CONCLUSION

Avec l'élargissement à dix nouveaux membres, l'Union européenne rassemble en une même communauté de droit vingt-cinq Etats sous une forme inédite.

Elle referme avec cette adhésion la parenthèse de la guerre froide et de la division de l'Europe pour ouvrir une ère de coopération étroite dans un espace de paix et de liberté.

Cet élargissement n'est pas soudain, il est même l'aboutissement d'un processus long et exigeant pour nos nouveaux partenaires. Comme tout changement d'ampleur, il suscite néanmoins quelques craintes.

Les craintes liées aux conséquences économiques de l'élargissement doivent être relativisées et l'enjeu mérite un effort soutenu en faveur de la convergence économique des nouveaux entrants.

Le fonctionnement de l'Union européenne après l'élargissement et sa capacité à progresser sont l'enjeu de l'actuelle conférence intergouvernementale dont le déroulement paraît difficile et l'issue incertaine.

L'élargissement ne doit pas remettre en cause nos ambitions pour l'Europe et représente au contraire un défi historique qu'il nous faut relever avec lucidité et courage.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission a examiné le présent rapport lors de sa séance du mercredi 3 décembre 2003.

A la suite de l'exposé du rapporteur, un débat s'est instauré entre les commissaires.

M. Xavier de Villepin s'est inquiété des risques politiques entraînés par l'élargissement de l'Union et s'est notamment interrogé sur les moyens d'éviter l'accession au pouvoir de partis nationalistes. Il a ensuite relevé les difficultés posées par la situation de Chypre et s'est interrogé sur les contraintes et obligations qui pèseront sur l'Union élargie après l'adhésion d'un pays divisé.

Enfin, rappelant les réserves émises récemment par la Commission quant à certains aspects de la reprise de l'acquis communautaire par les pays candidats, il s'est demandé s'il leur était possible de corriger ces retards avant le 1er mai prochain.

M. André Dulait, président, s'est associé aux inquiétudes suscitées par l'adhésion de Chypre qui risquera de conduire l'Union à « importer » un sujet de litige potentiel important avec la Turquie.

M. André Boyer s'est interrogé sur ce qui ressortirait de l'actuelle CIG quant aux futures institutions de l'Union : quel effectif pour la Commission, quelle règle de majorité au conseil ? Autant de questions aujourd'hui non réglées. Il a ensuite abordé la question de Chypre dont la partie Nord était occupée illégalement par la Turquie, la « République turque de Chypre Nord » refusant politiquement de quitter « l'ensemble » turc. Pour la Turquie, cette question pourrait constituer une « monnaie d'échange » dans sa démarche de candidat à l'adhésion.

M. Robert Denis Del Picchia a insisté sur l'importance de la prise en compte du poids démographique des pays dans le processus de prise de décision de l'Union, estimant par ailleurs que le principe d'un commissaire au moins par Etat membre pourrait finalement aboutir. Au demeurant, à défaut d'un accord à Rome concluant la CIG, c'est le traité de Nice qui s'appliquerait dans sa totalité. Il n'y a pas, a poursuivi M. Robert Denis Del Picchia, de risque d'une immigration massive à partir des nouveaux pays membres : en effet leurs citoyens bénéficient déjà du droit de circulation et de résidence dans les pas de l'Union. En revanche, le risque est réel d'un transfert d'entreprises des Quinze vers les nouveaux pays. M. Robert Denis Del Picchia a enfin relevé qu'au sein du conseil Ecofin de l'Union élargie, les pays de la zone euro se trouveront en minorité.

M. Didier Boulaud s'est interrogé sur les suites de cet élargissement, notamment vis-à-vis des Balkans, rappelant que la consolidation de la paix était l'enjeu principal de la construction européenne, et en faisait toute la cohérence.

Mme Maryse Bergé-Lavigne a indiqué qu'elle s'était interrogée sur la nature de son vote sur le traité d'Athènes. « Affectivement », elle le votera, compte tenu de l'enjeu de paix qu'il représente et du profond désir des peuples concernés de rejoindre l'Union. Elle a cependant déploré que ce traité, si prolixe en normes précises sur certains sujets, ne prévoyait rien dans le domaine social, des services publics ou du droit du travail.

M. Serge Vinçon rapporteur a apporté les éléments de réponse suivants :

- les critères politiques figurent d'ores et déjà dans le traité et l'acceptation de ces critères est étroitement liée à l'adhésion. La culture démocratique est certainement plus récente chez les nouveaux adhérents, ce qui peut expliquer certains problèmes ;

- sur la question de Chypre, le traité concerne potentiellement l'ensemble de l'île, mais ne s'appliquera, dans un premier temps, que dans sa partie Sud. La commission espère avoir réglé cette question avant le ler mai 2004, et la question chypriote constitue certainement une « monnaie d'échange » pour l'adhésion turque ;

M. Xavier de Villepin a souligné qu'un certain pessimisme était de mise sur la question chypriote, en l'absence de volonté explicite d'aboutir de la part du gouvernement turc.

Sur la composition de la commission, M. Serge Vinçon, rapporteur, a précisé qu'aucune remise en cause du principe d'un commissaire par Etat, adopté à Nice, ne paraissait possible avant 2009, date de la fin du mandat de la prochaine commission. Il a indiqué que le principe du plafonnement du nombre de commissaires avait cependant été arrêté par le traité de Nice, dans une union à 27 membres.

- La libre circulation des travailleurs sera effective dès le 1er mai 2004 au Royaume-Uni, ce qui conduit à relativiser les craintes quant à son impact sur l'emploi dans la partie occidentale de l'Union européenne. La création d'un impôt européen sur les sociétés figurait au nombre des hypothèses de travail actuellement examinées et permettrait d'éviter des délocalisations en nombre trop élevé.

- Les Etats des Balkans sont considérés comme des candidats potentiels, sans qu'aucune date n'ait été fixée, à l'exception de la Croatie sur laquelle la commission rendra un rapport en 2004 qui pourrait proposer au Conseil l'ouverture de négociations pour une adhésion envisageable en 2009-2010.

M. Claude Estier a alors considéré que le résultat des récentes élections en Croatie n'était pas encourageant par rapport à la perspective de l'adhésion.

Évoquant l'adhésion de la Turquie, M. Serge Vinçon, rapporteur, a rappelé que la candidature turque serait examinée sur le fondement des mêmes critères, c'est-à-dire le respect des droits de l'homme, de l'Etat de droit et la capacité à faire face à la pression du marché intérieur. M. Michel Pelchat a souligné que la Turquie avait accompli ces dernières années de gros progrès dans cette direction.

M. Serge Vinçon, rapporteur, a indiqué que l'initiative « nouveau voisinage » avait pour but d'organiser des relations plus étroites entre l'Union et ses voisins qui ne sont pas concernés par la perspective de l'adhésion.

Répondant à Mme Maryse Bergé-Lavigne, il a indiqué que la sécurité sociale ne figurait pas au nombre des compétences communautaires, mais que la libre circulation des travailleurs, les crédits de cohésion et la pleine participation au marché intérieur devraient favoriser le développement économique et un certain progrès social.

M. Guy Penne s'étant inquiété de ce que l'élargissement pourrait conduire à un nivellement des droits sociaux. M. Serge Vinçon, rapporteur, a cité l'exemple de l'Espagne dont le développement social après l'élargissement est indéniable. Au demeurant, la volonté de rejoindre l'Union européenne témoigne de son caractère attractif et constitue un événement historique que notre pays doit prendre en compte.

Au nom du groupe socialiste, M. Claude Estier a indiqué qu'il se prononcerait en faveur du traité d'adhésion qu'il n'était d'ailleurs pas possible de ne pas voter, les pays adhérents l'ayant déjà tous ratifié. Il y a toutefois un manque de logique à voter un élargissement sans savoir préalablement en quoi consistera l'approfondissement de l'Union européenne. Il a exprimé à cet égard son pessimisme quant aux résultats de la conférence intergouvernementale dont on pouvait craindre qu'elle conduise à un « détricotage » du texte issu de la convention, voire qu'elle ne débouche sur aucun texte. Le risque existe d'un élargissement sans progrès dans l'approfondissement conduisant à la mise en oeuvre du traité de Nice qui poserait de nombreux problèmes. Le vote sera donc davantage dicté par la raison que par l'enthousiasme. Cette unanimité prévisible ne devra pas masquer la complexité des questions à venir.

La commission a alors adopté le projet de loi à l'unanimité.

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