EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 22 octobre 2003 , sous la présidence de M. Jean Arthuis, président , la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Philippe Marini, rapporteur général , sur le projet de loi n° 5 (2003-2004), adopté par l'Assemblée nationale, portant règlement définitif du budget de 2002 .

Procédant à l'aide d'une vidéo-projection, M. Philippe Marini, rapporteur général, a estimé que le projet de loi portant règlement définitif du budget 2002 constituait le quitus comptable du premier budget en euros et qu'il facilitait l'examen, en amont, du projet de loi de finances 2004, en mettant notamment en lumière les aléas de l'exécution budgétaire.

Il a rappelé que le taux de croissance effectif pour l'année 2002 avait été deux fois plus faible que la prévision initiale du gouvernement de M. Lionel Jospin (1,2 % contre 2,5 %). Cette situation française n'était cependant pas exceptionnelle en Europe et s'expliquait en partie par un recul très fort de l'investissement (-1,4 % par rapport à 2001).

Au plan budgétaire, il a mis en évidence une dégradation du solde budgétaire de près de 20 milliards d'euros entre la loi de finances initiale, qui prévoyait un déficit de 30,4 milliards d'euros, et le projet de loi de règlement, qui actait un déficit de 49,3 milliards d'euros. Il a expliqué cet écart par une diminution des recettes de l'ordre de 9,3 milliards d'euros, dont 2,5 milliards d'euros au titre de la baisse de l'impôt sur le revenu décidée par le gouvernement de M. Jean-Pierre Raffarin et dont il a regretté qu'elle n'ait pas été gagée par des économies de dépenses, et par une dérive des dépenses de l'ordre de 5,5 milliards d'euros.

Il s'est cependant félicité des orientations fixées par le nouveau gouvernement dès juillet 2002 : contenir la dépense, avec la mise en place d'une régulation budgétaire et la compensation systématique des ouvertures de crédits par des annulations dans le collectif de décembre, et engager sans délai une politique de baisse des prélèvements obligatoires, par la baisse de l'impôt sur le revenu dans le collectif d'été.

Revenant plus précisément sur la forte diminution des recettes, Philippe Marini, rapporteur général, a expliqué la surévaluation des recettes fiscales -250,4 milliards d'euros prévus en loi de finances initiale contre 240,2 milliards d'euros inscrits dans le projet de loi de règlement- par les prévisions volontaristes du gouvernement en matière, d'une part, de croissance et, d'autre part, d'élasticité des recettes fiscales à la croissance. Les recettes non fiscales avaient également été surévaluées : 37,9 milliards d'euros prévus en loi de finances initiale, contre 35,4 milliards d'euros en projet de loi de règlement.

S'agissant des dépenses, il a fait apparaître le fort dérapage de la norme de progression des dépenses en 2002 : la progression en volume fixée en loi de finances initiale était de 0,5 %, or la progression réelle avait été de 1,9 %. Pour la première fois depuis 1997, les reports de crédits sur l'exercice suivant étaient inférieurs aux reports de l'exercice précédent.

Il a estimé que le déficit budgétaire acté par la loi de règlement pour 2002, soit 49,3 milliards d'euros, était doublement historique : c'était, en valeur absolue, le déficit le plus élevé jamais enregistré depuis 1993, mais aussi celui qui s'éloignait le plus de la prévision initiale. S'agissant de la dette de l'Etat, M. Philippe Marini, rapporteur général, a mis en évidence une augmentation régulière de l'endettement de l'Etat en valeur absolue depuis 1993, quelles que soient l'équipe gouvernementale et la conjoncture.

Il a constaté que le besoin de financement des administrations publiques à la fin de l'année 2002 était, pour la première fois depuis l'entrée en vigueur du traité de Maastricht, supérieur à 3 % du PIB. Quant à la part de la dette publique dans le PIB, après quatre années de baisse, elle repartait à la hausse, s'établissant à 59 % du PIB.

En conclusion, il a estimé, au plan méthodologique, que la loi de finances initiale pour 2002 devait constituer un contre-exemple - en raison d'une prévision de croissance irréaliste, de recettes surestimées, et de dépenses mal évaluées-, ce qui consistait un utile rappel avant l'examen du projet de loi de finances pour 2004. Il a regretté que la précédente législature, favorisée par la phase haute du cycle de croissance, n'ait pas engagé d'action structurelle sur la dépense, comme le faisait courageusement l'actuel gouvernement avec des chantiers aussi importants que la décentralisation, la réforme budgétaire et la mise en place des stratégies ministérielles de réforme.

Un large débat s'est ensuite instauré au sein de la commission.

M. Roland du Luart a estimé que si le budget de l'outre-mer faisait traditionnellement apparaître de forts reports de crédits, notamment en investissement, il ne fallait pas négliger l'importance psychologique des effets d'annonce. Par ailleurs, souhaitant engager une réflexion non-partisane sur les erreurs du passé afin d'en tirer d'utiles enseignements, il a souhaité savoir si le dépassement de la norme de dépense était un « classique » de l'alternance politique.

M. Jean Arthuis, président, a ainsi estimé que les budgets pré-électoraux faisaient souvent preuve d' « exubérance irrationnelle ».

S'agissant du recul de l'investissement en 2002, M. Jacques Oudin a souhaité connaître la décomposition de cette évolution entre l'investissement privé, l'investissement de l'Etat et celui des collectivités territoriales.

M. Maurice Blin a souligné un paradoxe qu'il a demandé au rapporteur général de bien vouloir éclaircir, estimant que la France connaissait un fort endettement public et une croissance stagnante, alors que les Etats-Unis, en revanche, réussissaient à combiner endettement public fort et croissance soutenue. Il a par ailleurs rappelé que dans les années 1960 et 1970, la France s'endettait dans un contexte de forte croissance et surtout de forte inflation, ce qui rendait cet endettement public beaucoup moins douloureux.

M. Bernard Angels a estimé que la dérive des dépenses en 2002 ne pouvait être imputée à un seul gouvernement et qu'il convenait collectivement d'en tirer les leçons. Il a notamment regretté que l'Union européenne ne soit pas le cadre d'une coopération et d'une concertation économique plus intense.

M. Aymeri de Montesquiou a demandé au rapporteur général des précisions sur les reports de crédits enregistrés depuis 1993.

M. Yves Fréville a expliqué pourquoi, selon lui, l'exécution budgétaire de 2002 était différente de celle de 2001 alors que la conjoncture économique était déjà dégradée en 2001.

M. Michel Moreigne a souhaité avoir plus de précisions sur les modalités et le contenu du « gel républicain » des dépenses intervenu avant les élections de 2002.

M. Jean Arthuis, président, a dit craindre que l'exécution budgétaire 2003 ne présente autant de mauvaises surprises que celle de 2002, estimant que l'aléa principal résidait dans le niveau attendu de recettes dans la mesure où la dépense était « tenue ». Il a par ailleurs souhaité connaître le montant des opérations extérieures militaires enregistrées en 2002 et regretté qu'elles n'apparaissent pas dans la loi de finances initiale au sein du budget de la défense. Enfin, il a déploré le fait que la norme des 3 % de déficit public apparaisse de plus en plus comme un point d'équilibre alors que l'objectif vertueux devrait être 0 %.

En réponse aux différents intervenants, M. Philippe Marini, rapporteur général, a indiqué que d'autres pays raisonnaient, non pas, année budgétaire après année budgétaire, mais sur la base du cycle économique : ainsi, le gouvernement britannique s'était fixé comme objectif un solde budgétaire courant nul sur l'ensemble du cycle, ce qui commandait de dégager des marges de manoeuvre en période de conjoncture favorable.

S'agissant de la question de l'inflation, il a estimé que l'objectif d'inflation fixé dans la zone euro mériterait d'être symétrique et de jouer également un rôle d'alerte lorsque des risques déflationnistes apparaissaient. Il s'est interrogé sur les modalités de pilotage des normes de la politique monétaire qui, selon lui, ne devait pas être laissé à la seule appréciation de la Banque centrale européenne (BCE).

S'agissant de la dérive des dépenses constatée en 2002, il a indiqué que sur un total de 7,1 milliards d'euros, 5 milliards relevaient du premier semestre - gouvernement de M. Lionel Jospin- et 2,5 milliards d'euros du second semestre - gouvernement de M. Jean-Pierre Raffarin. Il a reconnu que toutes les alternances faisaient apparaître un décalage fort entre les dépenses annoncées et les dépenses réelles. Quant au « gel républicain » intervenu en février 2002, il a regretté qu'il n'ait pas pris en compte la dégradation de la conjoncture alors connue du gouvernement.

S'agissant des reports de crédits observés au budget de l'outre-mer, il a indiqué que depuis 1998, ils étaient de l'ordre de 200 millions d'euros chaque année et concernaient prioritairement les dépenses en capital. Il a assuré M. Roland du Luart de son soutien personnel à toute initiative visant à aligner les crédits proposés sur leur niveau réellement consommable. Il a ensuite invité chaque rapporteur spécial à examiner avec attention l'exécution budgétaire du département ministériel dont il avait la charge, notamment sous l'angle des reports de crédits.

Il a indiqué que la formation brute de capital fixe des administrations publiques avait augmenté de 3,1 % et que le recul global (- 2,6 %) s'expliquait essentiellement par la baisse de l'investissement privé (- 3,7 %). Quant aux opérations extérieures, il a indiqué que leur coût s'établissait, au 30 juin 2002, à 680 millions d'euros.

Il s'est réjoui que la variation de la dette de l'Etat fasse bientôt l'objet d'un vote en loi de finances, conformément aux dispositions de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), tout en regrettant que cette innovation n'intervienne pas avant l'examen de la loi de finances pour 2006.

A l'issue de cet examen, la commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter sans modification les articles et l'ensemble du projet de loi de règlement.

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