (30 %), qui recouvre la fraude fiscale, la fraude grave ou encore la fraude informatique, la fraude à la taxe sur la valeur ajoutée, l'atteinte aux intérêts financiers de la communauté ;
- le trafic de stupéfiants (16 %) ;
- le terrorisme (9 %) ;
- le trafic d'êtres humains et l'immigration clandestine (6 %) ;
- le blanchiment d'argent.


Parmi les exemples récents de cas traités, on peut notamment citer la pornographie enfantine, le blanchiment d'argent par la mafia russe, la contrebande d'alcool organisée.

? La création d'une base documentaire
Depuis 2002, Eurojust s'efforce de mettre en place une base de données automatisée munie d'un index sur les enquêtespersonnel.

? La résolution des problèmes en matière d'entraide judiciaire
Eurojust s'efforce de mettre en lumière les principaux problèmes en matière d'entraide pour formuler certaines améliorations possibles. Certains obstacles à l'entraide judiciaire ont été relevés, tels que les délais fréquents et excessifs dans l'exécution des commissions rogatoires, l'absence de coordination entre autorités compétentes pour les enquêtes et les poursuites, la lourdeur des procédures liées au traitement des commissions rogatoires internationales.

? Le texte proposé pour l'article 695-4 retranscrit dans le code de procédure pénale les dispositions de l'article premier et du paragraphe 1 de l'article 3 de la décision instituant Eurojust,EUROJUST respectivement relatifs d'une part, à la création et à la personnalité juridique et, d'autre part,et aux objectifs d'EUROJUSTd'Eurojust.

Se référant expressément à la décision du 28 février 2002, le dispositif proposé précise que l'unité EUROJUST Eurojust est un organe de l'Union européenne, doté de la personnalité juridique . Il en rappelle les modalités d'action en indiquant que cet organequ'elle agit par l'intermédiaire soit d'un collège soit d'un représentant national.

Il est également proposé de reproduire certains les principaux objectifs inscrits dans la décision-cadre assignés à cet organe par la décision-cadre relatifs à la promotion et à l'amélioration de la coordination et de la coopération entre les autorités compétentes des Etats membres de l'Union européenne dans toutes les enquêtes et poursuites relevant de sa compétence, c'est-à-dire celles concernant au moins deux Etats et portant sur les comportements criminels les plus graves.

L'Assemblée nationale, à l'initiative du rapporteur de sa commission des Lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, a adopté un amendement de précision du dispositif initial en vue de reproduire l'intégralité de l'intitulé de la décision du Conseil du 28 février 2002 ayant institué EUROJUSTEurojust.

L'inscription de ces dispositions dans le code de procédure pénale ne résulte pas d'une obligation juridique mais revêt une double dimension pédagogique et symbolique en vuedestinée à de marquer mettre en exergue toute l'importance de cet organe et sl'importanceon utilité de cet organe dans la lutte contre la grande criminalité. Considérant qu'il importe que les magistrats aient puissent facilement se reporter aux connaissance des textes qui régissdispositionsent cet organeles concernant, votre rapporteur souscrit pleinement à cette démarche.

Toutefois, il convient de noter que le projet de loi n'a repris que partiellement les missions d'EUROJUST visées par la décision du Conseil du 28 février 2002. Par souci de rigueur, votre rapporteur a jugé préférable de faire référence à tous les objectifs assignés à cet organe par le texte européen, en mentionnant la possibilité d'apporter son soutien à des enquêtes ou des poursuites concernant la France et un Etat tiers dans certains cas et la faculté dans certaines hypothèses d'apporter son soutien à des enquêtes ou des poursuites concernant le territoire national et la Communauté. Telle est la raison pour laquelle votre commission vous soumet un amendement en ce sens.

? Le texte proposé pour l'article 695-5 énumère les compétences d'EUROJUST d'Eurojust et mentionne en particulier la possibilité :

- de fournir au procureur général des informations relatives à des infractions dont elle a connaissance et de lui demander de diligenter une enquête ou de faire engager des poursuites (1°du texte proposé pour l'article 695-5) ;

- de demander au procureur général de dénoncer ou faire dénoncer des infractions aux autorités compétentes d'un autre Etat membre de l'Union européenne (2° du texte proposé pour l'article 695-5) ; il s'agit d'assurer l'information réciproque des autorités compétentes des Etats membres sur les affaires en cours en Francesur le territoire français ayant un lien dans d'autres pays membres ;

- de solliciter demander leau procureur général de mettre en placela mise en place d' une équipe commune d'enquête (3° du texte proposé pour l'article 695-5) ;

- de demander au procureur général ou au juge d'instruction de lui communiquer des informations indispensables à l'accomplissement de ses missions (4° du texte proposé pour l'article 695-5). La référence au procureur général ou au juge d'instruction résulte d'un amendement de l'Assemblée nationale présenté par le rapporteur de sa commission des Lois, ayant recueilliavec l'avis favorable du Gouvernement Gouvernement, qui qui a jugé préférable de viser avec précision les magistrats directement concernés plutôt que de faire référence aux autorités judiciaires. Par coordination avec cette modification, l'Assemblée nationale a supprimé le les dispositions devenues inutiles figurant au dernier alinéa du texte proposé pour l'article 695-5 relatif aux modalités d'exécution par les autorités judiciaires des demandes et des informations adressées par eEurojust devenu inutile.

Cette énumération reprend en substance le contenu des articles 6 et 7 de la décision du Conseil du 8 février 2002 respectivement relatifs aux compétences d'Eurojust exercées par l'intermédiaire des membres nationaux et à celles exercées en tant que collège.

La formulation retenue par le texte européen semble marquer une différence en fonction de l'organe intervenant pour le compte d'eEurojust, le collège agissant au nom et pour le compte de cette unité semble semblant détenir des pouvoirs plus étendus contraignants que ceux conférés au représentant national. Le projet de loi n'établit pas en revanche de distinction particulière selon qu'eEurojust agit en tant que collège ou par l'intermédiaire d'un de ses représentants nationaux.

? Le texte proposé pour l'article 695-6 concerne le cas d'un refus des autorités d'un Etat membre d'accomplir les actes demandés par l'intermédiaire du collège d'eEurojust .

Ainsi, le premier alinéa du texte proposé pour l'article 695-6 , transposant l'article 8 de la décision du Conseil, soumet le procureur général ou le juge d'instruction à l'obligation d' informer l'unité permanente de son refus de donner suite à ses demandes et de motiver sa décision (premier alinéa). Ce dispositif s'appliquerait à toutes les demandes susceptibles d'être formulées par eEurojust (entreprendre une enquête ou des poursuites, mettre en place une équipe commune d'enquête, communiquer des informations).

Le second alinéa du texte proposé pour l'article 695-6, fidèle au texte européen, prévoit toutefois une dérogation à cette obligation de motivation, applicable à toutes les demandes, à l'exception de celles relatives à la mise en place d'une équipe commune d'enquête, en cas d'atteinte à la sécurité de la Nation, au bon déroulement d'une enquête en cours ou à la sécurité d'une personne pour toutes les demandes à l'exception de celles relatives à la mise en place d'une équipe commune d'enquête.

Le projet de loi a ajouté une exigence supplémentaire par rapport à la décision du Conseil en imposant aux autorités françaises de remplirl'obligation d'informer ces obligations Eurojust dans les meilleurs délais , ce qui paraît souhaitable.

En outre, il convient de noter que le projet de loi laisse une grande marge d'appréciation aux autorités compétentes de l'Etat requis, qui sont libres de décider ou non de répondre une demande formulée par eEurojust en tant que collège. Toutefois, il est permis de penser que l'obligation de motiver un refus permettra d'écarter des décisions de refus dénuées desans motif légitimevalable.

Le projet de loi ne prévoit aucune obligation similaire s'agissant des demandes formulées par le membre national agissant, seul ou avec d'autres membres nationaux, au nom et pour le compte d'eEurojust. A cet égard, le texte n'impose aux autorités compétentes requises aucune obligation similaire pour les demandes formulées par l'intermédiaire de leurs représentants nationaux.

Une telle asymétrie entre les pouvoirs dévolus au collège EUROJUST Eurojust et ceux conférés au membre national mis à sa disposition ne paraît pas justifiée. Il paraît important de doter les membres nationaux agissant pour le compte d'EUROJUST d'Eurojust de prérogatives suffisantes pour leur permettre d'exercer leurs missions dans de bonnes conditions. En outre, la motivation du refus pourrait leur fournir d'utiles indications sur les raisons avancées parde l'Etat requis.

Comme l'indique une note de réflexion du 14 juin 2002 publiée par le secrétariat général du Conseil de l'Union européenne en vuepour d'assister les Etats membres en vue de la transposition en droit interne des dispositions relatives aux compétences des membres nationaux 42 ( * ) , « si la décision instituant eEurojust constitue un minimum auquel les Etats membres doivent donner un effet utile, rien n'empêche un Etat membre d'aller au-delà et de prévoir dans sa loi nationale de transposition que les demandes faites par EUROJUST pEurojust par l'intermédiaire de son membre national ont ont, en ce qui concerne ses autorités compétentes, un caractère plus contraignant ».

Telle est la raison pour laquelle votre commission, soucieuse d'harmoniser les règles applicables au collège et celles applicables aux représentants nationaux et de promouvoir une transposition ambitieuse d'EUROJUSTd'Eurojust, vous propose par un amendement de généraliser à toutes des les demandes formulées par el'unité permanenteurojust , quelle qu'en soit l'origine , y compris celles exprimées par l'intermédiaire du représentant national , l'obligation imposée aux autorités sollicitées de motivation motiver des leurs décisions de refus imposée aux autorités sollicitées.

? Transposant le paragraphe g de l'article 6 de la décision du Conseil du 28 février 2002, le texte proposé pour l'article 695-7 prévoit la possibilité pour eurojustEurojust , dans le cadre de sa mission de coordination entre les Etats membres, de transmettre aux autorités requises d'un autre Etat membre une demande d'entraide nécessitant son intervention en vue d'une exécution coordonnée dans plusieurs Etats membres. Il est précisé que cette transmission s'effectue par l'intermédiaire du représentant national de l'Etat concerné . Comme l'illustre l'étude d'impact jointe au projet de loi, un tel dispositif pourrait trouver à s'appliquer dans le cas de perquisitions menées simultanément dans plusieurs Etats membres.

Section 4
Du représentant national auprès d'Eurojust
articles Articles 695-8 et 695-9 nouveaux du code de procédure pénale
Statut et compétences du représentant national aauprès d'EUROJUSTuprès d'Eurojust

1. Le cadre juridique défini par la décision du Conseil du 28 f février 2002

Conformément aux articles 2 et 9 de la décision du Conseil du 28  février 2002, le statut des membres nationaux détachés auprès d'EUROJUST d'Eurojust relève du droit de chaque Etat membre. Il revient en effet à chaque Etat membre de définir la nature et l'étendue des pouvoirs judiciaires qui lui sont conférés sur son propre territoire ainsi que la durée de son mandat, sous réserve que cette duréecelle-ci soit « de nature à permettre un bon fonctionnement d'eEurojust » . Le Conseil de l'Union européenne a souligné la nécessité de doter les membres national nationaux d'un statut lui leur permettant de nouer « des rapports de confiances avec leurs collègues de l'Etat d'origine, quel que soit leur niveau hiérarchique » 43 ( * ) .

Comme l'indique la note de réflexion précitée du 14 juin 2002 destinée à fournir des indications aux Etats membres en vue de la transposition de la décision du Conseil du 28 février 2002, il convient de distinguer trois hypothèses différentes dans desquelles lesquelles un membre national est susceptible d'intervenir :

- le représentant national agissant, seul ou avec d'autres membres nationaux, au nom et pour le compte d'eEurojust ;

- le représentant agissant à travers le collège au nom et pour le compte dd'Eurojust'EUROJUST ;

- le représentant national agissant en son nom et pour le compte de son Etat membre.

Les dispositions figurant sous la section 4 du titre X du livre IV du code de procédure pénale s'inscrivent dans cette dernière hypothèse.

Tout en laissant une latitude à chaque pays membre, le textela décision du Conseil du 28 février 2002 précitée mentionne définit néanmoins un socle minimal de compétences communes susceptibles d'être dévolues à tous les membres nationaux. A cet égard, il prévoit :

- que les membres nationaux sont seuls compétents pour recevoir les informations échangées entre Eurojust EUROJUST et les Etats membres (paragraphe 2 de l'article 9) ;

- qu'ils ont accès à l'information contenue dans le casier judiciaire national ou dans tout autre registre de leur Etat d'origine auquel ont accès susceptible d'être consulté par les autorités judiciaires ou de police conformément au droit de chaque pays ;

- qu'ils peuvent entrer directement en contact avec les autorités compétentes de leur Etat membre.

Comme le met en exergue la note de réflexion du 14 juin 2002 précitée, « il s'ensuit qu'il pourrait y avoir une asymétrie assez forte entre les pouvoirs dont disposent les membres nationaux, qu'il n'est pas exclu que certains membres nationaux disposent individuellement de pouvoirs plus étendes étendus qu'EUROJUST qu'Eurojust en tant que telle ». Selon ce document, une triple option s'offre ainsiest ouverte aux Etats membres, lesquels ont qui ont le choix de doter leur membre national :

- soit de pouvoirs d'intensité faible ne revêtant aucun caractère contraignant tels que la possibilité de demander d'accomplir certains actes d'information ou d'instruction ou d'inviter plusieurs autorités à se coordonner ;

- soit de pouvoirs d'intensité moyenne avec une possibilité pour celui-cile membre national d'enjoindre aux autorités de son Etat d'accomplir certains actes d'information ou d'instruction, voire de les accomplir lui-même ;

- soit de pouvoirs accrus avec un droit d'exercer lui-même l'action publique et d'accomplir tous les actes nécessaires.

Selon les informations fournies à votre rapporteur, seuls l'Espagne et le Portugal s'apprêteraient à conférer à leur membre national détaché auprès d'eEurojust des pouvoirs analogues à ceux dévolus à un procureur national. Il semblerait qu'en revanche les autres pays membres de l'Union européenne s'orientent vers une transposition similaire à celle effectuée par la France, . Notons que qui est ula France nest toutefois le des premiers pays à mettre son droit en conformité avec els les exigences européennes.

2. Le dispositif de transposition proposé par le projet de loi

? Le texte proposé pour l'article 695-8 inséré dans le code de procédure pénale par le I de l'article 6 définit le statut du représentant national auprès d'eEurojust .

Son premier alinéa précise les conditions de nomination du représentant national auprès d'EUROJUST d'Eurojust, lequel est choisi parmi les magistrats hors hiérarchie . Seul un magistrat disposant d'une certaine ancienneté et ayant acquis une longue expérience pourrait donc accéder à ce poste. Tel est d'ailleurs le cas de M. Olivier de Baynast, représentant désigné pour la France. La durée de son mandat serait fixée à trois ans .

L'Assemblée nationale, à l'initiative de sa commission des Lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, a précisé que ce magistrat était mis à la disposition d'eEurojust par arrêté du ministre de la justice et non pas « nommé par arrêté du ministre de la justice » comme le prévoyait le projet de loi initial.

Cette modification paraît pleinement justifiée. En effet, Ooutre qu'une nomination de magistrat résulte toujours d'un décret du Président de la République et non d'un arrêté du ministre de la justice, la position statutaire visée par le projet de loi ne pouvait être assimilée à une simple nomination au sein de l'institution judiciaire françaisedans une juridiction, mais relevait plutôt d'une mise à disposition au profit d'un autre organe .

Le régime de la mise à disposition constitue une modalité particulière de l'activité de magistrat et désigne la situation d'un fonctionnaire qui demeure dans son corps d'origine, en perçoit la rémunération correspondante (tout en étant réputé occuper son emploi) mais effectue son service dans une autre administration que la sienne ou auprès d'organisations internationales intergouvernementales ou d'organismes à caractère associatif assurant des missions d'intérêt général.

LLes règles prévues par le projet de loi paraissent conformes au cadre légal de la mise à disposition. L'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature se borne à renvoyer aux dispositions de la fonction publique de l'Etat, sous réserve qu'elles soient conformes au statut de la magistrature 44 ( * ) . Il y a donc lieu de se reporter aux articles 41 à 44 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, complétée par le décret du 16 septembre 1985.

On dénombre actuellement près d'une cinquantaine de magistrats placés dans cette position, exerçant des fonctions notamment auprès de cabinets ministériels ou dans le domaine international 45 ( * ) .

Le second alinéa du texte proposé pour l'article 695-8 soumet le représentant national à l'autorité hiérarchique du garde des Sceaux en renvoyant expressément aux dispositions de l'article 36 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi du 24 août 1993 46 ( * ) , qui permet au ministre de la justice de « dénoncer au procureur général les infractions à la loi pénale dont il a connaissance, lui enjoindre par instructions écrites et versées au dossier de la procédure, d'engager ou de faire engager des poursuites ou de saisir la juridiction compétente de telles réquisitions écrites que le ministre juge opportunes ». Cette disposition paraît opportune, la nature des affaires pénales entrant dans le champ d'Eurojust d'Eurojust pouvant justifier l'intervention du ministère de la justice en vue d'assurer un traitement efficace de ce type de délinquance sur le territoire national et de garantir une l'homogénéité de la politique pénale française, préalable indispensable à la coopération judiciaire au niveau européenà l'échelle européenne.

Votre commission vous soumet un amendement destiné à tenir compte de la renumérotation de l'article 36 du code de procédure pénale qui vous sera proposée ultérieurement, dont le contenu sera déplacé à l'article 30 du code de procédure pénale.

? Le texte proposé pour l'article 695-9 inséré dans le code de procédure pénale par le I de l'article 6 énumère les pouvoirs judiciaires dévolus au représentant national auprès d'EUROJUSTd'Eurojust .

Comme le relève d'ailleurs l'étude d'impact, le texte propose sur ce point une transposition minimale de la décision du Conseil, et se borneant à attribuer au représentant national détaché auprès d'EUROJUST d'Eurojust des pouvoirs judiciaires restreintsstrictement limités au territoire national. Il s'agit de : en lui ouvrant :

- la possibilité, dans le cadre de sa mission, d'accéder aux informations du casier judiciaire national et des fichiers de police judiciaire tels que le système d'information de Schengen ou le système de traitement des infractions constatées (STIC) (premier alinéa du texte proposé pour l'article 695-9) ;

- la faculté de demander aux magistrats des informations relatives à une procédure en cours nécessaires à l'accomplissement de sa mission et sans que le secret de l'instruction puisse lui être opposé. En vue de rendre ce pouvoir effectif, le projet de loi énumère limitativement les motifs susceptibles de justifier un refus de l'autorité judiciaire sollicitée de répondre à une demande. Il  mentionne le cas d'une affaire susceptible de porter atteinte à l'ordre public ou aux intérêts essentiels de la Nation. Le texte prévoit en outre une possibilité pour l'autorité judiciaire sollicitée de différer une communication de renseignements pour des motifs opérationnels afin de protéger les investigations en cours. Outre un amendement rédactionnel, votre commission vous propose un amendement tendant à préciser ce que recouvre cette dernière hypothèse en substituant à l'expression relative « aux investigations en cours » celle relative « au bon déroulement d'une enquête en cours ou à la sécurité d'une personne ».

On observera que le champ des demandes susceptibles d'être adressées par le membre national agissant en son nom propre, cantonné limité au domaine de l'information, s'avère donc limité, ne recouvrant e que très partiellement les compétences dévolues à Eurojusten tant qu'organe.

Au cours de son audition devant votre commission des Lois le 17 juin dernier, le garde des Sceaux a expliqué la modestie des pouvoirs dévolus au membre national détaché auprès d'EUROJUST d'Eurojust par le fait que cet organecette unité s'inscrivait avait vocation à s'inscrire dans le cadre d'une évolution progressive vers la création d'un parquet européen. Ainsi, une solution plus ambitieuse aurait pu être envisagée, consistant à assimiler le représentant national à un procureur général compétent sur tout le territoire national et disposant de véritables pouvoirs opérationnels tels que le la possibilité de recevoir et de transmettre les informations relatives aux enquêtes de l'office européen de lutte anti-fraude (OLAF)l'OLAF, d'assurer lui-même l'exécution d'une commission rogatoire, par exemple pour l'interception des télécommunications sur le territoire national, ou encore pour geler des avoirs dans certaines situations d'urgence. Tel n'a pas été le choix du projet de loi.

Soucieux de faciliter l'exercice des missions dévolues à EUROJUST Eurojust, et de conforter le rôle du membre national français auprès d'eEurojust et d'en élargir les compétences, votre rapporteur vous propose de compléter ce le projet de loi dispositif par innovations consistant à :

- créer une obligation d'information au profit du membre national à la charge du procureur général lorsque des affaires concernent au moins trois Etats membres et sont susceptibles d'entrer dans le champ de compétence d'Eurojust ; outre, qu'un tel ajout revêt une dimension pédagogique destinée à sensibiliser les magistrats français à l'importance de la coopération judiciaire, il paraît en effet important de rechercher les moyens les plus efficaces permettant d'assurer la fluidité des échanges entre les autorités judiciaires compétentes et EEurojust ; l'Italie a d'ailleurs prévu une disposition similaire dans le projet de loi de transposition déposé en conseil de ministres en juillet dernier ;

- donner compétence au membre national pour recevoir et transmettre des informations relatives aux enquêtes de l'office européen de lutte anti-fraudel'OLAF ; cette disposition est destinée à répondre à l'objectif inscrit au paragraphe 4 de l'article 26 de la décision du Conseil du 28 février 2002 selon lequel « les Etats membres veillent à ce que les membres nationaux d'Eurojustd'EUROJUST soient considérés comme des autorités compétentes des Etats membres » en ce domaine pour les enquêtes effectuées par l'OLAF. L'OLAF Cet organe constitue un service administratif d'enquête ayant compétence pour transmettre aux autorités judiciaires des Etats membres toute information relative à des faits susceptibles de donner lieu à une infraction pénale. A cet égard, le membre national apparaît comme une passerelle utile entre cet organe et les parquets compétents.

Votre commission vous soumet donc deux amendements ayant pour objet respectifs de proposer d'enrichir le projet de loi par ces différentes dispositionsen ce sens.

Chapitre III
Dispositions propres à l'entraide entre la France et certains Etats
Article 695-10 du code de procédure pénale
Extension de l'aApplication à d'autres Etats étrangers des règles relatives
à la transmission directe des demandes d'entraide
et à la création des équipes communes d'enquête

Le texte proposé pour l'article 695-10 inséré dans le code de procédure pénale par le I de cet article a pour objet d'appliquer à des pays non membres de l'Union européenne les règles relatives à la transmission directe des demandes d'entraide entre la France et les autres Etats membres de l'Union européenne et à la création des équipes communes d'enquête figurant respectivement sous les sections 1 et 2 du chapitre II du titre X du livre IV du code de procédure pénale, sous réserve que les Etats concernés soient partieaient conclu avec la France à une convention comportant des stipulations similaires à celles de la convention du 29 mai 2000 prelative à l'entraide judiciaire en matière pénalerécitée.

L'élargissement à d'autres pays non membres de l'Union européenne paraît opportune et permettrait ainsi aux Etats-Unis de participer aux équipes communes d'enquête ou encore à des pays tels que la Suisse, la Norvège ou l'Islande de bénéficier des formes techniques modernes d'entraide judiciaire instituées dans le cadre de l'Union européenne.

Par un amendement , votre commission vous propose de compléter le dispositif proposé pour le titre X du livre IV du code de procédure pénale, afin d'y insérer des dispositions relatives à l'extradition . Il lui a en effet paru opportun à l'occasion de l'examen du présent projet de loi :

- de mettre en place une procédure courte de l'extradition en cas de consentement de la personne réclamée à son extradition ;

- d'introduire dans notre droit les stipulations des conventions du 10 mars 1995 et du 27 septembre 1996 signées dans le cadre de l'Union européenne ;

- enfin, de codifier la loi du 10 mars 1927 relative à l'extradition ainsi modifiée au sein du code de procédure pénale.

? Le paragraphe II de l'article 6 du projet de loi opère une simple coordination en proposant de supprimer les dispositions relatives à l'utilisation de moyens de télécommunications au cours de la procédure pour l'exécution de demandes d'entraide émanant des autorités judiciaires étrangères, appelées à figurer au premier alinéa de l'article 694-5 inséré dans le code de procédure pénale par leaux termes du projet de loi.

? Le paragraphe III de l'article 6 du projet de loi a pour objet d'abroger l'article 30 de la loi du 10 mars 1927 relative à l'extradition dont le contenu serait modernisé et repris à l'article 694 du code de procédure pénale réécrit par le projet de loi. Votre commission vous proposera dans un article additionnel après l'article 6 de supprimer la loi du 10 mars 1927. Par conséquent, elle vous propose par un amendement de supprimer le présent paragraphe.

Sous réserve des observations précédemment formulées et des amendements qu'elle vous a soumis, votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 6 ainsi modifié .

Article additionnel après l'article 6
(Loi du 10 mars 1927)
Abrogation de la loi relative à l'extradition

Votre commission vous soumet un amendement tendant à insérer un article additionnel après l'article 6 pour abroger la loi du 10 mars 1927 relative à l'extradition par coordination avec la décision d'insérer les dispositions de cette loi au sein du code de procédure pénale.

Article additionnel après l'article 6
(Art. 113-8-1 nouveau du code pénal)
Jugement en France des personnes dont l'extradition est refusée

Votre commission vous soumet un amendement tendant à insérer un article additionnel après l'article 6, afin de prévoir dans le code pénal la compétence des juridictions françaises pour juger un étranger lorsque la France a refusé son extradition, soit parce que l'infraction était punie dans le pays requérant d'une peine contraire à l'ordre public français, soit parce que la personne avait été jugée par un tribunal n'assurant pas la garantie des droits de la défense.

* 4 Rapport n° 134 (1991-1992).

* 5 JOAN, 1 ère séance du22 mai 2003, p. 4024.

* 6 CEDH Kostovski,25 octobre 1989.

* 7 CEDH Doorson C. Pays-Bas, 20 février 1996.

* 8 JOAN, 1 ère séance du 22 mai 2003, p. 4026.

* 9 CEDH Van Mechelen et autres c. Pays-Bas, 18 mars 1997.

* 10 JOAN, 1 ère séance du 22 mai 2003, p. 4035.

* 11 JOAN, 1 ère séance du 22 mai 2003, p. 4035.

* 12 Votre rapporteur, accompagné de MM. José Balarello et Robert Bret, s'est rendu à Rome les 4 et 5 juin 2003 pour y étudier les règles relatives aux collaborateurs de justice. Accompagné de MM. Robert Bret, Michel Dreyfus-Schmidt, Pierre Fauchon, Patrice Gélard et Georges Othily, il s'est rendu à Washington du 9 au 12 septembre 2003.

* 13 En 1995 et 1996,  le Conseil de l'Union européenne a en effet adopté deux conventions respectivement relatives à l'instauration d'une procédure simplifiée d'extradition lorsque la personne réclamée consent à sa remise et à la modification des conditions de fond de l'extradition. Notons toutefois que ces deux conventions ne sont toujours pas entrées en vigueur en raison d'un nombre de ratifications insuffisant.

* 14 La France, précurseur en la matière, a créé des postes de magistrats de liaison dès 1993. Sept magistrats français exercent actuellement ces fonctions non seulement au sein de l'Union européenne mais également au Maroc et aux Etats-Unis.

* 15 Ce réseau est constitué de points de contact nationaux relayés, dans les Etats les plus vastes, par des points de contacts régionaux. En France par exemple, un correspondant nommé par le procureur général est désigné au sein de chaque cour d'appel.

* 16 Contrairement aux conventions, l'entrée en vigueur de ces actes n'est soumise ni à leur approbation ni à leur ratification par les Etats membres. Toutefois, à la différence d'une directive, une décision-cadre n'a pas d'effet direct, mais, comme elle, doit faire l'objet d'une transposition.

* 17 Pour lutter contre la criminalité organisée, cCe protocole, issu d'une proposition déposée par la France, contient des dispositions relatives au recueil d'informations sur les comptes et transactions bancaires et pose le principe de l'inopposabilité du secret bancaire aux demandes d'entraide judiciaire.

* 18 Notons qu'aux termes de la convention du 29 mai 2000 (article 2), certaines dispositions de la convention d'application de Schengen restent en vigueur, tandis que d'autres sont abrogées.

* 19 Qui avaient précédemment adhéré à la convention de Schengen.

* 20 Rapport explicatif concernant la convention du 29 mai 2000 relative à l'entraide judiciaire en matière pénale entre les Etats membres de l'Union européenne - Journal officiel des Communautés européennes du 29 décembre 2000 - C 379/7.

* 21 Article 27 de cette convention.

* 22 En 2002, le budget d'Eurojust s'est élevé à 3,5 millions d'euros.

* 23 Notons que cette décision-cadre deviendra caduque le jour de l'entrée en vigueur de la convention du 29 mai 2000 relative à l'entraide judiciaire en matière pénale dans tous les Etats membres (article 5 de la décision-cadre du 13 juin 2002).

* 24 Il pourra par exemple s'agir en France d'officiers ou d'agents de police judiciaire ou encore d'officiers de douane judiciaire.

* 25 Cette expression désigne un membre d'une équipe commune qui n'intervient pas sur le territoire de l'Etat membre qui l'a détaché.

* 26 Cette Convention composée de représentants des gouvernements des Etats membres, des parlements nationaux et de la Commission européenne a travaillé pendant près d'un an.

* 27 Rapport n° 235 (Sénat, 20020-20031) de M. Pierre Fauchon - p. 16.

* 28 Voir rapport n° 82 (Sénat, 20022001-20032) de M. Pierre Fauchon - p. 18.

* 29 Voir rapport n° 126 (Sénat, 2002-2003) de M. Pierre Fauchon - p. 39.

* 30 La commission rogatoire internationale est une demande adressée par l'autorité judiciaire d'un Etat à celle d'un pays étranger aux fins d'accomplir en son nom et pour son compte une mesure d'instruction en son nom et pour son compte.

* 31 Voir article 694-2 commenté ci-après selon lequel le juge d'instruction exécute les demandes lorsque les actes de procédure sont ordonnés dans le cadre d'une instruction préparatoire, tandis qu'il revient au procureur de la République de répondre aux autres demandes.

* 32 Voir le commentaire de l'article 694-4 (infra) qui prévoit que le procureur de la République sollicité doit dans ce cas faire suivre la demande au procureur général lequel peut, à son tour, saisir le ministère de la justice et en aviser le juge d'instruction.

* 33 « Les autorités de l'Etat membre en informent sans délai les autorités de l'Etat membre requérant et indiquent les conditions dans lesquelles la demande pourrait être exécutée. Les autorités de l'Etat membre requérant et de l'Etat membre requis peuvent ultérieurement s'accorder sur la suite à réserver à la demande, le cas échéant en la subordonnant au respect desdites conditions. »

* 34 Voir supra, commentaire du troisième alinéa de l'article 694-1 créé par le projet de loi.

* 35 Cet article figure au titre XXIII, consacré à l'utilisation de moyens de télécommunications au cours de la procédure du livre IV du code de procédure pénale, relatif à quelques procédures particulières.

* 36 Rapport explicatif précité publié -C 379/1 publié en décembre 2000.

* 37 Par exemple, une infraction susceptible de donner lieu à extradition est une infraction punie par la loi de l'Etat membre requérant d'une peine privative de liberté ou d'une mesure de sûreté privative de liberté d'un maximum d'au moins un an, et par la loi de l'Etat membre requis d'une peine privative de liberté ou d'une mesure de sûreté privative d'un maximum d'au moins six mois.

* 38 Voir supra commentaire de l'article premier du projet de loi.

* 39 Voir infra, commentaire des articles 695-2 et 695-3 transposant les dispositions de l'article 13 de la convention du 29 mai 2000 précitée relatif aux équipes communes d'enquête.

* 40 On rappellera qu'il peut s'agir d'officiers et d'agents de police judiciaire ou encore d'officiers de douane judiciaire.

* 41 Selon les informations fournies à votre rapporteur, il semble par exemple qu'au Royaume-Uni, les équipes communes d'enquêtes seront dirigées par la police (Chief Constable).

* 42 Note de réflexion du secrétariat général du Conseil - 14 juin 2002 - document 9404/02 - JAI 107 - Eurojust 16Note du secrétariat général du Conseil de l'Union européenne - 6404/02 - 14 juin 2002..

* 43 Note de réflexion du secrétariat général du Conseil - 14 juin 2002 - document 9404/02 - JAI 107 - Eurojsut 16précitée - p. 8.

* 44 Article 68 de l'ordonnance du 22 décembre 1958.

* 45 Tel est par exemple le cas des magistrats de liaison mis à la disposition du ministère des affaires étrangères.

* 46 Loi n° 93-1013 du 24 août 1993 portant réforme de la procédure pénale.

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